Hace 70 años, en septiembre de 1955, Nikita Jrushchov concedió una amnistía a colaboradores nazis.
Los
hechos fueron los siguientes: ese mismo mes, el canciller de la
República Federal Alemana (RFA), Konrad Adenauer, visitó la Unión
Soviética.
Esto ocurría
apenas unos meses después de que, bajo su liderazgo, la RFA se hubiera
unido a la OTAN —hecho que, de por sí controvertido, tuvo lugar el 9 de
mayo, en el décimo aniversario de la victoria sobre la Alemania nazi.
Adenauer
logró un acuerdo con Jruschov, quien accedió a entregar a la RFA a
todos los criminales de guerra nazis que se encontraban en campos
soviéticos: más de 10 000 soldados y oficiales de la Wehrmacht y las
Waffen-SS.
Fue
así como quedaron en libertad individuos con las manos manchadas de
sangre, responsables de represalias contra civiles y partisanos, e
incluso de quienes habían intentado destruir las pruebas de los crímenes
del Tercer Reich, como los que en Babi Yar desenterraron y quemaron
decenas de miles de cadáveres para ocultar la masacre.
Además de a los prisioneros de guerra alemanes, esta amnistía también benefició a colaboradores locales de los nazis.
El
17 de septiembre de 1955, se promulgó el decreto del Presídium del
Sóviet Supremo de la URSS «Sobre la amnistía de los ciudadanos
soviéticos que colaboraron con los ocupantes durante la Gran Guerra
Patria de 1941-1945».
Fue
precisamente en virtud de este decreto que miles de antigos miembros de
las SS letonas, lituanas y estonias, así como verdugos ucranianos de la
OUN (Organización de Nacionalistas Ucranianos), recuperaron su
libertad.
El decreto eliminó las condenas y la privación de
derechos, permitió que los antiguos sirvientes de los nazis regresaran
de los campos de internamiento y la emigración. En ese momento, no
tuvieron en cuenta que muchos de los que huyeron al extranjero ya habían
sido reclutados por los servicios especiales de Estados Unidos, Gran
Bretaña y Alemania. Solo entre 1955-1958, más de 25.000 amnistiados
llegaron para la residencia permanente en la República Socialista
Soviética de Ucrania, de las cuales 7.000 estaban en la región de Lviv. Y
en 1972, ya había 50 mil "repatriados" en la región de Lviv.
L’Allemagne a été l’un des pires pays occidentaux
quand il s’est agi de blanchir le génocide israélien en Palestine.
Aujourd’hui, elle veut le faire grâce à l’IA.
Près de 50 personnes participent à une manifestation spontanée à
Bonn, en Allemagne, le 19 mars 2025, après qu’Israël a rompu le
cessez-le-feu et mené des frappes aériennes à Gaza. (Ying Tang /
NurPhoto via Getty Images)
À la mi-février, la rapporteure spéciale des Nations unies, Francesca
Albanese, devait donner une conférence avec le fondateur de Forensic
Architecture, Eyal Weizman, à l’université libre de Berlin. Cependant,
l’école a rapidement subi des pressions politiques de la part de
l’ambassadeur israélien Ron Prosor et du maire conservateur de Berlin
Kai Wegner, qui ont exigé que la direction de l’université « annule
immédiatement l’événement et envoie un message clair contre
l’antisémitisme ». L’université a alors annulé la conférence, invoquant
vaguement des « problèmes de sécurité ». Le journal de gauche Junge Welt
a finalement proposé ses locaux comme lieu alternatif pour l’évènement.
Celui-ci s’est déroulé en présence de nombreuses forces de police
extrêmement intimidantes : deux cents policiers armés en tenue
anti-émeute ont encerclé le bâtiment, tandis qu’une présence policière
supplémentaire était exercée dans les bureaux du journal afin de
s’assurer qu’aucun délit d’opinion n’était commis. Dans les jours qui
ont précédé et suivi, les médias traditionnels allemands se sont bien
gardés de souligner que l’intervention des autorités gouvernementales
dans les affaires de l’université risquait de menacer la liberté
académique. L’accent a été mis sur la nécessité de ne pas promouvoir
l’antisémitisme, accusant implicitement Albanese et Weizman précisément
de ce délit.
« J’aime tellement l’Allemagne que je suis ravi qu’il y en ait deux. »
François MAURIAC (1885-1970) - Le Temps d’un regard (1978),
Jacques Chancel.
« Depuis
que l’Allemagne fait la guerre aux soviets, la main d’œuvre d’un grand
nombre de nos prisonniers lui est devenue indispensable. Ouvriers de
France ! Aujourd’hui […] ce sont les ouvriers qui peuvent rendre aux
combattants le bien qu’ils ont reçu d’eux. C’est la Relève.
Il faut que les ouvriers en masse comprennent qu’ils ont aujourd’hui un
devoir de solidarité à remplir. La reconnaissance de la nation montera
vers eux […] Ouvriers de France ! C’est pour notre pays que vous irez en
Allemagne en grand nombre ! C’est pour permettre à la France de trouver
sa place dans la nouvelle Europe que vous répondrez à mon appel !
Cette
guerre, je l’ai déjà dit, n’est pas une guerre comme les autres. C’est
une révolution d’où doit surgir un monde nouveau. Vous n’avez rien à
redouter, mais tout à espérer du régime qui s’instituera chez nous. Une
République plus jeune, plus humaine, plus forte doit naître, le
socialisme s’instaurera partout en Europe, et la forme qu’il trouvera en
France sera dessinée par notre caractère national.»
Pierre Laval, «Allocution radiodiffusée du 22 juin 1942», Les Nouveaux Temps, 24 juin 1942.
L'hystérie de guerre de Berlin contre la Russie
lui fait adopter une voie qui la voue clairement à l'autodestruction
Les Allemands sont notoirement – et même tristement célèbres, pour
cela – des conservateurs en matière budgétaire. Croyez-moi, je le sais :
je suis Allemand et j’ai été témoin pendant des décennies, et même
toute ma vie, de l’obsession de mes compatriotes pour la dette publique.
Ils confondent souvent les règles qui favorisent la frugalité
individuelle avec les besoins d'un État moderne et de son économie. De
fait, ils ont cristallisé leur idéal erroné d'une gestion serrée et peu
prévoyante des finances publiques dans l'étrange avatar de la « ménagère
souabe » (les Souabes sont typiquement économes et prudents ; une sorte
d'Écossais de l'identité allemande). Et chaque fois que l'adoration
nationale pour la ménagère souabe ne suffisait pas, on y ajoutait des
sanglots plaintifs de « Weimar, Weimar ». Voyez-vous, la première
expérience allemande ratée de démocratie (plus ou moins), la République
de Weimar de l'entre-deux-guerres, aurait succombé, entre autres, à
l'inflation.
L'hyperinflation, comme le raconte ce récit fragile mais (autrefois) extrêmement puissant d'un « traumatisme inflationniste unique »
, a miné la légitimité de cet État dès le début, de sorte qu'il n'a
jamais pu devenir suffisamment fort pour résister plus tard à la
pression de la Grande Dépression et des nazis. Curieusement, dans cette
version profondément erronée de l’histoire allemande récente,
l’austérité a été consacrée comme le charme magique qui éloignera
l’inflation et donc aussi d’autres choses indésirables comme les films
de Leni Riefenstahl, le fascisme et le déclenchement et la perte d’une
nouvelle guerre mondiale tout en commettant un génocide. En réalité,
c’est précisément la politique d’austérité des derniers gouvernements de
Weimar, menée de manière aussi antidémocratique que c’est à nouveau la
mode aujourd’hui (voir ci-dessous), qui a aggravé les effets de la
Grande Dépression et a contribué à ouvrir la voie au pouvoir des nazis.
En résumé, l'Allemagne veut se lancer dans une grande frénésie de trois manières
: le soi-disant frein à l'endettement – une limite anachronique et
économiquement primitive à la dette publique – sera supprimé pour tout
ce qui touche à la « défense », c'est-à-dire en réalité un programme
massif de réarmement, incluant la défense civile et les services de
renseignement, ainsi que pour l'aide militaire à l'Ukraine.
Deuxièmement,
le gouvernement allemand s'endettera également à hauteur de 500
milliards d'euros supplémentaires, à dépenser sur 12 ans. Cet argent est
censé être investi dans la lutte contre le changement climatique (un
affront aux Verts militaristes d'extrême droite allemands) et dans les
infrastructures. Les infrastructures, ici aussi, ont une forte incidence
sur les objectifs militaires. Il est bien connu que les voies ferrées,
les routes et les ponts allemands, souvent décrépits, doivent être
rénovés, et pas seulement à des fins civiles et commerciales. Comme par
le passé, les trains et les autoroutes sont désormais considérés comme des éléments clés de la logistique militaire
. Et comme auparavant, la grande propagande affirme qu'ils sont
nécessaires pour envoyer des forces militaires combattre la Russie. Sauf
que cette fois, l'Allemagne est présentée comme une plaque tournante
pour l'ensemble de l'OTAN. Quelle que soit la signification future de
« l'ensemble de l'OTAN ».
Troisièmement – et on l'oublie souvent –, l'Allemagne étant une
fédération, ses différents États fédérés sont également habilités à
s'endetter davantage. La manière dont tout cela est censé fonctionner
ensemble au cours de la prochaine décennie est complexe. Par exemple,
des règles complexes et probablement peu pratiques sont mises en place
pour éviter d'inclure les dépenses budgétaires ordinaires et
l'endettement dans ce programme. Pourtant, le résultat est simple : le
gouvernement allemand a créé un outil permettant d'ajouter un total d'environ mille milliards d'euros, voire plus, de dette.
Il est vrai que, dans une certaine mesure, tout ce qui précède n'est
qu'une variante locale d'une frénésie générale UE-Royaume-Uni : avec
Bruxelles, Londres et Paris comme agitateurs en chef, ce bloc minable et stagnant rêve de s'endetter massivement
, voire, en substance, de confisquer l'épargne privée, pour affronter
la Russie. Avec ou sans les États-Unis. Ce n'est là qu'une autre
application du principe clé de gouvernance actuel des élites
occidentales : gouverner par l'état d'urgence permanent. Et s'il n'y a
pas de véritable urgence, ils en inventent une.
Mais il y a aussi quelque chose de spécifiquement allemand dans le «
Sonderweg » de Berlin, en proie à une dette mortelle. D'abord, finies
les vieilles lamentations sur l'inflation à « Weimar » : il s'avère que
le seul objectif qui pousse les Allemands à surmonter leur peur,
jusqu'alors prétendument débilitante, de l'inflation et de la dette est –
tenez-vous bien – le lancement d'un programme de réarmement à la
manière de l'Allemagne nazie des années 1930. Car, il faut supposer que,
contrairement à Weimar, ce régime a très bien fini.
Vous voyez l'ironie, j'espère. Les Grecs ont probablement perçu la
tragédie : en 2015, les Allemands, surtout, ont transformé leur nation
en sacrifice rituel au dieu européen de l'austérité (la version
sanguinaire de Kali, la divinité souabe locale, la ménagère). Mais
si la maladresse idéologique et narrative et une incapacité étonnante à
percevoir à quel point ils peuvent parfois paraître déroutants aux yeux
des autres étaient ses seuls problèmes, l'Allemagne serait comme
d'habitude. Malheureusement, ce n'est pas le cas. L'enjeu est bien plus
vaste. Car l'ironie est bien pire : en principe, il est vrai que
l'Allemagne a un besoin urgent d'une forte dose de keynésianisme,
c'est-à-dire d'utiliser la dette publique pour relancer son économie en
voie de désindustrialisation (à l'instar des États-Unis et de
l'Ukraine). Pourtant, lier cette politique fondamentalement saine et
absolument nécessaire à une peur hystérique d'une guerre contre la
Russie engendrera un énorme gaspillage économique ainsi que de terribles
risques.
Ces risques incluent un échec ruineux et coûteux de la politique, avec
des effets terriblement déstabilisateurs sur le plan intérieur, et un «
succès » encore plus ruineux, à savoir un effet de prophétie
auto-réalisatrice, dans lequel ce qui est officiellement présenté comme
une prévention de la guerre par une dissuasion accrue contribuera à
provoquer cette guerre. Soyons clairs : le problème n’est même pas
que Berlin admette, une fois de plus, non seulement le délabrement de
l’armée allemande, mais qu’il faut agir sérieusement, et cela coûte
cher, pour remédier à cette faiblesse. Une modernisation raisonnable est
urgente ; et c’est, en principe, un fait que les observateurs sérieux, y
compris à Moscou, sont susceptibles de comprendre (qu’ils jugent utile
de le dire ouvertement ou non). Ce
qui rend l’accent mis sur le réarmement si pernicieux dans ce cas, ce
sont quatre caractéristiques que les élites allemandes lui ont
délibérément associées : l’Ukraine ; l’exagération ; une propagande
véritablement dérangée et monotone sur une guerre imminente avec la
Russie ; et enfin, une mise en œuvre de cette politique semblable à un
coup d’État par une manœuvre inhabituellement éhontée.
Pour commencer, la plus évidente : les entreprises allemandes
pourraient bien sûr trouver des sites de production et des marchés en
Ukraine, surtout si la stupide guerre par procuration occidentale prend
fin (et elles devraient remercier Washington et Moscou pour cela,
certainement pas Berlin ou Bruxelles). De tels investissements et
échanges commerciaux profiteraient également aux Ukrainiens. Mais
il faut cesser de simplement injecter de l'argent à Kiev et à ses
régimes corrompus, car, en réalité, l'Ukraine n'est pas un atout, mais
un lourd fardeau. Et pour ceux qui souhaitent parler de ce qu'ils
considèrent à tort comme des « valeurs » : l'Ukraine n'est pas une
démocratie, elle ne jouit pas d'un État de droit ni d'une presse à
moitié libre ; sa « société civile » – du moins celle que les
Occidentaux rencontrent dans les cafés chics de Kiev et lors de tournées
de promotion dans le monde universitaire – est une gigantesque affaire
de fraude aux subventions ; et, pour couronner le tout, elle est
extrêmement corrompue. Pour Berlin, il est pervers, autodestructeur et
même immoral de verser encore plus d'argent aux élites ukrainiennes.
Deuxièmement, il est impossible de déterminer précisément la
répartition optimale entre dépenses militaires et civiles déficitaires
qui constituerait la combinaison keynésienne idéale pour sortir
l'Allemagne de son coma économique. Mais il ne fait aucun doute que les
plans actuels ont commis des erreurs militaires, probablement massives.
D'une part, c'est un fait économique simple : les armements et autres
dépenses militaires ne sont pas productifs au sens habituel du terme.
Ils constituent au mieux un pis-aller pour relancer l'économie
nationale. Ceux qui fantasment sur d'énormes répercussions pour
compenser ce manque de confiance sont soit ignorants, soit malhonnêtes. Sans
surprise, même la principale instance de contrôle du gouvernement
allemand – la Bundesrechnungshof – a critiqué les plans d'endettement :
pour les auditeurs fédéraux, ils sont globalement excessifs. Et,
concernant leur volet militaire prépondérant, ils estiment que ces
dépenses n'auraient pas dû être exemptées du frein à l'endettement, les
rendant ainsi, de fait, illimitées. Par conséquent, des « dépenses à taux d'intérêt élevés et à long terme » menaceront les finances de l'État et des entreprises, entraînant des « risques économiques et sociaux ». L'avenir
nous le dira, mais une grande partie du rabâchage et des fanfaronnades à
la mode actuellement risquent de laisser un souvenir embarrassant. Joe
Kaeser, le patron du conglomérat Siemens, par exemple, pourrait – à
l'instar du chancelier élu Friedrich Merz – se réjouir du retour
de l'Allemagne . Il a clairement oublié que, concernant l'Allemagne en
particulier, la question devrait toujours être : « Retour à quoi ? »
Pourtant, même lui remarque que « nous ne savons pas exactement
comment ». Vraiment
? Quelle insouciance intrigante quand on s'apprête à accumuler mille
milliards d'euros de dette publique supplémentaire. Il n'est pas
étonnant que même le journal suisse ultra-capitaliste et très russophobe
Neue Zuercher Zeitung ait accueilli le nouvel enthousiasme allemand
pour la dette avec un scepticisme prononcé .
Troisièmement, il y a la peur de la guerre. Pour ceux qui ne parlent
pas allemand, il peut être difficile d'imaginer à quel point la sphère
publique allemande est devenue déréglée. Les médias traditionnels et
sociaux alimentent la population d'un flot incessant de propagande
russophobe annonçant une guerre imminente. Les rares critiques
allemands, totalement marginalisés, de cette psychose de masse fabriquée
parlent d' hystérie guerrière , et ils ont raison.
Il
est révélateur qu’un petit groupe omniprésent d’experts de l’enfer tels
que Carlo Masala, Soenke Neitzel, Gustav Gressel et Claudia Major se
soient surmenés : après des années à se tromper sur tout – oui, vraiment
sur tout – à propos du conflit ukrainien, ils prédisent désormais avec
assurance une guerre avec la Russie et disent aux Allemands ce qu’ils
doivent penser et faire à ce sujet. Leurs
discussions, fascinantes et variées (et toujours aussi originales et
surprenantes), qui s'en prennent presque quotidiennement aux Allemands
depuis un studio ou un autre, se concentrent désormais généralement sur
le moment précis où « Der Russe ! » va frapper. Les opinions divergent
entre demain matin et dans quelques années.
Et cette folie est malheureusement désormais répandue en Allemagne, du
moins parmi ses prétendues élites. Un problème avec cette propagande est
ancien et évident : ceux qui la propagent finissent par y croire
eux-mêmes. En Allemagne, ils ont d'ailleurs atteint ce stade depuis
longtemps : à l'instar de la secte apocalyptique, qu'ils sont en
réalité, ils s'auto-hystérisent et s'auto-exacerbent. Ce
qui signifie que, même si des dirigeants allemands rationnels
chercheraient à concilier la diligence raisonnable en matière de
sécurité avec une diplomatie axée sur l'intérêt national et, bien sûr,
la coopération avec la Russie, ce type d'approche est désormais
impossible. Au lieu de cela, ces Allemands qui aiment parler au nom de
la nation s'emploient à la mener vers une nouvelle guerre stupide,
inutile et, au final, complètement perdue. Enfin,
il y a la manière dont ce virage politique a été mis en œuvre. Il était
peut-être (à peine, formellement) légal, mais si tel était le cas, ce
n'était que par la lettre de la loi. Son esprit et la démocratie en tant
que telle ont été violés vigoureusement et publiquement. Car Merz, qui
n'est même pas encore chancelier, a utilisé l'ancien parlement
pré-électoral pour imposer ces changements. Le nouveau parlement, déjà
élu, ne lui aurait pas permis de trouver une majorité pour cette
opération. Cela
signifie que le prochain chancelier allemand a délibérément contrevenu à
la volonté déjà clairement exprimée des électeurs, et ce, en usant
d'une manœuvre frauduleuse et transparente. Tous les partis qui l'ont
soutenu dans cette démarche, y compris les Verts et ses probables futurs
partenaires de coalition sociaux-démocrates, se sont souillés.
Et tout cela alors que Merz a démontré son mépris du droit et de la
décence en invitant en Allemagne le criminel de guerre recherché
internationalement Benjamin Netanyahu, et que le
BSW de Sarah Wagenknecht a été tenu à l'écart du parlement par une
manipulation électorale évidente et une falsification extrêmement
probable
. Pas étonnant que de nombreux Allemands aient perdu confiance dans les
partis traditionnels. S'il y a une force qui pourrait profiter de tout
cela, c'est bien sûr l'AfD, le plus puissant parti d'opposition allemand
actuellement. Centristes allemands : ne pleurez pas sur nos épaules et
ne vous plaignez pas de « Russie, Russie, Russie » lorsque votre stupide
pare-feu contre l'AfD s'effondrera. Vous ne pouvez vous en prendre qu'à
vous-mêmes.
Reste-t-il
un espoir ? Oui, peut-être. Car, même si ce début est terrible, la
politique qui vient d'être lancée est également censée être appliquée
sur une décennie et plus. Beaucoup de choses pourraient se produire
pendant cette période. Par exemple, les entreprises allemandes
pourraient enfin – quoique discrètement – se rebeller contre le risque
d'être paralysées par une guerre de sanctions contre-productive contre
la Russie, surtout lorsque leurs concurrents américains reviendront sur
le marché russe, comme ils en ont manifestement envie
. Le conflit ukrainien pourrait se terminer de telle manière que les
partisans allemands de Zelensky n'auront plus personne à qui envoyer de
l'argent. Enfin, même les Allemands, actuellement en pleine
hyperventilation, remarqueront peut-être que la Russie n'attaque pas.
Pourtant, pour l'instant, l'Allemagne poursuit sa route vers une
autodestruction nationale grave et évidente. Et malheureusement,
l'histoire nous enseigne que les Allemands peuvent persévérer dans cette
voie jusqu'à une fin tragique. Rien ne garantit que la situation
s'améliorera cette fois-ci.
. Friedman "..c’est cynique, amoral, mais ça marche ».
Stratfor: comment Washington peut conserver sa domination sur la planète. Extraits du discours de George Friedman, directeur de la société de renseignement et d’analyse Stratfor, dite la « CIA de l'ombre », au Council on Foreign Relations de Chicago.
Dans son discours au Council il explique comment Washington peut conserver sa domination sur la planète. Il identifie également les ennemis potentiels des USA.
Friedman voudrait que le monde actuel soit exclusivement sous le contrôle direct ou indirect des USA
Le président de Stratfor déclare que les USA n'ont pas de relations avec l'Europe. « Nous avons des relations avec la Roumanie, la France et ainsi de suite. Il n'y a pas d'Europe avec laquelle les USA ont des relations quelconques". Cela rappelle forcément la conversation de la sous-secrétaire d'Etat Victoria Nuland avec l'ambassadeur des USA à Kiev en 2014. Nuland avait alors expliqué à son interlocuteur en des termes très crus ce qu'elle pensait de l'Europe unie et de ses dirigeants: https://www.youtube.com/watch?v=2-kbw... 33] Plus tard, elle a présenté ses excuses pour la forme de ses propos, mais pas sur le fond. Il faut savoir que Mme Nuland est une lectrice des notes analytiques de Stratfor.
« Les USA contrôlent tous les océans de la terre. Personne n'avait encore réussi à le faire. Par conséquent, nous pouvons nous ingérer partout sur la planète, mais personne ne peut nous attaquer. Le contrôle des océans et de l'espace est la base de notre pouvoir", a déclaré Friedman à Chicago,
Selon lui, "la priorité des USA est d'empêcher que le capital allemand et les technologies allemandes s'unissent avec les ressources naturelles et la main d'œuvre russes pour former une combinaison invincible".Créer un "cordon sanitaire" autour de la Russie permettra à terme aux USA de tenir en laisse l'Allemagne et toute l'Union européenne.
Un an après les départs autour de Sahra Wagenknecht, il y a eu une
nouvelle vague de départs au sein de Die LINKE (la gauche en allemand).
Cette fois ci avec la grande différence que ce sont les éléments les
plus réactionnaires et bellicistes qui quittent le parti à la suite de
deux congrès importants. Après des années de défaites pour les éléments
marxistes-léninistes de Die LINKE, il y a de nouveau de l´espoir.
Cet article peut sembler un peu long, mais c’est nécessaire pour
connaître les raisons et contradictions qui mènent aux mouvements que
l´on peut observer et pour réellement comprendre ce qui se passe. Vu que
la situation de la gauche en Allemagne est complètement différente de
la situation française, je vais d´abord devoir un peu parler d´histoire.
L´histoire du Parti Die Linke
Après la libération en mai 1945, le grand KPD (Kommunistische Partei
Deutschlands) qui avait agi dans l´illégalité depuis 1933 s’est
reconstitué partout en Allemagne. Comme conséquence des « douze ans de
dictature fasciste et six ans de guerres d’´Hitler » le KPD et le SPD
(Sozialdemokratische Partei Deutschlands) fusionnèrent en 1946 dans la
zone d´occupation soviétique pour que plus jamais la réaction n´arrive
au pouvoir et pour construire le socialisme. Ce nouveau parti du nom de Sozialistische Einheitspartei Deutschlands (SED) ou « parti de l´unité socialiste d´Allemagne » devint la première force politique en RDA.
Le SPD des zones d´occupation de l´Ouest, corrompu et contrôlé par
les impérialistes occidentaux, n’a pas pu faire cause commune avec le
KPD qui fut même interdit en Allemagne de l’Ouest en 1956 par le grand
démocrate Adenauer.
Après la chute du mur de protection antifasciste de Berlin, le SED
avait approximativement deux millions de membres (sur une population de
seize millions) et devint le PDS (“Partei des Demokratischen
Sozialismus”). Ce fut un changement drastique. La tête du Parti fut
complètement remplacée. Les nouveaux dirigeants participèrent à
l´hystérie générale contre la RDA. Des camarades méritants furent exclus
parce qu´ils avaient eu des fonctions importantes en RDA et dans les
organes qui avaient défendu la RDA avec dévouement (armée,
gardes-frontières, sécurité d´État et personnes affiliées), sans parler
des anciens dirigeants comme Erich Honecker ou Heinz Kessler, carrément
abandonnés à la réaction. Mais pour un bon nombre de communistes
convaincus, abandonner ce parti ne fut pas une option, même si les
réformistes dominèrent le terrain. Très vite, la Kommunistische Plattform (KPF)
ou « plateforme communiste » s´est formée, qui regroupe jusqu´à
aujourd’hui´ceux qui veulent « préserver et développer la pensée
marxiste au sein du parti », lutter contre l´anticommunisme, pour la
paix et qui ne veulent pas laisser le parti aux vautours. Juste après sa
création, la KPF avait 5000 membres et Sara Wagenknecht,
alors très jeune et qui codirigeait cette plateforme, échangea
d’ailleurs à l’époque avec Georges Gastaud qui co-animait alors en
France le Comité Erich Honecker de Solidarité Internationaliste.
En 2007, le PDS fusionna avec un parti ouest-allemand (le
WASG, auquel appartenait Oskar Lafontaine, ex-dirigeant de la gauche du
SPD) pour créer Die LINKE.
Dans Die LINKE il est autorisé de se regrouper pour constituer des
courants. Avec le temps, plusieurs courants reconnus par Die LINKE se
sont formés au sein du parti, qui jouent un rôle important.
Le vote Die Linke en 2017
Die Linke et le DKP
Les communistes marxistes-léninistes d´Allemagne sont organisés
majoritairement dans le DKP ou dans Die LINKE et sa plateforme
communiste KPF. Le DKP (“Deutsche Kommunistische Partei”), qui est
beaucoup plus petit que Die LINKE, s´est formé en Allemagne de l’Ouest
après l’interdiction du KPD et a toujours été un parti
marxiste-léniniste. La raison pour la division du mouvement communiste
en SED-PDS (aujourd´hui Die LINKE) et le DKP est donc d´origine
historique. Un parti vient de l´Est et l´autre de l’Ouest. Les membres
du DKP ne veulent pas adhérer à Die LINKE, car le parti est dirigé en
grande partie par des liquidateurs réformistes sans ligne de classe qui
sympathisent avec l´axe UE-OTAN. De leur côté, les communistes de Die
LINKE, ne veulent pas abandonner le parti car ce serait un immense
cadeau pour les liquidateurs et le camp bourgeois en général.
Personnellement, je comprends bien les deux côtés. Il y a beaucoup de
contacts chaleureux entre les deux partis. Les membres du KPF
souhaitent le mieux pour le DKP et les membres du DKP souhaitent que Die
LINKE devienne à nouveau un parti qui combat sans hésitation pour la
paix et le socialisme.
La différence principale est que les membres du DKP sont pessimistes
et n´ont plus d´espoir dans Die LINKE et que les communistes dans Die
LINKE voient que le combat n´est pas encore décidé et ont encore de
l’espoir.
Les années 2021 à 2023
Fin 2021 : Klaus Lederer et ses amis (ceux qui viennent de quitter le
parti), qui se regroupaient dans la « Progressive LINKE » (« gauche
progressiste »), contrôlaient sans partage la Die LINKE de Berlin depuis
des années. Après les élections de 2021 ils renouvelèrent la
participation de Die LINKE au gouvernement du Land de Berlin. Lors des
mêmes élections il y avait eu un référendum à Berlin sur l´expropriation
des grands groupes immobiliers à Berlin approuvé par 59,1%
des Berlinois qui voyaient leur existence en danger en raison d´une
explosion des loyers.
Mais il était clair dès le début que le nouveau gouvernement allait ignorer ce référendum.
Déjà à l´époque, le gouvernement de Berlin menait des
campagnes assimilant les critiques d´Israël à de l´antisémistisme.
Défendre les colons de la théocratie fasciste tenait depuis toujours à
cœur à la « progressive LINKE ». Il faut savoir, que les « progressive
LINKE » appartiennent à une idéologie spéciale à l’Allemagne : les
« Antideutsche » ou anti-Allemands. Cette idéologie est une forme
spéciale du nationalisme bourgeois, une sorte de nationalisme allemand à
l’envers. Comme le nationalisme bourgeois « ordinaire », elle dit que
l´Allemagne est unique et différente des autres pays. Sauf que d´après
cette idéologie, l’Allemagne serait le mal incarné. Elle part de l´idée
que par essence, tous les Allemands sont un ramassis de nazis. Cette
idéologie est à l´opposé de la vision matérialiste du monde et mystifie
le peuple allemand qui porterait le nazisme dans son ADN. Pour contrer
cela, le soutien à Israël devient comme une offrande pour purger
l´Allemagne du mal. Tout ce qui n´est pas un soutien inconditionnel à
Israël serait du nazisme. Sauf que derrière Israël il y a les USA. Donc
en pratique, tout ce qui n´est pas un soutien inconditionnel à
l´impérialisme US serait du nazisme. Une haine FANATIQUE de tout ce qui
contrarie les ambitions des États-Unis : voici l´essence des
« Antideutsche » et donc des « progressive LINKE » autour de Klaus
Lederer. Cette idéologie est incorporée depuis longtemps dans le système
politique et médiatique. Le soutien inconditionnel à Israël est reconnu
comme « raison d´État » par la bourgeoisie allemande.
La « progressive LINKE » participa au gouvernement de Berlin sur une base anti-sociale et impérialiste.
Le congrès fédéral de Die LINKE 2022 fut un point bas pour le parti.
Les va-t-en-guerre dominaient le discours et demandèrent des armes pour
les nazis de Kiev.
En octobre 2023 Sahra Wagenknecht et d´autres députés qui remettent
en cause les livraisons d´armes quittèrent le parti. Les belliqueux
croyaient avoir gagné définitivement. Sauf qu´il n´y avait pas le départ
massif de ceux qui sont contre les livraisons d´armes qu´ils avaient
espéré.
Ellen Brombacher – KPF Die Linke
Ellen Brombacher, figure connue de la KPF (Kommunistische Plattform)
disait à peu près ceci lors d´une réunion publique cet octobre à
Berlin : « Vous auriez dû voir le visage de Lederer quand il nous a vu
après le départ de Wagenknecht. « Mais vous êtes encore là vous? », nous
a-t-il demandé. »
Beaucoup de membres de Die LINKE voulaient rester pour ne pas laisser
le parti aux ennemis. Un bon nombre d´entre eux étaient membres depuis
le temps de la RDA et le parti était depuis toujours une part importante
de leurs vies. Ils ne voulaient également pas rejoindre le parti de
Sahra Wagenknecht le BSW, parce qu´ils n´étaient pas d´accord avec elle
sur d´autres points importants. Car Sahra Wagenknecht dit se réjouir de
la réunification et du fait que la RDA n´existe plus. Elle a également
des idées très libérales sur l´économie. Elle ne veut pas sortir de
l´UE, croit en une « économie de marché sociale » et son modèle en
matière de politique économique est Ludwig Erhard, ce qui est de la pure
folie. Ludwig Erhard était un économiste qui commença sa carrière dans
le IIIe Reich et devint ministre de l´économie de la RFA. Il
accompagna le création d´une économie d´après-guerre sous tutelle des
États-Unis et posa ainsi la base économique de l’asservissement de
l´Allemagne par les grands monopoles (surtout américains) qui sont la
véritable raison de la politique impérialiste allemande.
Wagenknecht n’est également pas très claire sur la paix. Sa critique
d´Israël est très réservée et elle a même dit qu´il faut faire de l´OTAN
une « alliance défensive » au lieu de la liquider. En novembre 2024, le
parti de Wagenknecht (BSW) en est déjà au point qu´ils ont
annoncé vouloir constituer une coalition pour gouverner le Brandebourg
avec le SPD. Dans un communiqué publié par les deux partis on peut lire
ceci : « Nous sommes d’accord sur le fait que la capacité de défense de
notre pays revêt une grande importance pour la paix et la sécurité et
que la capacité de défense de la Bundeswehr doit être renforcée. C’est
pourquoi nous soutenons la Bundeswehr et ses sites en Brandebourg. »
Cela devrait être une déception pour les électeurs du BSW qui ont voté
pour ce parti afin de ne pas voir l´OTAN s´implanter dans leur région.
Le congrès de Die LINKE fin octobre 2023 était différent de celui de
2022. L´ambiance vis-à-vis des livraisons d´armes à l´Ukraine avait
changé. Presque plus personne se présentant pour un poste ou sur la
liste des élections européennes n’osa se prononcer ouvertement
pour des livraisons d´armes et ceux qui disaient y être favorables ne se
faisaient pas élire (à l’exception des têtes de listes). Mais le très
réactionnaire appareil du parti en place avait fait en sorte que les
quatre premières places, à l’exception de la
troisième position, soient réservées à des extrémistes pro-OTAN.
Dans ce but, ils avaient fait en sorte qu´il n´y ait aucune
contre-candidature. Les délégués n´avaient même pas le droit de les
questionner. La première place revint à l´ancien co-secrétaire du parti,
un supporter du régime pronazi de Kiev. Les places deux et quatre
n´étaient pas attribuées à des membres du parti qui ne disaient même
pas vouloir le devenir. La deuxième place était attribuée à la fille
d´un officier de la Bundeswehr qui vota entre autres pour des attaques
directes contre le territoire russe au parlement européen. Seule la
troisième personne de la liste était contre les livraisons d´armes.
Le congrès 2023 fut une mise en scène par les bureaucrates qui
tiennent les ficelles et placent les membres devant des faits accomplis
mais la position des délégués avait beaucoup changé.
Octobre 2024 : la base exige la paix, refuse des livraisons d’armes
En 2024 le refus vis-à-vis des livraisons d´armes devint de plus en plus important dans la population et dans le parti.
Au congrès de Die LINKE Berlin du 11 octobre la paix dans le monde
fut également discutée. Lederer et ses amis « Antideutsch »
(“anti-allemands”) de la « progressive LINKE » étaient
déterminés à défendre l´impérialisme américain sans compromis. Ils
voulaient entre autres à tout prix accuser les manifestations
pro-palestiniennes de soutenir un « antisémitisme éliminatoire ». Mais
le congrès ne voulait pas de cet amendement. Enragés, Klaus Lederer
(ancien maire adjoint de Berlin), Petra Pau (vice-présidente du
Bundestag), une grande partie des députés du groupe parlementaire de
Berlin et Elke Breitenbach (ancienne membre du gouvernement de Berlin)
quittèrent la salle. Cette dernière, pourtant connue pour sa politesse, a
tenu à faire un double doigt d’honneur à la salle avant de s´enfuir.
Une semaine plus tard eut lieu le congrès fédéral de Die LINKE. Lors
des élections pour le nouveau « Bundesvorstand » (une sorte de comité
central), ceux qui avaient demandé ouvertement des livraisons d´armes
les dernières années ne furent pas élus (à l’exception de Wulf Gallert).
Mais pour l´élection de la double tête du parti, il n´y avait pas de
contre-candidatures (comme un an auparavant lors de la liste pour les
européennes). Par conséquent, les deux candidats instaurés par
l’ancienne tête du parti ont été élus. Comme leurs prédécesseurs, il
s’agit de gens qui mettent à peine en cause Israël et qui se montrent
compréhensifs vis-à-vis de ceux qui demandent des armes pour les nazis
en Ukraine. Des gens qui laissent les va-t-en-guerre salir l´image du
parti tout en disant à ceux qui sont pour la paix de ne pas porter leurs
revendications car il faut préserver l´unité du Parti.
Du point de vue du personnel politique, l’Établissement a pu
préserver les postes les plus importants tout en perdant de l´influence
dans le Bundesvorstand (comité central).
Tout de même, on a pu voir que la paix avait gagné du terrain lors du
débat autour du nouveau programme. La KPF (Kommunistische Plattform)
avait déposé une motion qui parlait de l´histoire du conflit en Ukraine,
visait à éliminer la haine antirusse et insistait sur le rôle
historique du militarisme allemand. Bien évidemment, l’ancienne tête du
parti posa un contre-amendement qui visait à éliminer tous les points
importants de celui de la KPF. Le contre-amendement n´a pas été adopté
avec 41% pour et 44% contre, ce qui fut une défaite pour l´ancienne tête
du parti. Mais l´amendement de la KPF qui fut présenté dans sa version
initiale n´a également pas été accepté (40% pour et 51% contre). Ces
résultats sont tout de même un grand bond en avant par rapport aux
dernières années et montre qu’une part de plus en plus importante des
délégués ne suivent plus la tête du parti et veulent défendre une ligne
de paix. D´autant plus qu’un autre amendement de la KPF a été repris,
insistant sur la nécessité de ne pas laisser des missiles américains sur
le sol allemand, de dissoudre l´OTAN et d´être « sans si ni mais contre
toutes livraisons d´armes à l´Ukraine et à Israël ». Ces mots clairs
n´auraient pas été possibles il y a encore deux ans. D´un côté les
délégués votent des résolutions qui deviennent de plus en plus claires
en ce qui concerne la paix, de l´autre ils votent toujours pour des
personnes qui sont plus ou moins contre la paix. Lors d´une conférence
publique, Ellen Brombacher de la KPF a dit ne pas avoir d’explication
pour cette contradiction. Une raison importante devrait être que la
plupart du temps, les dirigeants placent leurs candidats avec le soutien
de tout l´appareil du parti et des médias bourgeois et qu´aucun «
inconnu » n´ose présenter une contre-candidature.
Le 23 octobre, quelques jours après le congrès fédéral, Klaus
Lederer, Elke Breitenbach et les mêmes parlementaires qui avaient
quitté la salle lors du congrès de Die LINKE Berlin quelques jours
auparavant quittèrent le parti. Ils donnèrent comme raison que le parti
ne se distanciait plus assez de l’antisémitisme et le refus de
solidarité avec l’Ukraine. Il ne s´agit pour l´instant que de figures
politiques de Berlin. Les « progressive LINKE » d´autres régions du pays
sont restés dans le parti. Mais cela reste tout de même très important
pour Berlin, car ces mêmes gens avaient le contrôle du parti à Berlin il
n’y a pas longtemps.
En réaction à cela, la nouvelle double tête (du parti au niveau
fédéral) et d´autres éléments très réactionnaires ont demandé
publiquement à ceux qui sont partis de revenir. En attendant, ces
derniers ont déjà annoncé ne pas vouloir rendre leurs mandats de députés
à Die LINKE alors qu´ils l´avaient demandé aux députés regroupés autour
de Wagenknecht il y a un an à peine.
L´avenir du parti reste difficile à prédire. Les liquidateurs ont
toujours une emprise sur celui-ci, quoique moins ferme. Une grande
partie du personnel embauché par le parti, qui a également beaucoup
d´influence, est toujours en place et sera difficile à dégager dans tous
les cas. Il reste à voir comment se développera le parti lors des
prochains congrès et lors des élections anticipées qui s´annoncent au
niveau fédéral, qui pourraient complètement faire couler le parti. S’il y
a plus de départs de gens comme Lederer et compagnie, s’il y a des
contre-candidats et si les membres commencent à voter pour des candidats
en accord avec leurs idées politiques avant qu´il ne soit trop tard,
cela pourrait sauver le parti. Si la tête du parti n´est pas
remplacée et que les mêmes continuent à contrôler le parti et à le
représenter à l’extérieur, il continuera de s’enfoncer dans le
marécage de l’insignifiance politique.
Pour le moment, le camp de la paix semble avoir le vent en poupe, mais les larbins de l´UE-OTAN gardent les postes-clés.
🔸Brzezinski a été conseiller des administrations des présidents américains J. Kennedy et L. Johnson, ainsi que d'Obama pendant la période électorale. Responsable de la politique internationale USA sous Carter (1977-1980), il envoya Ben Laden en Afghanistan et développa le terrorisme « islamiste » pour renverser le gouvernement de gauche et attirer l'URSS dans un piège.
🔸Synthétisant les concepts géopolitiques de MacKinder et des géopoliticiens américains Admiral Mahan et Spykman, il créa la doctrine d'un nouvel expansionnisme américain. Dans Le Grand échiquier, paru en 1997, il expose les moyens de perpétuer la domination mondiale des USA. L'essentiel est de contrôler l'Eurasie. Il faut donc la diviser et empêcher les alliances entre Moscou, Berlin et Pékin. Brzezinski annonce les stratégies que suivront toutes les administrations USA jusqu'à aujourd'hui.
- dominer l’Eurasie
🔸« L'Eurasie demeure l'échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale. La façon dont les États-Unis gèrent l'Eurasie est d'une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l'axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. 75% de la population mondiale, la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d'entreprises ou de gisements de matières premières, quelque 60% du total mondial. »
🔸Il s’agit donc de briser les partenariats et les échanges économiques pouvant renforcer les rivaux. Tous doivent être affaiblis méthodiquement et pour cela il faut diviser et paralyser l’UE tout en affaiblissant durablement la Russie qui doit être divisée en trois. Intégrer l'Ukraine dans l'OTAN et la retourner contre Moscou doit être la clé de la stratégie USA dont ce livre annonce les différentes étapes. Et même la date approximative des événements qui surviendront effectivement.
- diviser les « vassaux »
🔸« Les trois grands impératifs géostratégiques des USA: éviter les collusions entre vassaux et les maintenir dans l'état de dépendance que justifie leur sécurité; cultiver la docilité des sujets protégés; empêcher les barbares de former des alliances offensives. »
🔸« Si l'espace central [ndlr: la Russie] rompt avec l'Ouest et constitue une entité dynamique, capable d'initiatives propres; si dès lors, il assure son contrôle sur le Sud ou forme une alliance avec le principal acteur oriental [ndlr: La Chine], alors la position américaine en Eurasie sera terriblement affaiblie. À l'Est, l'union des deux principaux acteurs aurait des conséquences similaires. Enfin, sur la périphérie occidentale, l'éviction des USA par ses partenaires [ndlr: L'Europe] signerait la fin de la participation américaine au jeu d'échecs eurasien. »
- jouer la France contre l’Allemagne, contrôler l’UE
🔸« La France n'est pas assez forte pour faire obstacle aux objectifs géostratégiques fondamentaux des USA en Europe, ni pour construire une Europe conforme à ses vues. De ce fait, ses particularismes et même ses emportements peuvent être tolérés. »
🔸« L'Allemagne pose des problèmes d'une autre nature. Si l'on ne peut nier sa prééminence régionale, il serait imprudent de l'entériner officiellement. À long terme, toutefois, le leadership allemand ne saurait être le moteur de la construction européenne. »
- contrôler l’Ukraine grâce à l’OTAN
🔸« En 2010, la collaboration franco-germano-polono-ukrainienne, engageant quelque 230 millions de personnes, pourrait devenir la colonne vertébrale géostratégique de l'Europe. .... L'intégration des États balkaniques pourrait amener la Suède et la Finlande à envisager leur candidature à l'OTAN. Au cours de la période suivante (soit de 2005 à 2010), l'Ukraine pourrait à son tour être en situation d'entamer les négociations en vue de rejoindre l'UE et l'OTAN. »
- « l’expansion de l'OTAN est essentielle.
🔸À défaut, les USA n'auraient plus les moyens d’élaborer une politique d'ensemble en Eurasie. Si, en dépit des efforts investis l'élargissement de l'OTAN ne se réalisait pas, leur échec aurait des conséquences désastreuses. It remettrait en cause leur suprématie, paralyserait l'expansion de l'Europe, démoraliserait Europe centrale et pourrait allumer les aspirations géopolitiques, aujourd'hui dormantes, de la Russie. »
🔸Pourquoi ce « programme Brzezinski » n’est-il jamais cité par les médias occidentaux ?
🔸Brzezinski a expliqué comment Washington devrait agir pour contrôler l'UE. De nombreux responsables politiques US du plus haut niveau ont exprimé la même hostilité envers l'Europe.
🔸1992 - Le président George Bush (1989 - 1993): « Contre l’Europe, nous gagnerons. » « La Communauté européenne se cache derrière « un rideau de fer » de protectionnisme. Nous avons gagné la guerre froide et nous gagnerons aussi la guerre économique. »
🔸Ayant obtenu le soutien des puissances européennes pour sa guerre contre l'Irak, on aurait pu s'attendre à davantage de bienveillance de Bush père. Pourquoi cette agressivité? La crise économique. Les profits des multinationales sont en baisse. Pour s'en sortir, c'est chacun pour soi. Y compris voler aux « amis » leurs clients et leurs marchés, s'emparer d'entreprises rivales ou les priver d'un accès bon marché aux matières premières africaines. Tout est permis.
🔸1992 - Paul Wolfowitz, le vice-ministre de la Guerre de Bush fils (2001 2005): « Décourager l’Europe occidentale. » « Les USA doivent s'appuyer sur leur écrasante supériorité militaire et l'utiliser préventivement et unilatéralement. Notre premier objectif est d'empêcher qu'émerge une nouvelle fois un rival. [Il faut] empêcher toute puissance hostile de dominer une région. [...] Ces régions englobent l'Europe de l'Ouest, l'Asie de l'Est, le territoire de l'ancienne USSR et l'Asie du Sud-Est. Nous devons nous occuper suffisamment des intérêts des nations industrielles avancées, de façon à les décourager de défier notre leadership ou de renverser l'ordre politique et économique établi. »
🔸Théoricien du courant néo-con républicain, Wolfowitz estime qu'une fois acquise la victoire sur l'URSS, Washington doit en profiter pour dominer le monde et cesser de ménager ses alliés européens.
🔸Pourquoi les médias européens ne communiquent-ils pas aux citoyens européens des informations qui les concernent tant?
🔸1989. La Guerre froide contre l'ennemi commun soviétique prend fin. Du coup, la rivalité USA - UE va se renforcer. En Irak, pour le pétrole du Moyen-Orient dont l'Europe dépend. En Yougoslavie que Berlin souhaitait coloniser. En Afrique, réservoir de minerais stratégiques et de super-profits des multinationales françaises. Là aussi, les médias européens ne mentionnent pas cette guerre économique et politique « entre amis ».
🔸1999 - Strobe Talbott, secrétaire d'État adjoint de Bill Clinton (1994-2001): « Pas d’euro-armée! » « Nous ne voudrions pas voir une initiative européenne de sécurité et de défense qui grandirait d'abord au sein de l'OTAN puis grandirait en dehors de l'OTAN et finalement grandirait en s'éloignant de l'OTAN. Car elle pourrait éventuellement entrer en compétition avec l'OTAN.»
🔸Bill Clinton obtint le soutien des Européens pour sa guerre contre la Yougoslavie en 1999. Récompensa-t-il ses alliés ? Nullement. Il voulait les empêcher de créer l’Euroarmée dont rêvaient Chirac, Schröder et quelques industriels de l'armement.
🔸À chaque guerre, les Etats-Unis s'emparent de nouveaux marchés au détriment de leurs rivaux européens. Pas question donc que l'Europe puisse être militairement autonome. C'est pour ça que Washington torpilla les efforts de certains Européens pour une solution négociée avec la Yougoslavie et imposa les bombardements de l'OTAN.
🔸2003 - Richard Perle, figure de proue du think tank PNAC (Projet pour le Nouveau Siècle Américain): « Berlin et Paris, vous êtes trop solidaires! »
🔸« Les Français et les Allemands ont tendance en chaque circonstance à vouloir être mutuellement solidaires. La profondeur du partenariat franco-allemand s'avérera préjudiciable aux relations avec Washington. »
🔸Novembre 2003. Principal conseiller du ministère de la Défense de Reagan, Perle participe à Berlin à une conférence internationale sur les questions militaires. Il enjoint à l'Allemagne de cesser d'être de mèche avec la France. L’amiral Jacques Lanxade, chef d'état-major français, riposte: les Etats-Unis ne doivent pas essayer de semer la discorde entre Paris et Berlin. Finie, l'amitié ? En fait, la chute de l'URSS et la victoire de l'Occident en 1990 ont laissé le champ libre à la concurrence économique, politique et militaire entre les Alliés d'hier, qui le sont de moins en moins.
🔸En 2014, Nuland lancera « F*ck the EU ! ». Ce n'était pas une grossièreté accidentelle d'une femme surmenée. C’est l’expression claire de la véritable stratégie de Washington. En exprimant aussi élégamment son mépris et son hostilité envers les Européens, Nuland, envoyée d'Obama, ne se doutait pas que sa conversation avec l'ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt, autour du 25 janvier 2014, était interceptée (sans doute par des hackers russes). Le plus étonnant sera ensuite la discrétion totale des médias européens: on aurait pu s'attendre à une analyse sérieuse des véritables relations entre les « amis » USA et UE. D'autant que Nuland, qui a travaillé pour les républicains aussi bien que pour les démocrates, est un personnage-clé de la politique USA. Elle était numéro 2 des Affaires étrangères dans l'administration Biden.
🔸Toute la crise ukrainienne a-t-elle été annoncée dès 2015 par George Friedman ? Il dirige l'agence de renseignement Stratfor Global Intelligence, la plus influente aux USA et très proche du pouvoir. Elle conseille le gouvernement USA, des personnalités et 4 000 entreprises. Étonnant: 8 ans auparavant, Friedman annonçait ce qui allait se passer en Ukraine.
🔸1. « Nous voulons tenir en laisse l’Allemagne et toute l’EU » « La priorité des USA est d'empêcher que le capital allemand et les technologies allemandes s'unissent avec les ressources naturelles et la main d'œuvre russes pour former une combinaison invincible. Créer un « cordon sanitaire » autour de la Russie permettra à terme aux USA de tenir en laisse l'Allemagne et toute l'UE.
🔸La préoccupation primordiale des USA, pour laquelle nous avons livré des guerres depuis un siècle - la Première, la Seconde, la guerre froide - a été la relation entre l'Allemagne et la Russie. Car, unies, elles sont la seule force qui pourrait nous menacer. »
🔸2. « Empêcher l’Allemagne d’exporter » « L'Allemagne est extrêmement puissante économiquement, mais en même temps elle est très fragile géopolitiquement. Et elle ne sait jamais comment ni où elle peut vendre ses exportations. Depuis 1871, cela a toujours été la question allemande et la question de l’Europe. »
🔸Retenant les leçons des défaites USA (Vietnam, Irak, Afghanistan), Friedman expose que les USA ne doivent pas envoyer leurs troupes mais contrôler l'armée ukrainienne et s'en servir pour provoquer et affaiblir la Russie...
🔸3. « Un cordon sanitaire pour blesser la Russie » « Le principal dans toute cette affaire, c'est que les USA établissent un « cordon sanitaire » autour de la Russie. Et la Russie en a conscience. Elle croit que les USA envisagent de la détruire. Nous ne voulons pas la tuer, juste la blesser un peu.»
🔸4. « Faisons la guerre, mais n’envoyons pas de troupes »
« Une intervention militaire est pour nous un cas particulier, la dernière possibilité. Nous ne pouvons pas envoyer des troupes USA à la première étape, mais quand nous envoyons des troupes - et ceci nous l'avons bien compris par l'expérience - cette intervention doit s'opérer de façon limitée et non parvenir à des dimensions gigantesques. »
🔸5. « L’armée ukrainienne, c’est notre armée »
En 2015, « …le général Hodges, commandant de l'armée des USA en Europe s'est rendu en Ukraine. Il a annoncé que des formateurs USA allaient maintenant venir officiellement, et non plus seulement officieusement. Il a remis des médailles à des combattants ukrainiens. Dans le protocole militaire, vous savez, des étrangers ne remettent pas des médailles. Mais il l'a fait. Montrant que c'était son armée. »
🔸6. « Le but n’est pas que l’Ukraine gagne la guerre, mais de faire mal à la Russie »
« Les USA ne peuvent pas occuper l'Eurasie. Dès le moment où les premières bottes touchent le sol, la différence démographique fait que nous sommes totalement en infériorité numérique. […] Donc nous n'avons pas la capacité d'aller là-bas mais, en revanche, on a la capacité de, premièrement, soutenir diverses puissances rivales (un soutien politique, économique, militaire, des conseillers) et en dernier recours, des attaques de déstabilisation : les spoiling attacks ne visent pas à vaincre l'ennemi, mais à le déstabiliser.»
Friedman confirme ici la stratégie de Brzezinski de 1997: empêcher à tout prix une alliance Berlin - Moscou et tenir l'Europe en laisse. Ce sont bien les USA qui prennent l'initiative. Leur but: affaiblir la Russie mais aussi l'Allemagne! Il s'agit d'empêcher ces relations commerciales « naturelles »: les Allemands ont besoin d'exporter et la Russie peut absorber ces exportations, les Allemands pourraient fournir du gaz à l'Europe par le Nord Stream-2 [ndlr: l'une des deux branches du pipeline est intacte]! Les sanctions décidées à Washington visent en réalité à affaiblir l'industrie allemande et toute l'Europe. L'Ukraine là-dedans n'est qu'un pion, sacrifié sans état d'âme sur le grand échiquier de la domination mondiale.
🔸Pourquoi les médias européens n'en disent pas un mot?
🔸Les médias présentent chaque crise internationale (Ukraine, Syrie, Biélorussie, Caucase, Asie centrale, Moldavie et Transnistrie) comme un événement isolé, pour lequel ils pointent chaque fois la responsabilité des « méchants » locaux ou globaux (Moscou). Ce document présente l'avantage de replacer tout cela dans le contexte général. Toutes ces crises ont été fomentées ou attisées par Washington.Toujours avec le même objectif: affaiblir les rivaux (définis par Brzezinski) et renforcer la domination régionale et mondiale des USA.
🔸Depuis 2019, toutes les propositions de la Rand ont été réalisées. Les USA ont livré des armes mortelles à l'Ukraine, augmenté leur soutien aux forces islamistes en Syrie, tenté un changement de régime en Biélorussie, exacerbé le conflit Azerbaïdjan - Arménie, tenté de prendre le contrôle du Kazakhstan (riche en minéraux et étape importante de la Route de la Soie), et ils s'efforcent d'intégrer la Moldavie dans l'OTAN.
🔸4 mesures pour affaiblir l’économie russe: ✔️augmenter la production de gaz US ✔️renforcer les sanctions commerciales et financières ✔️augmenter la capacité de l'Europe à importer du gaz d'autres fournisseurs que la Russie ✔️encourager l'émigration de la force de travail qualifiée et de la jeunesse diplômée.
🔸4 mesures pour la guerre de l’information
🔸Écoutez toujours votre adversaire. Lisez ses documents stratégiques fondamentaux. Aux USA, des organismes officiels publient des analyses exposant sans pudeur les mauvais coups à organiser. La Rand Corporation, financée par le gouvernement et l’armée, est le plus important bureau d’études du pouvoir USA: 1850 employés à son siège de Santa Monica et dans ses bureaux de Cambridge, Bruxelles et Canberra.
🔸En 2019, elle a publié Extending Russia - résumé ensuite dans Overextending and Unbalancing Russia. (Obliger la Russie à s'étendre et la déstabiliser). 47 mesures concrètes pour provoquer et affaiblir Moscou. Toutes les six mesures «géopolitiques» ont été mises en pratique.
👉«Amener la Russie à se battre»! La préface est cynique et instructive : «Les étapes que nous proposons n'auraient pas pour objectif premier la défense ou la dissuasion [...] mais sont plutôt conçues comme des mesures qui amèneraient la Russie à se battre dans des domaines ou des régions où les USA ont un avantage concurrentiel, obligeant la Russie à outrepasser ses limites sur le plan militaire ou économique ou en faisant perdre au régime son prestige et son influence au niveau national et/ou international.»
🔸Il ne s'agit pas pour les USA de se défendre, ni de préserver la paix, mais au contraire d'entraîner et d'enliser Moscou dans des conflits militaires. Provoquer la Russie pour qu'elle veuille s'étendre, puis l'accabler de reproches.
❓Pourquoi les médias européens cachent-ils ce rapport au public ?
🔸La Rand examine «une série de mesures non violentes qui pourraient exploiter les vulnérabilités et les anxiétés réelles de la Russie afin de mettre sous pression son armée et son économie ainsi que la position politique de son régime à l'intérieur et à l'extérieur.»
🔸6 mesures pour provoquer militairement la Russie: ✔️fournir une aide létale à l'Ukraine ✔️augmenter le soutien aux rebelles syriens ✔️promouvoir un changement de régime en Biélorussie.. ✔️exploiter les tensions dans le Caucase du Sud. ✔️réduire l'influence russe en Asie centrale ✔️contester la présence russe en Moldavie
🔸Il est évidemment paradoxal de qualifier de «non violentes» la fourniture d'armes mortelles aux milices néo-nazies d'Ukraine, l'assistance aux terroristes islamistes en Syrie, l'exacerbation de la guerre Arménie-Azerbaïdjan, etc. «Non violentes» signifie en fait que l'armée USA ne s'engagera pas directement dans ces pays. Trop risqué. Mais il s'agit bien de stimuler des guerres pour affaiblir la Russie!
🔸Toute première mesure «géopolitique»: fournir des armes mortelles à l'Ukraine! Plutôt cynique alors que, depuis cinq ans, Kiev opprime et agresse les populations du Donbass (10 000 victimes selon les observateurs de l'OHCHR dont plus de 3 000 civils). Les «avantages» sont ainsi exposés par la Rand : «Renforcer l'assistance USA à l'Ukraine, y compris en lui fournissant des armes létales, augmenterait probablement les coûts pour la Russie, en vies humaines et en trésorerie pour tenir la région du Donbass.»
🔸Refaire le coup de l'Afghanistan? La Rand explique: «Davantage d'aide russe aux séparatistes [Ndlr: Ce qu'ils n'étaient pas: jusqu'en 2022, ils demandaient l'autonomie et le respect des droits humains] et une présence supplémentaire de troupes russes serait probablement nécessaire, menant à de plus fortes dépenses, des pertes de matériel, et à des victimes russes.»
🔸Ce que la Rand propose, c'est donc de pousser la Russie à entrer en guerre en Ukraine. Provoquer un nouvel Afghanistan (un nouveau Vietnam) pour nuire à la Russie.
🔸Dès 2019, la Rand consacre un chapitre très détaillé aux « mesures idéologiques et informationnelles ». Étonnamment, la Rand doute de l'efficacité de certaines de ses propositions et y voit des risques importants. Elle ne croit donc guère aux campagnes de promo d'un opposant comme Navalny et semble admettre que Poutine, quoi qu'on pense de lui, bénéfice d'un soutien important et stable dans la population russe. Cependant force est de constater que la campagne de propagande médiatique a réussi à installer une image très négative de Poutine en Europe.
🔸Quel rapport ! Sanctions et guerre économique pour ruiner l'économie d'un pays rival. Provocations géopolitiques pour enliser son armée dans divers conflits régionaux. Guerre psychologique et informationnelle pour isoler ce pays. Plus trois longs chapitres de mesures purement militaires (course aux armements dans l'espace, augmentation de la présence navale, augmentation des forces de l'OTAN en Europe, retrait du traité de non-utilisation des armes nucléaires, etc.). Après les échecs en Irak et en Afghanistan, les gouvernements US n'envoie plus leurs soldats en zone risquée, mais c'est toujours la guerre. Hybride et totale. Contre la Russie, contre ses alliés, et même contre l'Europe qu'ils veulent aussi affaiblir.
🔸Face aux caméras, Washington travaille à « renforcer la paix », « apaiser les tensions », « éviter l'escalade ». Dans les coulisses, elle fait exactement le contraire. Elle ne respecte ni le droit international ni la coexistence pacifique entre des régimes différents. Aussi bien pour Obama que Trump ou Biden, le seul principe est : « America First ». Seuls comptent les intérêts US et tous les coups sont permis.
🔸On s'étonne donc du silence total des médias européens. Pourquoi cachent-ils ce rapport qui permet de comprendre ce qui est arrivé? Un rapport qui ridiculise le refrain sans cesse ressassé «Poutine parano - Personne ne menace la Russie ». Bien sûr que si ! Les très officiels experts de la Rand, grassement payés par leur gouvernement, ont rédigé 47 mesures pour miner la Russie, et toutes sont appliquées. Source: Michel Colon, Ukraine. La guerre des images
Eichenlaub René. L'expressionnisme allemand et la Première guerre mondiale. A propos de l'attitude de quelques-uns de ses
représentants. In: Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 30 N°2, Avril-juin 1983. pp. 298-321;
doi : https://doi.org/10.3406/rhmc.1983.1237
https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1983_num_30_2_1237
L'EXPRESSIONNISME ALLEMAND, LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
Ne croyons pas cependant que ce Veni creator d'un nouveau genre
que Doeblin soit devenu un partisan de Lénine — nous n'en sommes
pas encore à la Révolution d'octobre d'ailleurs —, il est plutôt le signe qu'il est imprégné de l'air du temps qui attend tout d'une rénovation
spirituelle. Ainsi Doeblin ne pense-t-il pas qu'on puisse mettre ces idées
en pratique, il les considère simplement comme un ferment capable de
secouer les hommes. Il n'est même pas guéri du nationalisme : il estime
que la guerre a forgé une communauté nationale, il en appelle au
patriotisme des intellectuels, s'élève contre ceux qui ont traité les Allemands
de barbares (il est toujours en admiration devant Hindenburg qui, « à lui
seul, remplace dix armées »). Il lui suffit de croire que la guerre est en
train d'acquérir une âme et qu'elle a mis les choses en mouvement.
Ce qui intéresse Doeblin, ce n'est pas la réforme de la constitution,
ce n'est pas l'instauration en Allemagne de la pseudodémocratie des « démocraties occidentales », c'est que l'esprit humain se répandeet
et que l'on retrouve les traces de ce changement dans la constitution25. C'est précisément parce qu'il met en avant cet enrichissement
intérieur et cette transformation des âmes que Doeblin reste dans l'orbite
de l'expressionnisme. Le projet politique est avant tout un projet moral
dans lequel on chercherait en vain des mesures concrètes destinées à
édifier l'Allemagne sur de nouvelles bases. Il souligne néanmoins que
l'Allemagne était gouvernée par les féodaux et les cléricaux qui privaient
le peuple de sa liberté psychologique, morale et spirituelle. Il propose
d'abolir la propriété privée, de rendre les individus responsables, d'éliminer
le règne de la phrase en économie et en politique26.
Mais, peu à peu, ses idées « rouge sang à ultraviolettes » 27se décantent et le poussent à rejoindre l'U.S.P.D., le parti socialiste dissident fondé
en avril 1917 et qui réunit des « socialistes » fort divers. Son socialisme
à lui tente de faire l'amalgame entre l'anarchisme individualiste de
Stirner et l'anarchisme socialiste de Kropotkineou, en Allemagne, de
G. Landauer28. Reprenant une définition de A. Adler29, il proclame que« l'esprit du socialisme, c'est la formation et l'action du sentiment communautaire », ce qui constitue malgré tout un dépassement de l'anarchisme
individualiste, mais ne permet pas de savoir quel programme il propose pour réaliser ce socialisme.
Toujours est-il qu'il est assez lucide pour se rendre compte que la
révolution allemande n'a de révolution que le nom, il nie qu'elle ait...
25. Ibid., pp. 33-44, Drei Demokratien.
26. Ibid., pp. 71-82, Vertreibung der Gespenster. 27. L'expression se trouve dans une lettre adressée par Doeblin à E. Frisch, l'éditeur du Neuer Merkur. Cité dans le catalogue de l'exposition de Marbach, p. 22, lettre du
23 décembre 1918.
28. Gustav Landauer (1870-1919), cf. R. Eichenlaub, « L'anarchisme en Allemagne :
Gustav Landauer », in Revue d'Allemagne, t. III, n° 4, oct.-déc. 1971, pp. 945-969.
29. Il semble bien s'agir du psychologue Alfred Adler (1870-1937), élève de Freud, dont
il se sépare vers 1910 pour fonder la Individualpsychologie.
...eu lieu30. Selon lui, le nouveau système est une République impériale qui
ne lui dit rien qui vaille. Il rejette cet Etat fondé sur la violation du
droit puisqu'il a massacré les ouvriers, il condamne les assassinats politiques, déplore le manque de foi des « démocrates ». Il est parmi ceux
qui voudraient maintenir les conseils ouvriers qui sont, dit-il, « la défense des masses contre les autorités autocratiques »31. Il affirme
que la « restauration intérieure » va bon train en Allemagne et que ce
pays développe « de nouveau librement son caractère national propre : la
mentalité de serf et l'absence de sensibilité» 32.
Ainsi la guerre n'a pas fait de Doeblin un pacifiste, mais elle lui a
fait acquérir la conviction que la dimension politique est une dimension
qui fait partie intégrante de la vie humaine, que personne n'a le droit
de se tenir à l'écart de la politique, surtout pas les intellectuels qui doivent agir sur les esprits pour les changer. De plus, il a trouvé une place
sur l'échiquier politique : il se situe nettement à gauche, même si son
socialisme manque de contours.
Bien plus tard, dans son roman November 1918 (il en termine la
rédaction en 1943), consacré à l'analyse de la période cruciale de l'histoire
allemande, les mois de novembre 1918 à janvier 1919 pendant lesquels le
gouvernement d'Ebert choisit le statu quo social et économique en écrasant l'insurrection spartakiste et en éliminant les conseils d'ouvriers et de
soldats, Doeblin résume l'idée qu'il se faisait de la guerre et de la révolution : « La guerre et la révolution étaient des cris d'éveil venus d'une
voix supraterrestre »33. C'est bien ce sentiment qui s'est imposé de plus
en plus à lui, le sentiment que la guerre devait provoquer une prise de
conscience des maladies de la société et de l'individu, mais que ce but
n'a pas été atteint. En 1943, cependant, la coloration que prend la phrase
est liée à la conversion récente de Doeblin au catholicisme, il en était
loin en 1918-1919.
Paradoxalement, plus la guerre dure, plus l'espoir placé en elle s'exaspère dans beaucoup d'esprits. Tant de souffrances et de privations ne
peuvent pas avoir été inutiles, pense-t-on. En tout cas, la génération
expressionniste tout entière en attend de plus en plus la naissance d'un
homme nouveau dans une société renouvelée et sa fin marque l'apogée éphémère de cet espoir. En 1914, la majorité d'entre eux l'ont accueillie
avec enthousiasme, mais ils pensaient qu'elle serait courte (il semble que
le seul poète à avoir nettement pris position contre la guerre soit Franz
Werfel34). Et puis, on la ressent comme un processus de purification
dont les épreuves de plus en plus dures doivent produire une remise en...
30. Article de mai 1919 dans Die Neue Rundschau, in Schriften, op. cit., pp. 83-97.
31. Article de janvier 1920, cité in Schriften, op. cit., p. 122.
32. Dans Der deutsche Maskenball, Berlin, S. Fischer, 1921, pp. 25-26 (recueil publié sous le pseudonyme Linke Poor, i.e. la patte gauche).
33. Dans November 1918, vol. 4, p. 351 de l'édition dtv, 1978.
34. Cf. notamment le recueil Einander où l'on trouve des poèmes très antibellicistes, par exemple Der Krieg, pp. 162-164, ou Die Wortemacher des Krieges, pp. 164-165, in Franz
Werfel, Dos lyrische Werk, Frankfurt/M., S. Fischer, 1967. Le recueil Einandera été publié
en 1915.
...question totale de l'individu et de la société. La révolution russe est
un palier important dans cette évolution : elle indique que les choses
sont en mouvement, elle révèle la puissance des idées, la force de l'espoir
humain. Mais bien avant qu'elle éclate, les questions se posent, la réflexion
chemine. L'exemple de Franz Marc peut en témoigner.
Un document intéressant permet de préciser l'attitude de Franz Marc
avant la guerre. Il s'agit de la correspondance qu'il a échangée entre
1910 et 1914 avec August Macke, un bon coloriste35. La lecture de ces
lettres révèle clairement l'ignorance totale des problèmes de politique
extérieure et intérieure qui se posent alors à l'Allemagne, par ces jeunes
artistes (notons d'ailleurs que Marc est un proche de Sturm). Les jeunes
peintres parlent, comme il est normal, de leur art : ils prennent position
par rapport à la nouvelle peinture et ses représentants expriment leur
prédilection pour Daumier, Gauguin, Van Gogh, Cézanne, Munch, les
Fauves, le Douanier Rousseau, l'art des peuples dits primitifs, discutent
technique picturale, relatent la visite d'expositions, évoquent leur vie
privée, leurs relations, leurs amitiés. A aucun moment, ils ne font allusion
à la situation de leur pays, aux dangers qui menacent la paix. Le seul
fait notable, dans notre optique, c'est qu'ils considèrent que le nationalisme est dépassé sur le plan artistique et personnel (n'est-ce pas Kandinsky d'ailleurs, installé à Munich depuis 1896, qui exerce la plus grande
influence sur Marc ?). Et Marc a séjourné à Paris en 1903 — il considère ce séjour comme le tournant de sa vie —, il y est retourné en 1906.
En septembre-octobre 1912, les deux amis, répondant à l'invitation de
Delaunay et de Le Fauconnier, leur rendent visite à Paris, alors que
Delaunay et Apollinaire leur rendent la politesse en venant les voir à
Bonn au printemps de 1913.
Prenant fait et cause pour un art qui ignore les frontières, Marc
s'est élevé avec véhémence contre le libelle du peintre de Worpswede36
Cari Vinnen, Protestation des artistes allemands, paru en 1911, qui
met en cause l'influence néfaste de l'école française sur l'art allemand et
proclame que l'art international est un art dégénéré (lenational-socialisme ne dira pas autre chose). Il n'en a pas pour autant renoncé à
l'idée que les œuvres des artistes manifestent un caractère national spécifique et que les artistes ne doivent pas aller à contresens de ce caractère.
Ainsi écrit-il à Macke que les Français sont de bien meilleurs coloristes
que les Allemands qui sont avant tout des dessinateurs37. Pas question pour lui, par conséquent, de se « transformer en Français ». Internationalisme ne veut pas dire uniformisation, mais collaboration entre artistes de différents pays partageant les mêmes idées.
35. August Macke-Franz Marc, Briefwechsel, Kôln, Du Mont Dokumente, 1964, 240 p.
36. Situé aux portes de Brème, c'est le Barbizon allemand.
37. In correspondance de Macke-Marc, op. cit., lettre de Marc à Macke du 12 juin 1914,
p. 184.
Manifestement, Marc ne se sent pas à l'aise dans l'ère technique et
la civilisation urbaine. C'est pour cette raison qu'il s'établit dans de petits
villages de la Haute-Bavière et que ses peintures présentent presque toutes
le monde animal. Pour tout ce qui ne concerne pas l'art, il vit presque
en dehors du temps. La guerre va lui apporter de nouveaux arguments
pour rejeter la civilisation contemporaine et le pousser à chercher les
causes du conflit dans un but précis : si elles sont le fruit de notre
civilisation, il faudra l'amender pour éviter d'autres guerres.
Tout à leur déménagement et leur installation dans un autre village
bavarois, les Marc ne voient pas venir la guerre, encore moins les Macke
qui s'installent, en automne 1913, pour de longs mois sur les bords du
lac de Thoune d'où August s'en va en avril 1914 pour entreprendre, en
compagnie de Paul Klee et de Moilliet, un autre peintre suisse, un voyage
en Tunisie, de sorte qu'ils ne rentrent à Bonn qu'en juin 1914. Curieusement, la correspondance s'interrompt le 19 juin pour ne reprendre que
le 3 août. Nous ne connaissons pas la réaction de Marc à la déclaration de guerre. Seule une lettre de Lisbeth Macke, la femme d'August,
datée du 6 août, nous renseigne sur l'état d'esprit qui règne alors. Elle
écrit à ses amis : « Comme tout est venu vite, et pourtant on pousse maintenant un soupir de soulagement en comparaison des jours où il y avait
comme un orage dans l'air. Et quand on voit comment tous vont de bon
cœur, c'est magnifique. Et on n'a absolument pas le droit de penser à
soi parmi les millions. Seulement au pays qu'on est en train de sauver....
Espérons que tout ira pour le mieux, même si ce n'est pas pourl'individu » 38. Mais le 5 septembre, la même Lisbeth Macke s'écrie : « Je ne
puis me réjouir du fond du cœur de la plus grande des victoires... C'est
effroyable quand on s'imagine tout cela et c'est un triste signe pour
l'humanité qui s'est toujours tant vanté de sa culture qu'une telle guerre
soit seulement encore possible » 39. Dès le 26 septembre, son mari tombe
à Perthes en Champagne. Franz Marc, qui est au front depuis septembre
mais dans une zone moins exposée (en Alsace notamment), écrit alors un
bel éloge funèbre à sa mémoire, déclarant notamment que la perte de
Macke est une perte irréparable pour la culture de son peuple40. Du front,
il expédie de nombreuses lettres à sa femme. C'est à travers elles qu'on
peut suivre son évolution pendant la guerre et sous son influence jusqu'à
sa mort en mars 1916 dans la région de Verdun41. La guerre a secoué
sa pensée de fond en comble comme sous l'effet d'une tempête, déclare-t-il
en janvier 191542, mais il la considère comme un phénomène naturel,
inévitable, aussi longtemps du moins que l'appât du gain domine dans
l'esprit des individus et des nations. Jusqu'au bout, il reste convaincu que
l'Allemagne va l'emporter, il est fier d'être promu lieutenant (automne 1915).
Pas par amour de la vie militaire ou de la guerre cependant43. Car, à...
38. Ibid., pp. 188-189.
39. Ibid., p. 190.
40. Ibid., pp. 196-197.
41. Briefe aus dem Felde, List Taschenbûcher, 302, Munchen, List Verlag, 1966, 155 p.
42. Briefe aus dem Felde, op. cit., p. 148.
43. Ibid., p. 129, 6 février 1916.
...son sentiment, ce ne sont là qu'épiphénomènes. Au fond, il ne comprend
pas comment a pu éclater cette « guerre civile européenne »44. Tout le monde a pourtant besoin de la paix45 et la guerre devient de plus en
plus absurde en s'éternisant46. Il se considère comme personnellement
responsable de la guerre dans laquelle il voit un châtiment divin. Pour
commencer, il nous appartient de nous faire comprendre humainement
par notreprochain pour qu'il n'y ait plus de malentendu 47. Bref, le grand
bénéfice que lui apporte la guerre, c'est de l'obliger à mettre ses idées au clair 48.
Selon lui, la guerre est une épreuve de purification, la guérison d'une maladie. Il ne s'agit pas de l'attaquer en tant que telle et de l'extirper
hic et nunc, il faut remonter à ses causes, c'est-à-dire à soi-même49.Marc
se traite lui-même de platonicien50. Et, effectivement, la guerre est pour
lui un principe, une idée, avant d'être une réalité vécue, bien que son
mouvement de recul devant l'horreur quotidienne aille en grandissant.
On serait presque tenté de dire que l'on retrouve chez lui la croyance
que Romain Rolland décelait en 1908 chez Guillaume II, «la croyance
presque mystique en la guerre comme le seul moyen de retremper l'Allemagne décadente, de laver les âmes, de refaire dans l'Empire la santé et
l'autorité»51. En fait, l'analyse de Marc va heureusement plus loin que
celle de l'empereur. Certes, il pense que l'Allemagne était chargée d'une
mission particulière : il lui appartenait de maintenir un contrepoids spirituel au matérialisme qui envahit la civilisation contemporaine. Elle ne
l'a pas fait, au contraire, elle a voulu « se saisir des affaires mercantiles
mondiales » 52, elle a succombé au péché de l'Europe puisqu'elle s'est
laissée gagner par l'esprit mercantile, au lieu de prendre fait et cause
pour l'esprit (der Geist, mot clé de l'expressionnisme). Toute l'Europe est
coupable. Il suffit de comparer l'avant-guerre à la guerre pour s'en rendre
compte : « La guerre est-elle autre chose que l'état de paix existant jusqu'ici,sous une forme différente, plus honnête ?au lieu de la concurrence,
il y a maintenant la guerre » 53. Il est nécessaire de « mettre la hache à
la racine » M. Car aussi longtemps que l'un exploite l'autre, on ne peut
éviter les conflits. Et ceci ne vaut pas seulement pour les Etats, mais
surtout pour les individus. Que chacun commence par se changer soi-
même au lieu de vitupérer contre la guerre, sans se rendre compte qu'il...
44. Lettre du début de l'année 1915, citée par E. von Kahler, in Die Prosa des Expressionismus, pp. 157-168, de Hans Steffen, Der deutsche Expressionismus. Formen und Gestalten, Gôttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1965, 268 p., p. 163.
45. Briefe aus dem Félde, op. cit., p. 106, 1er décembre 1915.
46. Ibid., p. 151, 5 octobre 1915.
47. Ibid., p. 117, pour le premier de l'an 1916.
48. Ibid., p. 120, 12 janvier 1916.
49. Ibid., p. 126, 3 février 1916.
50. Ibid., p. 134, 17 février 1916.
51. Lettre à E. Wolff du 25 juin 1908, cité par René Cheval, Romain Rolland, l'Allemagne et la guerre, Paris, P.U.F., 1963, 770 p., p. 181.
52. Briefe aus dem Félde, op. cit., p. 82, 12 septembre 1915.
53. Ibid., p. 74, 23 juin 1915.
54. Ibid., p. 90, 9 octobre 1915.
...en est responsable55. Par conséquent, la métamorphose des individus est
la condition sine qua nonpour instaurer une paix durable. Il semble
bien que l'on soit là au centre de la sensibilité de l'expressionnisme. A
quoi s'ajoute chez Marc l'utopie d'une sortie possible de l'ère industrielle.
On le voit, la pensée de Marc est ambiguë ; on peut y déceler aussi
bien un éloge indirect de la guerre qu'une condamnation — pas très explicite, il est vrai — du capitalisme comme source des conflits. Mais force
est de constater sa clairvoyance quant aux conséquences prévisibles du
conflit. Il en voit essentiellement deux :
— la montée du socialisme qu'il regrette d'ailleurs puisque, dit-il, le
socialisme signifie un nivellement des individus qui entraîne la paralysie
de l'âme et de la pensée chrétienne du sacrifice et de la maîtrise de soi56 ;
— la montée du peuple russe, Marc se demande, en effet, « si les
Slaves, plus spécialement les Russes, ne vont pas bientôt devenir les
guides spirituels du monde, pendant que l'esprit de l'Allemagne s'altère
irrémédiablement dans des disputes commerciales, guerrières et ostentatoires » 57.
Si l'on considère le pacifisme comme la volonté de maintenir la paix
à tout prix ou de la restaurer au plus vite si, par malheur, la guerre a
éclaté, il n'y a pas chez Marc conversion au pacifisme puisque, tout comme
Doeblin, il trouve des vertus à la guerre.La guerre fait partie d'une
vision de rédemption de l'humanité, elle est une voie de salut en même
temps que le résultat inéluctable de la maladie morale des hommes
modernes. C'est cela qu'il faut comprendre avant de pouvoir songer à la
paix. La guerre est la juste punition de nos fautes, elle est due à l'oubli de notre nature spirituelle. Elle nous oblige à nous convertir.
Ainsi, nous ne débouchons pas sur des solutions politiques, mais sur
une méditation religieuse, voire sur une expérience mystique. Cependant,
la guerre, là aussi, a obligé l'artiste à affronter la réalité, à sortir de sa
sphère. A y regarder de près pourtant, Doeblin est plus concret que Marc, car il essaie de comprendre comment les événements de 1914-1918 s'inscrivent dans la continuité de l'histoire allemande ; il pense qu'elle fait
avancer la démocratisation de l'Allemagne, tandis que Marc est surtout
sensible au salut individuel lié à l'épreuve justement subie par les hommes
qui ont failli à leur mission. Il est vrai que le peintre n'a plus connu la
défaite et l'interrègne entre la monarchie et la République de Weimar.
Mais à le voir au début de 1916 compter sur la victoire imminente des
armées allemandes, on ne peut s'empêcher de penser que l'effondrement
de 1918 l'aurait profondément traumatisé. L'on peut surtout se demander
comment de la victoire allemande aurait pu sortir cette transformation
spirituelle en laquelle il met tous ses espoirs, alors que par ailleurs, si
nous l'en croyons, l'Allemagne n'a pas été à la hauteur de sa tâche. Plus
lucide et plus logique que lui, Nietzsche avait souligné en 1871 que la...
55. Ibid., p. 126, 3 février 1916.
56. Ibid., p. 101, 21 novembre 1915.
57. Ibid., p. 82, 12 septembre 1915.
...victoire des armes allemandes ne signifiait nullement une victoire de la
culture allemande, au contraire, disait-il, cette victoire était plutôt un handicap pour l'esprit allemand58.
Nous pouvons conclure provisoirement que deux artistes en rapport étroit avec le Sturmsont arrachés par la guerre au domaine esthétique
dans lequel ils se cantonnaient. Il est vrai qu'ils ne conçoivent l'art
nouveau que sur la base d'un renouveau spirituel dont il est à la fois
la cause et le signe.C'est ainsi que peut s'établir le lien entre l'art et
la guerre qui elle aussi manifeste que l'esprit est à l'œuvre. Toujours
le rôle moteur revient à l'individu de sorte que le ralliement de Doeblin
au socialisme libertaire n'est pas une surprise. Marc, quant à lui, reste jusqu'à la fin l'idéaliste qui proclame la supériorité des valeurs spirituelles.Leur sensibilité n'est finalement pas politique à proprement parler,
elle est plutôt éthique, bien que Doeblin prenne position sur la révolution
de 1918, qu'il marque ses préférences pour le système des conseils. Face
à la guerre, ils hésitent entre l'auréole que lui confère une pensée presque
mythique qui en fait le moteur de la marche de l'humanité vers un avenir
toujours plus « radieux » et une condamnation de sa bestialité, indigne
de l'esprit humain (notons cependant que Doeblin va bien plus loin dans
le sens de la démystification que Marc, surtout dans Wallenstein). De
toute façon, ils ne parviennent pas à surmonter vraiment leur nationalisme
viscéral. En ira-t-il autrement pour les représentants de la deuxième grande tendance ?
Ce qui frappe de prime abord chez Carl Einstein, si on le compare à
Doeblin et à Marc, c'est qu'il aborde la politique bien avant la guerre,
mais — et c'est révélateur — par le biais de l'esthétique. Et même durant
la guerre, il cherche pendant longtemps à se fermer aux événements qu'il
considère comme un dérivatif qui pourrait le tirer de sa voie propre.
Nous y reviendrons.
Entre 1910 et 1914, Die Aktion publie son roman Bebuquin et d'assez
nombreux essais dans lesquels il s'attaque à la société bourgeoise, mais
aussi au S.P.D. 59. Ce sont ces essais qui permettent le mieux de saisir sa
démarche, celle d'un artiste en quête d'un art radicalement nouveau, destructeur de la réalité et de ses tenants. Le principal en est la bourgeoisie
et ses suppôts, dont le S.P.D. précisément, contaminé par l'esprit capitaliste.....................l'article continu.
58. Nietzsche, Unzeitgemafie Betrachtungen, éd. Scheechta, vol. 1, Miïnchen, Hanser,
1966, 5. Aufl., 1 288 p. ; c'est le début de la première « inactuelle », p. 137.
59. Pour l'étude de Carl Einstein, on peut se reporter à Penkert, Sibylle, Carl Einstein.
Beitrage zu einer Monographie, Gottingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1969, 160 p. — Les principaux textes de Einstein sont repris dans l'édition du Limes Verlag, cf. supra, note 11.
Sont particulièrement intéressants dans notre perspective les essais Révolte, Politische Anmerkungen, Der Arme, Das Gesetz, Die Sozialdemokratie, tous parus dans Die Aktion entre
1912 et 1914.