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dimanche 27 juillet 2025

Les surhommes libéraux arrivent

 SOURCE: https://www.librairie-tropiques.fr/2025/07/les-surhommes-liberaux-arrivent.html

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Face à la baisse tendancielle du taux de profit idéologique
Les surhumains
sont à nouveau en marche

Adaptation révisée et complétée d'un article de Artyom Lukin ,
professeur associé de relations internationales
à l'Université fédérale d'Extrême-Orient à Vladivostok, en Russie

Pendant un demi-millénaire, l'Occident a été la civilisation dominante du monde. Ces derniers temps, cette domination s'est affaiblie, sans toutefois disparaître complètement. L'Occident – et surtout les États-Unis d'Amérique en son cœur – demeure le sujet le plus puissant de la politique et de l'économie mondiales. Son immense puissance peut à la fois être une force créatrice et une source de menaces existentielles pour le reste du monde.

Aujourd'hui, en Occident, et notamment aux États-Unis, une nouvelle idéologie se construit, qui, dans certaines circonstances, n'est pas moins dangereuse que le fascisme et le nazisme il y a un siècle. Le second mandat de Donald Trump pourrait marquer un tournant : l'Amérique sera alors sous le contrôle de personnes et d'idées controversées. 

Mais avant de faire un état des lieux, une petite "revue de presse parallèle" s'impose pour illustrer le désarroi qui règne actuellement dans l'imaginaire des sujets de la "Nation d'exception" impériale, confrontés aux conséquences troublantes de sa Stratégie du chaos :

Trump, Zelensky, Netanyahou :
MÊME COMBAT !

De la problématique résolution des contradictions
de la classe managériale étasunienne,
en temps de baisse tendancielle du taux de profit idéologique

 

L'idéologie émergente de la « nouvelle Amérique » est encore hétérogène et représentée par au moins quatre groupes clés. Le premier est Trump lui-même et ses proches, qui professent des opinions empruntées à l'époque de l'impérialisme classique des grandes puissances et du nationalisme économique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Le deuxième est composé de politiciens et de personnalités médiatiques que l'on peut qualifier de populistes de droite. Le troisième est composé de personnes de la Silicon Valley , attachées à l'hypercapitalisme libertaire et au culte de la technologie. Le quatrième est composé d'intellectuels "et de droite et de gauche" qui génèrent et propagent les idées des « Lumières obscures » sur un mode parfois écolo-millénariste, souvent mystico-théocratique ou "éveillé", toujours fascistoïde.

Si les opinions des deux premiers groupes ne sont pas nouvelles dans le paysage politique américain, les deux derniers courants sont un phénomène du XXIe siècle.

Les restaurateurs impériaux

Au centre se trouvent Trump lui-même et ses alliés, témoins de l'époque de l'impérialisme des grandes puissances. Le discours inaugural de Trump pour son second mandat ne laissait planer aucun doute : il appelait à l'expansion territoriale, à la croissance industrielle et à la renaissance de l'armée. L'Amérique, a-t-il déclaré, est « la plus grande civilisation de l'histoire de l'humanité »[1]. Il a salué le président William McKinley et Theodore Roosevelt, tous deux architectes de l'impérialisme américain. 

La vision est sans équivoque : l’exceptionnalisme américain, imposé par la puissance militaire et guidé par la logique de la conquête. C’est le langage de l’empire.

 

Les conservateurs nationalistes

Il y a ensuite les populistes catalogués ou autoproclamés "de droite" aux USA – des personnalités comme le vice-président J.D. Vance, le stratège Steve Bannon et le journaliste Tucker Carlson. Leur slogan est « L'Amérique d'abord ». Ils défendent les valeurs traditionnelles, prétendent parler au nom de la classe laborieuse (notamment celles associées aux "MAGA") et méprisent l'élite libérale ( libéral = "de gauche" aux USA) concentrée dans les villes côtières (les couches sociales associées aux "ZFE" en France) .

Ils s'opposent au mondialisme, soutiennent le protectionnisme commercial et prônent l'isolationnisme en politique étrangère. Cette faction n'est pas particulièrement nouvelle dans la politique américaine, mais son influence s'est renforcée, notamment sous le patronage de Trump.

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Les milliardaires techno-libertaires

Ce courant de la nouvelle idéologie américaine est représenté par des milliardaires du secteur technologique, principalement issus de la Silicon Valley. Le plus célèbre est bien sûr Elon Musk, qui a dirigé le Bureau de l'efficacité gouvernementale sous l'administration Trump de janvier à mai 2025. Cependant, son influence politique n'est pas toujours à la hauteur de sa notoriété. Moins connu du grand public, le capital-risqueur Marc Andreessen (créateur du premier navigateur internet grand public Netscape qui donna ensuite Mozilla et Firefox ) a peut-être initialement exercé une influence encore plus grande à la Maison Blanche qu'Elon Musk, agissant comme conseiller informel et aidant Trump à recruter des personnes pour des postes clés [2] . Jusqu'à récemment, Andreessen soutenait le Parti démocrate, mais en 2024, il a soutenu Trump, en partie parce qu'il n'était pas satisfait de la politique de l'administration Biden visant à réglementer plus strictement le secteur des cryptomonnaies et l'intelligence artificielle. Andreessen, comme Musk, prône une liberté maximale des activités commerciales et une ingérence minimale de l'État dans les entreprises privées.

En 2023, Andreessen a publié le « Manifeste TechnoOptimiste ». L'idée centrale est simple : le progrès scientifique et technologique est le bien suprême et la clé pour résoudre les problèmes de l'humanité, mais seuls les marchés libres, associés à la suppression des restrictions et barrières pesantes, assureront le développement d'une économie de haute technologie. Andreessen prône l'« accélérationnisme » – l'impulsion du développement technologique, qui devrait accélérer le progrès à des vitesses sans précédent. Cette accélération, littéralement « débridée », sera obtenue grâce à la synthèse de l'innovation technologique et de l'économie capitaliste ( techno - capital machine ), terme qu'Andreessen a emprunté au philosophe britannique Nick Land. Andreessen est particulièrement enthousiaste à propos de l'intelligence artificielle : « Nous pensons que l'intelligence artificielle est notre alchimie, notre pierre philosophale… Nous pensons que l'intelligence artificielle doit être abordée comme un outil universel de résolution de problèmes » [3] .

Mais le portrait optimiste d'Andreessen comporte des nuances sémantiques. Faisant clairement référence à Friedrich Nietzsche, dont le nom figure dans le manifeste parmi les penseurs les plus respectés d'Andreessen, le milliardaire de la technologie exalte les « supermen technologiques » à venir : « Nous ne sommes pas des victimes, nous sommes des conquérants… Nous sommes le prédateur suprême . »

Lorsqu'Andreessen, parlant des « surhommes technologiques », utilise la métaphore du prédateur, n'est-ce pas un lapsus freudien typique ? Au sommet de la chaîne alimentaire, par définition, seuls quelques prédateurs, les plus puissants, peuvent se trouver, tandis que les autres sont destinés à un rôle différent. Le manifeste d'Andreessen apporte la réponse à la question de savoir qui est censé jouer le rôle du prédateur principal : « Nous pensons que l'Amérique et ses alliés doivent être forts, et non faibles. Nous pensons que la force nationale des démocraties libérales provient de leur puissance économique (puissance financière), culturelle (soft power) et militaire (hard power). La puissance économique, culturelle et militaire découle de la puissance technologique. Une Amérique technologiquement forte est une force du bien dans un monde dangereux. Les démocraties libérales technologiquement fortes garantissent la liberté et la paix. Les démocraties libérales technologiquement faibles perdent face à leurs rivaux autoritaires… »

La longue liste des « saints patrons du techno-optimisme » d'Andriessen comprend Filippo Marinetti, fondateur du futurisme et l'un des idéologues du fascisme italien. Le dernier acte de Marinetti fut un voyage avec le corps expéditionnaire italien sur le front de l'Est, où il fut blessé à Stalingrad.

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Le philosophe-faiseur de rois

Le penseur le plus développé intellectuellement du camp techno-libertaire est Peter Thiel, cofondateur de PayPal et de la société de surveillance des données Palantir Technologies. Thiel n'est plus une figure marginale : il est désormais sans doute le deuxième idéologue le plus important de la Nouvelle Amérique, après Trump lui-même.

Thiel fut la première personnalité respectée de la Silicon Valley à soutenir ouvertement Trump et à faire un don à sa campagne présidentielle en 2016. Cependant, l'investissement politique le plus fructueux de Thiel ne fut pas Trump, mais l'actuel viceprésident (et probablement futur président) J.D. Vance, pour qui Thiel devint un mentor et un employeur (Vance fut un temps employé du fonds d'investissement de Thiel, Mithril Capital ). Thiel fit ensuite don de 15 millions de dollars à la campagne de Vance pour le Sénat américain depuis l'Ohio et présenta le jeune homme politique prometteur à Trump. Comme il sied à un homme d'affaires, Thiel diversifie ses investissements politiques. Parallèlement à Vance, il a parrainé un autre jeune homme politique prometteur (également son étudiant et ancien employé) : Blake Masters, à qui il a donné 20 millions de dollars pour les élections sénatoriales de l'Arizona (contrairement à Vance, Masters a perdu les élections).

Thiel se dit chrétien et cite souvent la Bible, bien qu'il soit ouvertement homosexuel (en 2017, il a épousé son partenaire Matt Danzeisen, banquier d'affaires, à Vienne). Ce milliardaire de la tech est connu comme philosophe et penseur, très lu et auteur prolifique de livres et d'essais. Contrairement à Musk et Andreessen, qui publient des maximes et des mèmes destinés au grand public, Thiel cible l'élite cultivée. Il cite généreusement des philosophes politiques aussi complexes que Carl Schmitt et Leo Strauss, et est un fervent partisan des idées de l'anthropologue René Girard. Thiel se positionne comme un libertarien , mais ne cache pas qu'il a depuis longtemps cessé de croire à la démocratie libérale, ainsi qu'à la démocratie en général : « Je ne pense plus que la liberté soit compatible avec la démocratie » [4] . Il est significatif que Thiel compare l'Amérique d'aujourd'hui à l'Allemagne à la veille de l'ascension d'Hitler : « Il existe des parallèles indéniables entre les ÉtatsUnis des années 2020 et l'Allemagne des années 1920 dans le sens où le libéralisme s'est épuisé. On peut soutenir que la démocratie... s'est épuisée et nous devrons nous poser une série de questions qui vont bien au-delà de la fenêtre d'Overton » [5] .

Le libertarisme de Thiel ne l'a pas empêché de fonder Palantir Technologies, qui développe des systèmes d'intelligence artificielle pour le Pentagone et les agences de renseignement. Il est également un investisseur majeur d'Anduril Industries , une entreprise de drones et d'armes autonomes appartenant au jeune milliardaire Palmer Luckey.

Thiel s'apparente au courant des déclinologues new age U.S. qui estiment qu'au cours des dernières décennies, l'Amérique a sombré dans un abîme de dégradation et de stagnation. Un bond vers de nouveaux sommets et de grands objectifs est nécessaire. À l'instar de ses collègues milliardaires de la Silicon Valley, Thiel est convaincu que la définition et la réalisation d'objectifs scientifiques et technologiques ambitieux doivent devenir la priorité absolue de la société et de l'État. Puisant son inspiration hétéroclite autant chez Oswald Spengler, que Lothrop Stoddard et que chez Butler ou Foucault, ses préférences vont vers les technologies transhumanistes associées à l'amélioration du corps humain, à la prolongation de la vie et, potentiellement, à l'immortalité. L'un de ses projets actuels est l'organisation de « Jeux améliorés » alternatifs où les contrôles antidopage seraient assouplis et où les athlètes seraient autorisés à utiliser des méthodes de « biohacking ». L'un des coorganisateurs de ces Jeux améliorés est le fils du président, Donald Trump Jr. [6].

De tous les milliardaires libertariens proches du gouvernement actuel, c'est Thiel qui a les opinions les plus tranchées en matière de politique étrangère. Sa conception géopolitique est assez simple et se résume au fait que la principale menace extérieure pour les États-Unis est la Chine.

Contrairement à son ami et ancien partenaire commercial Elon Musk, considéré comme une figure pro-chinoise, Thiel est partisan d'une politique ferme de confinement de Pékin, notamment en formant une large coalition anti-chinoise dirigée par Washington. Les États-Unis devraient opter pour un divorce économique avec la Chine et faire pression sur les autres pays pour qu'ils minimisent également leurs liens avec Pékin. Thiel estime que les super-tarifs imposés par Trump sur les produits chinois sont un pas dans la bonne direction [7] . Dès novembre 2022, il déclarait : « Je crois au libre-échange, je ne suis pas partisan des tarifs douaniers, mais je ferais une exception pour notre principal rival géopolitique et idéologique » [8] . Thiel est l'une des figures les plus sinophobes de l'élite dirigeante actuelle. Il qualifie la Chine de « gérontocratie mi-fasciste, micommuniste », accusant Pékin de « nationalisme », de « racisme » et de « xénophobie » [9] .

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Les Lumières obscures

Enfin, le quatrième groupe de représentants de la nouvelle idéologie américaine est celui des intellectuels provocateurs qui créent des récits des « Lumières obscures ». Également appelé « mouvement néo-réactionnaire » (NRx ), ce mouvement intellectuel et philosophique, qui rejette de nombreux idéaux des Lumières classiques, a pris forme à la fin des années 2000 et au début des années 2010, principalement dans l'Anglosphère.

L'un des pères des « Lumières obscures » et l'auteur du terme lui-même, mentionné en lien avec Andreessen, est le philosophe et écrivain britannique Nick Land, aujourd'hui basé à Shanghai. Au début de sa carrière universitaire dans les années 1990, Land, qui enseignait alors à l'Université de Warwick , défendait des opinions de gauche , mais a depuis fortement viré à droite [10] . Land croit en l'avènement de la singularité – le moment où l'intelligence artificielle et les autres technologies surpasseront les humains et échapperont à leur contrôle, ce qui marquera le début de l'ère « post - humaine » . Land s'inspire de l'esthétique du cyberpunk, prédisant l'avènement de systèmes techno-autoritaires hypercapitalistes, gouvernés par la technologie et les marchés plutôt que par la politique traditionnelle. De tels systèmes, selon lui, sont bien plus efficaces que le libéralisme et la démocratie classiques. Dans l'esprit du darwinisme techno-social, Land prédit l'émergence d'êtres post-humains qui, par la fusion avec les supertechnologies, domineront le nouveau monde.

Land rejette l'anthropocentrisme, affirmant que les valeurs humaines et la morale sont dénuées de pertinence face à des forces bien plus vastes et impersonnelles telles que le capital et la technologie. Dans sa philosophie, l'humanité n'est qu'une étape temporaire dans un processus évolutif plus vaste, impulsé par les machines et les systèmes économiques.Un autre père intellectuel des « Lumières obscures » est le programmeur et blogueur américain Curtis Yarvin, également connu sous le pseudonyme de Mencius Moldbug .

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NB : Pour le public français on pourrait l'associer à une créature hybride fruit de l'union entre Michel Onfray, Eric Zemmour et Yves Cochet.

Contrairement à Land, Yarvin est directement impliqué dans le processus politique. Ami de Thiel, il connaît bien plusieurs politiciens et responsables de l'entourage de Trump. Yarvin prône le remplacement de la démocratie libérale compromise par un système politique plus efficace, sous la forme d'une monarchie autocratique ou d'une société commerciale, où un organe dirigeant unique dispose de pouvoirs absolus. L'une de ses idées est la création d'un système composé de nombreuses entités souveraines contrôlées par des entreprises ( Patchwork ), au sein duquel il sera possible d'expérimenter librement les lois, les règles et les technologies.

Yarvin rejette clairement le leadership mondial américain. Il estime que les États-Unis devraient se retirer d'Europe et laisser les puissances régionales régler leurs propres différends. Il parle chaleureusement de la Chine et ses opinions sur la Seconde Guerre mondiale sont pour le moins peu orthodoxes, suggérant qu'Hitler était motivé par des calculs stratégiques plutôt que par des ambitions génocidaires.

Comme la plupart des idéologues de la « nouvelle Amérique », en politique étrangère, Yarvin prône le démantèlement de « l'ordre international libéral » né après 1945, où les États-Unis jouaient le rôle de gendarme et de garant de la sécurité mondiale. Yarvin prône même le retrait des États-Unis d'Europe, tout en stipulant que la Grande-Bretagne, pays anglosaxon, doit rester sous la protection américaine [11] . Yarvin n'aurait rien contre, par exemple, une guerre entre la Turquie et la Grèce. C'est leur affaire, et non celle de l'Amérique. Contrairement à son ami milliardaire Thiel, Yarvin parle de la Chine moderne avec calme et même avec une admiration contenue.

Yarvin, dont les ancêtres juifs ont émigré d'Odessa sous l'Empire russe, a une vision peu orthodoxe de la Seconde Guerre mondiale . Selon lui, Hitler ne cherchait pas à dominer le monde. Il souhaitait simplement la reconnaissance de sa domination sur l'Europe continentale en utilisant les Juifs européens comme otages lors des négociations avec les ÉtatsUnis et la Grande-Bretagne. Si Roosevelt avait accepté un accord avec Hitler, la guerre mondiale et l'Holocauste auraient pu être évités . [12]

Land, Yarvin et d'autres intellectuels des « Lumières obscures » peuvent, à première vue, paraître bien moins importants que les milliardaires Musk et Thiel. Mais il faut se demander : qui a joué un rôle plus important dans la création du Troisième Reich il y a cent ans ? L'un des principaux capitalistes allemands, Gustav Krupp, qui soutenait Hitler, ou le brillant philosophe politique et plus tard principal avocat du Troisième Reich, Carl Schmitt (que, soit dit en passant, Yarvin et Thiel aiment citer), qui a développé la théorie du « cas exceptionnel », grâce à laquelle le Reichstag a adopté en 1933 une loi conférant à Hitler des pouvoirs illimités ?

 

Et ensuite ?

L'idéologie émergente de la « nouvelle Amérique » est hétérogène et recèle différents scénarios. Il n'est pas du tout inévitable qu'elle se matérialise en une forme pernicieuse, rappelant le Troisième Reich ou la « Sphère de coprospérité de la Grande Asie de l'Est ». Cependant, de nombreux éléments, dans les idées et les significations qui circulent aujourd'hui en Amérique et dans d'autres pays de l'Anglosphère, ne peuvent qu'inquiéter. Parmi eux, le désir de cultiver des « surhommes technologiques », des « superprédateurs », ou des « posthumains » dans un amalgame de confusion idéologique qui "parle" même à certains adeptes de la "planète arc en ciel" ou aux plus malthusiens des écologistes sectateurs de Gaïa, etc ,  voire des "rationalistes" suggérant ici et là des propositions de rationalisation visant à déléguer le pouvoir absolu à un « organe exécutif unique » - tels l'influenceur français jacques Attali  .

Si les idéologues de la « nouvelle Amérique » méprisent l'ordre international libéral, « fondé sur des règles », longtemps considéré comme la vache sacrée de l'hégémonie mondiale américaine , cela ne signifie pas qu'ils souhaitent voir l'Amérique comme l'un des sujets souverains d'un monde multipolaire. Des légions américaines pourraient se retirer d'Europe, du Moyen-Orient ou de Corée du Sud, mais des moyens plus sophistiqués et « technologiques » apparaîtront pour contrôler et dominer les corps et les âmes. Le concept principal qui imprègne les écrits de Curtis Yarvin est le « pouvoir » . Le livre préféré de Peter Thiel, un homme qui aspire à la vie éternelle, est « Le Seigneur des Anneaux ».

Nombre de ces idées peuvent paraître marginales. Pourtant, elles ont du pouvoir, surtout lorsque plutôt que de raisonner elles résonnent dans les couloirs de l'influence politique et technologique. Les théories juridiques de Carl Schmitt ont permis à Hitler de s'emparer du pouvoir dictatorial en 1933. Aujourd'hui, les alliés intellectuels de Trump et Thiel élaborent leurs propres récits d'« urgence », de « décadence » et de « réveil ».

Ce qui émerge aux États-Unis n'est pas un recul de l'hégémonie, mais une reformulation de celle-ci. L'ordre international libéral n'est plus considéré comme sacré, même par le pays qui l'a bâti. La nouvelle élite américaine retire peut-être ses troupes d'Europe, du Moyen-Orient et de Corée, mais ses ambitions n'ont pas diminué. Elle se tourne plutôt vers des méthodes de contrôle plus subtiles : l'IA, la cyberdomination, la guerre idéologique et la supériorité technologique. Leur objectif n’est pas un monde multipolaire, mais un monde unipolaire repensé, dirigé non pas par des diplomates et des traités, mais par des algorithmes, des monopoles et des machines.

Pour sortir la Planète de sa mondialisation malheureuse, les surhumains sont en marche...

NOTES DE BAS DE PAGE

  1. Le discours inaugural // La Maison Blanche. Président Donald J. Trump. 20.01.2025. URL : https:// www.whitehouse.gov/remarks/2025/01/the-inaugural-address/ (date de consultation : 10.07.2025).

  2. Elon Musk n’est pas le seul leader technologique àcontribuer à façonner l’administration Trump // Washington Post. 13/01/2025. URL : https://www.washingtonpost.com/ politics/2025/01/13/andreessen-tech-industry-trumpadministration-doge/ (consulté le 10/07/2025).

  3. Marc Andreessen. Le Manifeste Techno-Optimiste //Andreessen Horowitz. 23.10.2023. URL : https://a16z.com/thetechno-optimist-manifesto/ (date d'accès : 10.07.2025).

  4. Peter Thiel. L'éducation d'un libertaire // Cato Institute.13.04.2009. URL : https://www.cato-unbound.org/2009/04/13/ peter-thiel/education-libertarian/ (date de consultation : 10.07.2025).

  5. Peter Thiel sur la théologie politique (ép. 210) //Conversations avec Tyler. 17.04.2024. URL : https:// conversationswithtyler.com/episodes/peter-thiel-politicaltheology/ (date d'accès : 10.07.2025).

  6. « L’Antéchrist ressemblera à Greta Thunberg. » Les idéesfortes de l’investisseur des « Jeux olympiques du dopage » // Sport Express. 02.07.2025. URL : https://m.sport-express.ru/ olympics/reviews/chem-osnovateli-enhanced-gamesmotiviruyut-svoy-interes-k-dopingu-v-sporte-intervyu-piteratilya-v-new-york-times-2339930/ (date de consultation : 10.07.2025).

  7. Peter Thiel soutient la révolution commerciale de Trumpciblant la Chine // Zero Hedge. 13/04/2025. URL : https:// www.zerohedge.com/political/peter-thiel-backs-trumps-traderevolution-targeting-china (consulté le 10/07/2025).

  8. Peter Thiel, leader de l'Alliance rebelle // Hoover Institution. 09.11.2022. URL : https://www.hoover.org/research/peter-thielleader-rebel-alliance ( consulté le : 10.07.2025).

  9. Ibid.

  10. « La seule chose que j'imposerais, c'est la fragmentation. » Entretien avec Nick Land par Marko Bauer et Andrej Tomažin // Synthetic Zerø. 19/06/2017. URL : https:// syntheticzero.net/2017/06/19/the-only-thing-i-would-impose-isfragmentation-an-interview-with-nick-land/ (consulté le 10/07/2025).

  11. Curtis Yarvin sur la disparition de la Grande-Bretagne, laligne rouge de Poutine et les attaques contre Churchill // The Spectator. 21/02/2025. URL : https://www.spectator.co.uk/ podcast/curtis-yarvin-on-britains-demise-putins-red-linechurchill-bashing/ (consulté le 10/07/2025).

  12. En fait, vous ne devriez pas transporter les gens parcamionnette // Gray Mirror. URL : https:// graymirror.substack.com/p/actually-you-shouldnt-van-people (consulté le : 10.07.2025).

 

jeudi 24 avril 2025

Nadia Léger, le communisme chevillé au pinceau

 SOURCE: https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/nadia-leger-le-communisme-cheville-au-pinceau/

Qui connaît Nadia Léger ? Ou plutôt qui connaît son œuvre ? Car si elle est connue dans les milieux artistiques pour avoir été la femme de Fernand Léger, pas un musée français ne présente l’une de ses toiles. Celle qui était surnommée la milliardaire rouge dans les années 60 a pourtant été une personnalité très importante de la scène artistique parisienne, des années 1930 aux années 1970. Pourquoi ses tableaux ont-ils été invisibilisés de la sorte, boudés des spécialistes, critiques et conservateurs au point qu’ils ont été effacés de l’histoire de l’art ?

Parcours d’une femme prodige restée dans l’ombre

C’est Aymar du Chatenet qui lève le voile qui recouvrait sa très grande oeuvre. Oeuvre qu’il découvre par hasard en rendant visite aux descendants du couple Léger. Une centaine de tableaux se trouvent là, empilés dans une pièce, abandonnés à l’oubli. Editeur de jeunesse mais grand amateur d’art, celui-ci est surpris de faire cette découverte et s’adresse aux spécialistes. Il découvre alors le mépris du milieu pour cette femme, d’origine paysanne, et décrite comme une « communiste enragée »[1]. Elle a aussi pâti de l’ombre de son mari, comme beaucoup d’épouses de maîtres – pensons à Camille Claudel ou Frida Khalo dont les œuvres n’ont pas été initialement reconnues à leur juste valeur.

Frappé par la splendeur de ses toiles, par son talent propre et par la richesse de son itinéraire artistique, il entreprend de réparer cette injustice. Au terme de dix ans de travail, il sort fin 2019 une somme de 4,7 kg, qu’il qualifie de « pavé dans la mare » pour faire exister l’oeuvre de cette femme hors pair et la sortir de l’oubli. De novembre 2024 à mars 2025, il a également coordonné une magnifique rétrospective au Musée Maillol qui retraçait la vie et l’oeuvre de cette peintre franco-soviétique jusqu’ici condamnée aux oubliettes. L’histoire de l’art est, elle aussi, victime de l’anticommunisme…

Fille de la révolution

Nadiejda Khodossievitch naît en 1904 dans une famille paysanne pauvre de neuf enfants, dans la région de Vitebsk dans l’actuelle Biélorussie. Son père vend de la vodka et sa mère tisse. Toute jeune, elle passe ses journées à planter des patates et raconte qu’elle peignait la nuit. Naturellement douée pour le dessin et déterminée à devenir artiste, elle prend des cours à l’Ecole des Beaux arts de Beliov puis intègre à seulement 16 ans l’Atelier national des beaux-arts de Smolensk[2], formations rendues gratuites par le tout jeune État soviétique. Elle est déjà à cette époque totalement portée par les idées de la Révolution bolchévik et de la construction du socialisme, sans lesquelles elle n’aurait tout simplement jamais pu étudier la peinture !

L’exposition donnait à voir quelques unes de ses œuvres de jeunesse avec des toiles peintes à 17-18 ans. Nadia faisait déjà montre d’un véritable talent. Elle est initialement influencée par le suprématisme de Kasimir Malévitch qui enseigne à Smolensk (courant abstrait qui supprime toute référence à la réalité dans une recherche d’esthétisme pur, associant couleurs et formes géométriques). Mais elle découvre bientôt, à travers la revue « L’Esprit nouveau » de Le Corbusier, empruntée à la bibliothèque municipale, le style de Fernand Léger. Celui-ci lui semble incarner le futur de la peinture. Un courant novateur qualifié de cubiste qui n’abandonne pas la figuration au contraire de ses maîtres soviétiques. Elle décide donc de se rendre à Paris pour le rencontrer et se former auprès de lui.

Elle fait une étape en Pologne, qui durera finalement quatre ans. Elle y côtoie les milieux d’avant-garde tout en se formant à l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie et se marie avec le peintre Stanislaw Grabowski. Ensemble ils viennent s’intaller à Paris en 1925 et s’inscrivent à l’Académie moderne, fondée par Fernand Léger et Amédée Ozenfant, ainsi que Nadia l’avait décidé des années aupraravant. Mais le couple se sépare deux ans plus tard, peu après la naissance de leur fille. C’est alors que Nadia entame une relation intime et plus seulement artistique avec Fernand Léger. Elle passe bientôt d’élève à directrice adjointe de son atelier, l’un des plus en vue de la capitale, d’où sortiront des artistes de renom comme Nicolas de Staël, Hans Hartung ou Louise Bourgeois. L’exposition à Maillol donnait d’ailleurs à voir des œuvres des élèves de l’atelier, illustrant la grande liberté de style qui y régnait, mais aussi l’approche collective, avec la réalisation de toiles monumentales à plusieurs mains. Mais le nom de Nadia n’est guère mis en avant, que ce soit sur la fiche Wikipédia de l’Académie où elle n’est signalée que comme élève ou sur les clichés de Robert Doisneau, alors que c’est bien elle la professeure !

Après des années de partage amoureux et professionnel, Nadia épouse Fernand en 1952. Plus âgé qu’elle, il décède en 1955. Elle hérite alors de toute sa fortune et de son œuvre. Celle qui a dormi dans des wagons stationnés en gare les premiers temps à Smolensk et fait des ménages dans une pension de famille pendant ses dix premières années à Paris devient tout à coup milliardaire. Mais plutôt que de profiter de ce patrimoine immobilier et artistique, Nadia consacre le restant de sa vie et cette fortune à valoriser l’oeuvre de son défunt mari. Avec l’aide du peintre Georges Bauquier avec qui elle s’est remariée, elle édifie à Biot le plus grand musée dédié à un artiste encore aujourd’hui en France, et en fait don à l’État en 1967 avec les 385 œuvres de Fernand en sa possession (peintures, dessins, céramiques, bronzes et tapisseries).

Elle n’aura cessé de peindre jusqu’à sa mort. Elle s’eteint en 1982 à Callian dans le Var où sa tombe est ornée d’une superbe mosaïque tirée de l’un de ses autoprotraits. Elle sera restée fidèle toute sa vie à son intense engagement communiste et à l’Union soviétique. Ce qui explique sans doute le malaise des « communistes mutants » du PCF et consorts. Ainsi la cheffe du service culture de l’Humanité titrait « Nadia Léger, une artiste dans les tourments du XXème siècle. » Bof… Je lui sais toutefois gré d’avoir attiré mon attention sur cette lumineuse exposition. Nadia est morte « stalinienne » comme le dit son résurrecteur, raison principale de son enterrement artistique, outre le machisme persistant de nos sociétés inégalitaires.

Une œuvre indissociable de son engagement communiste et du PCF

Nadia adhère au PCF en 1933. Pour cette paysanne qui a connu la misère et évolue désormais dans les milieux intellectuels et culturels d’avant-garde, cet engagement ne tient en rien à l’air du temps. Elle va dès lors lier une partie importante de son œuvre au Parti. Elle réalise par exemple des affiches pour des appels à manifestation et dirige la production collective de fresques et grands panneaux pour des événements du front populaire et pour un rassemblement des femmes pour la paix. Son autoportrait au drapeau rouge de 1936 est un manifeste politique.

Puis les nazis soumettent la France. Fernand Léger, très menacé, parvient à s’exfiltrer aux États-Unis où il reste pendant toute l’occupation. Nadia, elle aussi recherchée mais détentrice d’un seul passeport russe, n’a d’autre choix que de rester en France avec sa fille dans la clandestinité. Et d’entrer en résistance. Sous le nom de Georgette Paineau elle produit et diffuse de nombreux tracts clandestins et sert d’agent de liaison pour les FTP-MOI, tout comme sa fille Wanda, tout juste âgée de seize ans. Quelques peintures très marquantes illustrent cette période : Autoportrait – Le serment d’une résistante (1941) (autoportrait), Wanda (1942) (glissant un message sous une porte), La mort de Tania (1942) figurant une femme pendue ou bien le portrait poignant de Fernand Léger au coq rouge, dont les traits tirés expriment la douleur de l’exil.

Autoportrait – Serment d’une résistante (1941)

A la libération, elle rejoint l’Union des patriotes soviétiques. Elle lance au profit des anciens prisonniers de guerre soviétiques une vente aux enchères de 140 tableaux qu’elle a elle-même récoltés de la part d’artistes comptant des grands noms tels que Picasso, Braque, Matisse et Fernand Léger. Nadia, elle, met véritablement son art au service du parti. Ce sont ses portraits des grandes figures communistes soviétiques et françaises qui ornent le 10e Congrès du PCF de juin 1945. Réalisés à partir de photos dont elle ne garde que les contours et restitue les contrastes par applats de couleur primaires, ces tableaux façon affiche de propagande, d’une modernité époustouflante, font de Nadia Léger une véritable précurseure du pop-art. Marx, Lénine, Staline, Maïakovski, Thorez, Duclos, Cachin, Sampaix… ; sans oublier les femmes que Nadia met beaucoup à l’honneur de manière générale dans sa peinture – Danielle Casanova, Elsa Triolet Nadejda Kroupskaia (femme de Lenine) ou encore Ekaterina Fourtseva (Ministre de la culture soviétique).

Très proche d’Aragon, beaucoup de critiques lui reprochent le même « art de parti ». Nadia a peint de nombreuses représentations de Staline, notamment une belle toile où il est à son bureau avec une petite fille, en petit père des peuples. Aymar du Chatenet précise qu’elle n’était pas payée par le KGB. C’est au contraire elle qui les a « financés », ce qui, selon ses dires, lui a permis de conserver une grande liberté artistique et culturelle. Á la mort de Fernand Léger, Nadia met la propriété dont elle hérite à Gif-sur-Yvette à la dispositions des cadres du PCF qui vont y organiser réunions et colloques. C’est même là que se tinrent, le 22 novembre 1972, les négociations entre Henry Kissinger et Le Duc Tho qui mettront fin à la guerre du Vietnam !

Nadia était aussi une infatigable travailleuse, pouvant dormir une heure par nuit à certaines périodes de sa vie paraît-il. Vie qu’elle a dédiée à son combat pour l’art populaire et la construction d’un monde meilleur. Dans les années 70, elle a envoyé en URSS quelque 2 000 œuvres classiques de maîtres de la peinture qu’elle a reproduits à l’identique pour servir à l’enseignement plastique. Un labeur titanesque ! Elle a par ailleurs fait don à la Biélorussie et à la Russie soviétique de nombre de ses œuvres dans les années 1960 et 1970. Notamment une collection de ses bijoux en or, platine et diamant, visible à Moscou, et cent immenses portraits en mosaïque de personnalités russes de la culture et de la science qui ornent encore aujourd’hui des lieux publics de diverses villes de Russie. Ce sont des peintures que l’on peut voir au Musée national des beaux-arts à Minsk.

On percevait très bien cette immense générosité mais aussi cette humilité des quelques photographies de la « cosaque » présentées à l’exposition. De ses traits rieurs se dégagent une bonhomie extrêmement sympathique et une simplicité sincère. On la voit bras dessus bras dessous avec Aragon, Elsa Triolet et Danielle Casanova dont elle était une amie proche.

Une grande artiste et remarquable portraitiste

Je ne saurais m’improviser critique d’art. Beaucoup des commentaires de l’exposition soulignent la grande évolutivité de l’oeuvre de Nadia Léger qui a adopté au cours de sa longue vie de peintre une multiplicité de styles, tout en conservant chaque fois sa marque propre. Une « capacité à se réinventer » plutôt rare, paraît-il, pour les grands artistes : suprématisme, purisme, cubisme, constructivisme, biomorphisme, surréalisme, réalisme socialiste, et enfin précurseure du pop art… Une diversité qui est, à tout le moins, signe d’une très grande maîtrise technique.

L’exposition avait le grand mérite de donner à voir aussi des œuvres de Fernand Léger. Ce qui permettait d’apprécier l’influence relative que celui-ci a eue sur sa peinture durant leur collaboration. Et d’attester sans équivoque que Nadia n’a pas fait du Fernand. Si on trouve une parenté manifeste dans leurs décors  industriels par exemple, la façon de peindre les sujets, elle, n’a rien à voir. Chez Fernand, les personnages sont extrêmement froids et mécaniques, comme des pantins articulés, tandis que chez Nadia ils sont toujours restés très charnels et expressifs. Même chose dans les natures mortes. Celles du maître cubiste sont planes aux formes assez géométriques, tandis que les courbes et couleurs flamboyantes de Nadia donnent aux choses un air animé et une quasi sensation de 3D. Quelque chose de très chaleureux et sensuel qui déborde de vie.

Après-guerre, elle embrasse le réalisme socialiste ce qui a donné chez elle des œuvres lumineuses telles que Les mineurs, Les constructeurs, Les baigneuses ou Les musiciens Tadjiks (qu’Aragon avait accroché dans son bureau). En effet, portraitiste hors pair, elle sait dégager des visages beaucoup d’émotions – et en l’occurence sur cette période une magnifique joie de vivre. Les regards interpellent le spectateur et expriment avec force notre commune humanité. Les personnages semblent là devant nous, comme de chair et d’os. Ils nous parlent. L’un de ses portraits de Fernand Léger, peint en hommage après sa mort, m’a d’ailleurs fait monter les larmes aux yeux tellement son regard semblait restituer tout l’amour, la tendresse et l’admiration qu’elle avait pu avoir pour lui, et lui pour elle.

Foi en l’humanité et combat pour la paix

C’est ça qui m’a le plus marquée dans cette exposition. Depuis ses débuts ou presque sa peinture est très incarnée, sensuelle et joviale. On découvre une oeuvre puissante et lumineuse, qui ne peut émaner que d’une femme chaleureuse et humaniste. Mais de sa peinture d’après-guerre transperce la foi et la confiance en un monde nouveau, un futur heureux, harmonieux, plein d’une promesse d’égalité et d’épanouissement de l’humanité. Que j’aurais aimé vivre cette époque ! Que de lueurs que nous ne voyons plus, ni dans l’art, ni dans la rue…

Fascinée par le développement spatial, Nadia revient sur le tard à ses premiers amours suprématistes qui lui semblent incarner cet élan vers le ciel comme avenir de l’homme et de l’art. Elle réalise de nombreux portraits de Gagarine, de Lenine et d’elle-même dans cette veine, que des céramistes de renom reproduiront en mosaïques. Des planches très graphiques qui s’apparentent à des collages dans lesquels la composition prend le pas sur le fond. L’agencement des symboles a plus d’importance que ces symboles eux-mêmes. Une esthétique qui plairait à beaucoup aujourd’hui – malgré la faucille et le marteau – car les couleurs et le design peuvent les muer en 2025 en un folklore amusant aux accents pop. J’ai pour ma part préféré la période « réalisme socialiste » car elle donne une forme sensible à la part la plus belle et la plus noble de notre humanité, celle qui aspire profondément à un monde de paix, de justice et de rire.


[1] https://www.youtube.com/watch?v=do_Eg_MXHEs

[2] https://fr.gw2ru.com/histoire/204163-epouse-fernand-leger


Pauline Detuncq

 

dimanche 1 décembre 2024

Villes d'Olga Rozanova (1914)

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