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mardi 13 mai 2025

On the Passage of Michèle Bernstein Through Time (2021)


 Après Tous les chevaux du roi (1960), le deuxième roman de Michèle Bernstein, La nuit, en 1961, a également été écrit pour de l'argent, et à nouveau cannibalise l'intrigue de Les liaisons dangereuses, mettant en vedette les mêmes personnages que ses débuts: Gilles, Geneviève, Carole et Bertrand. L'histoire reste la même, mais le livre est différent, cette fois parodiant le style du nouveau roman, avec ses phrases allongées et son sens non linéaire du temps et du lieu. Alors que ses protagonistes dérivent dans les rues de Paris, à travers les enchevêtrements d'un ménage à trois, et l'ennui d'une fête d'été sur la Côte d'Azur, la NUIT est jonchée de détournements - des citations non attribuées et des clins d'œil complices aux pratiques situationnistes - et d'indices qui donnent un aperçu de la vie et de l'esprit du couple qu'elle formait avec Guy Debord: une vie de bohème sur le territoire du Continent Contrescarpe.

lundi 24 mars 2025

Mario Perniola: Berlusconi ou Mai 68 réalisé

 SOURCE: https://www.carmillaonline.com/2023/07/24/il-trionfo-della-societa-dello-spettacolo-e-le-sue-conseguenze/

Berlusconi o el 68 realizado': debajo de los adoquines sólo había populismo  | La Lectura

Mario Perniola, Berlusconi o il ’68 realizzato, Mimesis Edizioni, Milano-Udine, 2022 [2011]
 "             "       , Berlusconi o el 68 realizado, Seriecero, Barcelona, 2024
 
Au lieu de profiter de l'occasion offerte par un fait naturel comme la mort pour trouver le temps d'enquêter historiquement sur les raisons du succès, auprès d'une partie significative de l'électorat italien, d'un homme certes discutable et excessif dans toutes ses manifestations, certaines starlettes de l'intelligentsia de « gauche » continuent de perpétuer le mythe de Berlusconi l'épouvantail avec une attitude qui, si elle n'était pas enracinée dans la lâcheté et l'inaptitude d'une gauche respectable, anonyme et amorphe, semblerait confiner à la psychose. La preuve en est une déclaration comme celle contenue dans un numéro de juillet du « Venerdì » de Repubblica : « Le berlusconisme a été le plus grand malheur », attribuée à Sabina Guzzanti. 
 
Oui, le plus grand malheur. Alors que le grand public du spectacle médiatique, politique et « culturel » n’a pas encore fini d’absorber le fait que la Shoah constituait le « plus grand mal », le voilà déjà en train de se gaver d’un autre villain définitif, après Hitler, Mussolini ou qui que ce soit d’autre. Et tandis que le public est maintenu en état d’alerte constant par une liste de « malheurs » qui ne semble jamais finir, du Vajont au Covid ou à la guerre en Ukraine, un nouveau (?) « cri de douleur » et mouvement « de dénonciation » commence à se propager dans l’air médiatique. Une course éternelle au vaccin définitif contre les maux causés par la droite au niveau politique et social qui, cependant, n'affecte jamais la substance d'une société (l'italienne mais pas seulement) et d'un mode de production dont la même gauche « critiquante » fait partie, partageant souvent ses valeurs et ses principes, depuis avant même la chute définitive du fascisme historique. 
 
Les Éditions Mimesis ont bien fait de rééditer dans la collection « Volti » un texte du philosophe et écrivain italien Mario Perniola (1941-2018), déjà publié en 2011 : Berlusconi o il ’68 realizzato. Comme indiqué dans la note éditoriale précédant la réédition actuelle : 
 
Le grand philosophe italien Mario Perniola nous a donné un style de pensée dans lequel le rire et la compréhension vont de pair, au nom d’un désenchantement humain et lucide du présent. Quand Berlusconi est parti ou que 68 fut réalisé, les scandales des « dîners élégants » faisaient rage et la crédibilité internationale de l'Italie vacillait. […] Les évaluations de Perniola sur la signification historique des transformations personnifiées par Berlusconi dans la politique, la culture, les coutumes et la vie sociale du pays étaient donc extrêmement actuelles. Mais même aujourd’hui, et surtout aujourd’hui, au terme de la parabole biographique de l’homme d’Arcore, l’analyse de la révolution spectrale proposée ici s’avère être l’un des meilleurs discours d’adieu que l’on puisse faire1
 
Un discours dans lequel il faut souligner, comme le fait Perniola et pas seulement par goût provocateur, la réunion, de manière certainement déformée, dans le programme de Berlusconi de la plupart des objectifs qui ont caractérisé la grande vague de 68. De la fin du travail à la destruction de l’université et du vitalisme de la jeunesse au triomphe de la communication de masse. Une sorte d’« esprit du capitalisme » renouvelé auquel Luc Boltanski et Eve Chiapello feront plus tard référence, en soulignant : sa vocation à la marchandisation du désir, notamment celui de libération, et par conséquent à sa récupération et à son encadrement2.
 
 En attendant des évaluations historiques et politiques dignes de ce nom, qui ne se basent pas seulement sur des phrases accrocheuses et des plaisanteries spirituelles qui se contentent de renverser le style Berlusconi, sans en réalité le nier en fait mais en le propageant3 jusqu'au bout, il vaut la peine de relire les pages du court texte de Perniola. 
 
Ici, l’auteur se limite à proposer à nouveau l’interprétation de quelques thèmes, parmi les nombreux possibles, qui relient la « révolution ratée » de 68 à ses conséquences dans les décennies suivantes au cours desquelles, comme cela arrive toujours dans ces cas, la Révolution ratée s’est transformée en une arme de la Contre-Révolution et l’un de ses textes les plus connus et les plus importants4 s’est transformé en un possible mode d’emploi pour une conception impartiale, mais loin d’être révolutionnaire, de la politique et de la communication5. En effet, publié en 1967, le texte de Debord affirmait que : « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images mais une relation sociale entre des personnes médiatisée par des images ». Anticipant de plusieurs décennies la manière dont Silvio Berlusconi avec Mediaset et Mark Zuckerberg avec Facebook et Instagram, sans parler de nombreux autres médias sociaux, pousseraient plus tard les mécanismes d’aliénation individuelle et sociale à leurs conséquences extrêmes. 
 
Du travail et de son refus  
 
Bien que Berlusconi ait été un travailleur infatigable toute sa vie, il a permis à la plupart des jeunes de réaliser la célèbre injonction de Guy Debord (1931-1994) : Ne travaillez jamais !  L’ironie est que les jeunes veulent aujourd’hui travailler, même dans des conditions indécentes et honteuses, incroyablement plus aliénantes et disqualifiantes que celles qui leur étaient proposées dans les années 60 et 70 : alors une vie de classe moyenne inférieure était plus ou moins garantie à tout le monde, aujourd’hui c’est un rêve inaccessible pour ceux qui n’ont pas de famille derrière eux pour les aider. C'est comme si Berlusconi avait monopolisé tout le travail sur sa personne, et laissé seulement le jeu aux autres6.  
 
De la culture et des intellectuels  
 
Nous nous fichons De tout le culturame (attention, ce mot est dit in camera caritatis, c'est-à-dire pas publiquement): mais nous devons dire que nous sommes en faveur de la culture, de la recherche, de l'innovation, de l'anglais, d'Internet, des affaires et de tout ce qui semble encore à la mode, même si nous nous fichons de toutes ces choses, car si vous les faites sérieusement, elles sont trop chères et compliquées et laissent trop peu de place à la corruption. Que les Américains le fassent, eux qui en les liant étroitement à l'économie des entreprises parviennent à en tirer beaucoup d'argent, ou les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui, étant en pleine ascension et ayant des taux de développement notables, ont besoin de créer une bourgeoisie relativement éduquée ! […] Je vous recommande également de ne pas tomber dans le piège de soutenir sérieusement les soi-disant « intellectuels de droite », car ils sont bien plus prétentieux que ceux de gauche, qui en partie par parti-pris paupériste et en partie par démagogie se qualifient de « travailleurs du savoir » et n’ont donc plus beaucoup d’ambitions : il suffit de faire quelques apparitions gratuites à la télévision pour qu’ils se prennent immédiatement pour des stars et brisent le cœur d’une fille, comme si nos filles d’aujourd’hui avaient un cœur ! S'ils sont vraiment accro (notez ce mot français car personne ne le comprend et donc il a un certain effet), je veux dire qu'ils sont vraiment acharnés, comme ce certain Saviano ou Saviani, si vous voulez, il suffit de l'insérer dans un spectacle récréatif de pur divertissement pour le neutraliser complètement. Il veut être tragique, mais si vous le mettez avec des comédiens, qui remarquera la différence ? Et puis en Italie la tragédie n'a jamais eu de succès : oui, bien sûr, il y a eu des tragiques piémontais comme Alfieri et Pareyson, mais qui les lit ? Ils sont utilisés pour rédiger des thèses de diplôme. Alors pas de fatwa contre les Savianis, encore moins d'attaques ou de choses qui sèment le chaos : n'oublions pas qu'en nous faisant passer pour des libre-échangistes (alors qu'il est évident que nous sommes des monopolistes) nous devons aussi montrer que nous sommes libéraux et magnanimes. Nous ne sommes pas comme les Russes ou les Chinois, qui persécutent les dissidents ! En fin de compte, ce qu’ils disent ou écrivent n’a aucun effet politique et le peuple est convaincu dans la campagne électorale en baissant ou en supprimant un impôt ou une taxe détestable.  
 
 images et pouvoirs : Berlusconi et les « veline » - Vacarme

Sur la dignité
 
Un mot qui apparaît de plus en plus fréquemment dans les discours éthiques et politiques est celui de dignité. C’est devenu l’un des termes clés de la bioéthique, ainsi que la devise qui a caractérisé les révoltes politiques qui ont secoué de nombreux États arabes, provoquant parfois la chute de gouvernements. En Italie, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur indignation face à la conduite de Berlusconi. Les étudiants qui occupaient les places de certaines villes espagnoles s'appelaient eux-mêmes los indignados. Ainsi est né un Global Indignant Movement qui s’est manifesté dans de nombreux pays. Le mot dignité a éclipsé d’autres termes plus techniques dans le langage politique, tels que communauté et droits de l’homme. En fait, le premier est tombé en ridicule depuis qu’on parle de « communauté internationale » […]. Quant aux « droits de l’homme » qui constituent l’une des pierres angulaires de la civilisation occidentale, l’usage factieux et opportuniste qui en a été fait les a vidé de toute crédibilité […] Or, la question cruciale est : pouvons-nous nous permettre de nous indigner si nous n’avons aucune des quatre vertus fondamentales (sagesse, tempérance, courage et justice) ? Pouvons-nous nous indigner si nous-mêmes n’avons aucune dignité ? Et si nous n’étions pas du tout cohérents avec nous-mêmes mais immergés dans le monde de la communication, dans lequel tout est bouleversé ? Les caractéristiques fondamentales de la communication sont très bien décrites par les stoïciens sous le terme de folie. L'imbécile n'est pas une personne bête, stupide, ennuyeuse, mais un être humain qui, en proie à une agitation constante, change d'avis d'un moment à l'autre ; incapable de rester immobile, il court tête baissée avec une impulsion irrésistible vers le premier objectif qu'il rencontre et regrette facilement tout ce qu'il a fait ; incapable d’écouter, parle et agit de manière peu concluante ; incapable de faire des évaluations stables et des choix irréversibles, il saute ici et là, prétendant tout avoir et tout prendre. La folie ne naît pas d’un manque, mais d’une déviation, d’une déformation, d’une perversion de la faculté rationnelle. Pour s'indigner, il faut au moins avoir du courage, c'est-à-dire de la patience, de la persévérance, de la magnanimité et de la magnificence (Thomas d'Aquin dixit). Nous, Italiens (et peut-être Occidentaux), sommes trop faibles pour nous permettre de nous indigner.
 


1. Note éditoriale à M. Perniola. Berlusconi o il ’68 realizzato, Mimesis Edizioni, Milan-Udine 2022.
2.  L. Boltanski, E. Chiapello, Il nuovo spirito del capitalismo, Mimesis Edizioni, Milan-Udine 2014.
3. Voir ce qui a déjà été écrit ici 
4. Guy Debord, La società dello spettacolo, Éditions SugarCo, Milan 1990. 
5.  Voir : Gianfranco Marelli, L’amara vittoria del situazionismo. Storia critica dell’Internazionale Situazionista 1957-1972, Mimesis Edizioni, 2017. 
6.  Non lavorate mai! dans M. Perniola, op. cit., p. 21.
7.  Gli intellettuali da nona categoria puzzolente a spina dorsale della nazione dans M. Perniola, op. cit., pp. 64-67
8.  Possiamo essere indignati? In M. Perniola, op. cit., pp. 95-99  
 

jeudi 5 décembre 2024

LA BONNE PENSEE OFFICIEUSE : les postsitus, les nouveaux littérateurs, les Gênois de Göteborg,...

(Texte d'août 2001, diffusé sous forme de tract.)

La glorification officielle de l'IS et de Debord a commencé peu de temps avant sa mort, dès qu'il a commencé à vendre (sa vie, son œuvre, ses Mémoires, son parti, sa parole). Le paysage intellectuel parisien s'en est trouvé davantage modifié que par un battement d'ailes dans le golfe du Mexique. Si la vieille intelligentsia rabrouée et conchiée n'ose toujours pas avouer qu'elle lisait ‘la Société du spectacle', évidemment en cachette, les deux branches qui chuchotaient leur soutien à Debord sous sa terrible chape de plomb, les postsitus modedevitistes (tendance voyou lettré) et les postsitus intellectuels (tendance lettré voyou), ont d'abord jubilé publiquement, soulagés de la mort du tyran que-rien-ne-justifiait-qu'on-traite-de-tel et du fait qu'on pourrait enfin tirer bénéfice d'un si beau stock théorique non encore véritablement exploité. Mais très vite on s'est aperçu non seulement que le trésor n'était pas si grand, mais que celui qui approuvait publiquement inversait sa position de révolté : l'IS et Debord devenant référence officielle, on ne garde plus sa négativité apparente en les soutenant. La situation du microcosme intellectuel aujourd'hui est donc la suivante : il faut taire le nom de Debord, ou alors le rabrouer et le conchier. Comme une telle attitude dépend de la mode et non de la critique, elle est amenée à changer rapidement. Nous espérons, sans trop d'illusions, que ce sera plutôt sous l'impulsion de la critique que sous l'impulsion de la mode.

Les situationnistes et Debord, en tout cas, semblent avoir su que ce qu'on appelle critique est essentiellement une révolte de rue, et ils se doutaient probablement que ces guerres, qu'on appelle critique, non seulement se décident là, mais souvent s'y conçoivent ; tout au moins tant qu'ils étaient jeunes, et que le syndrome du complot ne s'était pas encore substitué à leur bonne humeur. Il ne faut pas oublier que leur modedevitisme – cette apologie romancée de leur propre vécu – était d'abord une virulente critique de l'intelligentsia, dont la profession est d'écrire et de penser publiquement contre rémunération. Comme l'époque était de gauche, l'intelligentsia l'était aussi. La fesse gluante de sueur serrée devant la Remington, surtout à Paris, un petit milieu professionnel planifiait des révolutions, en attendant salaires et reconnaissance. On osait parfois rêver de postes ministériels comme ceux de Lukács et de statues comme celles de Lénine. En France principalement, depuis la réussite éclatante de Victor Hugo, la littérature était censée mener à tout. Les situationnistes, dont les mérites n'ont pas été si grands, ont au moins eu celui de vouloir ruiner cet arrivisme de la plume qui, particulièrement à Paris, ne s'est jamais exprimé avec plus de grâce que dans le cul. Cette intelligentsia avait été stalinienne jusqu'en 1968 et gauchiste dans les années suivantes. Stalinienne, elle ne pensait la révolte qu'organisée et préméditée par des fesses gluantes de sueur serrées devant des Remington ; gauchiste, c'est-à-dire en majorité léniniste, elle concédait une révolte dans la rue, mais y subordonnait toujours l'émeute obscure à la manifestation médiatique, les plaisirs éruptifs et ravageurs qui débouchent sur le pillage et le cassage de gueule de quelques journalistes à la solennité pompeuse de la protestation indignée en défilés de poings levés comme des moignons. Les bataillons serrés comme des fesses gluantes, casqués et bottés, leur ont toujours paru plus sérieux que des nuées d'adolescents imprévus et imprévisibles, qui ne chantent pas. Et ces moments doum-doum n'étaient que des preuves de leurs propres battements de cœur, de leurs discours résignés à la nécessité d'une police, et non pas l'inverse, leur cœur et leur discours devenant des preuves de ces perforations qui déforment et rendent inutilisables des défenses séculaires de l'étroitesse humaine.
Au printemps 2001, au moment où une génération inconnue au bataillon a pour la première fois tapé de son pied léger de Cincinnati à Addis-Abeba, en déposant son souffle neuf sur les terrains de bataille récemment usés de Tizi Ouzou (et Brixton !) et de Bradford (et Batna !), une nouvelle intelligentsia subordonne déjà cette jeunesse-là, qui lui est si hostile, à sa propre progéniture, aux fesses gluantes et serrées. De Göteborg à Gênes, où l'internationale des chefs d'Etat conférence sur le rien, mais sous siège, la progéniture de la middle class, étroitement enlacée par l'information dominante, antimondialise contre le même rien, sous le même siège. Il y a là cette étrange odeur, si dominante dans la littérature, une odeur d'enflure de rien, de merguez sauce Chiapas, de broutille grand-émoi, l'eau de toilette préférée des pleureuses sans larmes et des pétomanes de l'indignation pour l'indignation. S'il y a une bonne révolte dans la rue, une seule, c'est celle qui pimente les conférences de chefs d'Etat. On ne pourra plus dire que ce sont des conférences sur rien quand elles sont sous siège.
De l'émeute, c'est-à-dire de la révolte des pauvres dans la rue, c'est-à-dire de l'exclusion des médiateurs de tout discours dominant dans le débat, cette nouvelle intelligentsia a unanimement horreur, même si le dogme situationniste contraint à affirmer le contraire, comme jadis, du reste, le dogme marxiste. On entend donc dire (Mandosio, édité par l'Encyclopédie des nuisances) que l'émeute est principalement utilisée par l'Etat, et par là on essaie de montrer qu'on est désabusé, affranchi d'illusions vaincues ; on entend dire que jamais une révolte d'esclaves n'a changé le monde, ce qui est vrai, monde qui d'ailleurs n'aurait pas changé depuis Balzac (le falsificateur Voyer, théoricien de la résignation), ce qui est faux, parce que les gueux, qui depuis deux cents ans sont la seule cause du changement du monde, sont bien autre chose que des esclaves ; les émeutes, pas même au Swaziland ou en Papouasie, mais celles qui sont devenues des insurrections en Irak ou en Somalie, sont dénigrées avec un antitiers-mondisme mal digéré par ceux qui s'émerveillent de ces papillons du golfe du Mexique qui causent des cataclysmes ; cette intelligentsia, où les semi-lettrés sont aujourd'hui devenus majoritaires, voudrait aussi convaincre que seule LA théorie change le monde et que la révolte dans la rue n'est rien qu'une pusillanime vérification de LA théorie, mais condamnée d'avance, magnifique quoi, mais mieux vaut ne pas en parler, puisqu'on te dit que ça sert à rien, capisce ? En cela l'intelligentsia postsitue va plus loin que l'intelligentsia marxiste, qui depuis la création de la troisième Internationale espérait seulement cette déduction. Mais le semi-monde penseur d'aujourd'hui n'a pas de monde meilleur en vue. Comme toujours lorsque la révolte relâche sa pression sur l'époque, ce qu'on a pu constater depuis la mort de Debord qui n'y est pour rien, les valeurs conservatrices qui mènent à la considération et au salut dans une société qui redevient alors éternelle sont réhabilitées : carrière, renommée, fortune, recherche de la perfection de ce qui est là. Voyez l'arrogance bonnasse de ces scribes du régime (toutes les personnes en vie citées dans ce texte sont des scribes du régime) qui se croit affranchie de rendre des comptes parce qu'elle ignore même ce qu'est la réalité, dont elle a horreur. C'est dans la rue que finira cette irresponsabilité qui permet les petits mensonges.
D'une manière plus générale, cette attitude résignée face à la révolte exclut même de son spectre les happenings antimondialisation, non parce qu'il s'agit d'un nouveau concept de vacances pour jeunes de la middle class, mais parce qu'il s'agit de ramener le monde, et par conséquent sa critique, à cette intelligentsia. Une des frontières momentanées de ce néo-intellectualisme passe d'ailleurs entre le soutien et le rejet à l'antimondialisation. Mais dans cette négativité au rabais, les différends sont des poses, pas des choix. Il est donc assez courant de soupirer qu'il n'y a pas de révolte, tout en soupesant avec gravité et doigté les grandes avancées critiques de la néo-intelligentsia parisienne, pour laquelle le chatroom commence à remplacer le salon. Un excellent exemple est livré par un fossile, non encore internaute, de la période des Sartre, Barthes, Foucault et Breton vieux, Annie Le Brun. Dans son dernier ouvrage qui se termine par non, non, non, non, non, non, non, cette admiratrice tardive de Debord ne cite que deux exemples de révolte : le premier est la destruction des Abribus au printemps, qui n'est d'ailleurs évoquée que comme parallèle de la délinquance dans la culture, la destruction des Abribus étant la bonne délinquance face à la méchante délinquance des patrons de la culture : il faut être assez éloigné de ce que les urbanistes ont appelé le mobilier urbain pour penser que sa déprédation pourrait être saisonnière ; et, de la culture, il faut être un assez fervent usager pour se plaindre d'une corruption qui a gagné tout ce que les économistes appellent des secteurs d'activité. Mais le véritable extrême de la révolte pour Annie Le Brun c'est Unabomber, qui aurait allié, de manière un peu fruste sans doute, la théorie et la pratique, comme le préconisait, en somme, un Debord. Devant cette authenticité retrouvée, qui va si loin, on se demande alors pourquoi Annie Le Brun reste en retrait, ce qu'elle n'explique évidemment nulle part. Il devrait pourtant diable être à sa portée d'écrire un petit texte sur la dégénérescence du monde et de le faire suivre de quelques lettres piégées.
Ce n'est évidemment pas son avis sur la révolte qui fait l'intérêt principal d'Annie Le Brun, mais sa délimitation du domaine de la nouvelle intelligentsia. La culture y est toujours le centre du monde. La véritable critique de la société n'est pas bien sûr dans les Abribus et Unabomber, mais dans l'écrit. Ce qu'on peut vérifier dans le répugnant retour de la philosophie sur ses béquilles sociologiques et scienteuses, et même la littérature, où le menu fretin va jusqu'à penser que la poésie pourrait être encore de l'écrit, non sans en vouloir faire la preuve pratique, la fesse gluante serrée devant son Mac, a sorti le cul de sa poubelle, en trémoussant d'importance. Les littérateurs, en effet, ne voyant rien venir leur taper sur le groin, en concluent que c'est à eux qu'appartient la critique. Le cercle de cette négativité est donc encore limité, mais il y a déjà de nombreux postulants prêts à la relève. Esquisse, non limitative, d'une liste de ces crapauds de la bonne pensée contre la bonne pensée : Bouveresse et Bourdieu (réjouissant retour du Collège de France),Voyer, Muray, Nabe, Kacem, Houellebecq, Duteurtre ; et dans le cercle des références, on choisit volontiers celles qui sont les plus vierges de toute critique, comme Wittgenstein, voire Nietzsche et Schopenhauer, puis Hegel bien sûr. Notre papillon du golfe du Mexique, Debord (même en remake de Cravan), reste innommable, dans l'angle mort de la mode ; et les debordistes modedevitistes (l'Encyclopédie des nuisances qui vient de se renforcer de Riesel, Allia et son docteur Bounan, Martos et son courrier censuré) sont donc à la lisière de cette intelligentsia négative, un jour du bon côté de la critique en tant que continuateurs respectables de ce que Debord avait de respectable – à condition de ne pas citer son nom trop usé –, un jour dehors en tant que mainstream qui n'aurait rien compris à la véritable critique, celle qui se reconnaît par le fait de rabrouer et de conchier Debord. Quant aux debordistes intellectuels, comme les journalistes Sollers ou Viviant, ils ont perdu leur place dans la négativité de façade dont ils sont d'ailleurs devenus une cible qui n'est pas bien en danger. On commence aussi à réhabiliter l'intelligentsia gauchisante de l'après-68 : Sartre, Deleuze, Derrida et pourquoi pas Baudrillard, Virilio, Onfray et Bernard-Henri Lévy, après tout assez proches de cette nouvelle opposition qui se croit aussi radicale qu'il n'y a pas si longtemps l'ancienne.
Le pâturage de ce bétail qui grogne et qui rue n'est pas encore clôturé. On peut y entrer et en sortir assez librement. Au départ, il suffit d'être coopté. Et on a les meilleures chances du monde d'être coopté en s'étant fait remarquer opposant à un seul point capital de la bonne pensée de gauche, n'importe lequel. Tout comme un Daeninckx a fait carrière en dénonçant le prétendu antisémitisme de ses petits camarades, on est admis dans les réseaux de référence croisés de cette opposition à la filière de Daeninckx en prenant en marche les thèmes et les idées de cette bonne pensée officieuse, si courageusement en lutte contre la bonne pensée officielle. Tout ce qui prend à contre-pied, seulement de manière à donner l'impression qu'on a un pas d'avance, qu'on est affranchi, est chic : il est de bon goût de se moquer des anti-antisémites, des antiracistes, des antifascistes, des pédés militant et défilant, des rollers, des féministes, mais en crachant sur le machisme ; de vilipender les trotskistes (depuis que Jospin a été déclaré ex-trotskiste) ; d'affirmer que l'économie n'existe même pas, sans même être capable de dire ce qu'est exister ; de trouver amusant et populaire le porno en s'indignant de l'érotisme ; de révéler les vertus spirituelles voire « stratégiques » du sport ; de défendre (toujours défendre) la langue en militant fétichiste et pointilleux ; de défendre la logique formelle en militant féticheux et pointilliste ; de faire l'apologie du style, en impuissant du fond ; de se désoler du manque de rêve, de poésie et d'imagination, détruits par l'affreuse industrie de l'image ; de soutenir Sokal et Bricmont derrière un scientisme bon teint (il est d'ailleurs du meilleur effet d'avoir une formation « scientifique »), qui permet en outre de se démarquer de la vieille intelligentsia antérieure à la critique situationniste ; de papoter d'importance sur le clonage et ses conséquences sur la sexualité, mais aussi avec prudence, tant qu'il n'est pas encore certain de quel côté va se trouver la bonne pensée officielle, et par conséquent la bonne pensée officieuse ; de citer à tour de bras, comme Debord, dans une sorte de surenchère du verbatim qui doit grassouiller de sens et recouvrir de savoir ce vaste étalage d'incapacité à penser par soi-même ; de se gausser des écologistes, mais en se plaignant du trop de vitesse, du trop d'ozone, des OGM ; de pester contre la malbouffe, mais en pestant contre Bové ; de geindre sur l'absence de négativité, mais non sans se positionner de manière positive dans cette négativité ; de sympathiser, toujours par provocation, avec des actes extrémistes proposés à longueur de faits divers eux aussi soumis à la loi de la surenchère ; de s'indigner de la manière dont sont traités les monuments historiques et leurs successeurs contemporains ; de protester contre les bombardements de l'Otan.
Après ces thématiques pauvres, il faudrait ici égrener une liste encore plus longue des réhabilitations : on commence donc à réhabiliter la pensée rampante, on réhabilite les petits mensonges qui sont le signe qu'on ne craint plus l'histoire, et on réhabilite depuis la pensée religieuse la plus tarte à la philosophie la plus gourde. Dans chaque art particulier (il n'est plus question de la mort de la religion, de la philosophie et de l'art), musique, théâtre, chorégraphie, peinture, poésie, cinéma, et bien sûr littérature, on exhume du passé qui nous aurait échappé. Comme je viens de le voir dans un film sur lequel je zappais : dans la pensée musulmane, prétend un personnage qui n'a d'autorité à la pensée musulmane que par son prénom arabe, le passé est devant nous parce que le passé est ce qu'on voit, l'avenir nous encule parce que l'avenir, on ne le voit jamais. Parole de conservateur, parole de résigné, parole de bonne pensée officieuse.
L'archétype de ces réhabilitations est l'écrivain Céline. La bonne pensée officielle condamne son antisémitisme, avec des hauts cris de vieille pucelle. Céline est la mauvaise pensée par excellence. La bonne pensée officieuse réhabilite donc Céline avec des pâmoisons de vieille pucelle, parce qu'il serait exégète de la misère humaine, ce qui est le plus haut titre que peut décerner la bonne pensée officieuse.
A cela il faut répondre. Personne ne peut écrire sur la misère des autres sans la diffamer s'il survit lui-même de cet écrit. Nous serons là de stricte obédience situationniste. La profession d'écrivain est incompatible avec la critique de la misère, et par conséquent avec la critique de cette société, de son devenir, de son monde. Bien au contraire, la littérature et ceux qui y croient, c'est-à- dire ceux qui en font profession et ceux qui tolèrent et soutiennent cette profession, contribuent d'abord par là à la misère. Le préalable à la critique de la misère écrite est la critique de la misère de l'écrit. La misère chez les écrivains professionnels Céline et Houellebecq, ou chez un Voyer (traiter les pauvres d'esclaves, puis de bétail, n'est qu'une espèce de truc littéraire pour paraître radical) qui les tolère et les soutient, n'est pas leur misère, bien au contraire, c'est le déguisement duquel ils attendent ce qu'ils croient être le contraire de la misère : la reconnaissance, qui peut éventuellement prendre le goût de l'argent, ou de cette célébrité maudite dont Debord, en histrion, se plaisait à se draper.
La frontière mouvante de cette négativité d'opérette est les médias. Comme l'information dominante est la bonne pensée officielle, toute la bonne pensée officieuse « critique » l'information dominante, comme une opposition étudiante critique les gérontocrates qui ne leur permettront pas d'arriver aux affaires avant qu'ils auront oublié ce que c'est que de bander. Cette pseudo-critique varie en profondeur et en intensité selon les carrières, les appétits, les occasions, les compromissions. Les professionnels de cette frange de la culture sont bien publiés, et s'expriment à l'occasion, en collabos qui jouent les résistants, dans les médias ; et les besogneux de cette frange de la culture, qui n'ont encore accès qu'aux médias qu'ils installent eux-mêmes, ne trouvent pas honteux de construire, d'animer et de policer des forums sur l'Internet.
La bonne pensée officieuse est donc une sorte de réserve médiatique, un pas négatif d'avance, le petit doigt levé, composée de quelques stars maudites comme il se doit, et d'un maigre petit peuple, plutôt arriviste en son genre. La fonction d'un tel rassemblement informel est de faire croire que la vraie révolte est là. A qui ? Non pas à cette jeunesse dure comme du béton qui fait parfois le bélier face au mobilier urbain et aux secteurs d'activité censés le protéger, jeunesse qu'on casse en morceaux dans le monde depuis bientôt dix ans de paix sociale pour faire croire qu'elle a déjà oublié de bander ; mais c'est aux jeunes fesses gluantes devant leur Mac qu'il s'agit de montrer qu'il n'est pas nécessaire de se lever pour être dans le plus grand des extrémismes. Car, à Paris où les remous du printemps 2001 ne se sont pas encore fait sentir, ce n'est pas la jeunesse gueuse qui s'étend, c'est la jeunesse middle class qui se répand ; et elle a de nombreuses raisons d'être indécise sur le parti à choisir, sur le côté de la barricade où elle peut, éventuellement, jouer sa vérité. Il faut donc, pour la nouvelle police de la pensée qui occupe le terrain du négatif spectaculaire, non seulement tourner le dos à la véritable division de notre société, mais faire comme si la division était ailleurs, revenue dans la culture, dans la valeureuse lutte de la bonne pensée officieuse contre la méchante bonne pensée officielle.
Au moment même où, par-dessus le long interdit situationniste, les héritiers de l'IS contribuent à reconstituer (à la manière des célèbres œufs mayonnaise en tube) une intelligentsia parisienne qui réhabilite ses devancières en pactisant avec elles, nous voyons les premiers signes d'une nouvelle intelligence mondiale qui sort de l'enfance. Les nouvelles que nous recevons du futur qui est devant nous sont meilleures que celles que nous avons à donner du présent qui nous encule. Il y a longtemps que ce n'était plus le cas.
 

 

mardi 8 octobre 2024

Elio Petri et le "Spectacle"

 La Propriété c'est plus le vol, film sorti en 1973, reçoit un accueil houleux auprès du public inquisitorial, gauchiste, de Venise. Elio Petri y répond dans le nº 74 de Jeune Cinéma en novembre 1973: 

"Peut-être, le moment est-il venu de renoncer à faire du cinéma tout court. Mais pour quelqu'un comme moi, qui fait des films pour un grand public, la structure traditionnelle dramatique traditionnelle est la formule la plus simple et peut-être aussi la plus facile. Des concessions au public? Franchement je ne crois pas, je me sens moi-même un élément de ce public. [...] J'aime le spectacle. J'ai lu Guy Debord et sa Société du spectacle. Mais si on s'engage dans cette voie, il faut détruire tout ce qui nous entoure. Tout est spectacle: une vitrine, une démarche, une manière de regarder, de s'habiller. L'homme, c'est l'homme qui aime le spectacle. Accepter le spectacle, c'est accepter sa propre condition."

Petri entend le Spectacle à sa façon. Mais la version cinématographique qu'il en donne est utile, vous accroche à une "Société du spectacle" concrète, de 1973 (l'année méridienne, de bascule dans le siècle et de la sortie en film de La Société du spectacle), justement par le "spectacle" qu'il en donne.

 

Tandis que Debord crée le grand Satan du spectacle pour devenir lui-même son propre spectacle. Il n'échappe pas à son temps, qu'il a bien vu, celui du nouvel art spectacularisé (celui des Yves Klein et du Pop art de l'Otan culturelle), mais devenant lui aussi sa propre oeuvre et finalement un mythe construit tout au long de sa vie comme une très longue et spectaculaire "situation construite".

vendredi 20 septembre 2024

Les livres d'André Masson (Les livres de ma vie, 1968)

 Jean-Marie Apostolidès évoque dans Héroïsme et victimisation le rôle de la littérature dans la formation de ce qu'il appelle "l'espace permissif", le for intérieur de la sensibilité moderne. Il en fait une étude de cas dans sa biographie de Debord (2015), en détaillant les nombreuses identifications littéraires constitutives de "moi symbolique" de ce dernier (dommage qu'Apostolidès n'est pas aussi axé son étude sur le cinéma, si pourvoyeur d'idéalités pour Debord).

Dans la vidéo en lien, les propos d'André Masson (1896-1987) sont exemplaires de ces dernières générations du XXº siècle structurées par le livre, par l'élan du livre. Et notamment les lectures de Nietszche, aussi influentes dans la génération 68 que dans celle intermédiaire de Debord (1931-1994).

 
Dessin pour Sade, 1927

D'autres auteurs cités par Masson font aussi partie du panthéon littéraire debordien (la trace de Nietzsche est certes bien plus manifeste chez Vaneigem que Debord, mais bien présente dans sa bibliothèque personnelle), que l'on pourrait ranger dans la catégorie romantique du "maudit" : Sade, Mallarmé, Lautréamont. Surtout Nietszche et Mallarmé, qui forment une sorte d'arc de tension. Comme le dit Masson, ses deux auteurs aux antipodes eurent "le pouvoir de le créer" (11m58s).

https://www.dailymotion.com/video/x21dy0t 


jeudi 12 septembre 2024

Guy Debord à la fête de l'Humanité en 1955

[Source -> Guy Debord, Correspondance, volume "0" (septembre 1951- juillet 1957), Librairie Arthème Fayard, 2010, p. 71]
 
  
– Extrait de lettre de Guy Debord à Gil J Wolman du mercredi 7 septembre 1955 –

Je me suis finalement rendu à la fête de l'Huma [fête annuelle organisée par le journal L'Humanité], le samedi soir assez tard: assez jolies tendances à la dérive – dans l'avenue Lénine qui commence un peu partout on s'entend crier par haut-parleurs. "camarades, buvez un verre de (mousseux) contre la répression en Algérie"

ou: 

"Mangez une choucroute pour les métallos de Nantes"

et même:

"Buvez de la vodka de Moscou – 80 francs le verre, pour la détente..."

ou à peu de choses près.

On aboutit à quelques places très floues perdus dans des petits bosquets d'arbres, et dites: de l'unité, Karl Marx, etc.

Mais aussi l'iconographie habituelle, le portrait de Maurice [Thorez, secrétaire du parti communiste français] partout  – des chansons idiotes, du folklore à n'y pas croire, les communistes d'Auvergne étant vêtus en Auvergnats, ceux de Brest en Bretons, et ainsi de suite: Louis XVI n'aurait pu souhaiter mieux.

Relevé sur un stand de librairie en lettres énormes: une phrase de Lénine juge tristement cette kermesse:

SANS THÉORIE RÉVOLUTIONNAIRE PAS D'ACTION RÉVOLUTIONNAIRE.

Nous fûmes bien seul à rire.

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Fête de L'Humanité 1946


 

mercredi 11 septembre 2024

Le cinéma comme art anticipé: l'exemple de "Rigadin peintre cubiste" (Georges Monca, 1912)


 Rigadin peintre cubiste étend le cubisme à la vie quotidienne en créant des costumes cubistes "avant"  Picasso et Léger. Des anticipations artistiques on les voit également dans d'autres films fictionnels. Dans Le peintre néo-impressionniste d'Émile Cohl, film d'animation produisant des monochromes vert, bleu, jaune à partir de la satire d'Alphonse Allais, donc "avant" Malévitch ou Roctchenko. Ainsi que dans Aélita de Protazanov où Alexandre Exter expérimente des costumes de plexiglas grâce au contexte de science-fiction du sujet. Mais aussi chez Mallet-Stevens, qui exprime cette dimension expérimentale du cinéma grâce à son travail de décorateur de film en construisant des maquettes de bâtiments ou d'intérieur en taille réelle. L'expérience de Léger dans L'inhumaine est du même ordre: c'est sa première expérience de "peinture" dans l'espace, comme celle de Rodtchenko dans La journaliste de Kouléchov, banc d'essai de ses meubles transformables.

Le cinéma n'a aussi cessé d'anticiper la sortie du cinéma de la salle de cinéma, c'est en partie ce que fait l'Expanded Cinema et, définitivement, le cinéma supertemporel situationniste (dont De l'Espagne 95).

lundi 22 juillet 2024

Léo Malet et le XIIIº arrondissement (Brouillard au pont de Tolbiac)

 

 Brouillard au pont de Tolbiac est un roman policier français de Léo Malet, paru en 1956 aux Éditions Robert Laffont. C'est le neuvième des Nouveaux Mystères de Paris, série ayant pour héros Nestor Burma. Adaptation en bandes dessinées en 1982 par jacques Tardi.

Guy Debord et les gars de l'Internationale lettriste dérivaient tout particulièrement dans le 13e arrondissement, riches en ambiances et je dirais même en "ailleurs" par son caractère excentré et ferroviaire-industriel: par ses chemins et voies ferrées qui mènent à l'Italie et l'Espagne, mais qui sont aussi le début de la croissance psychogéographique du Continent Contrescarpe vers le Sud, pour "construire l'Hacienda".

Debord a-t'il lu le polar de Léo Malet de 1956? Il a toujours lu des polars pour les ambiances notamment, ou encore d'autres "mystères" de Paris comme les vagabondages de Jean-Paul Clébert dans Paris insolite de 1952...

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En 1987, Léo Malet (1909-1996) parlait de son quartier du XIIIe arrondissement

Reportage chez Léo Malet. A travers des images du quartier du 13ème arrondissement, Léo Malet parle du quartier du quai de la gare, de la rue Watt, du pont de Tolbiac et du parcours de Nestor Burma.

 https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/pac01005640/leo-malet-son-quartier-du-13e-arrondissement

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Reconstruction photographique des dessins de Tardi pour Brouillard au Pont de Tolbiac (texte et images de Thierry Depeyrot)


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Léo Malet est né à Montpellier le 7 mars 1909. Nous célébrons donc cette année le centenaire de sa naissance. En deux ans de temps, son père, ouvrier de commerce, sa mère, couturière, ainsi que son frère meurent tous de la tuberculose alors qu’il n’avait que 3 ans. Il est alors élevé par son grand-père tonnelier qui, en dépit de sa condition ouvrière, lui donne le goût de la littérature, du théâtre... et du socialisme. A 8 ans, il écrit ses premiers romans. A 16 ans, en 1925, lassé de son emploi dans une banque, il arrive à Paris et vit de petits boulots, voir de rapines. Il écrit également des poésies et des articles dans des revues anarchistes, doctrine à laquelle il adhère à ce moment là.

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Il réside au gré des opportunités, notamment au foyer végétalien du 182 de la rue de Tolbiac où il côtoye divers marginaux refusant l’ordre établi, qu’il soit naturel (végétaliens) ou social (anarchistes, libertaires). Il débute comme chansonnier au cabaret La Vache Enragée à Montmartre, devenant alors le plus jeune chansonnier de la Butte, mais doit chercher un autre travail car son patron oublie souvent de le payer. Exerçant plusieurs métiers tels qu’employé de bureau, manoeuvre, journaliste, téléphoniste, figurant de cinéma, crieur de journaux, son existence parisienne est très malheureuse et précaire, subsistant avec peine, à tel point qu’il est arrêté et emprisonné brièvement à la prison de la petite Roquette pour avoir été trouvé endormi sous le pont de Sully. On comprend mieux alors le "compte" que Léo Malet avait à régler avec Paris, et plus particulièrement le 13e arrondissement. La vente de journaux à l’angle de la rue Sainte-Anne et de la rue des Petits-Champs lui assurera l’essentiel de ses revenus jusqu’en 1939. Il y situera plus tard le bureau de Nestor Burma.

C’est en 1942 qu’il publia La mort de Jim Licking, suivi en 1943 de 120, rue de la Gare qui marque la naissance de Nestor Burma, anti-héros type, tout le contraire d’un être infaillible et sans défaut. Nestor Burma peut se tromper, hésite souvent, est sensible, fidèle à ses amis et a de récurrents problèmes d’argent.

Léo Malet fut, en 1948, le premier lauréat du Grand Prix de la Littérature Policière.

En 1954 fut publié le premier ouvrage de ses Nouveaux Mystères de Paris, Le Soleil nait derrière le Louvre. Cette série lui vaudra le Grand Prix de l’Humour Noir en 1958. Chacun de la quinzaine d’opus de la série se déroule dans un arrondissement différent.

Ce poète surréaliste est décédé le 03 mars 1996.

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Léo Malet avait la dent dure envers le 13e arrondissement de Paris. Il y avait très mal vécu. Dans son roman policier, il fait dire à Nestor Burma : "C’est un sale quartier, un foutu coin, dis-je. Il ressemble aux autres, comme ça, et il a bien changé depuis mon temps, on dirait que ça s’est amélioré, mais c’est son climat. Pas partout, mais dans certaines rues, certains endroits, on y respire un sale air. Fous-en le camp, Belita. Va bazarder tes fleurs où tu voudras, mais fous le camp de ce coin. Il te broiera, comme il en a broyé d’autres. Ça pue trop la misère, la merde et le malheur...".

Ou encore : "C’était un sale quartier. Il collait à mes semelles comme la glu aux pattes de l’oiseau. Il était écrit que je l’arpenterais toujours en quête de quelque chose, d’un morceau de pain, d’un abri, d’un peu d’amour. Je le sillonnais à la recherche de Bélita. Elle n’était pas nécessairement revenue dans le coin. Il y avait même de fortes chances pour qu’elle soit allée ailleurs, mais moi, j’étais là. Et peut-être pas tellement à sa recherche. Peut-être simplement pour régler un vieux compte avec ce quartier".

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Plus loin, il ajoute : "Le XIIIe arrondissement fourmille de rues aux noms charmants et pittoresques, en général mensongers. Rue des Cinq-Diamants, il n’y a pas de diamants ; rue du Château-des-Rentiers, il y a surtout l’asile Nicolas-Flamel ; rue des Terres-au-Curé, je n’ai pas vu de prêtre ; et rue Croulebarbe, ne siège pas l’Académie Française. Quant à la ruelle des Reculettes... hum... et celle de l’Espérance...".

Alain Demouzon, dans son Château-des-Rentiers, ajoute à cette liste la clinique de maternité, "curieusement baptisée Jeanne d’Arc".

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Comme il l’écrivait dans ses « propos badins » préfaçant la bande dessinée de Jacques Tardi, Léo Malet avait cru écrire un roman contre le 13e arrondissement, avec lequel il avait un vieux compte à régler, et finalement, il a fait figure de défenseur de cet arrondissement en l’immortalisant. Comme il l’avouait lui-même, Léo Malet n’était pas du tout sensible au « neuvième art » mais il a tout de même eu un coup de coeur pour le coup de crayon de Jacques Tardi et c’est ainsi que son roman « Brouillard au pont de Tolbiac », sorti en 1956 chez Robert Laffont, s’est retrouvé adapté par l’un des grands maîtres de la bande dessinée. Tardi nous fait ainsi redécouvrir le 13e arrondissement des années 50.

C’est en étudiant attentivement les cases représentant les marches de l’escalier donnant sur le pont de Tolbiac, connaissant très bien le lieu, que je me suis aperçu de leur fidélité au modèle original. Je me suis alors dit que s’il s’était ainsi appliqué sur ce lieu, il n’y avait aucune raison qu’il n’en soit pas de même pour les autres décors de l’action. Me voilà donc parti, armé d’un appareil photo numérique, à la recherche des lieux traversés par Nestor Burma, avec pour seule aide les indications des phylactères, communément appelées "bulles", ou du polar d’origine. Je ne m’étais pas trompé : quasiment chaque case est une photographie fidèle d’un passé pas si lointain, nous permettant de juger l’évolution de ces quartiers populaires. Je me suis efforcé de respecter les angles de vues des cases pour mes photographies afin de les reproduire le plus fidèlement possible. J’ai d’ailleurs failli à plusieurs reprises me faire renverser par des voitures ou arrêter par la police en traversant les voies sur berges au niveau du pont d’Austerlitz afin d’y accéder... jusqu’à ce que je m’aperçoive que Tardi avait dessiné les piliers de l’autre coté du pont, beaucoup moins dangereux d’accès. Tout au long de cet exposé, vous pourrez apprécier le respect des détails auquel s’est livré le dessinateur, ce qui est à mes yeux la preuve la plus flagrante de son amour pour cet arrondissement. D’ailleurs, sûrement Tardi avait-il entrepris la démarche inverse pour ses dessins et peut-être aurions-nous pu le croiser au début des années 80, rue de Tolbiac, place d’Italie ou près de la Pitié-Salpétrière, un appareil photo à la main, argentique à cette époque, dressant le décor de ce qui deviendra à mes yeux, son chef-d’oeuvre. Pour ses dessins, Tardi a donc mixé ses photos prises au début des années 80 avec ses propres souvenirs pour nous faire revivre notre 13e tel qu’il se présentait dans les années 50. Pas de nostalgie excessive car, bien sûr, des taudis insalubres ont été démolis et le "progrès" a fait son apparition, mais parfois, la froideur de certains quartiers rénovés peut nous faire regretter la gouaille des marchands de quatre-saisons et la quasi-disparition des petits commerces ayant laissé la place à des banques et autres agences immobilières. Pour cette étude, j’ai reproduit photographiquement plus de 60 cases de l’album de Tardi. Je vous en livre une partie très représentative et vous incite vivement à découvrir vous-même le reste en vous procurant le roman et cet album BD aux éditions Casterman.

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La première case de la première planche de l’album nous montre un homme, le regard fou, marchant sur le pont de Tolbiac. Il est donc logique de débuter notre pérégrination par ce chef-d’oeuvre de la métallurgie construit entre 1879 et 1882 puis reconstruit en 1893 et qui traversait jusqu’en 1994, date de son démontage, les voies ferrées de la gare d’Austerlitz, très proche. Alors qu’il n’était pas exclu qu’il puisse un jour être remonté dans le quartier, ses éléments rouillent toujours, 15 ans plus tard, quelque part dans l’Eure. Bon, vous pourrez toujours dire que sa couleur bleue en fin de vie jurait un peu avec le paysage...

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Le respect des détails est vraiment impressionnant de réalisme. J’ai volontairement tiré mes photos en noir et blanc afin de ne pas en fausser le résultat. Même les luminaires ont gardé leur place. En haut de cet escalier, il y a la rue et le pont de Tolbiac.

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Ici, difficile d’avoir exactement le même angle de vue que le dessin de Tardi car il se tenait sur la rue Ulysse Trélat venant de la rue du Chevaleret et qui donnait en montant sur le pont de Tolbiac. La fenêtre visible en haut à droite a, depuis, été murée.

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La rue Ulysse Trélat a aujourd’hui disparu, en même temps que l’ancien viaduc. A l’époque, c’était la seule rue de Paris sans aucune numérotation car aucune habitation ne la bordait.

Cette carte centenaire de la rue Ulysse Trélat est une vue très rare.

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Léo Malet nous brosse vraiment un portrait très sombre, brumeux, inquiétant, étouffant et écrasant du 13e. Même la lumière ne parvient plus à nous parvenir. Il dit en effet dans le roman, en parlant du pont de Tolbiac : "De loin en loin, les globes électriques perçaient péniblement la brume de leur lumière fantomatique". Il fait également référence au "sale air" qu’a l’impression de respirer Burma. Ou encore cette citation : "Le brouillard qui envahissait la cour se plaqua sur nos épaules comme un linge mouillé". Les passages de ce genre sont légion dans le roman. Vous pourrez remarquer dans les images qui suivent la barre sombre récurrente qui revient souvent en haut des cases de la BD. Le brouillard, omnipésent, filtrant la lumière, rendant opaque toute perception, peut être perçu comme symbole de la réalité masquée, celui de l’illusion. Il pleut beaucoup dans Brouillard au pont de Tolbiac, ce qui participe pour beaucoup à l’ambiance morose.

Cette barre supérieure sombre qui revient dans beaucoup de cases peut également nous faire rappeller les conditions particulières dans lesquelles Léo Malet a écrit son roman. En effet, ce dernier, pressé par son éditeur, lui avait remis une bonne moitié de son roman inachevé afin de gagner du temps mais se retrouvait par là-même enfermé dans son histoire, sans la possibilité de revenir en arrière, ni de corriger d’éventuelles contradictions avec la fin du récit. Il s’est ainsi retrouvé lui-même enfermé dans son récit.

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Lorsqu’il arrive au carrefour Cantagrel-Watt-Chevaleret, Burma frémit à l’idée qu’il va emprunter l’une des rues les plus glauques et sordides du 13e, si ce n’est de tout Paris : la rue Watt.

Décidément, Léo Malet a bien choisi ses décors pour les crimes de ses romans. Ici, le carrefour n’a pas trop changé. Il est juste beaucoup plus fréquenté depuis que la rue Patay a été mise en sens unique.

Sur la droite, on reconnait le Théâtre du Lierre. Je me souviens d’une exposition de planches originales de Tardi dans ce lieu dans les années 90’. Jacques Toubon, alors maire du 13e, était à l’inauguration.

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Si ce n’était un raccourci pour atteindre les quais menant à Ivry, évitant ainsi de nombreux feux, je ne vois pas quel motif nous pousserait à emprunter cette rue longuement recouverte par les voies de chemin de fer de la gare de marchandises et de la ligne Paris-Orléans. J’ai également pris des photos sous le pont, à l’endroit exact où se tiennent Burma et Bélita, pour reproduire le lieu de la scène du crime et, croyez-moi, asthmatiques s’abstenir... L’obscurité lugubre, la poussière et les mauvaises odeurs y sont toujours reines.

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Ici, Burma emprunte la rue Cantagrel, où se tient un centre d’hébergement de l’Armée du Salut. Signe d’un arrondissement historiquement peu favorisé, le 13e est celui où l’on trouve le plus d’oeuvres de bienfaisance. La Mie de Pain, Le centre Nicolas Flamel, l’Armée du Salut en sont quelques exemples.

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Burma aborde ici la rue du Loiret. Le bâtiment que l’on voit au fond est une ancienne gare de la petite ceinture, devenue ultérieurement station Masséna du RER C, désaffectée depuis la mise en service de la ligne 14 du métro, Météor.

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Après avoir traversé le passage souterrain de cette station désaffectée, nous arrivons sur le boulevard Masséna. Nous apercevons sur la droite les derniers vestiges de la ligne de la petite ceinture.

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En nous dirigeant vers Ivry, nous pouvons voir ce qui reste de l’ancienne usine d’air comprimé.

La grande cheminée, en haut, à gauche, en fait partie.

Cette usine avait été construite en 1891. Elle fournissait, entre autre, la pression nécessaire aux ascenseurs hydroliques ainsi qu’aux réseaux de transmission par pneumatique. La halle et la cheminée restants sont classés, depuis 1994, à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. La halle de la Sudac, aujourd’hui en réhabilitation, est destinée à accueillir une école d’architecture.

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Comme l’explique Franck Evrard dans son essai LE TREIZIEME AU NOIR (e-dite - 2004) dont je me suis beaucoup aidé pour cette étude, on peut s’étonner que tant d’auteurs de romans policiers aient choisi le 13e pour planter le décor de leur intrigue. Il donne à cela plusieurs raisons d’ordre historique, sociologique et géographique ; le 13e a mauvaise réputation. Bien avant Victor Hugo et ses Misérables, Rabelais déjà y plantait le décor de plusieurs scènes croustillantes. Le passé ouvrier miséreux du 13e aide également à se sentir "dans l’ambiance". Le grand nombre de crimes et délits célèbres, celui de la Bergère d’Ivry pour ne citer que celui là, qui avait, en son temps, défrayé la chronique, finit d’assoir cette réputation sulfureuse. Franck Evrard explique également ce choix du 13e par la situation géographique de l’arrondissement, au sud-est de Paris, et qui n’appartenait pas à la capitale il y a trois siècles.

Revendiquant sa différence par rapport aux beaux quartiers de Paris, sa culture ouvrière en marge de ceux-ci, le 13e présente donc une analogie avec le polar, longtemps considéré comme - je cite - "un divertissement mineur atypique, longtemps marginalisé dans le ghetto de la sous-littérature de gare".

Les auteurs de romans policiers s’y retrouvent donc largement. Je ne saurais trop vous encourager à lire cet ouvrage très riche en références du genre.

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L’été dernier, j’ai eu tout loisir de visiter le plus grand hôpital d’Europe afin d’y poursuivre mon jeu de piste. Je ne vais pas en faire ici le riche historique mais j’y reviendrai longuement dans un prochain numéro de la revue HISTOIRE & HISTOIRES... du 13e ainsi que sur les médecins qui en ont fait sa renommée, tels Philippe Pinel, Jean-Martin Charcot et autres Esquirol ou Jenner.

La carte postale ci-contre nous montre la statue de Charcot, et non Philippe Pinel comme j’ai pu l’indiquer dans le n°2 de la revue.

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Ici, nous voyons la voiture de Burma quitter la Pitié Salpétrière et emprunter le boulevard de l’Hôpital en direction de la Place d’Italie. Nous sommes au niveau du boulevard Saint-Marcel.

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Autrefois barrière de Fontainebleau, aujourd’hui place d’Italie. Elle a pris sa forme actuelle en 1864. La place d’Italie est à la jonction des quatre quartiers composant notre arrondissement, La Gare, Salpétrière, Maison-Blanche et Croulebarbe.

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Après la place, nous abordons l’avenue d’Italie, au niveau de la station de métro Tolbiac.

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Après 14-18, Paris doit réapprovisionner les Halles en produits frais. La Compagnie Ferroviaire de Paris-Orléans construit donc les "frigos", lieu où seront stockés directement par le rail les denrées fraîches. En 1921, la Gare Frigorifique de Paris-Ivry voit le jour. Les trains y pénétraient au coeur même du bâtiment pour livrer leur marchandise. La glace nécessaire était fabriquée sur place et un système de rails fixés au plafond acheminait les marchandises en relai du train. Le marché de Rungis ayant remplacé les Halles de Paris à la fin des années 60’, les Frigos cessent leur activité au même moment. Après une quinzaine d’année à l’abandon, la SNCF, propriétaire des lieux, louera une partie des surfaces et les années 80’ verront toute une population d’artistes s’y installer.

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Les Grands Moulins de Paris ont été construits entre 1919 et 1924. Le moulin est entré en service en 1921. J’ai un oncle qui y a travaillé comme électricien durant de nombreuses années. Il était devenu le plus grand moulin du monde. A sa fermeture, le 27 novembre 1996, on y écrasait plus de 1800 tonnes de blé par jour. Aujourd’hui reconstruit, le site accueille des UFR de Lettres et Sciences Humaines, la bibliothèque et autres services aux étudiants de l’Université Paris VII - Paris Diderot. La halle aux farines est devenue le pôle central d’enseignement et accueille également le restaurant univesitaire.

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Nous suivons Burma rue de Tolbiac, au niveau de la rue Bobillot. Nous apercevons l’église Sainte-Anne-de-la-Butte-aux-Cailles et sa célèbre "façade chocolat".

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Là, nous sommes juste au niveau de la librairie Jonas.

La rue de la Maison-Blanche se jette dans la rue de Tolbiac.

Pour parfaire la prise de vue, impossible d’attendre qu’un bus passe (le 62 existe toujours) car le trottoir a été modifié et l’angle de prise de vue aurait été trop large.

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Voici le cliché qui m’a valu une grosse montée d’adrénaline. En fait, je m’étais, dans un premier temps, trompé de coté pour la prise de vue et ai dû jouer les toréadors pour traverser les voies sur berges. Avant de m’apercevoir que les détails des dessins ne correspondaient pas... C’est beaucoup plus calme de l’autre coté de la Seine.

Edifié en 1904 pour le passage du métro, le viaduc d’Austerlitz a été effectivement mis en service en 1906, le 14 juillet très exactement. C’est le plus long des ponts de Paris entre appuis puisqu’il traverse la Seine sur 140 mètres, sans autre pilier intermédiaire.

Quel cabotin ce métropolitain !

Il s’est fait un malin plaisir à apparaître sur chacun des trois clichés...

C’est à la droite de ce viaduc que la Bièvre se jetait dans la Seine avant d’être détournée dans les égouts de la rive gauche, après son recouvrement en 1910.

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