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mardi 18 mars 2025

Lattaquié - Butcha, comparaison de l’information

 Contexte "spectaculaire" à la mi-mars 2025 au Proche-orient:

En quelques jours 7000 personnes ont été tuées en Syrie par les égorgeurs inclusifs. Que répond Bruxelles? Lundi 17 mars, le coeur du jardin mondial des saints herbivores européens versus la jungle de carnivores du monde extérieur (pour reprendre les éléments de langage de Josep Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères de 2019 à 2024) annonce un aide de 2.500 millions d'euros pour l'égorgeur en chef (qui sait bien tailler sa barbe et mettre une cravate, pas comme Zelenski!). De quoi le tenir en laisse tout en lui lâchant suffisament la bride pour continuer.

Israel vient aujourd'hui d'assassiner 400 palestiniens, visés dans leurs voitures, tirés comme des lapins. Hier, l'US army faisait de même au Yemen (depuis le Quatar): 50 femmes et enfants versus missiles.

🇺🇦⚡🇸🇾

🔸Sur l'exemple de Lattaquié, on peut voir à quoi ressemblent les véritables massacres de masse à l'ère de l'hyper-information : tout est pratiquement en direct, et un jour ou deux plus tard, on trouve des centaines de photos et de vidéos de cadavres défigurés et de rivières de sang.

🔸Et ce, alors que les djihadistes contrôlent Lattaquié.

🔸Comparez avec Bucha : les informations indiquant qu'il s'y passait quelque chose ont commencé à arriver seulement deux ou trois jours après l'entrée des FAU dans la ville.

🔸Une semaine plus tard, les premières vidéos obscures, des photos fragmentaires, avec des cadavres anonymes soigneusement disposés, sans visages visibles.

🔸La situation en 2025 est la suivante : Les bases militaires russes abritent des citoyens syriens qui sont tués par des djihadistes soutenus par l'UE en raison de leurs croyances religieuses ou appartenance ethnique.



PS: la mission d'enquête de gendarmes français dépêchée à Butcha n'a toujours pas remis son rapport sur le dit "massacre" qui occasionna la rupture des négociations de paix entre ukrainiens (un des négociateurs reçut à une balle dans la tête, trop pro-russe) et russes en avril 2023, après que Boris Johnson vint mettre son grain de sel pour les faire capoter.

dimanche 16 mars 2025

Des soldats israéliens admettent écraser des Palestiniens morts ou vivants avec leurs bulldozers, selon CNN

 SOURCE: https://www.les-crises.fr/des-soldats-israeliens-admettent-ecraser-des-palestiniens-morts-ou-vivants-avec-leurs-bulldozers-selon-cnn/

Le réserviste de l’armée israélienne est revenu différent, traumatisé par ce qu’il avait vu dans la guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza, a déclaré sa famille à CNN. Six mois après avoir été envoyé au combat, il luttait contre le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) une fois rentré chez lui. Avant son redéploiement, il s’est suicidé. « Il est sorti de Gaza, mais Gaza n’est pas sortie de lui. Et il en est mort, à cause du post-traumatisme », a déclaré sa mère, Jenny Mizrahi.

Source : CNN, Nadeen Ebrahim, Mike Schwartz
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Eliran Mizrahi, qui s’est suicidé en juin, photographié à Gaza. Famille d’Eliran Mizrachi

Note de la rédaction : cette histoire contient des détails sur le suicide et la violence qui pourraient déranger certains lecteurs.

Tel Aviv et Ma’ale Adumim (CNN) – Eliran Mizrahi, 40 ans et père de quatre enfants, a été déployé à Gaza après l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023. Le réserviste de l’armée israélienne est revenu différent, traumatisé par ce qu’il avait vu dans la guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza, a déclaré sa famille à CNN. Six mois après avoir été envoyé au combat, il luttait contre le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) une fois rentré chez lui. Avant son redéploiement, il s’est suicidé. « Il est sorti de Gaza, mais Gaza n’est pas sortie de lui. Et il en est mort, à cause du post-traumatisme », a déclaré sa mère, Jenny Mizrahi.

L’armée israélienne a déclaré qu’elle fournissait des soins à des milliers de soldats souffrant de SSPT ou de maladies mentales causées par les traumatismes subis pendant la guerre. Le nombre de ceux qui se sont suicidés n’est pas clair, car les Forces de défense israéliennes (FDI) n’ont pas fourni de chiffres officiels.

La tombe d’Eliran Mizrahi est ornée de fleurs et du drapeau israélien lors de son enterrement militaire à Jérusalem le 13 juin 2024. Famille d’Eliran Mizrachi

Un an après, la guerre d’Israël à Gaza a fait plus de 42 000 morts, selon le ministère de la santé de la bande de Gaza, et les Nations unies signalent que la plupart des morts sont des femmes et des enfants.

La guerre, lancée après que le Hamas a tué 1 200 personnes et en a pris plus de 250 en otage, est déjà la plus longue qu’ait connue Israël depuis la création de l’État juif. Alors qu’elle s’étend désormais au Liban, certains soldats disent redouter d’être enrôlés dans un nouveau conflit.

« Beaucoup d’entre nous ont très peur d’être à nouveau enrôlés dans une guerre au Liban », a déclaré à CNN un infirmier des FDI qui a servi quatre mois à Gaza, sous le couvert de l’anonymat en raison du caractère sensible de la question. « Beaucoup d’entre nous ne font pas confiance au gouvernement en ce moment. »

À de rares exceptions près, les autorités israéliennes ont interdit l’accès à Gaza aux journalistes étrangers, à moins qu’ils ne soient escortés par les FDI. Il est donc difficile de rendre compte de l’ampleur des souffrances des Palestiniens ou de l’expérience des soldats sur place. Les soldats israéliens qui ont combattu dans l’enclave ont déclaré à CNN qu’ils ont été témoins d’horreurs que le monde extérieur ne pourra jamais vraiment comprendre. Leurs récits offrent un rare aperçu de la brutalité de ce que les critiques ont appelé la « guerre éternelle » du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, et du tribut intangible qu’elle prélève sur les soldats qui y participent.

Pour de nombreux soldats, la guerre à Gaza est une lutte pour la survie d’Israël et doit être gagnée par tous les moyens. Mais cette bataille a également des conséquences psychologiques qui, en raison de la stigmatisation, restent largement cachées. Des entretiens avec des soldats israéliens, un médecin et la famille de Mizrahi, le réserviste qui s’est suicidé, permettent de comprendre le fardeau psychologique que la guerre fait peser sur la société israélienne.

Le bilan en matière de santé mentale

Mizrahi a été déployé à Gaza le 8 octobre de l’année dernière et a été chargé de conduire un bulldozer D-9, un véhicule blindé de 62 tonnes qui peut résister aux balles et aux explosifs.

Il a passé la majeure partie de sa vie dans la vie civile, travaillant comme directeur dans une entreprise de construction israélienne. Après avoir été témoin des massacres commis par le Hamas, il a ressenti le besoin de se battre, a déclaré Jenny à CNN.

Le réserviste a passé 186 jours dans l’enclave jusqu’à ce qu’il soit blessé au genou et qu’il subisse des lésions auditives en février lorsqu’une grenade propulsée par une roquette (RPG) a touché son véhicule, a indiqué sa famille. Il a été retiré de Gaza pour être soigné et, en avril, on lui a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique, pour lequel il suit une thérapie hebdomadaire.

Son traitement n’a rien donné.

« Ils ne savaient pas comment les traiter (les soldats) », a déclaré Jenny, qui vit dans la colonie israélienne de Ma’ale Adumim, en Cisjordanie occupée. « Ils (les soldats) ont dit que la guerre était très différente. Ils ont vu des choses qui n’ont jamais été vues en Israël. »

Lorsque Mizrahi était en permission, il souffrait d’accès de colère, de transpiration, d’insomnie et de retrait social, a déclaré sa famille. Il disait à sa famille que seuls ceux qui étaient à Gaza avec lui pouvaient comprendre ce qu’il vivait.

« Il disait toujours que personne ne comprendrait ce que j’ai vu », a déclaré sa sœur, Shir, à CNN.

Jenny se demande si son fils a tué quelqu’un et s’il n’a pas pu le supporter.

Des Palestiniens déplacés marchent sur un chemin de terre bordé de décombres de bâtiments dans le quartier Shejaiya de la ville de Gaza, le 7 octobre 2024. Omar Al-Qattaa/AFP/Getty Images

« Il a vu beaucoup de gens mourir. Il a peut-être même tué quelqu’un. (Mais) nous n’apprenons pas à nos enfants à faire ce genre de choses », a-t-elle déclaré. « Alors, quand il a fait ça, quelque chose comme ça, peut-être que ça a été un choc pour lui. »

Guy Zaken, l’ami de Mizrahi et copilote du bulldozer, a apporté des précisions sur leur expérience à Gaza. « Nous avons vu des choses très, très, très difficiles », a déclaré M. Zaken à CNN. « Des choses difficiles à accepter. »

L’ancien soldat a parlé publiquement des traumatismes psychologiques subis par les troupes israéliennes à Gaza. Lors d’un témoignage devant la Knesset, le parlement israélien, en juin, Zaken a déclaré qu’à de nombreuses reprises, les soldats ont dû « écraser des terroristes, morts ou vivants, par centaines. »

« Tout gicle », a-t-il ajouté.

Zaken dit qu’il ne peut plus manger de viande, car cela lui rappelle les scènes horribles dont il a été témoin depuis son bulldozer à Gaza, et qu’il a du mal à dormir la nuit, le bruit des explosions résonnant dans sa tête.

« Lorsque vous voyez beaucoup de viande à l’extérieur, et du sang… à la fois le nôtre et le leur (Hamas), cela vous affecte vraiment lorsque vous mangez », a-t-il déclaré à CNN, faisant référence aux corps comme à de la « viande. »

Il affirme que la grande majorité des personnes qu’il a rencontrées étaient des « terroristes. »

« Les civils que nous avons vus, nous les avons arrêtés et leur avons apporté de l’eau à boire, et nous les avons laissés manger de notre nourriture », a-t-il rappelé, ajoutant que même dans de telles situations, les combattants du Hamas leur tiraient dessus.

« Il n’y a donc pas de citoyens », a-t-il déclaré, faisant référence à la capacité des combattants du Hamas à se fondre dans la population civile. « C’est du terrorisme. »

Cependant, lorsque les soldats rencontrent des civils, beaucoup sont confrontés à un dilemme moral, selon l’infirmier des FDI qui a parlé à CNN sous le couvert de l’anonymat.

Les soldats israéliens avaient une « attitude collective très forte » de méfiance à l’égard des Palestiniens de Gaza, en particulier au début de la guerre, a déclaré l’infirmier.

Il y avait l’idée que les habitants de Gaza, y compris les civils, « sont mauvais, qu’ils soutiennent le Hamas, qu’ils aident le Hamas, qu’ils cachent des munitions », a déclaré l’infirmier.

Sur le terrain, cependant, certaines de ces attitudes ont changé « lorsque l’on a des civils gazaouis sous nos yeux », ont-ils déclaré.

Les FDI ont déclaré qu’elles faisaient tout leur possible pour minimiser les pertes civiles à Gaza, notamment en envoyant des messages textuels, en passant des appels téléphoniques et en larguant des tracts d’évacuation pour avertir les civils avant les attaques.

Malgré cela, les civils de Gaza ont été tués à plusieurs reprises et en grand nombre, y compris lorsqu’ils s’abritaient dans des zones que l’armée a elle-même désignées comme des « zones de sécurité. »

Le bilan en matière de santé mentale à Gaza risque d’être énorme. Les organisations humanitaires et les Nations unies ont souligné à plusieurs reprises les conséquences catastrophiques de la guerre sur la santé mentale des civils de Gaza, dont beaucoup avaient déjà été marqués par un blocus de 17 ans et plusieurs guerres avec Israël. Dans un rapport publié en août, les Nations unies ont déclaré que les expériences des habitants de Gaza défiaient « les définitions biomédicales traditionnelles des troubles de stress post-traumatique (TSPT), dans la mesure où dans le contexte de Gaza, le mot post de post-trumatique n’a pas le loisir d’exister.

Après que Mizrahi a mis fin à ses jours, des vidéos et des photos ont fait surface sur les médias sociaux montrant le réserviste en train de raser des maisons et des bâtiments à Gaza et posant devant des structures vandalisées. Certaines de ces images, qui auraient été postées sur ses comptes de médias sociaux aujourd’hui supprimés, sont visibles dans un documentaire au cours duquel il avait été interviewé sur la chaîne israélienne Channel 13.

Sa sœur, Shir, a déclaré avoir vu de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux accusant Mizrahi d’être « un meurtrier », l’injuriant et réagissant par des émojis hostiles.

« C’était difficile », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle faisait de son mieux pour l’oublier. « Je sais qu’il avait bon cœur. »

Dégager les morts des débris

Ahron Bregman, politologue au King’s College de Londres, qui a servi dans l’armée israélienne pendant six ans, notamment lors de la guerre du Liban en 1982, a déclaré que la guerre de Gaza ne ressemble à aucune autre guerre menée par Israël.

« C’est très long », a-t-il dit, et c’est une zone urbaine, ce qui signifie que les soldats se battent au milieu de nombreuses personnes, « dont la grande majorité sont des civils. »

Les conducteurs de bulldozers font partie de ceux qui sont le plus directement exposés à la brutalité de la guerre, a déclaré M. Bregman. « Ce qu’ils voient, ce sont des morts, et ils les dégagent (avec) les débris », a-t-il déclaré à CNN. « Ils passent par dessus. »

Des femmes palestiniennes pleurent un parent tué lors d’un bombardement israélien sur la bande de Gaza, dans un hôpital de Deir al-Balah, le 22 mars 2024. Abdel Kareem Hana/AP

Pour beaucoup, la transition du champ de bataille à la vie civile peut être accablante, surtout après une guerre urbaine qui a entraîné la mort de femmes et d’enfants, a déclaré Bregman.

« Comment pouvez-vous mettre vos enfants au lit alors que vous avez vu des enfants tués à Gaza ? »

Malgré le syndrome de stress post-traumatique de Mizrahi, sa famille a déclaré qu’il avait accepté de retourner à Gaza lorsqu’il a été rappelé. Deux jours avant son redéploiement, il s’est suicidé.

Dans sa maison, Jenny a consacré une pièce à la mémoire de son fils décédé, avec des photos de son enfance et de son travail dans le bâtiment. Parmi les objets que sa mère a conservés figure la casquette que portait Mizrahi lorsqu’il s’est tiré une balle dans la tête, dont les impacts sont clairement visibles.

La famille de Mizrahi a commencé à parler de sa mort après que les Forces de défense israéliennes (FDI) lui ont refusé un enterrement militaire, arguant qu’il n’avait pas été « en service de réserve actif ». Elles sont ensuite revenues sur leur décision.

Eliran Mizrahi, enfant, dans un collage de photos encadré dans la maison familiale, en Cisjordanie occupée. Famille d’Eliran Mizrachi

Le journal israélien Haaretz a rapporté que 10 soldats ont mis fin à leurs jours entre le 7 octobre et le 11 mai, selon des données militaires obtenues par le journal.

Interrogé par CNN sur le nombre de suicides au sein des FDI depuis la guerre, Uzi Bechor, psychologue et commandant de l’unité de réponse au combat des FDI, a déclaré que le corps médical n’était pas autorisé à fournir un chiffre et que l’armée considérait que le taux de suicide n’avait pratiquement pas changé.

« Le taux de suicide dans l’armée est plus ou moins stable au cours des cinq ou six dernières années », a déclaré Bechor, précisant qu’il avait en fait diminué au cours des dix dernières années.

Même si le nombre de suicides est plus élevé, a-t-il dit, le ratio jusqu’à présent « est assez semblable à celui de l’année précédente parce que nous avons plus de soldats. »

« Cela ne signifie pas qu’il y a une tendance à l’augmentation des suicides », a déclaré Bechor à CNN.

Il n’a pas communiqué à CNN le nombre de suicides ni leur taux. « Chaque cas nous brise le cœur », a-t-il déclaré.

Pourtant, plus d’un tiers des soldats éloignés du combat souffrent de problèmes de santé mentale. Dans une déclaration faite en août, la division de réhabilitation du ministère israélien de la défense a indiqué que chaque mois, plus de 1 000 nouveaux soldats blessés sont rappelés des combats pour être soignés. 35 % d’entre eux se plaignent de leur état mental, et 27 % développent « une réaction mentale ou un syndrome de stress post-traumatique. »

Elle ajoute que d’ici la fin de l’année, 14 000 combattants blessés seront probablement admis pour être soignés, et qu’environ 40 % d’entre eux devraient être confrontés à des problèmes de santé mentale.

Plus de 500 personnes meurent par suicide en Israël et plus de 6 000 autres tentent de se suicider chaque année, selon le ministère de la santé du pays, qui note que « les chiffres mentionnés sont sous-estimés d’environ 23 %. »

En 2021, le suicide a été la principale cause de décès parmi les soldats de Tsahal, a rapporté le Times of Israel, citant des données militaires qui montrent qu’au moins 11 soldats ont mis fin à leurs jours cette année-là.

Au début de l’année, le ministère de la santé a cherché à « démentir les rumeurs d’augmentation des taux de suicide depuis le 7 octobre », affirmant que les cas signalés sont des « incidents isolés dans les médias et les réseaux sociaux ». Sans fournir de chiffres, le ministère a déclaré qu’il y avait eu une « diminution du nombre de suicides en Israël entre octobre et décembre par rapport aux mêmes mois de ces dernières années. »

M. Bregman, vétéran de la guerre du Liban, a déclaré qu’il était désormais plus facile de parler du syndrome de stress post-traumatique et d’autres problèmes de santé mentale que dans les années 1970 et 1980, grâce à la diminution de la stigmatisation. Néanmoins, il a ajouté que les soldats qui sortent de Gaza « porteront (leurs expériences) pour le reste de leur vie. »

L’infirmier des FDI qui a parlé à CNN a déclaré qu’un responsable de la santé mentale était désigné pour chaque unité de l’armée pendant et après le déploiement. L’impact de la guerre persiste néanmoins, a déclaré l’infirmier, avec des soldats aussi jeunes que 18 ans souffrant de traumatismes mentaux à Gaza. Ils pleuraient souvent ou semblaient émotionnellement engourdis, a ajouté l’infirmier.

Normaliser l’anormal

Bechor, le psychologue de Tsahal, a déclaré que l’un des moyens utilisés par l’armée pour aider les troupes traumatisées à reprendre leur vie est d’essayer de « normaliser » ce qu’elles ont vécu, en partie en leur rappelant les horreurs commises le 7 octobre.

« Cette situation n’est pas normale pour les êtres humains », a déclaré Bechor, ajoutant que lorsque les soldats reviennent du champ de bataille avec des symptômes de stress post-traumatique, ils se demandent : « Comment puis-je rentrer chez moi après ce que j’ai vu ? Comment puis-je m’engager avec mes enfants après ce que j’ai vu ? »

« Nous essayons de normaliser la situation et de les aider à se souvenir de leurs valeurs et des raisons pour lesquelles ils sont allés là-bas (à Gaza) », a-t-il déclaré à CNN.

Pour les dizaines de milliers d’Israéliens qui se sont portés volontaires ou qui ont été appelés à combattre, la guerre à Gaza a été perçue non seulement comme un acte d’autodéfense, mais aussi comme une bataille existentielle. Cette notion a été vantée par les principaux dirigeants politiques et militaires israéliens, ainsi que par les alliés internationaux d’Israël.

Des soldats portent le cercueil d’un capitaine israélien tué lors de combats dans le sud de la bande de Gaza, lors de ses funérailles à Beit Jann, Israël, le 16 juin 2024. Amir Levy/Getty Images

Netanyahu a qualifié le Hamas de « nouveaux nazis » et le président américain Joe Biden a déclaré que « l’ancienne haine des Juifs » entérinée par les nazis avait été « ramenée à la vie » le 7 octobre.

Les menaces extérieures qui pèsent sur leur pays ont unifié de nombreux Israéliens, mettant en veilleuse les querelles politiques internes qui divisaient la société depuis des mois. Pendant ce temps, les souffrances des Palestiniens ont été largement absentes des écrans de télévision israéliens, dominés par les nouvelles concernant les otages de Gaza.

Après les attaques du Hamas, les sondages ont montré que la plupart des Israéliens soutenaient la guerre à Gaza et ne voulaient pas que leur gouvernement arrête les combats, même en négociant la libération des otages kidnappés. À l’occasion du premier anniversaire de l’attaque du 7 octobre, un sondage publié par l’Institut israélien de la démocratie a révélé que seuls 6 % des Israéliens pensent que la guerre à Gaza devrait être arrêtée en raison du « coût élevé en vies humaines. »

Certains soldats, cependant, ne pouvaient rationaliser les horreurs qu’ils ont vues.

À son retour de Gaza, Mizrahi disait souvent à sa famille qu’il sentait un « sang invisible » sortir de lui, a déclaré sa mère.

Shir, sa sœur, accuse la guerre d’être à l’origine de la mort de son frère. « À cause de l’armée, à cause de cette guerre, mon frère n’est pas là », a-t-elle déclaré. « Il n’est peut-être pas mort d’une balle (de combat) ou d’une grenade, mais d’une balle invisible », a-t-elle ajouté, faisant référence à ses souffrances psychologiques.

*

Qu’est-ce que le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) ? Le SSPT est un trouble de la santé mentale causé par des événements très stressants, effrayants ou pénibles, selon le Service national de santé britannique. Une personne atteinte de SSPT revit souvent l’événement traumatique sous forme de cauchemars et de flashbacks, et peut éprouver des sentiments d’isolement, d’irritabilité et de culpabilité. Le SSPT peut se développer immédiatement après l’expérience d’un événement perturbant, ou se manifester des semaines, des mois, voire des années plus tard.

Source : CNN, Nadeen Ebrahim, Mike Schwartz, 21-10-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

mardi 11 mars 2025

Al Nosra fait du bon boulot

 La chef de l'égoût européen, Von der Leyen a invité le leader de HTS, Al Julani, a Bruxelles le lundi 17 mars. Et elle l'a fait pendant que les hordes de Al Julani massacraient des familles entières d'alaouites et de chrétiens en Syrie. 

Le gars est invité un jour avant l'anniversaire de la date anniversaire du 11 mars 2004 en Espagne, quand à la gare d'Atocha  200 travailleurs et étudiants espagnols furent assassinés par Al-Qaeda. Or, le président jihadiste syrien y avait déjà les responsabilités les plus hautes.

Aujourd'hui et hier, les égorgeurs inclusifs ont jetté les corps des massacrés du haut des falaises. De ce "7 octobre syrien" on ne connaitra même pas le nombre des tués.

SOURCE: https://www.librairie-tropiques.fr/2025/03/al-nosra-fait-un-bon-boulot.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

LE CHAOS EST DE RETOUR

Des familles syriennes trouvent refuge dans une base russe

Plus de 1 300 civils auraient été tués suite à la résurgence des massacres
dans ce pays déchiré par la guerre.

Des centaines de civils ont trouvé refuge sur la base aérienne russe de Khmeimim, dans l'ouest de la Syrie, cherchant à se mettre à l'abri des violents affrontements qui ont éclaté la semaine dernière, comme le montrent plusieurs vidéos obtenues par RT. Selon les images, des centaines de personnes déplacées, dont des femmes et des enfants, se sont réfugiées dans des bâtiments et dans des espaces ouverts.

Plus de 1.300 personnes ont été tuées en Syrie en trois jours jusqu'à dimanche, dont au moins 973 civils, selon des informations de presse. La région côtière du pays, où vit une majorité de membres de la communauté alaouite, est en proie à des violences depuis mercredi, après le déclenchement d'une rébellion armée, au cours de laquelle des groupes décrits par les médias occidentaux comme "fidèles à l'ancien président Bachar al-Assad" se sont affrontés à des milices de mercenaires jihadistes alliés au nouveau gouvernement "provisoire" syrien.


Plus tôt lundi, le ministère de la Défense du pays a annoncé l'achèvement d'une « opération militaire », a écrit le journal Asharq Al-Awsat, citant le porte-parole du ministère de la Défense, Hassan Abdul Ghany (alias le terroriste d'Al Qaïda : Al Jolani).

Alors que les combats s'intensifiaient, les civils ont été autorisés par les russes à pénétrer dans la base de Khmeimim. Selon des sources de RT, l'armée russe a installé des tentes, une cuisine de campagne et un centre médical.

Le nouveau dirigeant syrien, Ahmed al-Sharaa aka Abou Mohammed al-Jolani, a accusé les factions pro-Assad soutenues par des "alliés étrangers" d'avoir "incité à la violence".

S'exprimant sur les relations avec la Russie lors de la même interview accordée à Reuters lundi, al-Sharaa a déclaré que les nouvelles autorités « ne veulent pas de rupture avec la Russie », mais qu'elles ne veulent pas non plus que « sa présence en Syrie constitue une menace pour un quelconque pays ».

DIMANCHE 16 MARS 16 H

RENCONTRE SPÉCIALE
STRATÉGIE DU CHAOS

LE RETOUR DU CHAOS EN SYRIE
Sur la situation des minorités et des populations de Syrie
après la chute d'Assad.

 

lundi 24 février 2025

Raz Segal : Le déni de génocide dans les études sur l’Holocauste

 


Raz Segal, historien universitaire israélien, raconte l’étrange expérience qu’il a vécu lorsqu’il a été traité d’antisémite, pour s’être opposé aux massacres perpétrés par Israël dans la bande de Gaza, bien qu’il soit lui-même juif et qu’il ait étudié l’Holocauste et d’autres génocides.

Source : Jacobin, Raz Segal
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des Palestiniens déplacés retournent à pied dans la partie nord de la bande de Gaza, le 19 janvier 2025. (Omar al-Qattaa / AFP via Getty Images)

Raz Segah est un historien israélien résidant aux États-Unis. Il est professeur agrégé d’études sur l’Holocauste et le génocide et professeur doté pour l’étude du génocide moderne à l’Université de Stockton, où il dirige également le programme de maîtrise ès arts en études sur l’Holocauste et le génocide.

Qu’est-ce qui sous-tend le soutien inconditionnel de l’Allemagne à Israël, y compris au cours des seize derniers mois de l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza ? Cette question reste pertinente même si le cessez-le-feu actuel met fin au génocide : l’aborder met en lumière le processus de colonisation israélienne qui dure depuis des décennies et qui a conduit au génocide, une Nakba qui continue de se dérouler indépendamment du cessez-le-feu. De fait, les attaques d’Israël contre les Palestiniens n’ont pas cessé et, en Cisjordanie occupée, elles se sont même intensifiées depuis le début du cessez-le-feu à Gaza, avec des attaques meurtrières menées par des colons israéliens et l’armée israélienne.

Un partenariat étroit entre des spécialistes israéliens et allemands de l’Holocauste apporte des réponses troublantes à cette question. Lors d’un événement en ligne organisé par le programme d’études sur l’Holocauste du Western Galilee College (WGC) israélien le 19 décembre 2024, trois intervenants – Alvin Rosenfeld, professeur d’anglais et d’études juives à l’université d’Indiana, Verena Buser, historienne allemande qui enseigne en ligne au WGC, et Lars Rensmann, professeur de sciences politiques à l’université de Passau en Allemagne – se sont attaqués aux spécialistes des études sur l’Holocauste et le génocide qui ont écrit et parlé du génocide israélien à Gaza, moi y compris.

Bien que cet événement ait été organisé en l’honneur de Yehuda Bauer, figure fondatrice des études sur l’Holocauste décédée le 18 octobre 2024 à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, les orateurs ont à peine mentionné Bauer ou son travail. Pas plus qu’ils n’ont analysé la montagne de preuves attestant du génocide en cours dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Au lieu de cela, ils ont opté pour un déni pur et simple du génocide.

Buser, par exemple, a affirmé que les universitaires qui qualifient les actions d’Israël à Gaza de génocide ne tiennent pas compte des « nombreuses critiques internationales » concernant l’exactitude des chiffres relatifs aux victimes palestiniennes qui, a-t-elle ajouté, « ne font pas la distinction entre les combattants et les civils ». La vérité est qu’il existe un large consensus international pour affirmer qu’Israël a tué plus de 46 000 Palestiniens. Les chiffres réels sont d’ailleurs probablement bien plus élevés : un article récent du Lancet affirme que, fin juin 2024, Israël avait tué plus de 64 000 Palestiniens, la majorité d’entre eux n’étant pas des combattants, et parmi lesquels des milliers d’enfants. Selon Save the Children : « Le territoire palestinien occupé est désormais classé comme l’endroit le plus meurtrier au monde pour les enfants : environ 30 % des 11 300 enfants identifiés tués à Gaza [entre octobre 2023 et août 2024] avaient moins de cinq ans. » En outre, Israël a tué à Gaza près de trois mille enfants palestiniens toujours pas identifiés à la fin du mois d’août 2024.

Le déni de génocide de Buser va au-delà de la simple minoration du nombre de victimes, qui caractérise également le déni de l’Holocauste ; elle a aussi fait référence à des « rapports qui montrent que la faim ne sévit pas [à Gaza] ou qu’elle est causée par les défis logistiques de la guerre ». Elle n’a cité aucun rapport spécifique et n’a donné aucun exemple précis de défis logistiques. Cela n’est pas surprenant, puisqu’il existe également un large consensus international autour des politiques de famine menées par Israël, qui sont bien documentées et dont les chefs militaires israéliens ont ouvertement fait état.

Nous accuser d’antisémitisme parce que nous nous identifions comme juifs ne fait que reprendre le discours antisémite qui nie les identités juives plurielles pour considérer tous les juifs comme une seule et même entité, « les juifs ».

La plupart des universitaires dans la ligne de mire des panélistes de l’événement du WGC sont des Juifs, et j’en fais partie, ciblés pour la manière dont nous expliquons et exprimons notre critique des atrocités de masse perpétrées par Israël au travers du prisme de nos identités juives. Il semblerait que nous ne fassions pas partie des bon juifs. Mais nous accuser d’antisémitisme pour la façon dont nous nous identifions en tant que Juifs ne fait que reprendre le discours antisémite qui nie les identités juives plurielles pour considérer tous les Juifs comme une seule et même entité, « les Juifs ». En tant que telles, les attaques contre les universitaires juifs s’inscrivent dans la vision du monde raciste plus large des orateurs de l’événement du WGC, qui visait initialement à dénigrer les Palestiniens.

Plus scandaleux encore, l’historien israélien Dan Michman, qui dirige l’Institut international de recherche sur l’Holocauste à Yad Vashem, s’est référé à nul autre qu’Adolf Hitler pour donner du poids aux attaques des orateurs :

« Personne ne trouve à redire au terme « palestinien ». […] Mais si l’on remonte un siècle en arrière, dans Mein Kampf, par exemple […] Hitler dit à un moment donné que les sionistes veulent établir un État palestinien afin de disposer d’une base pour leurs activités criminelles. Or, il y a un siècle, un État palestinien était un État juif. Et le fait est que pendant la période du mandat [britannique] en Palestine, les habitants juifs étaient appelés Juifs palestiniens, les Arabes étaient des Arabes palestiniens. […] En 1948, Israël a été créé et les Juifs palestiniens sont devenus des Israéliens. Le terme [palestinien] est donc resté en suspens et ce n’est que depuis les années 1950 que nous commençons à entendre parler des Palestiniens. »

Il semble que Michman ait voulu faire écho à Rensmann, qui a affirmé dans son intervention au début de l’événement : « De tout temps, depuis Hitler en 1920 […] les nazis étaient ouvertement, agressivement, antisionistes et s’attaquaient à un éventuel État sioniste. » La logique à l’œuvre ici est que si Hitler était antisioniste, l’antisionisme ne peut être autre chose que de l’antisémitisme – une affirmation que les orateurs ont répétée encore et encore. Ce faisant, ils ignorent la riche histoire des Juifs antisionistes et des organisations et partis politiques juifs antisionistes, ainsi que les nombreux Juifs antisionistes et organisations juives dans le monde aujourd’hui. Ils nous présentent à la place une situation insolite où un professeur allemand prétend déterminer au nom des Juifs la légitimité ou l’illégitimité de leurs identités juives, appuyé par un spécialiste israélien de l’Holocauste qui finit par reproduire la logique du racisme hitlérien.

Qui plus est, les critiques de Michman et Rensmann n’ont pas eu pour cible les néo-nazis et les groupes apparentés qui se multiplient à nouveau en Allemagne et ailleurs, mais bien les juifs antisionistes. Les deux chercheurs se sont engouffrés dans ce piège paradoxal pour une raison bien précise. Ils ne supportent pas que des Juifs antisionistes, parmi lesquels des spécialistes juifs antisionistes de l’Holocauste et du génocide, osent affirmer que l’attaque d’Israël contre Gaza depuis octobre 2023 correspond bien à un crime de génocide au regard du droit international.

Ces universitaires juifs ne sont toutefois pas les seuls. William Schabas, l’un des plus grands experts en droit international sur le génocide, issu d’une famille de survivants de l’Holocauste, a expliqué dans une interview à la fin du mois de novembre 2024 que :

« À Gaza […] Les infrastructures ont été massivement détruites, les gens n’ont pas pu s’échapper – et puis il y a eu les terribles déclarations de [l’ancien ministre israélien de la défense] Yoav Gallant. […] Des ministres, des porte-parole du gouvernement et des chefs militaires, qui ont tous de l’influence sur les troupes, se sont exprimés. A ma connaissance, leurs déclarations sont plus fréquentes et plus graves que dans n’importe quelle autre affaire portée devant [la Cour internationale de justice]. […] Conjuguées à la faim, au manque d’accès à l’eau et à l’hygiène, à la destruction systématique des maisons, des écoles et des hôpitaux, une image se dégage qui pourrait donner lieu à l’interprétation d’une volonté génocidaire. »

Pour Rensmann, cependant, « l’allégation de génocide [portée à l’encontre d’Israël] fait partie intégrante de l’histoire de l’antisémitisme du vingtième et maintenant du vingt-et-unième siècle ».

Buser s’est appuyée sur Rensmann pour faire fi des chercheurs spécialisés dans l’étude de l’Holocauste et des génocides, pour la plupart juifs, dont les travaux se fondent sur un vaste corpus de sources en constante augmentation sur le génocide perpétré par Israël à Gaza. Il s’agit notamment de documents provenant de l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice, des nombreuses cartes, témoignages de Palestiniens, photos aériennes et autres sources figurant dans les rapports d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de Forensic Architecture et de la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese quant à la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, sans oublier les milliers de vidéos fièrement postées sur les réseaux sociaux par des soldats et des officiers israéliens dans lesquelles ils ont documenté leur propre violence et leurs propres crimes.

Niant cette réalité largement documentée, Buser affirme que les universitaires spécialisés dans l’étude de l’Holocauste et des génocides qu’elle cherche à discréditer utilisent la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme (JDA), qui « exonère l’antisionisme et les comparaisons avec les nazis de toute accusation d’antisémitisme ». La JDA, poursuit-elle, permet donc à ces universitaires de faire des déclarations antisionistes ou d’utiliser des comparaisons avec l’Histoire qu’elle considère comme antisémites, y compris, selon elle, celle affirmant que « l’État d’Israël est un État blanc, colonisateur et pratiquant l’apartheid qui commet un génocide à Gaza ».

Selon la JDA (Déclaration de Jérusalem), « critiquer ou s’opposer au sionisme en tant que forme de nationalisme » n’est pas antisémite, car « en général, les normes de débat qui s’appliquent à d’autres États et à d’autres conflits liés à l’autodétermination nationale valent également dans le cas d’Israël et de la Palestine ». En d’autres termes, s’il est légitime de critiquer toute idéologie ou politique d’un État – un droit constitutionnel protégé aux États-Unis – il est également légitime de le faire dans le cas du sionisme et d’Israël.

La JDA conclut donc à juste titre : « Même si c’est controversé, comparer Israël à d’autres cas dans l’histoire, y compris le colonialisme ou l’apartheid, n’est pas antisémite en soi. » Cependant, Buser, comme ses collègues du WGC, met sur le même plan l’antisionisme et l’antisémitisme, ce qui fait qu’à ses yeux, les universitaires qu’elle cible sont des antisémites. Ses interventions énumèrent ainsi les onze qui, à son avis, sont les plus importants ; huit d’entre eux sont juifs, et j’en fais partie.

La notion de caractère unique de l’Holocauste

Que penser de ce partenariat entre des spécialistes israéliens et allemands de l’Holocauste qui attaquent des Juifs dans le but de nier le génocide commis par Israël tout en reproduisant le racisme anti-palestinien qui est à l’origine de ce génocide ? Nous pouvons commencer à répondre à cette question en rappelant que la WGC voulait honorer Bauer, spécialiste de l’Holocauste particulièrement attaché à l’idée que l’Holocauste est un événement unique dans l’histoire de l’humanité. Cette idée, qui a également guidé les travaux de Rosenfeld et Michman, a joué un rôle fondamental dans les politiques et les sociétés tant israéliennes qu’allemandes.

L’idée que l’Holocauste serait unique reprend plutôt qu’elle ne les remet en cause le nationalisme d’exclusion et le colonialisme de peuplement qui ont conduit à l’Holocauste.

L’idée du caractère unique de l’Holocauste dans l’histoire de l’humanité a été renforcée par la définition du concept de génocide dans la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide en 1948, grâce à laquelle ce que nous appelons aujourd’hui l’Holocauste (personne n’utilisait le terme à l’époque) a été considéré comme plus terrible qu’un génocide. Cette hiérarchie, qui en viendra plus tard à incarner l’essence du domaine académique des études sur l’Holocauste et les génocides dans son titre, a été d’un intérêt crucial pour les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale : elle a permis de distinguer la violence de masse nazie de la longue histoire des génocides coloniaux occidentaux et de l’histoire plus brève des génocides soviétiques qui l’ont précédée.

Plus concrètement, elle a également détourné l’attention des crimes de guerre à grande échelle commis par les alliés occidentaux et les Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale, parmi lesquels l’utilisation de bombes atomiques sur le Japon par les États-Unis, ce que le spécialiste du génocide Leo Kuper a plus tard qualifié d’actes de génocide dans son livre de 1981 intitulé Genocide : Its Political Use in the Twentieth Century (Génocide : son instrumentalisation politique au vingtième siècle). La communauté d’intérêts entre l’Union soviétique et l’Occident sur le nouveau crime de génocide s’est arrêtée là. En Occident, cette hiérarchie a fait des Juifs les victimes les plus pures, ce qui a été rendu possible par la place fondatrice des Juifs dans le monde judéo-chrétien. Comme l’a fait valoir le regretté historien de l’Holocauste Alon Confino dans A World Without Jews (Un monde sans juifs), un brillant ouvrage paru en 2014, les nazis considéraient la destruction des Juifs précisément de cette manière, comme essentielle à l’anéantissement de la civilisation judéo-chrétienne afin de créer une civilisation nazie à la place. L’unicité de l’Holocauste s’est donc appuyée sur l’idée que les Juifs sont un peuple unique et l’a renforcée.

La victimisation sans concession s’est ensuite transformée en une morale supérieure et a rejoint un élément central du projet sioniste : la fusion d’un peuple, les Juifs, et d’un État, Israël. C’est ainsi qu’est née l’opinion commune à Israël et à l’Occident qui veut que l’armée israélienne soit l’armée la plus morale au monde. En conséquence, il est devenu inimaginable qu’Israël puisse commettre un quelconque crime au regard du droit international, sans parler d’un génocide. Cette impunité d’Israël sur le plan juridique international a rendu plus difficile à cerner la reproduction du nationalisme d’exclusion et du colonialisme de peuplement de l’État israélien, depuis ses origines lors de la Nakba de 1948 en passant par la Nakba actuelle à travers des décennies de violence de masse israélienne contre les Palestiniens, et qui culmine aujourd’hui avec le génocide commis par les Israéliens dans la bande de Gaza.

L’idée que l’Holocauste était un phénomène unique a également modelé la volonté de l’Allemagne de soutenir Israël, ce que l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel a décrit de manière très célèbre dans un discours prononcé devant la Knesset (parlement) israélienne en 2008 comme étant la « raison d’État » de l’Allemagne. Feu Rudolf Dressler, homme politique social-démocrate allemand, qui a été ambassadeur d’Allemagne en Israël de 2000 à 2005, a été le premier à utiliser cette formule dans un mémoire en 2005, et l’actuel chancelier allemand Olaf Scholz l’a reprise dans son discours devant le parlement allemand le 12 octobre 2023. Cinq jours plus tard, alors qu’il se trouvait en Israël, Scholz a ajouté que « l’histoire de l’Allemagne et sa responsabilité dans l’Holocauste nous obligent à préserver la sécurité et l’existence d’Israël ».

Mais l’unicité de l’Holocauste a également un effet plus profond sur la politique et la société allemandes. Il rend le nazisme également unique et déconnecte ainsi la période nazie du reste de l’histoire allemande, avant et après l’Holocauste.

Cette mystification occulte les liens entre le nazisme et le génocide colonial des colons allemands contre les Herero et les Nama dans le sud-ouest de l’Afrique au début du vingtième siècle. De même, le nationalisme allemand d’exclusion avant et après les nazis, dont l’explosion contemporaine de racisme contre les migrants et les réfugiés, disparaît également. À l’extrême, cette logique légitime le racisme contre les Palestiniens au moment même où Israël perpètre un génocide à leur encontre. L’idée de l’unicité de l’Holocauste reproduit donc le nationalisme d’exclusion et le colonialisme de peuplement qui ont conduit à l’Holocauste et qui continuent à structurer à la fois le statut des auteurs et celui des survivants, au lieu de les remettre en question.

La conférence de la WGC a donc reflété ce que Bauer avait exprimé un an avant sa mort, en novembre 2023, dans un article paru dans Haaretz. Utilisant une terminologie coloniale, Bauer a présenté l’attaque d’Israël contre Gaza comme la protection d’une « société plus ou moins civilisée » contre la « barbarie du Hamas », appelant à une « lutte sans relâche » entre « deux visions du monde […] [qui] font appel à des formes différentes de l’univers humain ». Le partenariat israélo-allemand d’études sur l’Holocauste au WGC utilise précisément cette vision du monde profondément raciste, une vision qui a mis les Juifs en danger par le passé et qui les vise à nouveau aujourd’hui – en soutenant les atrocités israéliennes à Gaza tout en niant qu’il s’agit d’un génocide.

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Raz Segal est professeur agrégé d’études sur l’Holocauste et les génocides à l’université de Stockton, où il dirige également le programme de maîtrise en études sur l’Holocauste et les génocides.

Source : Jacobin, Raz Segal, 27-01-2025

mardi 11 février 2025

Congo RDC, la question des terres rares et de l’exploitation /esclavage humain

 


 Congo RDC, la question des terres rares et de l’exploitation /esclavage humain

🇨🇩 Récemment, nous avons écrit au sujet de la plainte déposée par le Congo contre les filiales d’Apple en France et en Belgique, où la société américaine est accusée d’utiliser dans ses produits des "minéraux conflictuels". Il s’agit de minéraux extraits illégalement dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), une région ravagée par la guerre, puis blanchis à travers des chaînes d’approvisionnement internationales. Apple nie ces accusations, affirmant que la majorité des minéraux utilisés dans ses produits sont recyclés.

⚡️« Lorsque le conflit dans la région s’est intensifié au début de cette année, nous avons informé nos fournisseurs que leurs usines métallurgiques et de raffinage devaient suspendre les achats d’étain, de tantale, de tungstène et d’or en provenance de la RDC et du Rwanda », indique un communiqué de réponse d’Apple.

↘️ Essayons de comprendre

🔸Commençons par le fait que le sous-sol de la RDC contient des ressources minières estimées à 24 milliards de dollars – une somme vertigineuse. Parmi toutes ces richesses, ce qui nous intéresse particulièrement, ce sont les minéraux 3TG : étain, tantale, tungstène et or. Ce sont eux qui constituent la matière première essentielle pour toute la production de microélectronique.

🔸Nous avons déjà parlé du conflit à la frontière orientale de la RDC avec le Rwanda, impliquant de nombreux groupes armés. Nous ne reviendrons donc pas sur cet imbroglio remontant au génocide rwandais de 1994 et recommandons plutôt de consulter notre article précédent via le lien ci-dessous.

🇷🇼 L’essentiel est que le M23, le plus grand groupe armé soutenu par le Rwanda (ce que ce dernier nie, bien sûr), contrôle d’immenses territoires dans la province congolaise du Nord-Kivu, riche en gisements de 3TG. Il est important de noter qu’un seul district, Rubaya, fournit environ 15 % du coltan mondial – un minerai dont on extrait le tantale. Selon les estimations du ministère des Finances congolais, la RDC perd chaque année 1 milliard de dollars en raison du commerce illégal de ressources minières, dont 90 % sont exportées clandestinement hors du pays.

🔸Le schéma de contrebande est assez simple : presque tout le minerai est extrait artisanalement dans des mines illégales où le travail des enfants et le travail forcé sont largement répandus. Sous la pression des rebelles, les mineurs travaillent soit gratuitement, soit pour 2 dollars par jour, souvent creusant à plus de 30 mètres de profondeur avec des outils rudimentaires comme des pelles et des pioches, voire parfois à mains nues.

🔸Ensuite, ce minerai est acheminé vers le Rwanda, après avoir contourné le système de surveillance de la "propreté" des minéraux. Comment ? Très simplement : le minerai  illégal est déversé dans des mines "propres" et "extrait" à nouveau. Les minéraux sont ensuite marqués comme étant "proprement extraits" et peuvent être importés sans scrupules par des entreprises occidentales, passant par des chaînes d’approvisionnement mondiales. Et personne ne semble être perturbé par le fait que le Rwanda exporte beaucoup plus de ressources minières qu’il n’en extrait sur son propre territoire. Une partie des bénéfices tirés de cette arnaque finance évidemment l’équipement et l’armement des groupes rebelles en RDC.

🇪🇺 Il convient de noter que ce schéma est utilisé non seulement par des multinationales, mais aussi par l’Union européenne. En février de cette année, l’UE et le Rwanda ont signé un mémorandum d’entente sur les chaînes de valeur durables des matières premières. Il s’agit principalement des minéraux 3TG mentionnés et du cobalt – une matière première clé pour la transition énergétique. Ainsi, nous voyons que les pays et entreprises occidentaux sont prêts à sacrifier leurs principes de développement durable et ESG lorsqu’il s’agit de ressources stratégiques. Mais qui aurait douté de cela ?

mardi 17 décembre 2024

Le Congo-Zaïre ou le martyre infligé par le capitalisme

 SOURCE: https://joseseseko.overblog.com/2019/12/le-congo-zaire-ou-le-martyre-inflige-par-le-capitalisme.html


Publié par JoSeseSeko sur 18 Décembre 2019, 10:39am

Catégories : #Économie, #Politique, #Afrique, #Congo-Zaïre, #Capitalisme, #Libéralisme, #Industrie, #Minerais

Photo: Flickr/MONUSCO Photos

Photo: Flickr/MONUSCO Photos

La saisie de la justice états-unienne pour condamner cinq firmes high tech de blessures et d'exploitation d'enfants dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo est une occasion pour rappeler au monde occidental capitaliste qu'il jouit de biens à travers un impérialisme génocidaire dont il s'en indiffère jusqu'à ce que ça lui revienne dans la gueule.

C'est une nouvelle qui ne comptera guère dans les esprits en France, mais elle mérite qu'on s'y attarde. L'organisation non gouvernementale (ONG) International Right Advocate a porté plainte, au nom de 14 parents et enfants de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), contre Apple, Google, Microsoft, Dell ou encore Tesla, auprès de la justice fédérale états-unienne pour travail forcé d'enfants dans les mines de cobalt avec fort risque de blessure ou de décès. Un procès qui promet d'être historique en raison des noms des firmes accusées (cf liens n°1, n°2, n°3).

Matières premières maudites!

Mais qu'est-ce que le cobalt? C'est un matériau fort utilisé dans les industries de pointe que sont l'informatique, la téléphonie mobile, mais aussi l'automobile car il sert de composant à la fabrication de batteries au lithium. Et avec la montée de la demande en smartphones et surtout en voitures électriques dans le monde - d'où le fait que Tesla soit dans le box des accusés -, les fournisseurs se doivent d'accentuer la production et donc de dégrader les conditions d'exploitation. Or, pas moins de 60% des réserves mondiales de cobalt se trouvent dans la seule RDC. N'oublions pas un autre matériau fort précieux pour la haute technologie qu'est le coltan, dont 60 à 80% des réserves mondiales se trouvent également dans l'ex-Zaïre, attirant ainsi les convoitises des pays occidentaux ou de la Chine.

Vu leur utilité, la RDC devrait pouvoir afficher un niveau de développement faramineux. Que nenni! Ces ressources minières, et d'autres matières premières (cuivre, diamant, or, zinc, étain, pétrole, uranium, fer, manganèse, etc.) happées, voire pillées, seules les firmes multinationales en voient la couleur, tant elles dominent les structures économiques et sociales. Le Congo-Zaïre illustre à la fois l'impérialisme mené envers lui, comme envers plusieurs autres pays africains d'ailleurs, mais également ce que les économistes appellent le syndrome hollandais. C'est-à-dire un pays disposant d'une grande quantité de ressources naturelles mais demeurant incapable de pouvoir se développer car condamné à être un fournisseur en matières premières et non à mettre en place une industrie locale puissante, excepté peut-être l'industrie  minière comme "vache à lait" pour un pouvoir local corrompu et au service d'autres continents. Reste à savoir si la réforme du code minier en RDC, votée en 2018 sous la fin de la présidence de Joseph Kabila et les ambitions de Félix Tshisekedi en matière de politique industrielle seraient en mesure de changer la donne. Ce dont on peut, hélas, en douter.

Une indifférence sanglante

Mais surtout, ce qui est frappant, en tant que personne d'origine congo-zaïroise, c'est l'indifférence qui s'observe au niveau médiatique ou politique sur le pays le plus peuplé de la francophonie, qui souffre de martyre depuis le milieu des années 1990. Et malgré les efforts du docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, pour exposer la situation, avec des estimations allant de 6 à 12 millions de morts, notamment dans l'Est du pays, concentrant l'essentiel des mines de coltan plus d'autres matériaux, le viol des femmes comme arme de guerre, etc. un silence coupable dure. Pourquoi? Ce serait exposer la culpabilité du Rwanda voisin, dont le génocide des tutsis en 1994 a déstabilisé l'Afrique des Grands Lacs et que Paul Kagame, protégé par plusieurs pays occidentaux, a profité de la fuite de génocidaires hutus dans l'Est du Congo-Zaïre pour intervenir dans ce pays, en espérant y mettre un pantin au pouvoir à Kinshasa. Ce qu'il pensait faire avec Laurent-Désiré Kabila, chassant Joseph-Désiré Mobutu en 1997, mais Kabila père ne voulut pas jouer ce rôle, provoquant ainsi une guerre de 1998 à 2003, puis plusieurs rébellions dans les années qui suivirent, avec son allié Yoweri Museveni, président de l'Ouganda, prétextant également la présence de rebelles comme les Forces démocratiques alliées sévissant autour de la ville de Béni, au Nord-Kivu (cf lien n°4).

Que ce soit des groupes rebelles étrangers ou des rebelles locaux appuyés par des pays voisins, ou même l'armée congolaise, ainsi que la police, le racket est leur règle d'or pour pouvoir s'enrichir et continuer à foutre le bordel dans l'Est du Congo-Zaïre. C'est ce que rappelle une étude de l'ONG IPIS en 2017, où près d'un millier de barrages routiers existent dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, générant plusieurs millions de dollars de revenus.

En tout cas, face à cette indifférence sanglante - "l'indifférence, c'est la haine doublée du mensonge" -, certains artistes d'origine congo-zaïroise tels Kalash Criminel, Naza ou Gradur ont lancé des messages sur les réseaux sociaux pour alerter sur ce sujet (cf lien n°5). Certains esprits chagrins diront que c'est délivré par des smartphones ou ordinateurs contenant probablement du matériau congolais et du sang de mineurs congolais exploités et que c'est par conséquent contradictoire. Cependant, ces artistes-là sont, je pense, conscients de cela. Je n'échappe pas non plus à cette contradiction. Mais je veux en tirer une réflexion pour améliorer leur condition. Ce qui peut amener à se poser la question du dépassement du capitalisme par exemple.

Avec l’aide des États-Unis, Israël exporte des instruments d’oppression à l’étranger et les teste contre les Palestiniens

 SOURCE: https://www.les-crises.fr/avec-l-aide-des-etats-unis-israel-exporte-des-instruments-d-oppression-a-l-etranger-et-les-teste-contre-les-palestiniens/


Entre 2018 et 2022, Israël s’est targué d’avoir le deuxième plus important budget militaire au monde par habitant, augmentant ses dépenses de 24 % en 2023. Le ministère de la Défense souligne que le secteur de la sécurité joue « un rôle monumental » dans l’économie, stimulant l’innovation industrielle et représentant environ 10 % des exportations nationales. Alors que Gaza brûle, les fabricants d’armes font état d’une « demande croissante » d’armes israéliennes « dans le monde entier ».

Source : Truthout, Ciudong Ng
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Un Palestinien dans une rue détruite par des bulldozers lors d’un raid israélien dans la ville de Jénine en Cisjordanie occupée, Palestine, le 1er septembre 2024. RONALDO SCHEMIDT / AFP via Getty Images

Alors qu’Israël renforce son blocus, les réserves médicales s’épuisent dans la bande de Gaza et les médecins sont confrontés à des patients souffrant de blessures inimaginables.

Le médecin orthopédiste Hani Bseso a opéré la jambe de sa nièce Ahed, après qu’un obus a traversé leur maison. Saignant abondamment, Ahed est restée dans un état d’hébétude atroce, tandis que ses proches la transportaient au rez-de-chaussée. Il était impossible de se rendre à l’hôpital. Bseso l’a donc amputée de la jambe sur la table de la cuisine où sa mère avait fait le pain le matin même.

Alors que le système de santé de Gaza implose, épidémies et famine se répandent comme une traînée de poudre. Après 25 ans, la polio y est revenue et les opérations israéliennes obligent les patients à évacuer l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, l’un des derniers établissements médicaux encore fonctionnel. Ailleurs, l’odeur des ordures non ramassées flotte dans l’air, et l’eau des égouts éventrés forme des mares qui reflètent la ligne d’horizon en train de se transformer en décombres. Cet été, des experts des Nations unies sont arrivés à la conclusion que la « campagne de famine intentionnelle et ciblée » menée par Israël était « une forme de violence génocidaire ». Seules les bombes et les balles pénètrent en abondance dans Gaza.

Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence. Entre 2018 et 2022, Israël s’est targué d’avoir le deuxième plus important budget militaire au monde par habitant, augmentant ses dépenses de 24 % en 2023. Le ministère de la défense souligne que le secteur de la sécurité joue « un rôle monumental » dans l’économie, stimulant l’innovation industrielle et représentant environ 10 % des exportations nationales. Alors que Gaza brûle, les fabricants d’armes font état d’une « demande croissante » d’armes israéliennes « dans le monde entier ».

Concernant la guerre, Israël a adopté un modèle de militarisme bien ancré. Au cours des 50 dernières années, les dirigeants israéliens ont exploité les territoires occupés et l’assistance technique des États-Unis pour construire un imposant complexe militaro-industriel. Les victimes palestiniennes comme Ahed font partie de ce vaste mécanisme, dans la mesure où Israël exporte les technologies violentes et l’expertise qu’il perfectionne à Gaza vers des pays du monde entier.

Exportation de l’occupation

Pendant la guerre froide, grâce à la coopération militaire et technique des États-Unis, Israël est devenu le plus grand exportateur d’armes par habitant. Aux prises avec leur dette extérieure, les dirigeants israéliens ont encouragé les ventes d’armes afin d’atténuer les déséquilibres budgétaires et financer le développement industriel. Le secteur de la défense est devenu le fondement de l’économie, et les territoires occupés ont servi de laboratoire d’expérimentation à des fins meurtrières. « Aujourd’hui, on peut dire qu’aucun pays au monde n’est aussi dépendant des ventes d’armes qu’Israël », concluait le politologue Bishara Bahbah en 1986.

Les dictateurs d’Amérique latine, notamment le général Augusto Pinochet, sont devenus des clients enthousiastes. Après la guerre d’octobre 1973, des entreprises israéliennes ont envoyé des publicités à sa junte, et l’ambassade chilienne à Tel Aviv a rédigé des rapports sur les performances de leurs armes. Selon ces officiers, Israël était un modèle, laissant entendre que le régime militaire garantissait des « conditions de tranquillité » en Palestine. Au final, les dirigeants israéliens ont aidé le général Pinochet à développer l’industrie aérospatiale chilienne, allant jusqu’à transférer la technologie nécessaire à la production de bombes à fragmentation.

De plus en plus, les responsables américains ont encouragé Israël à étouffer les mouvements de gauche en armant des régimes autoritaires alignés sur Washington. Face à la législation sur les droits humains, le président Jimmy Carter et ses successeurs ont esquivé les restrictions imposées au pouvoir national en confiant la répression aux dirigeants israéliens. « Israël est l’entrepreneur du sale boulot », a déclaré le général Mattityahu Peled. « Israël agit en tant que complice et bras armé des États-Unis. »

En Amérique centrale, cette réalité s’est révélée de manière brutale. Avant sa chute en juillet 1979, le président nicaraguayen Anastasio Somoza Debayle s’est appuyé sur les livraisons d’armes israéliennes pour réprimer une révolution populaire. « Les rues de Managua ressemblent à celles de Jérusalem, observe El País. Le matériel israélien est omniprésent. Les Nicaraguayens ont affirmé que les forces de Somoza étaient « génocidaires » parce qu’elles rasaient des villages, massacraient des familles entières et violaient les femmes devant leurs maris.

Leurs fusils d’assaut Galil, de fabrication israélienne, sont devenus des symboles d’oppression. Lors de la libération de Managua, les rebelles sandinistes ont confisqué les armes, avant de vider les munitions en longues salves – comme si le pays était purgé du passé à chaque rafale. Craignant la propagation de la révolution, la CIA a alors encouragé les dirigeants israéliens à armer ce qui restait du régime Somoza, tout en isolant le gouvernement progressiste sandiniste. Tout au long des années 1980, Israël est resté un acteur majeur dans la région, fournissant des armes aux Contras nicaraguayens et exacerbant une guerre civile qui a fait 30 000 morts.

Mais c’est au Guatemala que l’empreinte israélienne a été la plus forte, le général Efraín Ríos Montt affirmant que son coup d’État de 1982 avait réussi en partie « parce que beaucoup de nos soldats avaient été entraînés par des Israéliens ». Au cours de l’année suivante, Ríos Montt a intensifié une guerre génocidaire contre les communautés indigènes, laquelle a fait plus de 200 000 victimes. Les officiers se sont inspirés de la stratégie israélienne pour poursuivre la « palestinisation » des zones rurales. À Dos Erres, les forces guatémaltèques ont arrosé les villageois de balles tirées par des fusils Galil, avant de fendre le crâne des survivants à l’aide de masses.

Les journalistes Andrew et Leslie Cockburn ont relevé que les dirigeants israéliens exprimaient peu de réticences quant aux ventes d’armes. « Je me fiche de ce que les Gentils font avec les armes », leur a répondu le lieutenant-colonel Amatzia Shuali en se moquant d’eux. « L’essentiel, c’est que les entreprises israéliennes « en profitent. »

Quand on en est arrivé à la fin de la guerre froide, l’aide financière et militaire des États-Unis avait permis à Israël de développer une formidable industrie d’armement. Dans son étude de référence, Bahbah a souligné qu’à certains moments, 40 % de la main-d’œuvre industrielle du pays travaillait dans le secteur de la défense, et que les exportations d’armes constituaient une source majeure de devises étrangères. La production d’armes a accéléré la dérive militariste, transformant l’occupation de la Palestine en une entreprise économiquement viable et lucrative. En somme, les dirigeants israéliens ont financé l’agression contre les Palestiniens en spoliant d’autres gens en Amérique latine et ailleurs.

Le choix de la terreur

Avec l’implosion de l’Union soviétique, Israël a redéfini le discours dominant justifiant son occupation militaire. Pendant des décennies, les officiers israéliens avaient prétendu que les combattants palestiniens et leurs alliés socialistes – comme les Sandinistes – étaient des « terroristes » en quête de vengeance, faisant fi de leurs griefs politiques et de leurs idéaux. Or, les dirigeants sionistes affirment aujourd’hui que le « terrorisme » constitue la plus grande menace pour la paix mondiale, tout en détournant ce terme élastiquepour diaboliser l’ensemble de la résistance palestinienne. En 1988, des officiers israéliens ont distribué des matraques, ordonnant aux troupes de briser les os des manifestants, qualifiant les manifestations populaires de terrorisme. En l’espace de deux ans, l’organisation à but non lucratif Save the Children, dont le siège est à Londres, a calculé que plus de 23 600 enfants palestiniens avaient dû recevoir des soins médicaux pour avoir été tabassés. Près d’un tiers des victimes avaient 10 ans ou moins.

C’est à ce moment-là que Benjamin Netanyahou s’est imposé comme un pyromane conservateur et un expert autoproclamé de la terreur mondiale, tout en dirigeant le Likoud. Auparavant, il avait fondé l’Institut Jonathan pour convaincre les décideurs politiques occidentaux que le « terrorisme international » constituait une menace existentielle pour la démocratie moderne, tout en qualifiant la résistance palestinienne de diabolique, irrationnelle et antisémite. Son programme politique mettait à l’honneur l’expansion coloniale et la force brute.

En octobre 1995, Netanyahou a condamné le Premier ministre Yitzhak Rabin pour avoir négocié les accords d’Oslo, suscitant des protestations virulentes et apparaissant lors d’un rassemblement avec une effigie de Rabin en uniforme SS nazi. Un mois plus tard, un tireur d’extrême droite assassinait le premier ministre.

Après les attentats du 11 septembre, Netanyahou et d’autres dirigeants israéliens ont mis à profit leur expertise en matière de contre-insurrection pour renforcer les relations avec Washington et donner forme à la « guerre mondiale contre le terrorisme ». De manière tout à fait opportune, de nombreux partisans de l’invasion de l’Irak étaient des sionistes purs et durs. Le vice-président Dick Cheney a été membre du conseil d’administration de l’Institut juif américain pour la sécurité nationale, lequel encourage les ventes d’armes à Israël. Auparavant, Dick Perlel, conseiller à la défense, était le porte parole des fabricants d’armes israéliens, et Douglas Feith, sous-secrétaire à la défense pour la politique était un conseiller de Netanyahou. Le Jerusalem Post a souligné que Paul Wolfowitz, l’un des principaux architectes de la guerre, était un « fervent pro-israélien » et l’a proclamé « homme de l’année » quelques mois après l’invasion.

Les responsables israéliens espéraient que l’intervention américaine renverserait les régimes hostiles et anéantirait les rêves d’autonomie des Palestiniens. À la veille de l’invasion de l’Irak, le quotidien Haaretz annonçait : « Les dirigeants militaires et politiques israéliens aspirent à la guerre. » Netanyahou lui-même a publié « The Case for Toppling Saddam » dans le Wall Street Journal (Plaidoyer pour le renversement de Saddam), reprenant les fausses affirmations sur l’existence d’un arsenal nucléaire irakien.

Alors que la guerre contre le terrorisme prenait de l’ampleur, les officiers américains et israéliens ont partagé des tactiques de contre-insurrection, tout en se côtoyant dans le désert du Néguev. « Des délégations militaires américaines de haut rang sont venues […] pour apprendre de l’expérience israélienne en matière de chasse aux terroristes dans la bande de Gaza », rapportent des experts en matière de défense. L’aide étrangère et les besoins en matière de services de sécurité ont également favorisé une sorte de start up du colonialisme, les vétérans israéliens ont en effet créé des entreprises telles que NSO Group et Smart Shooter, qui développent les plus récents logiciels espions et systèmes de visée des armes à feu – profitant de l’occupation pour mettre au point de nouvelles technologies de contrôle social.

L’ambassade des États-Unis a discrètement reconnu que le fait que le pays soit sur un pied de guerre a favorisé sa croissance économique. « Les programmes en matière de formation militaire d’Israël témoignent parfaitement du niveau d’investissement du gouvernement » se félicite l’ambassadeur James Cunningham. Les élèves ingénieurs de l’armée israélienne ont mis au point de « meilleurs systèmes de guidage des missiles », des « drones » et autres innovations létales. « À l’issue de leur service militaire, explique-t-il, les diplômés ont été instantanément recrutés par des entreprises technologiques » telles qu’Elbit Systems et Gilat Satellite Networks.

Les responsables américains ont présenté Israël comme un paradis pour les start-up, tout en excluant les victimes palestiniennes de son économie militarisée. En 2007, les diplomates américains ont exclu les dirigeants du Hamas des pourparlers de paix d’Annapolis, bien qu’ils aient reconnu sa « victoire aux élections locales de Gaza ». Après avoir passé au crible les délégués palestiniens, la secrétaire d’État Condoleezza Rice leur a carrément dit d’oublier le nettoyage ethnique des Palestiniens (la « Nakba ») qui avait eu lieu lors de la création d’Israël en 1948. « Des choses désagréables arrivent tout le temps à des gens partout dans le monde, les a admonestés Mme Rice. Vous devez vous tourner vers l’avenir ».

Au final, la guerre contre le terrorisme a légitimé la flambée de l’aide militaire et de la coopération tout en offrant un cadre idéologique qui a discrédité la dissidence palestinienne dès le départ. Pour les décideurs politiques, le concept de « terrorisme » a permis une inversion des vérités gênantes : la résistance des faibles est devenue « violence irrationnelle » et les revendications coloniales « autodéfense ». Riche de l’aide étrangère, l’économie israélienne s’est militarisée plus encore. Le « processus de paix » est devenu un outil d’agression, les États-Unis servant d’« avocat d’Israël », selon un négociateur américain.

Expérimentation de l’Armageddon

Alors que les négociations s’enlisaient, les représentants des gouvernements et des entreprises continuaient de miser sur « les avantages comparés » d’une guerre sans fin. Prétextant les attaques à la roquette du Hamas, Israël a lancé l’opération « Plomb durci » en décembre 2008, décrivant la bande de Gaza comme un « nid de terroristes ». Cette dernière est devenue un véritable laboratoire en matière d’armement, où les quartiers ont été réduits en ruines et où des colonnes de fumée épaisses envahissaient l’horizon. Les forces d’invasion y ont présenté de nouveaux équipements tels que le char Merkava IV et le fusil d’assaut Tavor TAR-21, et auraient testé l’explosif à métal dense et inerte, une arme expérimentale mise au point par l’armée de l’air américaine.

« Des maisons, des écoles, des centres médicaux et des bâtiments de l’ONU – autant de structures destinées aux civils – ont été directement touchés par l’artillerie israélienne », a souligné Amnesty International. Les soldats ont utilisé des « munitions de précision » jusque dans des chambres d’enfants. Des éléments de preuve indiquent également qu’ils ont testé « un nouveau type de missile » contre des civils, tuant des élèves qui attendaient un bus scolaire et une famille entière dans sa maison. Ils ont même bombardé des bâtiments de l’ONU avec du phosphore blanc. Des experts en droits humains ont trouvé des obus fabriqués à Pine Bluff, dans l’Arkansas, encore fumants trois semaines après le cessez-le-feu.

Et pourtant, la politique américaine a continué de se rallier à celle d’Israël. Quelques jours après le début de l’offensive, le Pentagone a prévu d’envoyer aux forces israéliennes des explosifs à hauteur de 500 0000 kilos, dont des bombes au phosphore blanc.

L’opération « Plomb durci » a peaufiné un schéma historiquement classique, Gaza servant de banc d’essai pour les armes israéliennes et américaines, tandis que les responsables américains justifiaient les opérations en parlant de « terroristes » anonymes.

Mais bien souvent les incursions violentes d’Israël n’étaient pas provoquées. En mars 2018, les Palestiniens ont organisé la Grande Marche du retour, un mouvement pacifique réclamant des droits politiques et civils. Les officiers israéliens ont répondu par une pluie de gaz lacrymogènes et de balles – tuant 214 civils et blessant plus de 36 100 autres. Le chef d’état-major Gadi Eisenkot a admis avoir autorisé les « tirs à balles réelles », expliquant : « Les ordres sont d’utiliser une force maximale. »

Des professionnels de la santé ont affirmé que des soldats avaient testé sur des manifestants des « balles papillon », armes illégales, qui ont pulvérisé des organes et contraint les médecins à amputer des membres. Al Jazeera a également rapporté que les forces israéliennes « ont expérimenté des méthodes de contrôle des foules », en utilisant des drones pour asperger des gaz lacrymogènes et des nuages chimiques qui ont amené les manifestants à « se débattre violemment » sur le sol.

Plutôt que de geler l’aide, l’administration Trump a fêté l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem, alors qu’Israël massacrait 58 Palestiniens. Les applaudissements de satisfaction n’ont fait que renforcer le cycle de l’impunité et de la victimisation. L’année suivante, les forces israéliennes ont intentionnellement rasé le Syndicat général des Palestiniens handicapés, éliminant ainsi tout service de santé destiné aux personnes amputées.

Développer sa propre marque

À l’étranger, les offensives militaires sont restées des arguments de vente. Ironie du sort, les États arabes sont devenus les principaux clients. À la suite du printemps arabe, une relation symbiotique s’est instaurée : les États du Golfe ont importé des technologies de sécurité pour écraser la dissidence, et les entreprises israéliennes ont eu accès au plus grand marché d’exportation d’armes au monde. Verint Systems a expédié du matériel de surveillance à Bahreïn et le groupe NSO a vendu le logiciel espion Pegasus à l’Arabie saoudite, aidant ainsi les autorités à réprimer les militants des droits humains. En 2023, Elbit Systems a lancé des projets d’usines au Maroc, tandis que des drones israéliens sillonnaient le Sahara occidental et frappaient des civils sahraouis.

Le président Donald Trump a entériné ce changement en négociant les accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations entre Israël, le Bahreïn et les Émirats arabes unis en septembre 2020. En l’espace de deux ans, les États arabes ont absorbé près de 25 % des exportations militaires israéliennes.

L’Union européenne aussi a fait appel à l’expertise israélienne relative aux questions de violence, tout en important du matériel de sécurité pour réprimer l’immigration. Dès 2017, les institutions israéliennes recevaient chaque année 170 millions d’euros de fonds de recherche de l’UE. En 2021, Israël a rejoint l’initiative Horizon Europe, ce qui a poussé le ministre des affaires étrangères, Yair Lapid, à proclamer que son pays était « un acteur central du plus grand et plus important programme [de recherche et développement] au monde ». Horizon finance le développement de technologies de surveillance et de renseignement, de techniques d’interrogatoire et d’autres projets à caractère clairement militaire. Les entreprises de défense Thales, Safran et MBDA ont établi des accords de partenariat avec des sociétés israéliennes pour fabriquer des armes, en particulier des drones. Les experts militaires israéliens Yaakov Katz et Amir Bohbot soulignent : « La bande de Gaza est l’épicentre de la révolution israélienne en matière de drones. »

Fidèle à une tradition historique, Israël s’est assuré des clients en refusant de respecter les droits humains ou les embargos sur les armes. Katz et Bohbot estiment que « ne pas imposer de conditions aux ventes d’armes » est « un principe clé », qui permet à une entreprise de devenir « un acteur dominant sur les marchés ». Plus de dix ans après Plomb durci, Gaza est resté le théâtre dévasté d’un laboratoire en matière d’armement. L’occupation militaire israélienne n’a pas seulement été une catastrophe humaine, elle a aussi constitué un produit d’exportation national : une marque à promouvoir.

Cumul par extermination

Le conflit en lui-même était pourtant le reflet d’une contradiction irrémédiable : Les armes israéliennes promettaient une domination totale, mais rendaient la résistance inévitable. Dès 2018, l’ONU a averti que le siège imposé par Israël faisait de Gaza une zone « invivable ». L’ambassade des États-Unis a confié que les forces d’occupation empêchaient parfois même l’entrée de « jouets d’enfants et de « fournitures scolaires ». Pour mettre à mal le statu quo, des combattants palestiniens ont attaqué Israël en octobre dernier, franchissant des frontières ceinturées de murs anti-explosion et d’équipements de surveillance de pointe, capturant plus de 240 personnes et portant un coup dur à l’image d’invincibilité du pays.

Leur opération a déclenché une réaction violente, le Premier ministre Netanyahou exploitant alors la guerre pour faire étalage des prouesses technologiques de son pays. Quelques jours après le début des combats, un porte-parole militaire a annoncé les débuts au combat du mortier « Iron Sting », tandis que la presse locale enregistrait de « fortes hausses du cours des actions » des fabricants d’armes et vantait les mérites du nouveau char Barak qui « fait ses preuves à Gaza »

Les dirigeants israéliens affirment avant tout que leurs technologies de pointe en matière d’intelligence artificielle permettent d’effectuer des frappes précises et humainement adaptées. Mais en privé, les officiers de renseignement nient que les Forces de défense israéliennes (FDI) fassent preuve de retenue. « Au contraire, les FDI bombardaient sans hésitation les maisons des combattants », se souvient l’un d’entre eux. « Il est beaucoup plus facile de bombarder la maison d’une famille. » Un autre officier admet que « nous avons bombardé uniquement pour la ‘dissuasion’» – en abattant des gratte-ciel « juste pour détruire ».

Les enquêteurs de l’ONU en sont arrivés à la conclusion que les dirigeants israéliens ont cherché à « exterminer » les Palestiniens, « en rasant des blocs résidentiels et des quartiers entiers », tout en obligeant plus de 1,7 million de victimes à quitter leur foyer. Les autorités décrivent des soldats abattant des réfugiés arborant des drapeaux, « saccageant les maisons » et utilisant « la famine comme arme de guerre ».

Leur violence est délibérément gratuite : en juillet dernier, Israël a frappé quatre écoles en quatre jours, envoyant des réfugiés voltiger dans les airs au milieu d’un déluge d’éclats d’obus et de feu. Au milieu des bombardements incessants, Human Rights Watch a récemment publié une étude démontrant que les soldats israéliens torturent systématiquement les prisonniers palestiniens, présentant des preuves de brûlures de cigarettes et de briquets, des marques de coups violents, d’électrocutions et d’« abus sexuels » – y est même relaté le récit de membres de Tsahal utilisant un fusil M 16 pour violer un détenu.

Les auteurs soulignent qu’Israël prend pour cible le corps médical, aggravant ainsi l’effondrement du système de santé de Gaza. Walid Khalili, ambulancier, a informé les enquêteurs que ses ravisseurs avaient suspendu des Palestiniens par leurs menottes, les accrochant par dizaines au plafond comme des fruits sanguinolents. Un médecin de Tsahal fait remarquer que de telles pratiques entravent très fréquemment la circulation sanguine, obligeant ses collègues à amputer les membres des prisonniers.

En dépit de ces violations des droits humains, l’administration Biden a approuvé en août un programme de 18 milliards de dollars pour des avions de combat et les fabricants d’armes israéliens sont optimistes. « C’est l’heure de gloire de l’industrie de la défense », insiste Michal Mor, PDG de Smart Shooter.

Depuis des décennies, la spoliation des Palestiniens alimente un cycle d’accumulation, dans la mesure où Israël construit non seulement des colonies, mais aussi des armes dans les territoires occupés. En fin de compte, l’aide américaine a contribué à transformer le pays en une techno-dystopie qui exporte des instruments d’oppression à l’étranger, tout en les testant sur les réfugiés le long de ses frontières mouvantes. À un niveau très préoccupant, la guerre génocidaire en cours traduit cette logique impitoyable en même temps qu’impersonnelle : Israël et les États-Unis plongent les Palestiniens dans la faim et la désolation, entamant la phase suivante de la spirale de l’accumulation par l’extermination..

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Ciudong Ng est historien, il est spécialisé dans le militarisme américain.

Source : Truthout, Ciudong Ng, 01-09-2024
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises