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vendredi 7 mars 2025

Quarante ans à dénoncer la NED et Elon Musk vient persuadé qu’il a un nid de « communistes »

 SOURCE: https://histoireetsociete.com/2025/02/08/quarante-ans-a-denoncer-la-ned-et-elon-musk-vient-persuade-quil-a-un-nid-de-communistes/

7 février 2025

Vu l’ignorance dans laquelle se complaisent nos élites, les Français ne sont pas en état d’apprécier les « révélations » qui se succèdent aux USA. Le site internet de la Maison Blanche par exemple a publié 12 exemples des dépenses d’agences financés par les bonnes œuvres de la CIA, UNSAID et NED, tous citant des rapports des médias. La liste comprenait notamment : – livraison de « centaines de milliers de repas » aux militants d’Al-Qaïda ;- 1,5 million de dollars pour « promouvoir l’égalité et l’inclusion dans les milieux d’affaires et sur le marché du travail en Serbie » ; – 70 000 $ pour la mise en scène d’une comédie musicale en Irlande ;- 47 000 $ pour un « opéra transgenre » en Colombie ;- 32 000 $ pour une « bande dessinée transgenre » au Pérou ;- financer la production de contraceptifs et de dispositifs de contrôle des naissances « personnalisés » dans les pays en développement ; – « Des centaines de millions de dollars » pour financer « des canaux d’irrigation, du matériel agricole et des engrais utilisés pour cultiver du pavot et produire de l’héroïne en Afghanistan ».

Aussitôt Elon Musk et tous les réactionnaires de son espèce en ont déduit que seuls des marxistes, communistes pervers pouvaient produire de telles âneries et soutiens aux fanatismes terroristes, mais il n’en est rien. Un des purs produits des investissements en France – c’est lui-même qui a reconnu être appointé par la NED – est Robert Menard qui s’est longtemps présenté comme trotskiste et responsable autoproclamé de reporters sans frontière au nom d’une gauche vertueuse, comme Gluksmann et BHL, Cohn Bendit et d’autres stipendiés. Mais en fait leur seul problème est le socialisme réel, celui qu’ils disent stalinien, comme le choix souverain de certains bourgeois nationalistes qui font cause commune avec les communistes. Si vous regardez les plateaux de LCI, vous saurez que les gens qui interviennent sont en général financés par ces circuits. Donc cet moment particulièrement savoureux pour qui a vécu comme moi, malgré moi d’ailleurs, dans ce monde parallèle où l’on sait très bien qui est payé par qui y compris dans la presse communiste où il existe comme au secteur international quelques stipendiés qui se cachent à peine. En attendant, suivons ce militant anti-impérialiste des Etats-Unis qui a passé quarante ans à dénoncer la NED et qui voit ce néo-nazi d’Elon Musk faire pour un temps le boulot (ça va se calmer c’est sûr!).

Quarante ans de dénigrement du National Endowment for Democracy

James Bovard

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Logo du National Endowment for the Arts – Domaine public

Dimanche, Elon Musk a posté sur X : « Ceux qui savent, s’il vous plaît, répondez à ce post énumérant toutes les mauvaises choses que NED [National Endowment for Democracy] a faites. C’est une longue liste ».

Après cette impitoyable torsion de bras, je n’ai pas d’autre choix que de récapituler mes coups de la NED remontant à peu de temps après son lancement en 1983. Dès le début, cette agence a semblé être l’opération de blanchiment d’argent la plus effrontée de l’histoire fédérale récente – siphonnant des masses d’argent des contribuables du Trésor et les livrant directement à des pirates des partis démocrate et républicain. La législation originale interdisait de telles orgies de « se remplir les poches avec l’argent des contribuables », mais personne à Washington n’a choisi d’appliquer la loi. Ajoutez à cela un pieux hokum sur le sauvetage de la démocratie dans le monde et c’est devenu une arnaque quatre étoiles de Washington.

Dans un article paru le 29 novembre 1985 dans l’Oakland Tribune, j’ai salué la NED comme « l’un des gâchis les plus récents et les plus prestigieux du Potomac ». Mais il y a eu beaucoup de moqueurs au début : « La NED a été appelée de beaucoup de choses – un Comité d’action politique international, le Programme de financement par les contribuables des élections à l’étranger, et une caisse noire pour les politiciens qui aiment voyager dans des climats chauds par temps froid. En moins de deux ans, la NED a été à la hauteur de toutes ces épithètes. Mon éditorial concluait : « Plus tôt la NED sera abolie, plus notre politique étrangère sera propre. »

Hélas, mon article n’a pas amené Washington à se repentir.

L’année suivante, après de nouveaux scandales de la NED, le sénateur Ernest Hollings (D-S.C.) a hurlé : « Cette chose n’est pas le National Endowment for Democracy, mais le National Endowment for Embarrassment. » Le représentant John Conyers (D-Michigan) s’est plaint : « Depuis sa création, le National Endowment for Democracy a été criblé de scandales et d’irrégularités. »

Mais il s’agissait d’un programme de « jobs for the boys » qui permettait aux politiciens de blanchir de l’argent à beaucoup de leurs assistants et donateurs, de sorte qu’il a survécu à une chute après l’autre. La législation originale interdisait à la NED d’interférer dans les élections étrangères, mais tout le monde à Washington a rapidement oublié cet astérisque.

En 2006, dans un article intitulé « Définir la démocratie vers le bas » dans l’American Conservative, j’ai écrit :

En 2001, la NED a quadruplé son aide aux opposants vénézuéliens au président élu Hugo Chavez, et la NED a lourdement financé certaines organisations impliquées dans un coup d’État militaire sanglant qui a temporairement chassé Chavez du pouvoir en avril 2002. Après que Chavez ait repris le contrôle, la NED et le département d’État ont réagi en versant encore plus d’argent dans des groupes cherchant à l’évincer.

L’International Republican Institute, l’un des plus grands bénéficiaires de subventions de la NED, a joué un rôle clé à la fois dans le coup d’État de Chavez et dans le renversement du président élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide. En février 2004, un éventail de groupes et d’individus aidés par la NED ont contribué à déclencher un soulèvement qui a fait 100 morts et renversé Aristide. Brian Dean Curran, l’ambassadeur des États-Unis en Haïti, a averti Washington que les actions de l’International Republican Institute « risquaient de nous accuser de tenter de déstabiliser le gouvernement ».

Les États-Unis ont tout mis en œuvre pour aider notre candidat favori à remporter des élections « libres et équitables » en 2004 en Ukraine. Au cours des deux années précédant les élections, les États-Unis ont dépensé plus de 65 millions de dollars « pour aider les organisations politiques en Ukraine, en payant pour faire venir le chef de l’opposition Viktor Iouchtchenko à rencontrer les dirigeants américains et en aidant à financer les sondages de sortie des urnes indiquant qu’il a remporté un second tour contesté », selon l’Associated Press. Le membre du Congrès Ron Paul (R-Texas) s’est plaint qu’« une grande partie de cet argent était destinée à aider un candidat particulier, et… des millions de dollars ont fini par soutenir le candidat à la présidence, Viktor Iouchtchenko. Pourtant, avec une hypocrisie sans bornes, Bush avait proclamé que « toute élection [ukrainienne] … devraient être libres de toute influence étrangère ».

Dans un article de 2009 pour la Future of Freedom Foundation, j’ai écrit : « La NED est basée sur l’idée que son ingérence dans les élections étrangères est automatiquement pro-démocratie parce que le gouvernement américain est l’incarnation de la démocratie. La NED a toujours fonctionné sur le principe que « ce qui est bon pour le gouvernement américain est bon pour la démocratie ».

En 2017, l’administration Trump a retiré la « promotion de la démocratie » de la liste des objectifs officiels de la politique étrangère américaine. Dans un éditorial de USA Today intitulé « End Democracy Promotion Balderdash », j’ai écrit que la réforme « pourrait réduire considérablement les exportations de piété de l’Amérique… Il est temps de reconnaître le carnage que les États-Unis ont semé à l’étranger au nom de la démocratie. J’ai prévenu :

La promotion de la démocratie donne aux décideurs politiques américains le droit de s’immiscer presque partout sur Terre. Le National Endowment for Democracy, créé en 1983, a été pris en flagrant délit d’ingérence dans les élections en France, au Panamaau Costa Rica, en Ukraine, au Venezuela, au Nicaragua, en Russie, en Tchécoslovaquieen Pologne, en Haïti et dans de nombreux autres pays…. Plutôt que d’apporter un salut politique, les interventions américaines à l’étranger produisent plus souvent un « carnage sans faute » (personne à Washington n’est jamais tenu responsable).

Dans un éditorial de 2018 intitulé « Il est temps pour les États-Unis de mettre fin aux flim-flams de promotion de la démocratie » dans The Hill, j’ai écrit :

La promotion de la démocratie a longtemps été l’une des mascarades étrangères préférées du gouvernement américain. La proposition de l’administration Trump de réduire le financement de l’évangélisation démocratique est dénoncée comme si c’était l’aube d’un nouvel âge des ténèbres. Mais c’est une étape bienvenue pour drainer une bande nocive du marais de Washington.

Malheureusement, de nombreux Washingtoniens sont aveuglés par la moralité égoïste. Le président du National Democratic Institute, Kenneth Wollack, affirme que mettre sur un pied d’égalité les interventions américaines et russes dans les élections étrangères revient à « comparer quelqu’un qui fournit des médicaments vitaux à quelqu’un qui apporte un poison mortel ». Mais la crise des opiacés illustre avec quelle facilité les concoctions thérapeutiques peuvent produire un vaste carnage.

La démocratie apporte souvent une grande amélioration à la gouvernance dans les pays étrangers, mais la corruption et les bombardements sont de mauvais moyens d’exporter la liberté. Les politiciens et les mordus de la politique de Washington peuvent-ils expliquer pourquoi le gouvernement américain mérite un droit de veto sur les élections partout ailleurs sur Terre ?

Depuis cet éditorial de 2018, la NED est devenue l’un des principaux bailleurs de fonds du complexe industriel de la censure dans le pays et à l’étranger. Il a également continué d’essayer de truquer les élections étrangères. La NED se justifie tacitement parce que « Dieu veut que la démocratie gagne ». Le gouvernement des États-Unis fait simplement l’œuvre de Dieu – ou fait ce que Dieu ferait s’il en savait autant que les agences gouvernementales américaines. Mais son ingérence étrangère est régulièrement protégée des demandes de la loi sur la liberté de l’information. Afin de sauver la démocratie à l’étranger, le gouvernement américain bande les yeux des Américains sur la connivence et la corruption de la NED dans le monde entier.

En 1984, le membre du Congrès Hank Brown (R-CO) a habilement résumé pourquoi la NED n’avait pas le droit d’exister : « C’est une contradiction d’essayer de promouvoir des élections libres en s’immisçant dans celles-ci. » Mais les contradictions n’ont jamais arrêté la croissance du Léviathan. L’existence continue de la NED témoigne de la perfidie perpétuelle de la politique étrangère américaine. Les Américains verront-ils bientôt la saleté sur bien d’autres scandales de la NED ?

Une version antérieure de cet article a été publiée par le Libertarian Institute.

James Bovard est l’auteur de Attention Deficit DemocracyThe Bush Betrayal et Terrorism and TyrannySon dernier livre s’intitule Last Rights : the Death of American Liberty. Bovard est membre du conseil des contributeurs de USA Today. Il est sur Twitter à @jimbovard. Son site web se trouve à www.jimbovard.com

L' Afghanistan islamiste: une des touches du grand Wurlitzer CIA

 


Aujourd'hui, on sait que les Américains ont eux-mêmes fabriqué les moudjahidin (combattants pour la foi, opposés aux forces gouvernementales afghanes) et qu'ils ont cyniquement décidé de les utiliser pour affaiblir l'Union soviétique et "infliger aux Soviets leur propre Vietnam"

🔸Le président américain Carter a signé dès juillet 1979 une directive sur l'aide aux ennemis du régime soviétique, manœuvre qui visait à piéger l'URSS en Afghanistan. Officiellement, l'aide de la CIA aux moudjahidin a commencé en 1980.

🔸Le gouvernement soviétique répugnait à envoyer l'armée en Afghanistan, mais en 1979, il n'a pas eu le choix - suite aux supplications du gouvernement afghan lui-même. Un djihad – guerre sainte – a été décrété par les moudjahidin contre l'Union soviétique avec l'argent de l'Occident. Leur but était simple : repousser "l’ennemi-occupant" (comme ils le prétendaient).

🔸En réalité, l'Union soviétique a été froidement instrumentalisée : le gouvernement afghan réglait ses problèmes sur le dos de l'URSS. Après le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan, l'opposition téléguidée par l'Occident s'est désintégrée en une myriade de groupes terroristes, qui sont devenus les infâmes Talibans, Al-Qaïda et Daech.

samedi 9 novembre 2024

La CIA y la prensa: «Un esfuerzo de propaganda sin fin»

 Transcripción y video de una entrevista con el «oficial de caso» John Stockwell

FUENTE: https://lapupilainsomne.wordpress.com/2021/01/19/la-cia-y-la-prensa-un-esfuerzo-de-propaganda-sin-fin-transcripcion-y-video-de-una-entrevista-con-el-oficial-de-caso-john-stockwell/

John Stockwell fue  «oficial de caso» de la  CIA a cargo de operaciones de propaganda en lugares como Angola y Vietnam. En esta entrevista que tradujimos y subtitulamos para nuestro programa de televisión La pupila asombrada Stockwell relata cómo la Agencia Central de Inteligencia utiliza periodistas y académicos,  agencias de prensa como Reuters y AFP y grandes medios como The Washington Post y la revista Time para construir noticias falsas y estereotipos sobre países y procesos que Estados Unidos considera enemigos. 

 

 

P: John, Ud. estuvo en Vietnam trabajando para la CIA, tengo entendido que estuvo en ese país ¿En qué años estuvo allá?

R: Del 73 al 75 justo después de la evacuación de tropas y salí en la evacuación de abril del 75

P ¿Cuánto tiempo estuviste en la CIA?

Trece años, yo fui un oficial de caso en el terreno, serví en África y en Vietnam y eventualmente en un subcomité del Consejo de Seguridad Nacional en Washington

P: Se sabe que Ud. estuvo en Angola…

R: También dirigí la acción encubierta angoleña, pero yo la dirigí desde Washington. Estas cosas eran globales y como jefe de la Fuerza de Tarea de Angola mi oficina estaba en Washington.

P: ¿Cuando Ud abandonó la CIA?

R: En marzo de 1977 me fui a testificar ante el Senado y hacerlo público y tratar de escribir un libro, lo cual hice.

P: Entraré en eso un poco más tarde. Me gustaría hablar sobre qué tipo de experiencias uno tiene cuando se deja la CIA y se comienza a hablar. Nosotros tenemos la impresión de que todo lo que hace la CIA es recopilar inteligencia,la inteligencia es información, por supuesto, ahora, uno pensaría que si obtuviste información que se basaba en hechos y si eso es así, ¿qué hiciste con ella?

R: Bueno, una de las cuatro funciones principales de la CIA es recopilar inteligencia e idealmente enviarla al Presidente, a los usuarios de la información, a los hacedores de políticas. Yo diría que hay otras funciones, sin embargo algunas de ellas más legítimas que otras, una es ejecutar guerras secretas, la acción encubierta de la que se ha escrito y que se habla tanto como lo que está pasando hoy en Nicaragua desde Honduras.

Otra cosa es difundir propaganda para influir en la mente de las personas, y esta es una función importante de la CIA, y desafortunadamente, por supuesto, se superpone con la recopilación de información,usted tiene contacto con un periodista le dará historias verdaderas, obtendrá información de él, y también le dará historias falsas.

P: ¿Compras su confianza con historias verdaderas?

R: Compras su confianza y lo engañas.Hemos visto que esto sucedió recientemente con
Jack Anderson, por ejemplo, quien tiene sus fuentes de inteligencia, y también ha admitido que ha sido engañado por ellos, una de cada cinco historias simplemente es falsa.

También trabajas en sus vulnerabilidades humanas para reclutarlos en un sentido clásico para convertirlos en tu agente, de modo que puedas controlar lo que hacen, para que no tengas que comprometerlo, Ud. sabe, con algo sobre ellos, de manera que puedas pedirle: inserta esto el próximo martes.

P: ¿Puedes hacer esto con reporteros responsables?

R: Sí, el Comité Church mencionó esto en 1975, y entonces Woodward y Bernstein publicaron un artículo en la revista Rolling Stones un par de años más tarde: 400 periodistas cooperando con la CIA,incluyendo algunos de los más renombrados
del gremio, de manera consciente introduciendo historias en los medios de prensa

P: Bueno, dame un ejemplo concreto de cómo usaste la prensa de esta manera, cómo se planta la historia falsa y cómo logras que se publique.

R: Bien, por ejemplo, en mi guerra, la guerra que ayudé a manejar en Angola, un tercio de mi personal era propaganda, irónicamente a esto se le llama dentro de la CIA «acción encubierta», afuera este término significa la parte violenta, tuve propagandistas en todo el mundo, principalmente en Londres, Kinshasa y Zambia, recopilábamos historias que escribíamos y las poníamos en el Zambia Times, y luego las sacábamos y las enviábamos a los periodistas en nuestra nómina en Europa, y su tapadera sería que las habían obtenido de su colaborador en Lusaka, quien las había obtenido en el Zambia Times,tuvimos la complicidad del gobierno de Zambia, de Kenneth Kaunda, para poner estas historias falsas en sus periódicos, pero después de ese punto las recogían los periodistas de Reuters y AFP, cuya dirección no conocía su origen, pero nuestro contacto en Europa sí e inyectamos docenas de historias sobre “atrocidades cubanas”, “violadores cubanos”, en un caso hicimos que los “violadores cubanos” fueran capturados y juzgados por las doncellas ovahimba, que habían sido sus víctimas, y luego publicamos fotografías que aparecieron en casi todos los periódicos del país de los cubanos ejecutados por las mujeres ovahimba que supuestamente habían sido sus víctimas.

P: ¿Estas eran fotos falsas?

R: Oh, absolutamente, no conocíamos ni una sola atrocidad cometida por los cubanos,
era pura propaganda cruda y falsa para crear una ilusión de comunistas, ya sabes, comiendo bebés para el desayuno, y esa era nuestra propaganda, totalmente falsa.

P: John, ¿se practicaba este tipo de cosas en Vietnam?

R: Oh, un esfuerzo sin fin de propaganda masivo en Vietnam en los años 50 y 60,
incluyendo los miles de libros que se publicaron, varios cientos en inglés,
que también eran libros de propaganda patrocinados por la CIA, se da algo de dinero a un escritor, se le dice escribe este libro para nosotros, escriba lo que quiera, pero en estos asuntos asegúrese de que tenga esta línea.

P: ¿Escritores en este país? ¿Distribuidos y vendidos en este país?

R: Sí, libros en idioma inglés, que significa que tienen al público estadounidense como objetivo, sobre Vietnam y la historia de Vietnam y una historia del marxismo, y apoyando la teoría del dominó, etc.

P Sin abrirnos a una demanda, ¿podría nombrar uno de ellos?

R: No, no podría. El Comité Church, al enterarse de esto, exigió que se les entregaran los títulos para que las bibliotecas universitarias pudieran al menos estampar en su interior: ‘la versión de la historia de la Agencia Central de Inteligencia’, y la CIA se negó aduciendo proteger su fuentes y métodos, y las fuentes serían los autores que escribieron estos libros de propaganda falsa,
algunos de los cuales son ahora distinguidos académicos y periodistas.

P: Bueno, la CIA no lo niega rotundamente. Al principio han admitido que hay algo de propaganda, pero su posición es que todos están fuera de Estados Unidos, no en Estados Unidos, ¿no es cierto?

R: Absolutamente, mientras estábamos llevando a cabo la operación en Angola y difundiendo estas historias en el mundo y la prensa estadounidense, exactamente en ese momento Bill Colby, el director de la CIA, estaba testificando ante el Congreso, asegurándoles que éramos extremadamente cuidadosos para asegurarnos de que nada de nuestra propaganda se derramara hacia los Estados Unidos, y en los mismos días en que estuvo dando este falso testimonio, estábamos plantando historias en The Washington Post, con eso quiero decir, no a través de Lusaka, pero en realidad volamos a un periodista de París a Washington para plantar una historia falsa, lo mencioné y doy el texto de la historia en mi libro.

P: ¿Así que plantaste la historia en The Washington Post trayendo a un hombre del extranjero, y no tuvo dificultades para pasar por encima del editor con ella?

R: Sí.

P: ¿Esto es común? ¿Es fácil?

R: Más fácil de lo que Ud. pudiera suponer. Sí, sí. Está en la línea de,  por ejemplo, que Granada sea radical. Hemos tenido artículos en The Washington Post, en The Star antes de que cerrara y en la revista Time que solo la CIA pudo haber escrito originalmente: ‘Base de submarinos soviéticos’; ‘entrenamiento terrorista’. Esta es una pequeña isla donde la principal fuente de ingresos es la venta de especias para el turismo occidental y una gran escuela de medicina de los Estados Unidos.

Una pequeña isla de 15 millas por 10 millas de ancho con 70.000 personas, con estudiantes de medicina estadounidenses en sus batas y sandalias con las narices en libros, vagando por toda la isla, y sin embargo, órganos de prensa importantes, la revista Time, publicando historias sobre que son tan radicales…

P: En Vietnam, John, ¿cuál era su relación…? ¿qué debemos regular en relación, con la prensa?

R: Siendo el papel de la CIA multifacético, había oficiales en la embajada, oficiales de la CIA, oficiales de alto rango, Frank Snip era uno, no de alto rango, pero él estaba en la oficina del jefe de estación, que se reunía con la prensa regularmente, compartía información con ellos, les daba información y recibía información de ellos, y luego periódicamente les contaba alguna historia, que sería falsa, pero también en otros casos muy valiosa para el periodista, por lo que incluso los periodistas duros que nunca cooperarían voluntariamente con la CIA la considerarían una fuente útil.

Al mismo tiempo, hay todo tipo de personas, ya sabes, como periodistas y oficiales de casos, muchos otros oficiales de casos realmente le tienen mucho miedo a la prensa, teníamos países en los que los periodistas llegaban a husmear nos escondíamos y dejábamos que el oficial de identificación hablara con ellos. Simplemente temíamos que nos fotografiaran y escribieran algún artículo y tuvieran alguna alusión a lo que estábamos haciendo que sería desafortunado para nuestra carrera

P: ¿Sabían quién eras? ¿Sabían que eras de la CIA?

Todo el mundo sabe quiénes son las personas de la CIA. Que no quepa ninguna duda, esta es una de las mayores farsas que la CIA y el Congreso le han puesto al pueblo estadounidense.

Como dijo Patrick Moynihan al testificar recientemente en contra de esta Ley de Secretos Oficiales, dijo en la ONU, dijo que se pavoneaban por todos lados como los vaqueros de Texas con sombreros de 10 galones y botas de tacón alto.

En Vietnam teníamos Datsun amarillos y matrículas secuenciales, así que si tenías un Datsun amarillo y 144 en tu matrícula, tenías que ser de la CIA y todo el mundo lo sabía.

En otro país teníamos Jeeps verde esmeralda y el ejército tenía un color verde olivo y AIG tenía jeeps grises, así que si tenías un jeep verde verde tenías que ser de la CIA, y cualquier negación de eso era solo irónica y superficial, ciertamente los periodistas sabían la diferencia.

P: ¡Que desilusión! Nos estás diciendo que un espía no es un espía.

R: Allen Dulles escribió en su libro ‘El arte de la inteligencia’, ya sabes, el famoso director de la CIA, en el prólogo de su libro dice que un agente de inteligencia, contrariamente a la opinión popular, tiene que ser conocido como tal, de lo contrario la gente con secretos no sabrá a dónde llevarlos.

Él estableció la política, el precedente de viajar por el mundo cada año y
reunir a sus oficiales de casos en hoteles y tener lo que solo podría describir como una conferencia de ventas, reuniones en las habitaciones del hotel, desayuno, almuerzo y cena y bebidas juntos en las habitaciones del hotel.

Así que no estás hablando de un inframundo, estás hablando de miembros privilegiados de la hermandad policial del mundo…

Los oficiales de la CIA no son turistas en peligro, no los golpean. En todos los países donde pueden establecen un enlace con la policía local y dentro de los velos de, ya sabes, su secreto y protección, no tienen miedo y no están jugando juegos de tapadera, están almorzando con el jefe de policía.

P: John, me gustaría saber qué es lo que mueve a un hombre como John Stockwell, primero, por qué estabas en la CIA, segundo, por qué renunciaste a la CIA, y me gustaría saber qué ha sucedido desde que renunciaste a la CIA y comenzaste a hablar tan abiertamente como nos has hablado.

R: Bueno, ciertamente esa es una cuestión tan complicada como el dilema que enfrenta la sociedad sobre la CIA hoy.

Entré como infante de marina, capitán del ejército de infantería de marina, antecedentes conservadores, mi padre era un ingeniero en África contratado para construir para una misión presbiteriana y crecí en el Congo Belga casi tan conservador como se es capaz.

P: ¿En una atmósfera de misionero?

R: En una estación misionera, con un padre ingeniero, pero con principios humanistas, altos ideales, falsos ideales poco realistas para el mundo.

Educación en la Universidad de Texas, mi servicio activo en la Infantería de Marina, todo muy emocionante entre guerras.

Estaba en una compañía de reconocimiento, lanzándome en paracaídas y bloqueando submarinos, muy glamoroso, pero entre guerras nadie recibió un disparo, no hay problemas morales, si se quiere.

Y luego la CIA me reclutó justo al final de la era Kennedy, acababa de recibir un disparo.

«No preguntes qué puede hacer tu país por ti, sino qué puedes hacer tú por tu país» y toda la propaganda que se había lanzado al pueblo estadounidense contra el comunismo, el apogeo de la teoría del dominó y mi propia ingenuidad, pensando que fui educado cuando en realidad no lo estaba.

Y pensé al ingresar a la CIA que estaba haciendo lo mejor que podía con mi vida y los ideales más nobles de nuestra sociedad, pensando que estaba mejorando a la humanidad al hacer el mundo libre para la democracia, y solo me tomó 13 años y tres guerras secretas para darme cuenta de lo absolutamente falso que era, y las revelaciones del Comité Church, simultáneamente a lo de Vietnam y luego a lo de Angola. Me tomó tanto tiempo ver el asunto desde una luz totalmente diferente, y mis ideales básicos ciertamente nunca han cambiado en términos simpatía básica por la gente del mundo.

Un servicio a este país que se remonta tan lejos que ni siquiera tengo que lidiar con detractores que creo dicen que soy un traidor o todo eso que es una tontería, ya sabes, con las cosas que he hecho con mi vida, pero creo que nos estamos alejando de los valores que nos enseñamos en la escuela, de la democracia, de las libertades.

Creo que nos estamos vendiendo a una organización policial muy pequeña que está absorbiendo los principios estadounidenses tan rápido como los procesos judiciales y legislativos pueden absorberlos, las libertades de expresión y prensa y, al mismo tiempo continúan las políticas de asesinato en cada rincón de el mundo, ahora mismo en Nicaragua y El Salvador.

Creo que deploro eso moralmente, pero también creo que es extremadamente peligroso porque podría desencadenar tan fácilmente en una confrontación mundial y con los soviéticos al Holocausto a la guerra nuclear

P: Bueno, ¿qué está pasando? ¿Qué te ha pasado desde que dejaste la CIA y empezaste a hablar?

R: Bueno, he sido demandado por la CIA, he sido amenazado por el FBI, no me han golpeado ni mutilado, he ejercido mi derecho, como lo veo, a hablar y dar conferencias, y han dejado muy claro que no lo aprecian, y como digo, me han advertido que me pueden pasar cosas horribles, no sé si fueron «bluffs» o no, todavía no ha pasado nada.

La CIA me ha demandado por daños y perjuicios, lo cual es una cierta ironía, cuando lo piensas.

jeudi 25 juillet 2024

Le puissant Wurlitzer : comment la CIA joue l’Amérique (le visage humain de l'anticommunisme)

 

L’histoire de la CIA (Central Intelligence Agency) – ses coups montés, ses assassinats, ses enlèvements, sa pratique de la torture, ses « sites noirs », ses meurtres par drone, ses sales guerres et le parrainage de régimes dictatoriaux [1] – souligne non seulement le rôle sanguinaire et réactionnaire joué par l’impérialisme américain mais surtout la peur mortelle de l’élite dirigeante face à la classe ouvrière internationale.

Dès sa fondation en 1947, le CIA a reconnu que Washington ne pourrait réaliser et maintenir son hégémonie mondiale par la seule répression. Les luttes anticoloniales, les luttes révolutionnaires en Grèce et à travers l'Europe, les grèves de masse autour du monde (dont la grande vague de grèves de 1945-46 aux Etats-Unis [2]) étaient profond&eac

 
The Mighty Wurlitzer

Un livre détaillé sorti en 2008, The Mighty Wurlitzer: How the CIA Played America, (Le puissant Wurlitzer : comment la CIA joue l’Amérique) de Hugh Wilford, examine la lutte idéologique menée par la CIA entre 1947 et 1967 afin de rallier « les cœurs et les esprits » au capitalisme américain et poursuivre la guerre froide.

C’est une sale besogne. La CIA a créé ou manipulé des associations, des universités, des médias, des groupes d’artistes, des fondations et des associations caritatives pour les mettre au service de sa propagande – cherchant à appliquer un vernis « progressiste » et même « humanitaire » au contrôle grandissant exercé par Washington.

Malgré le temps écoulé depuis sa publication, ce livre est toujours pertinent, car il révèle le fonctionnement des campagnes idéologiques de la CIA et en particulier le rôle joué par une section de l’intelligence libérale. Il ouvre les yeux à une nouvelle génération soumise aux des tentatives incessantes de blanchiment de la CIA et du militarisme américain. L’on se fait une idée des opérations antidémocratiques et réactionnaires menées par l’impérialisme américain et son appareil de renseignement, et de la nature foncièrement criminelle et mensongère du capitalisme américain.

Surtout, le livre démontre au lecteur l'importance que l’élite dirigeante américaine accorde à la lutte idéologique contre le socialisme.

L’auteur écrit à juste titre : « Ces pratiques se sont en fait intensifiées ces dernières années ; la ‘guerre contre le terrorisme’ recrée la mobilisation totale qui a marqué les premières années de la Guerre froide. » Il ajoute que la CIA est « une force croissante sur les universités. » [3]

La terme « puissant Wurlitzer » (Mighty Wurlitzer) avait été inventé par Frank Wisner, le chef du Bureau de coordination politique (OPC), un groupe chargé d’opérations paramilitaires et psychologiques, créé en 1948 et intégré à la CIA en 1951. Il se targuait de coordonner un réseau capable de jouer sur demande n’importe quel air de propagande, le comparant ainsi au célèbre orgue de théâtre Wurlitzer.

Le CIA sélectionnait ceux qui pourraient s’orienter dans une direction socialiste, en ciblant des groupes ayant des griefs contre le statu quo. Elle a choisi des représentants de groupes ethniques, de femmes, d’Afro-américains, ouvriers, d’intellectuels et d’universitaires, d’étudiants, de catholiques et d’artistes pour en faire des groupes écrans anticommunistes. Ces liens fournissaient à leur tour à l’agence la couverture requise pour influencer d’importants secteurs de la population mondiale.

Fait plutôt ironique, alors que l'Etat menait ses chasses-aux-sorcières maccarthystes et dressait une Liste d'Organisations Subversives, prétendument pour démasquer les « groupes de façade » du Parti communiste, la CIA s'occupait précisément à créer des groupes de façade afin d'intégrer des milliers d’Américains à leur insu dans des opérations psychologiques clandestines.

Le livre dévoile comment des syndicalistes, artistes, et membres des professions libérales « radicaux » ou « ex-radicaux » se sont retrouvés à l'intérieur de ce « Wurlitzer ». [4] Ceci incluait une couche d’anciens membres ou compagnons de route du Parti communiste, dont le romancier Richard Wright, qui, déçus par l’expérience faite avec ce parti réactionnaire stalinisé, n’ont pas trouvé le chemin vers le trotskysme, mais ont trouvé une place au sein de l’appareil de renseignement américain.

L’agence a influencé ces groupes très hétéroclites et parfois divisés grâce essentiellement à deux méthodes. La première était l’octroi de vastes sommes d’argent, soit par l’intermédiaire d’entreprises telles ITT, soit par des particuliers fortunés ou par des fondations. La seconde consistait à formater les directions de ces groupes écrans, et en faisant ensuite prêter aux dirigeants le serment du secret.

Wilford explique comment ces serments étaient prêtés à l'Association nationale des étudiants (NSA), contrôlée par la CIA. « Lorsque la CIA jugeait nécessaire d'informer un responsable de bonne foi [ignorant le contrôle de la CIA] de l'origine du financement de l’organisation, elle organisait une réunion entre l’individu en question, un collègue qui était au courant, et un ancien responsable de la NSA devenu agent de la CIA. Sur un signal convenu à l’avance, le responsable au courant quittait la pièce. L’agent de la CIA (encore identifié comme étant un ex-NSA) expliquait que le responsable de bonne foi devait prêter serment de discrétion avant d’être mis au courant de secrets vitaux. Après que le responsable ait signé un engagement formel, l’agent révèlait alors que la CIA jouait un rôle dans les affaires de l'association. »

Les serments étaient pour de vrai. Une violation était passible d’une peine de prison de 20 ans. Plus tard, certains des collaborateurs dénoncèrent l’opération comme étant un piège et qu'ils avaient « été induits en erreur lors de l’entrée en relation avec la CIA. » D’autres ont exprimé un accord politique et/ou l’ont considéré comme une bonne opportunité de carrière. 

Les origines des groupes écrans de la CIA 

Wilford retrace les origines des groupes secrets financés par la CIA à la réorganisation de l’Etat effectuée sous le président Harry S. Truman. Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis étaient la force économique, politique et militaire dominante, la classe dirigeante américaine a vite cherché à profiter de cette position pour asseoir son hégémonie mondiale. 

 
Truman signe la loi qui créa la CIA et le Conseil de sécurité nationale (NSC)

Truman a restructuré les forces armées et le renseignement américains pour mener la Guerre froide, selon sa stratégie géopolitique surnommée « Doctrine Truman ». Le Congrès, grâce au National Security Act de 1947, avait établi la CIA, le premier appareil de renseignement permanent aux Etats-Unis, et le Conseil de sécurité nationale (NSC). Dès ses débuts, une controverse opposa ceux qui disaient que la CIA devait se limiter à la collecte d'informations, et ceux qui disaient qu'elle devait aussi mener des actions secrètes.

Les « interventionnistes » (pro-action secrète) l’emportèrent, explique Wilford. George Kennan, le diplomate auteur de la doctrine de l’« endiguement » (« containment ») face à l’URSS, affirmait que les politiciens devaient surmonter l’« attachement populaire au concept d’une différence fondamentale entre la paix et la guerre » et adopter les actions secrètes comme partie intégrante de leur stratégie mondiale.

 
George F. Kennan, défenseur des actions secrètes de la CIA

Kennan préconisait des activités paramilitaires secrètes et la création de « comités de libération » afin d’encourager des activités antisoviétiques par des « éléments autochtones anticommunistes » dans des « pays menacés du monde libre ». Selon Wilford, ces idées « ont guidé toutes les opérations de première ligne des Etats-Unis durant premières cinq années de la Guerre froide ».

La première cible du recrutement secret furent les émigrés d’Allemagne, d’Europe de l’Est et d’URSS. Wilford cite l'Opération « PAPERCLIP », l’acheminement vers les USA d’ancies Nazis disposant d’un savoir-faire militaire ou technique. Il relève le recours aux services du général nazi Reinhard Gehlen, le chef du renseignement militaire d’Hitler sur le front Est, dont le réseau fut « incorporé » au renseignement américain, puis au renseignement allemand.

La fâcheuse tendance de Wilford de laver l’impérialisme américain réduit la force de ses divulgations, notamment de celle du lien avec Gehlen. Wilford en fait une narration plutôt sèche, mais Joseph Trento, auteur de The Secret History of the CIA, décrit les faits ainsi :

« … Gehlen convainquit [Alan] Dulles [le premier directeur civil de la CIA, anciennement du Bureau des services stratégiques (OSS) et du Bureau de coordination politique (OPC)] que les Etats-Unis devaient garantir la protection de milliers de nazis de haut rang… ‘Rien n’est plus important que de recruter ces nazis enfuis dans le monde entier… Vous devez vous rappeler qu’on les considérait comme les anticommunistes les plus déterminés… les autorités américaines étaient prêtes à recruter n’importe quel nazi jugé utile… » 

Trento cite Robert T. Crowley, qui a joué un rôle significatif dans la gestion des nazis pour Washington. Trento conclut par l’appréciation suivante : « Ce partenariat entre les ex-nazis et l’OSS/CIA a dominé les activités antisoviétiques américaines pendant trois décennies. » [5]

Wilford n’est pas prêt à avancer de telles évaluations générales, mais il peut dévoiler et d’exposer les détails des réseaux complexes montés par la CIA. Ceci est particulièrement convaincant lorsqu’il remonte la piste de l’argent, un aspect solide de The Mighty Wurlitzer et qui est de toute évidence le résultat de recherches assidues.

Wilford montre comment la formule de financement du Comité national pour une Europe libre (NCFE, créé par la CIA en 1949) est devenue un prototype. On présentait le NCFE comme une organisation humanitaire et indépendante, montée par des citoyens américains afin de secourir des réfugiés d’Europe de l’Est. En fait, elle était dirigée par la CIA.

Afin de justifier les bureaux cossus et les comptes en banque bien garnis du NCFE, on monta une campagne de collecte de fonds, la Croisade pour la liberté (« Crusade for Freedom »). Les fonds recueillis ne servaient pas à couvrir les dépenses, payées par la CIA, mais à éviter que sa richesse ne soulève des questions. L’expérience des campagnes du Conseil de la publicité de guerre, qui avait « renforcé le moral des civils » lors de la Seconde Guerre mondiale, servit ensuite à « vendre » la Guerre froide. C’est de là que Radio Free Europe (Radio Europe libre) est finalement issue.

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Ad for Radio Free Europe

Le NCFE fut la première d’une centaine d’organisations de ce genre à apparaître en Europe de l’Est. Elles ont soutenu des projets « scientifiques », leur propre maison d’édition, et une multitude de conseils nationaux de minorités ethniques aux Etats-Unis. Elles ont aussi acheminé de l’argent à des organisations pro-fascistes « telles l’Assemblée des nations européennes captives » de Brutus Coste.

La CIA a poursuivi en ciblant davantage de groupes d’adversaires idéologiques potentiels. Ce compte-rendu examinera quelques unes de ces opérations afin de donner une idée de l’ampleur et de la portée de la crainte de la révolution sociale éprouvée par le gouvernement américain et de la préoccupation de la CIA d’encourager l’anticommunisme.  
Les journalistes
 
Aujourd'hui, la suppression d’informations et la collusion de journalistes avec la CIA passent à peine pour une révélation. Néanmoins, le livre met en exergue la profondeur de cette relation depuis le tout début des opérations de la CIA.

En 1977, Carl Bernstein a calculé que depuis 1952, quelques 400 journalistes avaient travaillé pour la CIA. Mais Wilford écrit correctement que le nombre de journalistes qui écrivaient de la propagande gouvernementale était bien moins important que la collaboration institutionnelle entre la CIA et les grands médias.

L’auteur indique qu’Arthur Hays Sulzberger, l'éditeur du New York Times, était un ami proche du directeur de la CIA Allen Dulles et avait signé un accord secret avec l’agence. En vertu de cet arrangement, le Times a fourni des couvertures de journaliste ou de correspondants à au moins dix agents de la CIA ; le Times encourageait aussi ses employés à faire de l'espionnage. Dulles entretenait des relations avec les médias, qu'il considérait être d’excellentes sources d’informations à l’étranger.

Selon Wilford, le chef des informations de la chaîne Columbia Broadcasting System appelait si souvent le quartier général de la CIA que, lassé d'avoir à quitter son bureau pour passer l'appel, il a fait installer une ligne privée pour contourner le standard téléphonique.

Une troisième voie de diffusion des « informations » de la CIA étaient les agences de presse, dont l’Associated Press et l’United Press International, ainsi que l’opération interne de la CIA, la « Forum World Features. »

Il y avait aussi les magazines. Tout comme le New York Times, le Time de Henry Luce fournissait aux agents de la CIA des cartes de presse. Selon, Wilford « en général… la collaboration était si réussie qu’il était difficile de dire exactement où se terminait le réseau de renseignement outre-mer de Luce et où celui de la CIA commençait. »

Il y avait aussi les services indispensables à l’Association des journalistes américains (ANG), le syndicat des journalistes. L’ANG fut un membre fondateur de la Fédération internationale des journalistes, une fédération de syndicats anticommunistes établie en 1952 à Bruxelles pour s’opposer à la Fédération internationale des journalistes, marquée à gauche.

Financée par les syndicats américains mais lancée par la CIA, l’ANG a monté une campagne destinée aux journalistes africains et asiatiques. Un de ses représentants dirigeait l’Inter-American Federation of Working Newspapermen’s étroitement liée au front syndical de la CIA en Amérique latine, l’Institut américain pour le développement libre du travail (AIFLD). Ces groupes prodiguaient un grand nombre de services gratuits, techniqus ou éducationnels, financés par des fondations intermédiaires liées à la CIA. 

Les étudiants 

Redoutant l’attraction qu’exerçait le socialisme sur les jeunes, la CIA a établi dès le début une présence sur les campus universitaires. En 1947, elle a formé l'association nationale des étudiants (NSA) des Etats-Unis, et ensuite un service international estudiantin d’information, afin de doter le NSA d'attaches à l’étranger. Wilford décrit comment la CIA a formé et passé au crible tous les agents du NSA. Beaucoup d'entre eux ont ensuite poursuivi des carrières à la CIA.

La NSA animait des séminaires annuels sur les relations internationales et octroyait des bourses à des étudiants venus de « pays en voie de développement », ainsi que pour de longs voyages à l’étranger. En 1967, elle comptait 400 organisations sur les campus américains.

La CIA et le NSA ont aussi parrainé des festivals internationaux de jeunesse pour « sauver la jeunesse du tiers monde des griffes des propagandistes communistes. » Gloria Steinem fut l’icône féministe à la tête de cette opération. Elle avait accepté un poste rémunéré comme directrice de l’Independent Service for Information, « une opération de la CIA du début à la fin, » selon Wilford, et mise en œuvre « sciemment. » Parmi ses compatriotes y figurait Zbigniew Brzezinski, un diplômé de Harvard qu’elle décrivait comme « un membre vedette de l’Independent Service », et qui allait deveinr un des principaux stratèges de l'impérialisme américain. 

 
Gloria Steinam, 1987

Dans une partie très pertinente de The Mighty Wurlitzer, Wilford explique comment les professeurs, notamment des universités d’élite « Ivy League », ont servi de recruteurs pour l’agence. L’auteur s concentre sur les activités de William Y. Elliott de Harvard, un professeur du département du gouvernement qui était aussi le doyen de la célèbre Ecole d’été de Harvard.

Elliott a activement « branché » des étudiants choisis dans les opérations de la CIA. Il a utilisé la prestigieuse Ecole d’été pour élargir le recrutement international de la CIA. Parmi les diplômés de Harvard « encadrés » par Elliott se trouvait Henry Kissinger, qui a joué un rôle éminent dans les cours d’été et qui s’en est servi pour entamer sa carrière gouvernementale.

Dans sa conclusion, l’auteur écrit que ces opérations universitaires ne sont de toute évidence pas terminées, mais sont en hausse. Il donne l’exemple des résultats de la commission Church (Church Committee) [6] de l’« utilisation opérationnelle » par la CIA d’universitaires individuels, dont « des rôles de premier plan et des mises en contact à des fins de renseignement, de collaboration dans le domaine de la recherche et de l’analyse, de collecte de renseignements à l’étranger et de la préparation de livres et autre matériel de propagande. » 

Les syndicats: l'AFL-CIO et l’« AFL-CIA » 

Les opérations anticommunistes menées en Europe par le syndicat American Federation of Labor ont débuté en 1944 avec le Comité des Syndicats Libres (FTUC). Le FTUC était financé par le syndicat américain de la confection féminine (International Ladies’ Garment Workers’ Union) dirigé par David Dubinska, et géré par Jay Lovestone, l’ancien secrétaire national du Parti communiste américain devenu anticommuniste, et par son protégé Irving Brown. Brown avait travaillé pour l’OSS durant la Seconde Guerre mondiale. Lorsque l’OSS fut dissout, Brown et Lovestone ont dirigé ses opérations, en se vantant que « nos relations et nos programmes syndicaux ont pénétré tous les pays d’Europe. »

 
Jay Lovestone à droite, rangée arrière

D’ici janvier 1949, le budget du FTUC venait de fonds de la CIA déguisés en dons privés. A la fin de l’année, la part de ses revenus provenant des cotisations ouvrières avait été éclipsée par l’argent de la CIA, blanchi par Lovestone à New York et transféré via divers comptes en banque. L’argent fut versé à des syndicats anticommunistes à travers l'Europe, dont Force ouvrière (né d’une scission d’avec le syndicat CGT dominé par le Parti communiste français, PCF) et le Comité de Vigilance méditerranéen en France, les syndicalistes sociaux-démocrates en Italie, y compris la Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori, et l’Organisation centrale des syndicats finlandais. Il y eut d’autres opérations organisées en dehors de l’Europe, telles l’Alliance centrale syndicale pan-indonésienne.

Il y eut cependant une autre demande de licence. Victor Reuther, le frère du président de l’UAW, Walter, a ouvert un bureau à Paris. Le syndicat de l’automobile UAW, adhérent du CIO et réputé combatif, passait mieux à l’étranger que le « syndicalisme corporatiste » discrédité de l’AFL ; ainsi l’UAW était plus à même de fournir à la CIA des contacts au sein du mouvement ouvrier.

Le début de la fin du parrainage par la CIA de l’AFL eut lieu le 20 novembre1950. Le directeur de l’agence de renseignement, Walter Bedell Smith, et Frank Wisner rencontrèrent Lovestone, le secrétaire-trésorier de l’AFL, George Meany, David Dubinsky, et le vice-président de l’AFL, Matthew Woll, pour décider quelle syndicat mènerait les opérations secrètes de la CIA.

Meany a vigoureusement dénoncé le CIO, en « citant des dates, des noms et des lieux » de l’infiltration de son rival par les communistes, mais en vain. Le directeur adjoint de la CIA, Alan Dulles, a déclaré qu'il « s’intéressait fortement au mouvement syndical » et croyait que le CIO devrait être impliqué dans les opérations secrètes de la CIA.

Les recherches de Wilford montrent le directeur des affaires internationales du CIO, Mike Ross, a acheminé des milliers de dollars de la CIA vers les opérations parisiennes de Victor Reuther. 

Les Afro-Américains 

La répression et les meurtres de militants des droits civiques américains au début des années 1950, avec la diffusion d’images où la police utilisait les chiens et les canons à eau contre des manifestants, ont miné les tentatives de Washington d’étendre son influence en Afrique.

C’était là une préoccupation majeure, alors que l'impérialisme européen se faisait expulser de ses colonies et que le mouvement anticolonial se propageait comme une trainée de poudre. « Dans ce contexte, les agences du gouvernement américain, y compris la CIA, ont commencé à auditionner un peu partout pour le rôle de dirigeants noirs américains qui pourraient brosser un tableau positif des relations raciales de leur pays, et aider les pays africains nouvellement indépendants à se détourner du camp communiste, » écrit Wilford dans le chapitre sur le recrutement d’Afro-Américains par la CIA.

La principale opération fut l’American Society of African Culture (AMSAC). Après une réunion en 1954 au domicile de l’ancien secrétaire exécutif du NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), Walter White, à laquelle participèrent Eleanor Roosevelt et Victor Reuther, on fonda une organisation permanente afin de « minimiser parmi les Africains l’anticolonialisme socialiste en faveur de l’anticommunisme libéral. »

De nombreux Américains qui admirent Richard Wright pour son honnêteté littéraire et sa volonté de mettre à nu la brutalité du racisme furent surpris d’apprendre qu’il avait rejoint le groupe écran de la CIA. Wright s'est présenté à l'ambassade américaine à Paris et offrert ses services pour « combattre les tendances gauchistes » lors d’un congrès international des écrivains et artistes noirs (Congress of Negro Writers and Artists) en 1956. Selon Wilford, il s’était rendu à plusieurs reprises à l’ambassade pour discuter comment « contrecarrer l’influence communiste. »

 
Richard Wright

Wright trouva l’argent et organisa depuis les Etats-Unis une équipe de 5 personnes pour participer au congrès de Paris. Quant à W.E.B. Du Bois, il se vit refuser l’octroi d’un passeport et publia une déclaration cinglante : « Tout Negro-Américain se rendant de nos jours à l’étranger doit… dire ce que le Département d’Etat veut qu’il dise. »

Le groupe de Paris créa la Société africaine de Culture (SAC). La création de l’American Society of African Culture (AMSAC) suivit en juin 1957. Le financement était typique : les fonds de la start-up provenaient de Matthew McCloskey, un magnat du bâtiment de Philadelphie et un avocat de Wall Street, et Bethuel Webster (qui aux années 1950 avait contribué à mettre en place l’American Fund for Free Jurist pour véhiculer les fonds vers l’International Commission of Jurists.)

L’AMSAC avait plusieurs objectifs. Il faisait de la propagande, dont une série de publications très ambitieuses ; il organisa des conférences annuelles auxquelles participait une série de brillants intellectuels, artistes et interprètes noirs (Nina Simone, Lionel Hampton, etc.) ainsi que des festivals parrainés à la fois par les Etats-Unis et l’Afrique.

L'AMSAC a aussi aidé la CIA dans ses tentatives plus impitoyables d'écraser la combativité africaine. Suite au meurtre aux mains de la CIA du président congolais Patrice Lumumba, l’agent de l’AMSAC, Ted Harris, fut muté de son bureau de New York à Léopoldville dans le but « d’entraîner les politiciens locaux dans les techniques administratives occidentales. »

Wright fut finalement déçu. En novembre 1960, il prononça un discours surprenant à l’Eglise américaine de Paris qui dénonçait Washington pour avoir espionné les expatriés et tenté de les museler. « Je dirais que la plupart des mouvements révolutionnaires à l'Occident sont parrainés par des gouvernements, » a dit Wright au public. « Ils sont lancés par des agents provocateurs dans le but d’organiser les mécontents pour que le gouvernement puisse garder un œil sur eux. » Il laissa entendre qu'il ferait de nouvelles révélations à venir, puis mourut dans une clinique parisienne quelques semaines plus tard à l’âge de 52 ans. Selon l’auteur, des rumeurs circulèrent qu’il avait été assassiné.

La dernière opération menée avec succès par l’AMSAC fut une vaste tournée du défenseur des droits civiques James Farmer en Afrique, destinée à contrer l’impact des visites précédentes de Malcom X. Ave l’aide de Carl T. Rowan, le premier Afro-Américain à siéger au Conseil de sécurité nationale, Farmer arriva en janvier 1965 en Afrique. Il se rendit dans neuf pays, eut des entretiens avec presque tous les chefs d’Etat, donna des cours aux étudiants, rencontra des membres du parlement et intervint devant les syndicats. 

Les femmes 

Entre 1952 et 1966, la CIA finança et coordonna un groupe secret de femmes, le Committee of Correspondence (Comité de correspondance), avec une devise bien ironique : « La vérité vous rendra libre. » (« The Truth Shall Make You Free. »)

Au départ, le groupe débitait de l’anticommunisme primaire, avec des communiqués et des bulletins qui accusaient l’URSS de contraindre les femmes à travailler pour que l’Etat puisse exercer « un contrôle absolu sur l’enfant », etc. Les inquiétudes de l'Etat quant au mouvement anticolonial montait, toutefois, et le comité organisa des activités en Iran, en Afrique et en Amérique du Sud.

Cette initiative concordait avec le projet du gouvernement Eisenhower d’humaniser l’image américaine (développé ensuite par le Corps de la Paix -Peace Corps- créé par John F. Kennedy en 1961) tout en renforçant le consensus de la Guerre froide à l’intérieur des USA. Ceci n’empêcha pas le comité d’exécuter une série de « missions spéciales » pour surveiller et établir des rapports sur les conférences de paix appuyées par le Parti communiste.

Wilford cite l’évaluation de la CIA de l’importance stratégique croissante des femmes aux années 1950, notamment dans l’éducation. « Il est évident que les femmes sont maintenant un facteur très important dans l’édification de la nation qui se passe dans une grande partie du monde, » aurait déclaré un agent du renseignement. Les réseaux créés par les comités de correspondance étaient considérés comme relevant d’une astucieuse tactique de la Guerre froide et la base des futures opérations de renseignement.

Tout comme de nombreux autres fronts de travail de la CIA, le comité fut généreusement financé par une série de fondations et de groupes patronaux, dont : le Dearborn Foundation, l’Asia Foundation, le J. Frederick Brown Foundation, le Florence Foundation, le Hobby Foundation et le Pappas Charitable Fund. 

Les artistes 

La CIA était très préoccupée par un grand nombre d’artistes. La Grande dépression avait discrédité le capitalisme et l’épanouissement de la culture après la Révolution russe avait influencé le monde entier. La CIA voulait contrecarrer l’excellence du cinéma, de la dance, de l’art, de la musique, du théâtre et de l’architecture soviétiques ainsi que la revendication de l’URSS d’être l'héritierdes Lumières en Europe. La CIA s’est efforcée de dépeindre l’art américain comme le terreau des impulsions les plus créatrices de la culture moderne.

Cette initiative fut en effet un grand défi, particulièrement vu le conformisme philistin et petit bourgeois de l’élite américaine (moqué par le terme « Babbitry »). The Mighty Wurlitzer signale la célèbre expression de Harry Truman concernant l’oeuvre de Yasuo Kuniyoshi: « Si ça c’est de l’art, moi je suis un hottentot. »

L’agence avait fondé en 1950 le Congrès pour la liberté de la culture (CCF), qui a financé un nombre sans précédent de prix littéraires, d’expositions d’art et de festivals de musique. A son apogée, il avait des bureaux dans 35 pays et publiait plus d’une vingtaine de magazines, dont le magazine littéraire Encounter, édité par le néoconservateur Irving Kristol (qui a également bénéficié du soutien de MI6). La Fondation Ford a aussi financé le CCF.

La CIA oeuvra pour obtenir des contrats d’édition pour ses écrivains encartés aux maisons d’édition auxquelles participait l’agence, dont la maison d’édition Frederick A. Praeger. Wilford a particulièrement tenu à documenter le soutien financier de l’agence pour Partisan Review qui fut initialement l’organe culturel du Parti communiste pour devenir antistalinien plus tard, flirtant avec le trotskysme avant de s’aligner sur la « gauche non conformiste » et les néoconservateurs James Burnham et Sidney Hook.

Le livre de Frances Stonor Saunders de 1999 Who Paid the Piper, partiellement racontédans The Mighty Wurlitzer, met en évidence la protection par la CIA de l’expressionnisme abstrait aux Etats-Unis. Wilford décrit le genre d’entreprise publique-privée qui faisait ce travail, qui impliquait généralement le Musée d’Art moderne (MoMa) Rokefeller et le CCF. Entre autres, les peintures de Jackson Pollock, Mark Rothko et de Franz Kline furent promues comme étant lantithèse du réalisme soviétique et la soi-disant preuve que le capitalisme était mieux à même de promouvoir la culture.

Evoquant le « ‘cordon ombilical en or’ qui unit l’espion et l’artiste, » Wilford explique en détail toute une série d’activités. L’un des grands projets était le « Hollywood consortium », un groupe informel mais influent d’acteurs et de magnats du cinéma qui travaillaient avec la CIA, dont John Ford, John Wayne, Darryl Zanuck et Cecil B. DeMille. Les Studios Paramount disposaient de leur propre agent interne de la CIA qui se consacrait à censurer certains films et à en saboter d’autres. (En même temps, la liste noire anticommuniste à Hollywood détruisait des carrières et des vies.)

The Mighty Wurlitzer démontre comment le gouvernement américain a dépensé des millions de dollars, sur des décennies, pour miner la pensée socialiste et donner àl’anticommunisme un nouveau visage culturel, social et humanitaire.

Dans le dernier chapitre, l’auteur écrit que les groupes écrans de la CIA sont toujours vivants et se portent bien. Il cite des rapports qui relient le best-seller Reading Lolita in Tehran: A Memoir in Books aux efforts visant à recourir à l’artifice des « droits de la femme » pour préparer l’opinion publique à une éventuelle invasion américaine de l’Iran.

Le principal inconvénient du livre est le décalage entre les opérations secrètes et leur objectif politique. L’on pourrait lire la plus grande partie du livre et conclure que le gouvernement américain était simplement hypocrite, antidémocratique et manipulateur.

Le lecteur doit garder à l’esprit les conséquences épouvantables des activités de la CIA partout dans le monde – les millions de morts, les attaques contre la démocratie, la mise en place de despotes et d’oligarques par des coups. On ne voit jamais d'allusion à ces sales opérations dans The Mighty Wurlitzer.

L’auteur, tout en dévoilant les activités de l’impérialisme américain, ne cesse de les édulcorer. C’est un partisan journalistique du gouvernement américain. Sa conclusion, intimement liée au libéralisme américain, est que les groupes écrans secrets, qui sont en désaccord avec une démocratie américaine par ailleurs est en bonne santé, ont « entaché » la réputation des Etats-Unis et occasionné divers retours de manivelle.

Quoiqu’il en soit, malgré ces insuffisances graves, l’auteur doit être reconnu pour être un journaliste d’investigation opiniâtre au vu de « la chape du secret officiel qui entoure encore actuellement » les opérations secrètes. En fait, après que plus de 50 ans se soient écoulés, le gouvernement refuse de divulguer les dossiers concernant ces opérations.

Les lecteurs d’aujourd’hui du The Mighty Wurlitzer traversent une période durant laquelle les Etats-Unis sont allés bien au-delàde ces efforts pour censurer et manipuler l'opinion. Sous nos yeux, les tribunaux et l'Etat –y compris l’appareil militaire et du renseignement qui ne cesse de croître –réduisent ànéant l’ensemble du cadre des droits légaux et démocratiques gagnés après des siècles de lutte.

La capacité du livre d’apporter un témoignage des activités farouchement antidémocratiques et réactionnaires de la CIA à une période antérieure souligne les craintes grandissantes et légitimes ressentie de nos jours par la bourgeoisie face au pouvoir révolutionnaire de la véritable pensée socialiste.

Les notes

1. Les brutales opérations secrètes de la CIA couvrent la période qui démarre peu après sa création en 1947 – du coup d’Etat syrien de 1949 (dans l’intérêt de la construction du Trans-Arabian Pipeline) au renversement en 1953 du premier ministre iranien Mohammed Mossadegh (qui avait menacé de nationaliser l’industrie pétrolière iranienne, alors sous le contrôle de l’Aglo-Iranian Oil Company, maintenant BP), à l’éviction en 1954 du président Jacobo Arbenz au Guatemala (qui avait menacé les exploitations de l’United Fruit Company), à la chute et au meurtre subséquent du premier ministre congolais et dirigeant anticolonialiste Patrice Lumumba, jusqu’au coup militaire du général Suharto et le massacre de près d’un million d’Indonésiens entre 1965 et 1966, au « coup d’Etat de Canberra » en 1975 avec l’éviction du gouvernement travailliste en Australie, en passant par le coup d’Etat fasciste de 1973 au Chili, et la déstabilisation des décennies durant de l’Irak, au déploiement d’armées privées en Afghanistan et au Pakistan jusqu’au parrainage par la CIA des fascistes qui sont actuellement à l’œuvre en Ukraine.

2. Plus de sept millions de travailleurs américains ont participé à la grande vague de grèves de 1945-46. Ces grèves se déroulèrent dans des milliers de lieux de travail, avec des grèves générales dans des villes entières. Quatre-vingt usines de General Motors furent touchées dans 50 villes. En à peine plus de 18 mois, 144 millions de journées de travail furent perdues.

3. Cité par Wilford dans, « In From the Cold: After Sept 11, the CIA Becomes a Growing Force on Campus, » Wall Street Journal, 4 octobre 2002

4. Cf. l’explication approfondie de l’effondrement du libéralisme américain au chapitre 3 de La Révolution russe et le XXe siècle inachevé (The Russian Revolution and the Unfinished Twentieth Century) par David North, Mehring Books 2014.

5. Trento, Joseph J., L’histoire secrète de la CIA (The Secret History of the CIA), Carroll & Graf Publishers, New York, 2001, p 23.

6. Entre 1975 et 1976, la commission sénatoriale présidée par le sénateur américain Frank Church avait enquêté sur les activités illégales de la CIA, du NSA et du FBI après le scandale du Watergate. Un grand nombre de rapports de la commission sont encore classés secrets. Parmi les affaires examinées, figurent les tentatives du gouvernement américain d’assassiner Patrice Lumumba, Rafael Trujillo et les frères Diem au Vietnam. La commission Church a aussi divulgué l’opération du FBI surnommée COINTELPRO, qui servit à infiltrer et à espionner le Socialist Workers Party, le Parti communiste, le Black Panther Party et de nombreux groupes de gauche.

(Article original paru le 17 août 2015)