SOURCE: https://savoirs.ens.fr/recherche.php?rechercheTerme=Paula+Barreiro-Lopez
Paula Barreiro Lopez, professeure au Département d’Histoire de l’Art à l'Université de Barcelone (Espagne), invitée par le labex TransferS et Béatrice Joyeux-Prunel (IHMC), à l'ENS, des mois d'avril à juin 2017.
Ce cours étudiera les rapports, négociations et « collisions » entre les mouvements d´avant-garde et le système dictatorial espagnol (dirigé par le général Francisco Franco entre 1939 et 1975) entre les années 1950 et la fin de la dictature. Plusieurs artistes et groupes d’artistes (Pablo Picasso, Joan Miró, Antonio Saura, Antoni Tapies, Equipo 57, Equipo Crónica, Juan Genovés, Grup de Treball, etc.), ainsi que les mouvements artistiques de l’époque seront abordés de cette perspective, de l´art informel, l´abstraction géométrique et des diverses variétés de réalisme de l’époque, à la figuration narrative, l´art cinétique et l´art conceptuel. On analysera également le rôle des échanges internationaux dans la création, le développement et l’activation idéologique de ces tendances. Paris, Zurich, Rome, Venise, São Paulo ont été des villes très importantes pour la construction identitaire de l´avant-garde en Espagne, via des échanges directs avec des créateurs et des critiques de ces métropoles - comme Max Bill, Gilles Aillaud, Michel Tapié, Giulio Carlo Argan, Pierre Restany, etc. Le cours permettra d´expliquer les mouvements artistiques développés en Espagne, mais aussi de problématiser le concept même d´avant-garde et son rapport avec la politique et l´idéologie des années 1950 aux années 1970.
4 mai 2017
Biennales et politiques artistiques sous le franquisme
À partir des années 1950, la dictature franquiste trouve dans les arts
un outil de politique extérieure fort utile, et pendant près de vingt
ans, elle tente de contrôler l’avant-garde afin de l’utiliser dans son
entreprise de réhabilitation de l’Espagne à l’international. Ainsi en
Espagne l’art informel est interprété comme un produit national. Malgré
ses liens directs avec le mouvement international de l’abstraction
lyrique, l’art informe est alors perçu en Espagne comme une mouvance
moderne qui se réapproprierait l’héritage de la tradition picturale
espagnole du XVIIe siècle, à travers des valeurs et des
icônes considérées comme représentatives de l’identité culturelle du
pays (la spiritualité, la solennité, le réalisme et l’expressionnisme
des maîtres de la peinture espagnole comme Velázquez, Zurbarán et Goya).
Cette conception avait des connotations autarciques claires, car elle
réinterprétait principalement les tendances modernes à l’aune du
contexte espagnol. Cette auto-référence renforçait « l’hispanicité » de
l’avant-garde informelle nouvellement créée et présentée à
l’international, la positionnant davantage comme un produit national que
comme une lingua franca partagée avec d’autres régions du monde.
La consolidation de cette interprétation fut particulièrement importante
entre 1957 et 1962, au moment de la première internationalisation de
l’Art informel. Très conscients du potentiel de l’avant-garde pour les
efforts diplomatiques du régime, les acteurs officiels (Gonzales Robles
par exemple, commissaire de la participation espagnole aux Biennales de
Venise et de São Paulo de 1957 à 1975) essayent alors de codifier et de
consolider cette interprétation sur la scène internationale avec des
expositions, des catalogues et des livres. En se promenant dans les
ateliers d’artistes afin de constituer une sélection pour le(s)
pavillon(s) espagnol(s), Robles choisit des participants qui pouvaient
correspondre à la fois aux critères internationaux et au discours
nationaliste établi depuis la fin de la Guerre civile. Dans un
entretien, l’artiste Antonio Saura se souvint que le curateur lui avait
demandé « des peintures très grandes, très dramatiques, très abstraites
et très espagnoles. » Essentiellement en raison de la politique
culturelle développée par son puissant curateur officiel, ce récit
traditionaliste et autoréférentiel devint un outil théorique de
légitimation du régime, point fort dans ses échanges diplomatiques et
dans les présentations espagnoles des Biennales, à un moment délicat
dans son processus de reconnaissance internationale.
30 mai 2017
Vidéo de la conférence:
Art, culture et idéologie sous le franquisme. Compagnons de lutte contre la dictature: critique d'art et avant-garde.
1er Juin 2017