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samedi 3 mai 2025

Avril 1961: sortie de "Musique phénoménale", un disque d'Asger Jorn et Jean Dubuffet



Musique phénoménale, texte d'Asger Jorn (?) accompagnant les quatre disques de "musique chaosmique" réalisée de décembre 1960 à février 1961 en duo avec Jean Dubuffet, Galleria Cavallino, Venise. 

 Époque situationniste d'Asger Jorn. 

Quand faire un peu n'importe quoi c'est de l'avant-garde, et que surtout c'est chiant.

 


jeudi 3 avril 2025

Les Villes vollantes de Georgi Krutikov (projet de diplôme VKhUTEMAS, 1928)



Russia Beyond (Photo: S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008)

 

En 1928, un diplômé de l'Institut supérieur d'art et de technologie (ou VKhUTEMAS – en russe, ВХУТЕМАС est l'acronyme de Высшие ХУдожественно-ТЕхнические МАСтерские, « Ateliers supérieurs d’art et de technique »)  de Saint-Pétersbourg s'apprêtait à défendre sa thèse de diplôme. Sa présentation est devenue la première étape théorique de la migration humaine vers l'orbite terrestre.

Gueorgui Kroutikov a commencé son travail scientifique avec une idée simple : chaque type de société devrait avoir une conception unique des villes. Par exemple, les sociétés féodales ont tendance à construire leurs cités autour de forteresses et à les disposer de manière circulaire, tandis que les sociétés capitalistes tendent à disposer les rues de manière rectangulaire.

Domaine public   

Kroutikov a donc fait valoir que la nouvelle société communiste méritait d'avoir son propre arrangement urbain. Dans sa thèse, il a proposé sa vision d’une ville volante destinée à devenir la norme dans l'URSS du futur. Son travail a fait grand bruit à l'époque.

L'architecte proposait de déserter la Terre, en ne laissant à la surface que des usines et autres installations de production, et de reloger définitivement les humains dans des villes communautaires flottant dans les airs: au sol, un centre de production avec des usines, et au sommet, des immeubles résidentiels de grande hauteur. Kroutikov a développé plusieurs variantes. Dans l’une d’entre elles, huit immeubles résidentiels étaient reliés par un anneau inférieur, dans lequel se trouvaient des espaces publics. Une autre était un bâtiment cylindrique avec des logements de type hôtelier et une cage d’ascenseur au centre.

L'image ci-dessous montre la vision générale que Gueorgui Kroutikov avait de la ville nouvelle. Les tours habitables sont disposées en cercle sur une plateforme en forme d'anneau où, selon le plan de l'architecte, se trouveraient les locaux et installations techniques.

 

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

 

L'architecte a suggéré d'utiliser de petites cabines volantes autosuffisantes – quelque peu similaires aux véhicules volants présentés dans le blockbuster Oblivion (2013) d'Universal Pictures – pour transporter les humains de la surface de la Terre à la ville volante et inversement.

Contrairement au film populaire, cependant, les cabines volantes de Kroutikov ont été conçues pour être également utilisées comme des logements à court terme, une partie autonome de plus grands bâtiments stationnaires.

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

Les cabines avaient une forme aérodynamique. Il était prévu qu'elles soient remplies de meubles modulables qui changeraient en fonction des circonstances et des besoins du pilote. Les cabines seraient également capables de s'amarrer à l'habitation principale, selon le plan de Kroutikov.

Outre l'architecture, il était fasciné par les zeppelins. Il pensait que, dans un avenir proche, les scientifiques allaient découvrir ou inventer de nouvelles formes d'énergie, faisant de sa cité volante une réalité. Il s’inspirait, entre autres, des idées de Constantin Tsiolkovski, le fondateur de la cosmonautique, et correspondait avec lui. Kroutikov pensait que ses immeubles pourraient flotter au-dessus du sol grâce à l’énergie atomique, et que les capsules individuelles seraient chargées à partir d’elles. En outre, ces dernières devaient être contrôlées par le champ magnétique – un simple geste de la main suffirait.

Par conséquent, Kroutikov pensait que la mise en œuvre de son plan futuriste était une question de futur proche.

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

Les partisans de son projet le considéraient comme une étape importante de l'avant-garde architecturale. Au contraire, ses opposants le critiquaient comme étant excessivement fantastique et irréaliste.

Malgré les critiques, Kroutikov a défendu avec succès son travail devant un panel d'académiciens et a reçu un diplôme professionnel. Il a construit sa future carrière dans l'architecture, bien que ses nouveaux projets aient été plus réalistes que sa ville volante. Par exemple, Kroutikov a conçu des bâtiments administratifs et résidentiels à Moscou.

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

L'architecte et visionnaire est décédé en mars 1958. 

 




mardi 25 mars 2025

Du situationnisme d'Aragarar à la théorie de la complexité. Entretien avec Mario De Paoli

 SOURCE: https://www.carmillaonline.com/2023/05/30/dal-situazionismo-di-agaragar-alla-teoria-della-complessita-intervista-a-mario-de-paoli/

par Marc Tibaldi

 

La revue Agaragar, dirigée par le philosophe Mario Perniola a eu 5 numéros de 1970 à 1972, 3 publiés par Silva Editore et 2 par Arcana Editrice (en 2020 ils ont été réédités par PGreco). Agaragar était un e revue né de la rencontre avec le mouvement situationniste, en particulier avec Guy Debord, avec lequel Perniola avait établi une relation d'amitié et de polémique. Dans les années 1960, Perniola était entré en contact en France avec le mouvement étudiant et avec les derniers rejetons du surréalisme, devenant l'une des premiers à porter en Italie les thèses du mouvement situationniste, grâce à Agaragar. La pensée que Perniola a développé au cours de ces années restera dans ses réflexions avec l'attention de mettre en évidence les contradictions et la complexité de la société du spectacle. Cofondateur d'Agagar, avec Perniola, Mario De Paoli qui, après la fin de la revue, a poursuivi ses recherches en développant – dans une série de publications – une théorie originale de la complexité qui réunit l'analyse de l'évolution des processus sociaux et l'analyse de la dynamique des processus psychiques. Ses recherches méritent d'être connues, c'est pourquoi nous sommes allés l'interviewer. De Paoli, né à Dolo, Venise, en 1940, vit à Padoue, une ville où il est d'abord diplômé en chimie, puis en physique et où il a enseigné au lycée scientifique Eugenio Curiel.

 

Il nous dit d'abord comment il a rencontré Mario Perniola et comment a été la naissance d'Agaragar ?
Nous nous sommes rencontrés pendant notre service militaire à Padoue, à la fin des années 1960. Nous venions de terminer l'université, moi en études scientifiques, malgré les différentes formations, il y avait une sensibilité culturelle en commun et après avoir lu mon étude (qui sera publiée dans le troisième numéro du magazine avec le titre: « Market Economics and Rational Language: Money and Logos »), qui m'a proposé de participer à l'élaboration d'Agaragar. Au cours de ces années, il a travaillé sur les études qui vont ensuite fusionner dans l'Aliénation Artistique, qui, je pense, est toujours l'un de ses meilleurs livres. La première année, il n'y avait que nous deux dans la rédaction, il s'intéressait également aux relations avec l'éditeur Silva. Avec Perniola, j'avais des points communs et quelques différences. Il part de la question de l'aliénation artistique, dans laquelle il considère la séparation d'une réalité dénuée de sens dans l'économie politique et d'un sens sans réalité dans l'art. Cette séparation a été accentuée à la Renaissance avec la séparation de l'art et de l'artisanat. Séparation significative marquant le début de la fracture entre production matérielle et production immatérielle. Séparation décisive pour comprendre que le capitalisme a agi non seulement au niveau de la production matérielle, mais aussi au niveau linguistique/immatériel. Il était important d'examiner le développement du capitalisme au niveau du contrôle de la production matérielle mais aussi dans la production immatérielle: dans la littérature, dans les processus psychiques, en science. Il ne faut pas oublier que Perniola sur Agaragar fait également une critique du situationnisme. Les situationnistes ne considéraient qu'un seul aspect de la séparation entre la réalité et le sens, ils n'ont pas ramené le sens des processus linguistiques à la réalité, ces deux aspects devaient être recomposés.

Perniola, dans Terrorisme comme l'un des beaux-arts (Mimesis, 2014), l'un de ses derniers livres, consacre un chapitre à l'aventure d'Agaragar, et parle également de votre rencontre avec Debord. Avez-vous lu les situationnistes avant de connaître Perniola ?
Non. Je connaissais la pensée de l'école de Francfort. Dans mes réflexions sur le lien entre le capitalisme commercial et le langage rationnel, j’avais à l’esprit Adorno et Horkheimer qui, dans Dialettica of the Enlightenment, décrivent Ulysse comme le premier «Enlightenment» qui utilise le langage pour avoir un avantage.
Nous sommes allés à Bruxelles pour rencontrer Guy Debord et Raoul Vaneigem. Debord ne nous a pas très bien accueilli. Il nous a renvoyé à jouer au foot. Graziella, la très gentille épouse de Perniola, se moquait discrètement de Debord, qui lui semblait arrogant et antipathique. La relation était beaucoup mieux avec Vaneigem. Je me souviens en particulier d'une discussion dans une brasserie où j'ai souligné que « l'imagination au pouvoir » était celle du capitalisme qui contrôlait la production d'informations.

Dans les années où vous avez conçu le magazine, il y avait au moins deux autres personnes en Italie qui suivaient de près le situationnisme, Giorgio Agamben et Gianni-Emilio Simonetti. As-tu eu des relations avec eux ?
Simonetti je ne l'ai jamais connu. Agamben était un ami de Perniola, je me souviens que nous allions lui rendre visite sur un de ses domaines, près de Rome. Agamben a insisté pour que je monte un cheval qu'il disait docile et qui partit dans un galop infernal. Pendant mon séjour dans la maison romaine des Perniola, à l'occasion de mon écriture de L'éducation comme un processus productif, j'ai accroché une affiche représentant la louve du Capitole avec l'un des jumeaux crachant du lait, et en-dessous j'ai écrit les mots « enfants du monde, unissez-vous ». Un matin, Graziella, la très gentille épouse de Mario, m'a fait croire que Perniola avait rêvé qu'il était Marx et moi Engels. Je raconte ces anecdotes car elles mettent en lumière les détournements ludiques du groupe.
La première année, il n'y avait que nous deux dans la rédaction, Perniola s'occupait également des relations avec l'éditeur Silva. La collaboration entre nous ne s'est pas poursuivie au-delà du début des années 70, mais malgré nos chemins culturels, les intérêts philosophiques chez lui, scientifiques chez moi, cela n'a pas affecté notre amitié et, au fil des ans, nous avons continué à nous entendre, en échangeant certains des livres que nous avions publiés.

Comment Agaragar a-t-il été reçu dans le débat idéologique de ces années-là? Cela a-t-il suscité des discussions?
Le débat culturel, les discussions et les critiques ont été très intenses dans les années 70 parce que, précisément à cette époque, il y a eu un changement de paradigme dans le mode de production du capital (la transition du fordisme au toyotisme a commencé en 1976). Mais, alors que le capital financier recombinait une nouvelle synthèse de la production matérielle et de la production immatérielle, les différents mouvements de gauche sont restés divisés entre eux, oscillant entre les extrêmes de l'ouvriérisme et du situationnisme. Agaragar a proposé une «synthèse sociale» alternative à celle du capital. Le magazine a été accueilli avec un certain enthousiasme, mais a également été mal compris. Pour donner un exemple : Giuseppe Sertoli, rédacteur en chef de Nuova Corrente (qui en ces années était un magazine important de littérature et de philosophie, note de l'éditeur) alors qu'il s'est déclaré en parfait accord avec les écrits de Perniola, a sévèrement critiqué mes écrits du premier numéro de la revue. Perniola et moi lui avons répondu par une lettre de quatre pages indiquant l'importance de notre recherche d'une nouvelle synthèse sociale. Nous pensions également qu'une analyse historique-critique de la relation entre la science et le capital était nécessaire. En 1972 (à l'époque de la guerre du Viêt Nam), j'ai assisté à une conférence internationale sur l'histoire de la science dans laquelle plusieurs physiciens, dont Paul Dirac, ont pris note d'une « soumission massive de la science du capital », qui a commencé avec le projet Manhattan pour la construction de la bombe nucléaire.

 

Dans Agagar, vous avez exposé la critique du matérialisme dialectique de Marx, qui ne considère pas le caractère génétique-structural des processus psycholinguistiques et la synthèse sociale constituée par l'évolution parallèle des structures économiques et des structures linguistiques.
Oui, oui. Dans l'éducation en tant que processus productif (Agaragar n.2, 1970), j'ai soulevé le problème de la genèse sociale. Étant donné la forte dépendance à l'égard des soins parentaux et une capacité remarquable à apprendre par l'expérience, l'évolution biologique de l'espèce humaine s'étend à une évolution sociale médiatisée par un processus éducatif. Un système de signes qui médiatise socialement la relation entre l'homme et la nature devient ainsi un «code génétique» de sociétés humaines spécifiques comprises comme des «espèces sémiotiques». Une hypothèse similaire, de la prolongation de l'évolution biologique dans l'évolution sociale, a ensuite été formulée par le biologiste évolutionniste Stephen Jay Gould dans l'essai Ontogeny et Phylogeny (Belknap Press of Harvard University Press, 1977). Dans l'économie commerciale et le langage rationnel: argent et logos (Agaragar n.3, 1971), j'ai ensuite posé le problème de la synthèse sociale compte tenu de l'évolution «isomorphe» parallèle des déterminations formelles de la politique économique et du langage rationnel dans la société grecque classique. Une corrélation similaire entre la langue et l'économie dans la polis grecque a été mise en évidence par le philosophe Sohn-Rethel In Intellectual Work and Manual Work: pour la théorie de la synthèse sociale (Feltrinelli, 1977), mais alors je ne connaissais pas ses recherches, elles n'avaient pas encore été traduites.

Après avoir collaboré avec Perniola, comment vos recherches ont-elles continué ?
De 1973 à 2005, j'ai enseigné les mathématiques et la physique au Liceo scientifico Eugenio Curiel à Padoue, où j'ai été le promoteur de l'introduction de l'histoire des sciences dans l'enseignement et parmi les organisateurs et les orateurs du projet Ipazia pour la promotion de la culture scientifique dans les lycées. À ce moment-là, j'ai écrit les révolutions isomorphes parallèles sages. Copernicus, Ariosto et Josquin de Prez (publié plus tard par Aracne en 2015), dans lequel je mets l'accent sur la synthèse sociale entre les sphères économique, cosmologique, littéraire et musicale à l'époque de la constitution de l'état politique moderne et des modèles dynamiques de l'évolution de la civilisation urbaine (publié plus tard par Aracne en 2022), dans laquelle je considère la genèse sociale du capitalisme. En 2018, j'ai écrit un dernier essai intitulé Capital financier et populisme. La science dans l'évolution du capital (Aracne, 2020), dans laquelle je considère l'évolution parallèle de l'économie et de la science politiques dans les trois étapes fondamentales de l'évolution du capital.

[COUPURE]

 

L'analyse de ces formes de pouvoir l'a-t-elle également amenée à identifier et/ou proposer de nouvelles possibilités d'affrontement, de conflit, de changement?
Je pense que la conception d’une décroissance heureuse et l’opposition du souverainisme populiste au mondialisme néolibéral - comme l’opposition politique des propriétaires terriens de la politique grecque au capitalisme commercial - sont réactionnaires car ils limitent le développement de la capacité humaine de production et de communication. Dans la Renaissance de Mirandola, Pico della Mirandola a déclaré que l'homme a la capacité extraordinaire de produire les plus grandes innovations et les pires atrocités. Malheureusement, l'évolution du capitalisme s'est détériorée. Il s'agit d'une évolution de la direction et, d'une part, de réduire au minimum l'augmentation de l'incertitude en répartissant à l'ensemble de la communauté la richesse des informations accumulées par un petit groupe dominant, d'autre part, pour réduire au minimum l'augmentation de l'environnement. Les mouvements artistiques et littéraires de gauche qui, comme le situationnisme, le «rando» des mondes alternatifs possibles, ne considèrent pas le fait qu'une réduction en esclavage de la science soit la base du pouvoir du capital. L'"imagination au pouvoir" n'est possible qu'avec le détournement de la production scientifique et technologique pour la mettre au service de l'ensemble de la communauté et avec une nouvelle synthèse sociale entre la narration et la production qui réalise d'éventuels mondes alternatifs à ceux proposés par le capital.

 

lundi 24 mars 2025

Mario Perniola: Berlusconi ou Mai 68 réalisé

 SOURCE: https://www.carmillaonline.com/2023/07/24/il-trionfo-della-societa-dello-spettacolo-e-le-sue-conseguenze/

Berlusconi o el 68 realizado': debajo de los adoquines sólo había populismo  | La Lectura

Mario Perniola, Berlusconi o il ’68 realizzato, Mimesis Edizioni, Milano-Udine, 2022 [2011]
 "             "       , Berlusconi o el 68 realizado, Seriecero, Barcelona, 2024
 
Au lieu de profiter de l'occasion offerte par un fait naturel comme la mort pour trouver le temps d'enquêter historiquement sur les raisons du succès, auprès d'une partie significative de l'électorat italien, d'un homme certes discutable et excessif dans toutes ses manifestations, certaines starlettes de l'intelligentsia de « gauche » continuent de perpétuer le mythe de Berlusconi l'épouvantail avec une attitude qui, si elle n'était pas enracinée dans la lâcheté et l'inaptitude d'une gauche respectable, anonyme et amorphe, semblerait confiner à la psychose. La preuve en est une déclaration comme celle contenue dans un numéro de juillet du « Venerdì » de Repubblica : « Le berlusconisme a été le plus grand malheur », attribuée à Sabina Guzzanti. 
 
Oui, le plus grand malheur. Alors que le grand public du spectacle médiatique, politique et « culturel » n’a pas encore fini d’absorber le fait que la Shoah constituait le « plus grand mal », le voilà déjà en train de se gaver d’un autre villain définitif, après Hitler, Mussolini ou qui que ce soit d’autre. Et tandis que le public est maintenu en état d’alerte constant par une liste de « malheurs » qui ne semble jamais finir, du Vajont au Covid ou à la guerre en Ukraine, un nouveau (?) « cri de douleur » et mouvement « de dénonciation » commence à se propager dans l’air médiatique. Une course éternelle au vaccin définitif contre les maux causés par la droite au niveau politique et social qui, cependant, n'affecte jamais la substance d'une société (l'italienne mais pas seulement) et d'un mode de production dont la même gauche « critiquante » fait partie, partageant souvent ses valeurs et ses principes, depuis avant même la chute définitive du fascisme historique. 
 
Les Éditions Mimesis ont bien fait de rééditer dans la collection « Volti » un texte du philosophe et écrivain italien Mario Perniola (1941-2018), déjà publié en 2011 : Berlusconi o il ’68 realizzato. Comme indiqué dans la note éditoriale précédant la réédition actuelle : 
 
Le grand philosophe italien Mario Perniola nous a donné un style de pensée dans lequel le rire et la compréhension vont de pair, au nom d’un désenchantement humain et lucide du présent. Quand Berlusconi est parti ou que 68 fut réalisé, les scandales des « dîners élégants » faisaient rage et la crédibilité internationale de l'Italie vacillait. […] Les évaluations de Perniola sur la signification historique des transformations personnifiées par Berlusconi dans la politique, la culture, les coutumes et la vie sociale du pays étaient donc extrêmement actuelles. Mais même aujourd’hui, et surtout aujourd’hui, au terme de la parabole biographique de l’homme d’Arcore, l’analyse de la révolution spectrale proposée ici s’avère être l’un des meilleurs discours d’adieu que l’on puisse faire1
 
Un discours dans lequel il faut souligner, comme le fait Perniola et pas seulement par goût provocateur, la réunion, de manière certainement déformée, dans le programme de Berlusconi de la plupart des objectifs qui ont caractérisé la grande vague de 68. De la fin du travail à la destruction de l’université et du vitalisme de la jeunesse au triomphe de la communication de masse. Une sorte d’« esprit du capitalisme » renouvelé auquel Luc Boltanski et Eve Chiapello feront plus tard référence, en soulignant : sa vocation à la marchandisation du désir, notamment celui de libération, et par conséquent à sa récupération et à son encadrement2.
 
 En attendant des évaluations historiques et politiques dignes de ce nom, qui ne se basent pas seulement sur des phrases accrocheuses et des plaisanteries spirituelles qui se contentent de renverser le style Berlusconi, sans en réalité le nier en fait mais en le propageant3 jusqu'au bout, il vaut la peine de relire les pages du court texte de Perniola. 
 
Ici, l’auteur se limite à proposer à nouveau l’interprétation de quelques thèmes, parmi les nombreux possibles, qui relient la « révolution ratée » de 68 à ses conséquences dans les décennies suivantes au cours desquelles, comme cela arrive toujours dans ces cas, la Révolution ratée s’est transformée en une arme de la Contre-Révolution et l’un de ses textes les plus connus et les plus importants4 s’est transformé en un possible mode d’emploi pour une conception impartiale, mais loin d’être révolutionnaire, de la politique et de la communication5. En effet, publié en 1967, le texte de Debord affirmait que : « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images mais une relation sociale entre des personnes médiatisée par des images ». Anticipant de plusieurs décennies la manière dont Silvio Berlusconi avec Mediaset et Mark Zuckerberg avec Facebook et Instagram, sans parler de nombreux autres médias sociaux, pousseraient plus tard les mécanismes d’aliénation individuelle et sociale à leurs conséquences extrêmes. 
 
Du travail et de son refus  
 
Bien que Berlusconi ait été un travailleur infatigable toute sa vie, il a permis à la plupart des jeunes de réaliser la célèbre injonction de Guy Debord (1931-1994) : Ne travaillez jamais !  L’ironie est que les jeunes veulent aujourd’hui travailler, même dans des conditions indécentes et honteuses, incroyablement plus aliénantes et disqualifiantes que celles qui leur étaient proposées dans les années 60 et 70 : alors une vie de classe moyenne inférieure était plus ou moins garantie à tout le monde, aujourd’hui c’est un rêve inaccessible pour ceux qui n’ont pas de famille derrière eux pour les aider. C'est comme si Berlusconi avait monopolisé tout le travail sur sa personne, et laissé seulement le jeu aux autres6.  
 
De la culture et des intellectuels  
 
Nous nous fichons De tout le culturame (attention, ce mot est dit in camera caritatis, c'est-à-dire pas publiquement): mais nous devons dire que nous sommes en faveur de la culture, de la recherche, de l'innovation, de l'anglais, d'Internet, des affaires et de tout ce qui semble encore à la mode, même si nous nous fichons de toutes ces choses, car si vous les faites sérieusement, elles sont trop chères et compliquées et laissent trop peu de place à la corruption. Que les Américains le fassent, eux qui en les liant étroitement à l'économie des entreprises parviennent à en tirer beaucoup d'argent, ou les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui, étant en pleine ascension et ayant des taux de développement notables, ont besoin de créer une bourgeoisie relativement éduquée ! […] Je vous recommande également de ne pas tomber dans le piège de soutenir sérieusement les soi-disant « intellectuels de droite », car ils sont bien plus prétentieux que ceux de gauche, qui en partie par parti-pris paupériste et en partie par démagogie se qualifient de « travailleurs du savoir » et n’ont donc plus beaucoup d’ambitions : il suffit de faire quelques apparitions gratuites à la télévision pour qu’ils se prennent immédiatement pour des stars et brisent le cœur d’une fille, comme si nos filles d’aujourd’hui avaient un cœur ! S'ils sont vraiment accro (notez ce mot français car personne ne le comprend et donc il a un certain effet), je veux dire qu'ils sont vraiment acharnés, comme ce certain Saviano ou Saviani, si vous voulez, il suffit de l'insérer dans un spectacle récréatif de pur divertissement pour le neutraliser complètement. Il veut être tragique, mais si vous le mettez avec des comédiens, qui remarquera la différence ? Et puis en Italie la tragédie n'a jamais eu de succès : oui, bien sûr, il y a eu des tragiques piémontais comme Alfieri et Pareyson, mais qui les lit ? Ils sont utilisés pour rédiger des thèses de diplôme. Alors pas de fatwa contre les Savianis, encore moins d'attaques ou de choses qui sèment le chaos : n'oublions pas qu'en nous faisant passer pour des libre-échangistes (alors qu'il est évident que nous sommes des monopolistes) nous devons aussi montrer que nous sommes libéraux et magnanimes. Nous ne sommes pas comme les Russes ou les Chinois, qui persécutent les dissidents ! En fin de compte, ce qu’ils disent ou écrivent n’a aucun effet politique et le peuple est convaincu dans la campagne électorale en baissant ou en supprimant un impôt ou une taxe détestable.  
 
 images et pouvoirs : Berlusconi et les « veline » - Vacarme

Sur la dignité
 
Un mot qui apparaît de plus en plus fréquemment dans les discours éthiques et politiques est celui de dignité. C’est devenu l’un des termes clés de la bioéthique, ainsi que la devise qui a caractérisé les révoltes politiques qui ont secoué de nombreux États arabes, provoquant parfois la chute de gouvernements. En Italie, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur indignation face à la conduite de Berlusconi. Les étudiants qui occupaient les places de certaines villes espagnoles s'appelaient eux-mêmes los indignados. Ainsi est né un Global Indignant Movement qui s’est manifesté dans de nombreux pays. Le mot dignité a éclipsé d’autres termes plus techniques dans le langage politique, tels que communauté et droits de l’homme. En fait, le premier est tombé en ridicule depuis qu’on parle de « communauté internationale » […]. Quant aux « droits de l’homme » qui constituent l’une des pierres angulaires de la civilisation occidentale, l’usage factieux et opportuniste qui en a été fait les a vidé de toute crédibilité […] Or, la question cruciale est : pouvons-nous nous permettre de nous indigner si nous n’avons aucune des quatre vertus fondamentales (sagesse, tempérance, courage et justice) ? Pouvons-nous nous indigner si nous-mêmes n’avons aucune dignité ? Et si nous n’étions pas du tout cohérents avec nous-mêmes mais immergés dans le monde de la communication, dans lequel tout est bouleversé ? Les caractéristiques fondamentales de la communication sont très bien décrites par les stoïciens sous le terme de folie. L'imbécile n'est pas une personne bête, stupide, ennuyeuse, mais un être humain qui, en proie à une agitation constante, change d'avis d'un moment à l'autre ; incapable de rester immobile, il court tête baissée avec une impulsion irrésistible vers le premier objectif qu'il rencontre et regrette facilement tout ce qu'il a fait ; incapable d’écouter, parle et agit de manière peu concluante ; incapable de faire des évaluations stables et des choix irréversibles, il saute ici et là, prétendant tout avoir et tout prendre. La folie ne naît pas d’un manque, mais d’une déviation, d’une déformation, d’une perversion de la faculté rationnelle. Pour s'indigner, il faut au moins avoir du courage, c'est-à-dire de la patience, de la persévérance, de la magnanimité et de la magnificence (Thomas d'Aquin dixit). Nous, Italiens (et peut-être Occidentaux), sommes trop faibles pour nous permettre de nous indigner.
 


1. Note éditoriale à M. Perniola. Berlusconi o il ’68 realizzato, Mimesis Edizioni, Milan-Udine 2022.
2.  L. Boltanski, E. Chiapello, Il nuovo spirito del capitalismo, Mimesis Edizioni, Milan-Udine 2014.
3. Voir ce qui a déjà été écrit ici 
4. Guy Debord, La società dello spettacolo, Éditions SugarCo, Milan 1990. 
5.  Voir : Gianfranco Marelli, L’amara vittoria del situazionismo. Storia critica dell’Internazionale Situazionista 1957-1972, Mimesis Edizioni, 2017. 
6.  Non lavorate mai! dans M. Perniola, op. cit., p. 21.
7.  Gli intellettuali da nona categoria puzzolente a spina dorsale della nazione dans M. Perniola, op. cit., pp. 64-67
8.  Possiamo essere indignati? In M. Perniola, op. cit., pp. 95-99  
 

jeudi 21 novembre 2024

vendredi 15 novembre 2024

A propos d’Ado Kyrou, écrivain, critique cinématographique et cinéaste (Athènes, 1923 – Paris, 1985)

SOURCE: https://dicodoc.blog/2018/03/04/3664/#_ftnref4

E COMME ENTRETIEN – Litsa Boudalika

Comment avez-vous découvert Ado Kyrou ? L’avez-vous connu personnellement ?

            La lecture de son ouvrage « Le surréalisme au cinéma » A, je l’ai faite vers l’âge de seize ans, peu avant mon cursus d’études en réalisation Cinéma/TV. A Bruxelles, comme ailleurs, vers la fin des années ’70, une bonne initiation au cinéma passait souvent par la fréquentation de la Cinémathèque, aujourd’hui appelée « Cinematek » – oui, avec un -k à la fin, comme Kyrou. Sa monographie sur Luis Bunuel B a aussi été un fidèle compagnon de route pendant mes études artistiques. Normal, les apprentissages n’ont pas attendu les autoroutes de l’information pour instaurer un accompagnateur discret, voire un professeur, en chaque auteur que l’on choisit de lire.

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Signature d’Ado Kyrou, depuis L’AGE D’OR DE LA CARTE POSTALE, Paris, édtions BALLAND, 1966

            Bien que ses idées avant-gardistes sur le cinéma aient été, depuis plus d’un demi-siècle, bien partagées, l’œuvre d’Ado Kyrou, écrite et filmique, reste assez méconnue. Ses écrits – à la fois révélateurs d’une érudition cinématographique rare et parés d’une posture assez subversive – lui valent-ils comme une sorte de …non-droit de cité dans la nébuleuse culturelle française? Encourager le spectateur à s’exprimer à haute voix dans les salles obscures, à aller voir les « mauvais » films qui, de son point de vue, sont parfois « sublimes », s’en prendre à Camus et à Truffaut pour dénoncer certaines assertions qu’il trouve conservatrices, rejeter quasi en bloc Bresson, Cocteau et Hitchcock, cela crée des inimitiés, peut-être même posthumes…

ado kirou 2 
Page de couverture « Le Manuel du parfait petit spectateur », écrit par Ado Kyrou, 
illustré par Siné, Paris, éditions LE TERRAIN VAGUE, 1958.

Page source : http://seriouspublishing.blogspot.gr/2008/12/manuel-du-parfait-petit-spectateur-ado.html

            Aux polémiques autrefois ouvertes autour du cinéma  – souvenons-nous  du  clivage à la fois esthétique et politique entre les revues « Positif » et « Cahiers du Cinéma » C –  a, peu à peu, succédé le conformisme, qui, déjà en 1980, le faisait affirmer que «les choses sont aujourd’hui données comme des cachets blancs qu’on avale» ; lui qui, par-delà la critique « de la réalité manifeste » revendiquait celle de la « réalité latente », invitant ainsi le critique de cinéma à entrer dans la poésie en dépassant le stade du journalisme, puisque « grands mythes et élans libérateurs se cristallisent sur l’écran, lieu prédestiné du hasard objectif ».

            Bien plus tard – dans les années 2000, une époque où j’enseigne le documentaire de manière intensive – je remets la main, quasi incidemment, sur un enregistrement intégral, effectué en 1980 par un camarade de classe, dans le cadre d’un exercice pratique de  « portrait radiophonique » en école de cinéma. Là, je découvre son récit de vie, depuis ses origines familiales et ses années athéniennes sous l’occupation, jusqu’à son exil en France en 1945 ; ses engagements politiques et syndicaux, son entrée dans le groupe surréaliste de l’après-guerre et, bien sûr, son approche de critique et de praticien du cinéma. Autant parler d’un trésor de témoignage par cet « éternel révolté »D disparu à l’âge de 63 ans d’une rupture d’anévrisme en automne 1985, à Paris.

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Portrait d’Ado Kyrou, image extraite d’un entretien vidéo (en grec) 
avec Nikos Giannopoulos (1985)

Page source : http://www.dailymotion.com/video/xvdvx5

Je ne l’ai donc pas connu personnellement, si ce n’est par ce témoignage unique ou encore les archives de l’INA E qui, par bribes, retracent son parcours d’auteur, de critique cinéma et de cinéaste d’inspiration surréaliste. Dans un monde culturel tout aussi sectorisé que celui de l’industrie, sa notoriété le cantonne exclusivement dans la critique cinématographique d’avant-garde, au point que l’on méconnaît aujourd’hui le Kyrou amateur de cartes postales et d’imagerie populaire F, le court-métragiste de talent et le téléaste de service public audiovisuel en fiction, en reportage, en variétés… Et aussi en film documentaire qui, en télévision, était produit sur support pellicule 16mm jusqu’au début des années ’80, comme son « Zen sans gêne », d’une durée de 8 minutes et disponible en clair sur la toile : http://www.ina.fr/video/CPB8005286407/le-zen-sans-gene-video.html 

Dans sa période de collaborations régulières à l’ORTF et France 2, entre 1968 et 1984, les documentaires de 52’ qu’il réalise s’intitulent: « Le vieux Trocadéro », « Les francs-maçons à visage découvert », « Vivre le chômage », « Le musée Grévin », « L’habitat social: un constat », « Les artisans de l’éphémère », « Les gardiens du temps », « Ces enfants-là »…  Flux télévisuel oblige, l’enquête et le témoignage y sont nettement privilégiés, ce qui n’empêche pas une construction cinématographique rigoureuse et des envolées poétiques lors de nombreux passages dans la continuité audio-logo-visuelle. Accompagnement musical éclectique, reconstitution, farce et clin d’œil font partie des procédés fréquemment adoptés à la mise en scène ou au montage, qu’il évoque dans ces termes : « Il y a quinze jours, j’ai fini un film de commande – on est obligé de faire des films de commande de temps en temps – sur le Salon des arts ménagers. Et il y avait une section rétrospective avec de vieux appareils et de vieilles machines-à-coudre etc… J’ai fait un plan d’une vieille machine-à-coudre – très belle – et je l’ai couplée avec un parapluie… Bon, c’est la rencontre de la machine-à-coudre et du parapluie de Lautréamont G, personne ne comprendra ou alors une personne sur mille, mais, moi, ça me fait plaisir. Donc, si tu veux, cet état d’esprit de la blague, même personnelle, reste aussi vivace que toujours. (…) J’ai toujours dit – et Breton était d’ailleurs d’accord avec moi – que le surréalisme est avant tout un état d’esprit. Il n’existait pas de groupe surréaliste quand Rimbaud ou quand Lautréamont écrivaient ou quand Bosch peignait. Le groupe a simplement rassemblé, codifié et mis au clair. Et permis à tout le monde d’entrer, disons, dans la poésie.» Kyrou admet avoir appris énormément à travers le traitement du réel à la télévision. « J ‘en ai fait une soixantaine, des films d’une heure à peu près. Je sais que si un jour je refais du cinéma, j’introduirai de façon encore plus présente la réalité, c’est-à-dire que j’y introduirai même du documentaire à l’intérieur. »

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Photographie du groupe surréaliste au café de la place Blanche en 1953.
© Man Ray Trust / ADAGP, Paris, 2005.
Ado Kyrou est le cinquième en commençant par la gauche à partir du  rang du haut.
 
page source: andrebreton.fr
 
 Ses lettres de noblesse en court-métrage cinéma se situent dans la période 1957-1963, en plein essor du genre en France. Sur dix courts-métrages répertoriés à son nom, six sont des documentaires – films d’art inclus. L’archive, écrite ou audio-visuelle, y occupe une place prépondérante, à commencer par « Le temps des assassins » (15’, 1962), véritable plaidoyer antifasciste retraçant l’histoire de la 2ème guerre mondiale, co-signé avec Jean Vigne et entièrement réalisé à partir d’images d’actualités. Lors d’une présentation publique de son œuvre à la cinémathèque d’Athènes en 2012, en toute fin de projection, un spectateur s’est levé pour demander comment se procurer une copie du film, précisant qu’on devrait l’inclure dans le catalogue de toutes les vidéothèques scolaires. Pour « La déroute » (16’, 1957) – son tout premier court-métrage produit par le talentueux Anatole Dauman et encadré par Georges Franju au poste de conseiller technique – Kyrou aborde l’exploitation mercantile de la défaite des troupes napoléoniennes à Waterloo. Signé par Henri Colpi au montage, narré par Jean Servais à partir de textes de Victor Hugo, le film possède toutes les qualités d’un classique de ces années-là, dans le sens où sa partition cinématographique déploie un découpage et une continuité très soignée et ponctuée par les textes de Victor Hugo : « Ce fut là un lieu funèbre, le commencement de l’obstacle, la première résistance que rencontre à Waterloo ce grand bûcheron de l’Europe qu’on appelait Napoléon; le premier nœud sous le coup de hache. »
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Photogramme extrait du court-métrage LE PALAIS IDEAL réalisé par Ado Kyrou (1958)

Page source : http://animulavagula.hautetfort.com/tag/michel+guillemot

Lors de l’entretien sonore, le cinéaste se remémore son expérience en court-métrage cinéma : « J’en ai fait une vingtaine, je crois, vingt-deux. J’avais des producteurs, toujours ; une seule fois, j’ai produit un film sur le château du Facteur Cheval H – ça s’appelait « Le Palais idéal » – sans être payé et sans payer l’équipe, avec un prêt que m’avait fait mon ex-belle-mère »I. Ainsi, grâce au geste de sa mécène, Ado Kyrou peut enfin traiter un sujet cher aux surréalistes – auquel Jacques Brunius avait consacré un film dans les années ’30. Il s’agit du phénomène de l’artiste singulier Ferdinand Cheval connu aussi comme Facteur Cheval (1836-1924), originaire de Hauterives (Drôme). Nous sommes en 1956, une époque où la notoriété artistique du bâtisseur solitaire reste encore à faire. Ici, le cinéaste Kyrou opte pour le récit du facteur à la première personne, depuis ses premières intuitions jusqu’à l’achèvement du palais entièrement construit de ses mains, et selon les mots de l’artiste, grâce à « un génie bienfaisant (qui l’a) tiré du néant ». L’histoire de Ferdinand Cheval est narrée par Gaston Modot tandis qu’à l’image, le personnage est incarné par Monsieur Chautand, facteur à Hauterives en 1957 que la caméra de Kyrou suit jusqu’aux derniers gestes du personnage en train de bâtir, à l’âge de 86 ans, sa propre demeure éternelle qu’il nommera « le tombeau du silence et du repos sans fin ». La collaboration de Kyrou avec un maître du jazz comme André Hodeir et le Jazz Groupe de Paris, ainsi qu’un travail méticuleux de couplage son/image, créent la rencontre poétique entre l’étrangeté de l’œuvre monumentale de Ferdinand Cheval et son récit : « Fils de paysan et fils de mes oeuvres, facteur rural comme mes 25000 camarades, je déambulais chaque jour de Hautes Rives à Tersanne, courant tantôt dans la neige et la glace, tantôt dans la campagne fleurie. J’avais bâti dans un rêve, un château, un palais ou des grottes, je ne sais trop bien vous l’exprimer, le tout si joli, si pittoresque que l’image en demeura vivante pendant au moins dix ans dans mon cerveau. Je m’ traitais moi-même de fou, d’insensé. J’étais pas maçon, sculpteur, je ne connaissais pas l’ ciseau. Pour l’architecture, n’en parlons pas, je ne l’ai jamais étudiée. Or, au moment où mon rêve sombrait peu à peu dans les brouillards de l’oubli, mon pied heurtait une pierre si bizarre que je l’ai ramassée. Le lendemain, au même endroit, j’en trouvai une plus belle. Puisque la nature peut faire la sculpture, moi je ferai la maçonnerie et l’architecture. » Ainsi parlait Cheval dans ce petit bijou cinématographique, austère et lyrique à la fois, où le cinéaste, entre reconstitution, respect du document et merveille du monument, revisite l’univers poétique du personnage.

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Le Palais idéal, œuvre monumentale de Ferdinand Cheval, carte postale d’époque

page source : www. facteur-cheval.fr

Pouvez-vous nous donner les éléments les plus importants de sa biographie.

Citoyen Kyrou naît dans l’Athènes de l’entre-deux guerres en 1923, au sein d’une famille aisée, et selon ses propres mots, « bourgeoise et, même, tout-à-fait réactionnaire ». Les Kyrou sont d’origine chypriote et propriétaires-éditeurs du quotidien conservateur « Estia », dont la direction lui est à priori destinée. Il en sera tout autrement pour le jeune Adonis qui, collégien dans les années ’30, commence par refuser de porter l’uniforme des jeunesses fascistes. Il ne tardera pas à rejoindre la résistance communiste pendant l’occupation où il n’a pas été accepté « les bras ouverts, c’est-à-dire qu’il y avait une méfiance, toujours – normale, normale. Et ils m’ont mis à l’épreuve. Alors, mettre à l’épreuve, ça donnait des résultats quelques fois tragiques pour un gosse de cet âge-là. J’ai eu des fois à trimballer, dans des sacs, des morceaux de mitraillette d’un bout d’Athènes à l’autre à pied, Alors, je me souviens de ma trouille, comme un gosse qui a peur, peur, comme les gosses dans « Les misérables », comme Cosette dans la forêt, quoi. J’allais d’Omonia à Pangràti, à pied, avec deux grands sacs. Les Allemands, je le voyais, ils étaient autour de moi, oui. Mais tu vois, ça, ça forme aussi.»

Peu après la libération d’automne 1944 – Churchill et Staline négocient le sort des Balkans et placent la Grèce sous influence britannique J – le pays ne tardera pas à sombrer, cinq ans durant,  dans une sanglante guerre civile ayant marqué la mémoire de plusieurs générations dans le pays. Gravement blessé à la colonne vertébrale, Kyrou survit aux balles des milices d’extrême droite et après quelques mois d’hôpital, il rejoint, en toute clandestinité, la France. « Un ami qui était le directeur du journal communiste « Rizospastis » m’a dit : « Comme je considère que tu es un bon communiste, ne va pas dans les pays dits ‘socialistes’.». C’est comme ça que je suis arrivé en France, avec des faux papiers, que je suis allée clandestinement sur un bateau anglais. J’ai mis presque trois mois pour arriver d’Athènes à Paris, c’était juste la fin de la guerre. Puis, je me suis trouvé tout seul, sans connaître personne. »

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Extrait de l’ouvrage d’Ado Kyrou L’AGE D’OR DE LA CARTE POSTALE, Paris, édtions BALLAND, 1966

page source: http://www.wanted-rare-books.com/carte-postale-kyrou.htm

Il est peut-être parmi les premiers en ce début de l’année 1945 mais près de 150 de ses congénères suivront à bord du bateau « Mataroa », certains d’entre eux comme étudiants boursiers de la France, fuyant clairement les représailles du fait de leur participation à la résistance. Ils s’appellent Kostas Axelos, Cornelius Castoriadis, Kostas Papaïoannou et seront philosophes. Nikos Svoronos deviendra historien, Mimika Kranaki, tête chercheuse en philosophie, poétesse et romancière. Georges Candylis, urbaniste auprès du Corbusier ainsi que l’architecte Yannis Xenakis, arrivé en 1947, qui sera compositeur.

« J’ai vécu très longtemps, plusieurs années », raconte Ado Kyrou,  « sept huit ans, oui, sans papiers, c’est-à-dire uniquement avec une carte de réfugié. J’ai fait même des travaux pour vivre; des travaux du genre débardeur aux Halles. J’ai fini ici ma licence ès Lettres, puis tout en écrivant, j’ai commence, petit a petit, à entrer dans le cinéma.  Je me suis d’abord spécialisé dans la critique cinématographique. »

Pendant plus de trente ans, les revues qu’il a fondées ou au sein desquelles il a fait équipe sont : « L’âge du cinéma », « Bizarre », « Positif », « Cinéma », « L’écran », « L’avant-scène du cinéma », « Midi-Minuit Fantastique »… K

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Portrait d’Ado Kyrou, image extraite d’un entretien avec Jacques Nahum 
pour le documentaire « Le cinéma surréaliste existe-t-il ? » réalisé dans 
le cadre de l’émission « Démons et merveilles du cinéma », ORTF,  1966

Page source : www.inamediapro.com

Sa rencontre, d’une part avec Eric Losfeld L, son éditeur, ainsi que le groupe surréaliste déterminent son orientation intellectuelle : « J’ai trouvé là des gens qui disaient ce qu’ils pensaient, pour qui, les choses n’étaient pas une fois pour toutes définies. Qui n’obéissaient pas à la règle de l’histoire, même littéraire. Des gens auprès de qui je pouvais dire que La Fontaine est un sale con, sans qu’on me dise que je fais de la provocation ou que j’essaie de faire le malin. Donc, le surréalisme m’a beaucoup aidé pour avoir cette indépendance totale envers l’événement. Cela m’a porté beaucoup d’autres choses, c’est-à-dire que j’ai connu des personnages extraordinaires. Quelqu’un comme Prévert, par exemple, était un être extraordinaire, d’une valeur morale incroyable. Bunuel, aussi. Tout ça c’était des personnages qui existaient par eux-mêmes, sans faire de numéro à l’extérieur. (…) Resnais, c’est quelqu’un que j’aime bien humainement, on habitait rue des Plantes tous les deux, lui un peu plus loin que moi. Pendant Mai ’68, on avait rendez-vous au coin de la rue et on allait à pied à Vaugirard, à l’école de Vaugirard, où il y avait toutes les réunions. C’est quelqu’un qui a beaucoup pensé au surréalisme, qui a été très proche, très propre aussi. »

Quelle importance avait le documentaire pour lui ?

 Revendiquant l’essence surréaliste du cinéma – de par le simple fait que la caméra impose toujours un point de vue – c’est la poésie et l’absurdité du réel qui l’intéressent, y compris en fiction. Parmi ses œuvres les plus réussies, on peut citer deux «hybrides », à mi-chemin du documentaire et de la fiction, l’un placé sous le signe du désir de témoigner, l’autre sous celui de la créativité exponentielle à partir de documents visuels.

Il s’agit, d’une part, de « Bloko », long-métrage (74’, 1965) se référant à la période de l’occupation allemande en Grèce. La trame fictionnelle n’est qu’un prétexte à la reconstitution de faits historiques qui se sont déroulés en été 1944 dans le faubourg athénien de Kokkinia. La cartographie « occupants – résistants – collabos – population » y est minutieusement décrite à travers le bouclage barbare de la ville, suivi d’exécutions capitales collectives. Avec le temps – et surtout, la nécessaire distance des historiens et de l’opinion publique par rapport aux faits de guerre – le film est devenu une référence dans le cinéma grec. Pourtant, le cinéaste s’en souvient tout autrement lors de sa sortie : « Le film a été très mal accueilli en Grèce parce que pour la première fois, il y avait un film sur la résistance, sur l’occupation, sans héroïsme. Il n’y avait pas de personne qui n’avait pas peur. Il n’y avait pas de ces êtres immatériels qui parsèment tout le cinéma de guerre américain ou même tout ce qui a été fait sur la résistance en Grèce. J’avais essayé, d’une part, d’être complètement réel, c’est-à-dire d’écrire les choses telles que je les ai vues. Je n’ai pas vu l’événement même mais j’ai vu des événements équivalents. »

D’autre part, « Un honnête homme », (11’, 1963, Prix Louis Lumière 1964), renvoie clairement au documentaire de création construit à partir d’un matériau assez insolite: une collection de cartes postales en noir et blanc, filmées au banc-titre. Approche surréaliste oblige, la continuité visuelle de cette imagerie « belle époque «  est ponctuée par le récit biographique, en rimes, d’un présupposé fils de sabotier du Val-de-Loire M qui arrive à Paris pour étudier mais finit par y connaître la débauche, l’amour, puis la guerre avant le retrait et la paix… A l’image, donc, le document. Au son, la fiction aux vagues similitudes autobiographiques sur fond d’exode rural.

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Image d’une carte postale depuis « Un honnête homme », court métrage d’Ado Kyrou et Prix Louis Lumière 1964 – Page source : https://ombresblanches.wordpress.com/page/5/

 Quelle place peut avoir aujourd’hui la connaissance de l’œuvre d’Ado Kyrou ?

Autant son œuvre que les points de vue qu’il a défendus rappellent l’effet d’un antidote à la culture sclérosée, si vous permettez l’expression. L’empreinte surréaliste sur son expression l’amène à affirmer « des choses qui ont paru à un certain public et surtout à une certaine élite comme des absurdités immenses. J’avais osé dire que « King Kong » était un grand film lorsque « King Kong » était considéré comme un petit film pour les petits enfants. Ou « L’île du Dr Moreau » ou n’importe quoi. Aujourd’hui, il y a des jeunes qui me demandent « Dis donc, comment avais-tu deviné que c’était un grand film ? » J’avais deviné rien du tout, ça m’avait plus, c’est tout. Et j’avais osé le dire ».

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Extrait de presse en langue avec photographie de plateau depuis le tournage « Paix et vie », Athènes, 1962. Ado Kyrou, debout derrière la caméra, porte des lunettes foncées.

Page source : http://www.askiweb.eu/

            A la revendication de la liberté de penser, s’ajoute l’intérêt historique des sujets qu’il a traités, qu’ils soient en lien avec la littérature, l’art en général et le surréalisme en particulier. Quant à son style cinématographique, nourri d’une grande exigence artistique, il semble toujours à l’affût de la singularité « pour effacer toutes les différences, pour entrer dans toutes les différences pour les comprendre. Artaud était fou, et parce qu’il était fou il était Artaud.». Certaines séquences dans ses films pourraient être revisités comme des documents à part entière. Prenons l’exemple de « La chevelure » (19’, 1961), adapté à partir de la nouvelle homonyme de Guy de Maupassant. Aux côtés d’un Jean-Louis Trintignant dans l’un de ses tout premiers rôles, Kyrou s’amuse à insérer dans le film le passage de l’homme-orchestre, personnage ambulant de l’époque qui arpentait les quartiers de Paris sous le poids d’objets-instruments reproduisant sa « musique ». Idem pour l’apparition inattendue d’Henri Langlois dans « Le vieux Trocadéro » (archives INA 1974), évoquant ses souvenirs du lieu avant la démolition, comme une caverne d’Ali Baba… Dans l’anticonformisme qui caractérise son parcours, l’histoire de la censure à la télévision française citera à nouveau son nom pour avoir « ridiculisé le personnage d’un officier de police » dans la série « Face aux Lancaster » (20X13’, 1971) N.

Dans son récit de vie, Ado Kyrou s’attarde sur une autre expérience heureuse de production collective, cette fois: «  C’était un film qui s’appelait « Parfois le Dimanche » (1960), un film-romance avec acteurs, avec, comme fond, la guerre d’Algérie. Celui-là, je l’ai fait en coopérative avec tous les techniciens sans qu’on n’ait payé un sou. On était deux réalisateurs, Raoul Sangla et moi. On avait des acteurs, des techniciens, c’était une production assez complète pour un film de 25 minutes, où tout le monde a été payé à part égale, c’est-à-dire que le machiniste a été payé autant que nous. Une fois le film vendu – le film a fait pas mal d’argent d’ailleurs – on était tous très heureux. C’était une entreprise rare dans le cinéma, où toute coopérative, comme ça, est considérée comme dangereuse parce que les gens ne voient jamais leur argent. Mais là, c’était peut-être le système qui n’était pas un système de hiérarchie mais un système d’égalité totale… Comme on avait signé tous nos contrats après avoir demandé l’aide du syndicat, il n’y a pas eu la moindre histoire. »

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Plan du parapluie et de la machine à coudre composé lors du tournage du « Salon des arts ménagers » (Paris, 1981), en référence aux « Chants de Maldoror de Lautréamont. Cliché pris depuis l’interface des archives audiovisuelles de l’INA.

Après l’écoute du témoignage d’Ado Kyrou, j’ai éprouvé la curiosité d’aller retrouver ce plan de la rencontre de la machine à coudre et du parapluie qu’il a composé à l’occasion du programme télévisé pour le Salon des arts ménagers de 1981. Entre rasoirs à main dentelés, ventilateurs « quatre saisons » et spatules de cuisine en nylon, la nature morte …gisait à la 37ème minute de l’émission, en noir et blanc, au beau milieu d’une séquence de poêles à bois en porcelaine peinte, le tout baignant dans une sorte dans l’anachronisme que procure le visionnage des programmes de ces années-là. Il faut dire qu’Ado était le téléaste habitué pour « Aujourd’hui Madame », devenu « Aujourd’hui la vie », programme prioritairement destiné à la bonne ménagère de l’époque (années ‘60 et ’70), pour lequel il a, hormis les reportages sur le terrain, assuré les défilés annuels des grands couturiers entre la fin des années ’70 et le début des années ’80. Il a également réalisé quelques programmes musicaux pour « Dim, Dam, Dom », dont certains documents comme l’improvisation flamenco du grand guitariste gitan Manitas De Plata (1967)  https://www.youtube.com/watch?v=o92nOLWiduM ainsi que « Hey Joe » de Jimi Hendrix (1967).

Alors, on l’imagine volontiers, entre deux tournages en studio multi-caméra, bavarder à la cantine en compagnie de Carlos Vilardebo O ou de Jean-Christophe Averty P, évoquant tantôt l’essence surréaliste du cinéma tantôt les tracts du mouvement qu’il signait autrefois et qui, eux, n’ont rien perdu de leur modernité: « Ni école, ni chapelle, beaucoup plus qu’une attitude, le surréalisme est, dans le sens le plus agressif et le plus total du terme, une aventure. Aventure de l’homme et du réel lancés l’un par l’autre dans le même mouvement. N’en déplaise aux spirites de la critique attablés, toutes lumières éteintes, pour évoquer son ombre, le surréalisme continue de se définir par rapport à la vie dont il n’a cessé d’exalter les forces en s’attaquant à leur aliénation séculaire. »

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HAUTE FREQUENCE, tract surréaliste du 24 mai 1951

Notes

A Ado KYROU, Le surréalisme au cinéma, Paris, 1ère édition par LE TERRAIN VAGUE (1963) –   rééditions par  RAMSAY CINEMA (depuis 1985)

B Ado Kyrou, Luis Bunuel, Paris, édité par SEGHERS , coll. “Cinéma d’Aujourd’hui” (1962)

C Frémaux Thierry. L’aventure cinéphilique de positif (1952-1989). In: Vingtième Siècle, revue d’histoire, n°23, juillet-septembre 1989. Dossier : Mai 68. pp. 21-34

http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1989_num_23_1_2831

D Ioanna PAPASPYRIDOU, Ado Kyrou, l’éternel révolté, Mélusine XXIV – Le cinéma des surréalistes. Article accessible en ligne : https://books.google.gr/books?id=yicoXwu_FbUC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=film+documentaire+Ado+Kyrou&source=bl&ots=aYB1mKJsYN&sig=2fMjtX4GMw26CfnUQuN1JgrNuto&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjZp7mglMfZAhUEsaQKHe_vBb4Q6AEINjAE#v=onepage&q=film%20documentaire%20Ado%20Kyrou&f=false

E INA, Institut National de l’Audiovisuel chargé de la conservation des archives radiophoniques et télévisuelles des médias de service public depuis leur existence.

F  Ado KYROU, L’âge d’or de la carte postale, Paris, éditions BALLAND, 1966

G « (…) beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ! » , citation d’Isidore Ducasse dit le comte de Lautréamont, Les chants de Maldoror (1869)

Texte en ligne page 124 sur 142 : http://www.poetes.com/textes/lau_mal.pdf

H site web du Palais idéal de Ferdinand Cheval : www.facteurcheval.com

I Article du quotidien le Dauphiné “Un film inédit sur le Facteur Cheval” relatant comment la copie du film d’Ado Kyrou a rejoint le site du älais idéal  en 2010: http://www.ledauphine.com/drome/2010/09/25/un-film-inedit-sur-le-facteur-cheval-et-son-palais-ideal

J À propos de “ l’accord des pourcentages” du 10 octobre 1944: https://www.herodote.net/10_octobre_1944-evenement-19441010.php

K Liste des articles de critique cinéma signés par Ado Kyrou https://calindex.eu/auteur.php?op=listart&num=14

L À propos d’Eric Losfeld: https://www.babelio.com/auteur/ric-Losfeld/170033  http://www.telerama.fr/livre/les-memoires-frondeuses-d-eric-losfeld-editeur-des-surrealistes,155586.php

M  Y aurait-il ici un clin-d’oeil au court-métrage de Jacques Demy “Le sabotier du Val-de-Loire” (26’, 1955)°?

N À propos de cet épisode de censure : http://www.tele70.com/article-30963759.html

O Carlos Vilardebo , cinéaste et téléaste d’origine portugaise, né en 1921: http://www.imdb.com/name/nm0897404/

P  Jean-Christophe Averty http://theconversation.com/jean-christophe-averty-melies-du-petit-ecran-74034