On a souvent voulu comparer E. Macron à
 un Caligula, ou un Néron, pour son goût des outrances, du pouvoir 
personnel, et sa propension à tout brûler derrière lui, en ne laissant 
qu’un champ de ruines : « après moi, le Déluge ! » – tel est l’éternel 
cri de ralliement de toute la bourgeoisie impérialiste, noyée dans son 
narcissisme infantile.
Pourtant, ce serait bien injuste 
envers Caligula et Néron, dont le style flamboyant cachait une vraie 
vision politique (« un programme » comme on dirait aujourd’hui, dont un 
E. Macron avait dit un jour qu’il s’en « foutait »), et surtout, une 
orientation sociale favorable à la plèbe, contre l’aristocratisme du 
Sénat : les populares contre les optimates, 
orientation populaire qu’on aurait bien du mal à retrouver chez E. 
Macron, qui a fait de la haine du travailleur et du « populo » la 
profession de foi de sa République conservatrice. Il faut ici rendre 
hommage, entre autres, à un Lucien Jerphagnon,
 pour avoir magnifiquement vulgarisé et synthétisé la recherche 
historique sur l’Empire romain, et démontré que les calomnies dont on a 
accablé maints « mauvais empereurs » (comme un Caligula et un Néron) 
cachaient en réalité chez les historiens antiques une farouche haine de 
classe envers ceux qui avaient osé s’attaquer aux intérêts des classes 
dirigeantes. Pourtant, même un Suétone doit concéder à la fin de sa vie de Néron
 cet aveu touchant : « Il ne manqua pas de gens pour orner longtemps 
après sa tombe de fleurs en printemps, et en été…. ». On doute que notre
 président-incendiaire, dernier avatar d’un libéralisme-libertaire en 
phase terminale, puisse prétendre à une telle postérité.
Mais dès lors que la métaphore romaine
 reste néanmoins parlante pour évoquer notre situation présente et notre
 « forcené de l’Élysée », on aurait plutôt tendance à tourner le regard 
vers un autre histrion qui régna sur Rome, moins connu, mais plus 
incendiaire : le jeune enfant syrien Héliogabale, empereur de Rome de 
218 à 222, mort assassiné (dans des toilettes publiques dit-on !) à 
l’âge de 19 ans.
Grand prêtre venu d’Orient dans des 
circonstances  rocambolesques, avec la mégalomanie et l’arrogance de son
 jeune âge, Héliogabale passa toutes les mesures, bafoua au pied toutes 
les traditions romaines et les institutions, s’adonnant à des orgies 
sacrées dont l’outrance aurait fait passer les règnes de Caligula et 
Néron pour d’aimables happening. Un camée de l’époque, conservé
 à la BNF, le représente dans une procession publique, nu sur un char, 
tiré par deux femmes dénudées à l’avant : il faut le voir pour le 
croire, et l’antique vertu romaine du se retourner dans sa tombe !
Inutile de dire que ses frasques 
n’inquiétèrent pas outre mesure les intérêts économiques des classes 
dirigeantes, lui que l’empereur Julien surnommera 150 ans plus tard, de 
façon lapidaire, « le playboy d’Emèse ». On vit se hisser au sommet de 
l’État des canailles en tout genre : un ancien acteur comique prit la 
direction de la garde prétorienne, un de ses mignons crapuleux fût 
presque nommé César, et la haute administration se peupla d’un coup 
d’eunuques, de travestis, de coiffeurs, de cochers de cirque – bref, le lumpenprolétariat
 et le monde de la nuit avait pris le pouvoir, sans dommage pour les 
grands propriétaires fonciers. On croirait voir le portrait craché de la
 macronie, avec son carnaval bariolé de Benalla, de Attal, de Séjourné, 
de Castaner, de Darmanin, de Sibeth Ndiaye, de Bruno « renflement brun »
 Le Maire, et autre Schiappa en tout genre ! On sait qu’une classe est 
perdue quand pour se maintenir au pouvoir elle ne trouve plus que des 
individus à la moralité nulle, au mépris assumé de la rationalité, et 
qui outrepassent toutes bonnes mœurs élémentaires.
Après la mort burlesque d’Héliogabale,
 un règne terne et sans intérêt se passa, celui de Sévère Alexandre, un 
cousin placé là par sa grand-mère arriviste. Mais à sa mort débuta l’une
 des périodes les plus sombres de l’Histoire de Rome : celle de 
« l’anarchie militaire », et du coup d’État permanent – en 49 ans, de 
235 à 284, Rome vit défiler 23 empereurs, soit une moyenne de un tous 
les deux ans. Treize périrent assassinés, 7 au combat, 2 suicidés, et un
 seul mourra dans son lit, de la peste. Un beau palmarès ! Seul un 
Dioclétien saura, après ce désastre, relever le pouvoir romain pour un 
temps.
Notre Héliogabale est mort le 9 juin 
2024, terrassé par sa propre vanité de ne pouvoir régner sans crâner de 
façon effrontée sur la scène internationale. Notre période d’anarchie 
politique vient de s’ouvrir, et elle ne se terminera que lorsque nous 
aurons trouvé notre Dioclétien.
1) Comment en sommes-nous arrivés là ?
Pour comprendre l’étendue du désastre,
 et ce qu’elle prépare, il faut remonter à la source, et analyser les 
raisons de cette Bérézina.
On pourrait bien sûr remonter loin en 
arrière, pour comprendre ce qui forme le cadre structurel de la crise 
actuelle. Il y a bien entendu en premier lieu une mutation politique, la
 formation dans l’après-guerre du « carcan européen », c’est-à-dire, 
après la montée en puissance d’un impérialisme américain devenu seul 
impérialisme valable, l’imposition par celui-ci d’un cadre 
supra-national, destiné à brider toute volonté populaire, toute 
souveraineté nationale, et toute politique économique alternative au 
capitalisme.
 Ce carcan évoluera jusqu’à former le traité de Maastrisch, l’UE, et 
l’interdiction pure et simple du socialisme comme politique, sous peine 
d’être rejeté hors du cadre européen, et de voir ses reins brisés par 
les institutions supranationales. En second lieu, il y a une mutation 
anthropologique, le « libéralisme-libertaire », théorisé dans les années
 70 par Michel Clouscard : tout sérieux dans l’existence doit être 
refoulé, la seule consommation devient l’horizon anthropologique unique 
de l’individu, et la production devient un péché dont il faut se 
débarrasser.
 C’est la naissance du sujet post-moderne : schizophrénoïde, ludique, 
libidinal, et marginal. Et la base économique de tout ceci doit bien 
entendu être les nouvelles couches moyennes diplômées, urbaines et 
tertiarisées, qui seront la base sociale du nouveau régime 
post-soixante-huitard. Enfin, en troisième lieu, il y a la mutation 
idéologique, la « destruction de la raison » théorisée par G. Lukács 
dans l’après-guerre :
 pour se maintenir au pouvoir, la bourgeoisie doit, depuis le début du 
XIXe siècle, de plus en plus renoncer à la raison, et se faire 
irrationaliste militante. Lukács avait analysé en son temps la montée du
 nazisme, et la complaisance de la bourgeoisie impérialiste à son égard,
 comme étant une manifestation particulièrement violente de cette 
destruction de la raison ; mais il est évident que celle-ci a depuis été
 reprise avec fanatisme par la nouvelle bourgeoisie impérialiste 
mondialisée, groupée derrière le seul impérialisme atlantiste, et dont 
le libéralisme-libertaire est l’expression achevée depuis les années 70.
Ce triple cadre est capital pour 
comprendre le décor de la crise actuelle, et montrer sa profondeur 
historique. Macron a été l’entéléchie, le produit le plus achevé, de 
l’intersection de cette triple mutation : il est la manifestation la 
plus visible qu’ait trouvé la bourgeoisie française pour exprimer la 
puissance éhontée du carcan européen, du libéralisme-libertaire, et de 
la destruction de la raison – afin d’écraser toute résistance du 
prolétariat français, et de marquer la soumission sans limite de la 
France à l’impérialisme atlantiste. A partir de ces trois éléments, 
l’évolution de la vie politique française depuis 50 ans devient plus 
claire, et explique à la fois la constitution d’un bloc euro-atlantiste 
parfaitement agressif, la destruction de la gauche ancienne manière pour
 un produit de synthèse indigeste (la gauche sociétale et européiste), 
et la reconstruction d’une extrême-droite ancienne manière sur des bases
 totalement inédites. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Bien sûr, ces trois éléments sont 
assez anciens, et ont, pour les plus récents, plus de 50 ans. Il faut 
donc remonter dans les couches temporelles les plus récentes pour en 
trouver les causes les plus immédiates, et mieux déterminer la nature de
 la crise.
Il y a bien entendu la crise 
économique de 2008, qui a brisé en Europe et en France toute croissance 
du PIB. A partir de là, la bourgeoisie française ne pouvait plus se 
contenter de voir sa richesse grossir tout en laissant le niveau de vie 
du petit peuple intact : pour maintenir ses profits, elle a du faire 
baisser le niveau de vie général, et commencer à attaquer le statut des 
couches moyennes. Ce furent les années Sarkozy, et Hollande, qui 
allèrent parfaitement dans le même sens sur ce point. Le macronisme 
signait déjà une radicalisation de ce projet, et son accélération, face à
 une crise qui dure, et un peuple français qui se rebiffe, vote moins, 
et délaisse les deux grandes forces traditionnelles qui faisaient 
l’alternance politique depuis les débuts de la Ve République, à savoir 
le PS et l’UMP, boudés par leurs électeurs après trop de reniements (il y
 en avait pourtant déjà eut beaucoup !). Le macronisme révélait donc en 
réalité une posture déjà défensive de la bourgeoisie, qui ne pouvait 
plus se payer le luxe de l’alternance, devenue à la fois inutile et trop
 risquée, et devait fusionner dans un seul grand bloc politique – même 
s’il est vrai que cette posture défensive a pris le masque d’une 
assurance arrogante de sa propre puissance. Mais à terme, le risque 
était gros : plus de pièce de rechange intégrée au cadre européiste 
facilement et immédiatement utilisable, au cas où le parti au pouvoir 
s’userait, comme c’était le cas jusqu’alors.
Et des usures et des mécontentements, 
il y en a eu. D’abord la crise des Gilets Jaunes, qui a vu l’irruption 
d’un peuple spolié et à bout sur une scène médiatique qui l’avait 
refoulé trop longtemps. L’UE et la domination bourgeoise étaient 
radicalement mises en cause, dans un mouvement populaire spontané qui 
démontrait par l’exemple ce qui arrivait quand on prive le prolétariat 
de tout outil institutionnel classique, parti ou syndicat : la violence 
de classe à l’état pur, dirigée contre les symboles du pouvoir. 
Anarchique et confus, le mouvement fut vaincu, mais par la force brute 
uniquement, il faut bien dire. Les justifications idéologiques de la 
classe au pouvoir n’avaient plus aucune importance, il s’agissait de 
briser. Première épreuve réussie pour le macronisme. Mais on avait eu 
peur, et on s’en souviendrait, et surtout, on avait fait la 
démonstration éclatante qu’il n’y avait aucune place pour la discussion 
et les compromis, et que seule la violence de classe était désormais de 
mise.
Puis il y a eu la crise du Covid. On a beaucoup glosé dessus, et votre serviteur avait analysé la chose en son temps,
 mais il faut ici simplement noter qu’elle a montré la faillite 
organisationnelle de l’État bourgeois contemporain. Tout y a été 
anarchie, gabegie, et absence d’organisation, et les États occidentaux 
ont été humiliés sur ce point par les BRICS et autres États du Sud 
global, notamment la Chine. Certains auraient dû s’en souvenir au moment
 de penser qu’une guerre contre eux serait facile et courte… Outre son 
incapacité à gérer quoi que ce soit sur le plan sanitaire, le macronisme
 n’a trouvé sur le plan économique que le « quoi qu’il en coûte » pour 
éviter l’explosion sociale durant la crise sanitaire : des montagnes 
d’argent, un « pognon de dingue » comme l’eut dit le maboul en chef, 
déversées au hasard sur un peu tout le monde pour que rien ne bouge. La 
solution était de créer de la dette, sans aucune idée de savoir comment 
rembourser cela après. Les classes exploitées payeraient, c’était sûr, 
mais comment, et surtout comment pour éviter l’explosion sociale, la 
question a été balayée. L’intendance suivra. Ce furent les belles années
 où le macronisme vota des budgets avec entre 160 et 180 milliards de 
déficit par an ! La question de cette dette sera par ailleurs centrale 
dans la décision de dissoudre l’Assemblée nationale.
A partir de cette crise, tout a été de
 mal en pis. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a 
pris tout l’OTAN par surprise, et, malgré quelques déboires, lui a 
infligé de sévères coups de butoir – les premiers à vrai dire depuis la 
fin de la Guerre Froide, échecs en Syrie mis à part. Le macronisme dans 
cette affaire n’a pu que barboter péniblement, à la traîne de l’UE, 
elle-même à la traîne des USA. Les sanctions absurdes contre la Russie 
ont achevées une économie qui se relevait à peine du Covid, lui 
interdisant tout espoir de reprise à court et moyen terme.
 Idem sur le dossier palestinien : l’opération militaire du 7 octobre a 
infligé un coup dont Israël ne se relèvera pas, quelque soit le soutien 
occidental, et la barbarie dont l’État sioniste peut faire preuve. Là 
encore, le macronisme a été piteux, soutenant sans condition Israël, 
tout en se montrant gêné par les massacres en rafale commis par Tsahal. 
Inefficient à l’extérieur, le macronisme aura réussi à ne faire 
qu’exacerber les tensions internes à la France sur ce conflit. Sur le 
plan économique, les occidentaux auront été impuissants à faire barrage à
 l’action de l’Axe de la Résistance, notamment des Houthis, pour 
garantir la libre circulation des marchandises sur les mers. La 
domination bourgeoise mondiale en a pris un coup, et la française n’a pu
 que courber le dos un peu plus.
Enfin, comme un reflet national des 
contradictions internationales, les élections législatives de 2022 n’ont
 pas donné de majorité claire à quiconque. Le bloc macroniste avait 
certes une majorité relative, mais ils ne sont pas parvenus à se fondre 
dans les LR pour gouverner ensemble : la bourgeoisie libérale-libertaire
 pleine et endurcie n’est pas arrivée à totalement absorber les autres 
types de bourgeoisies, et ce petit reste a été pour son organisme comme 
le morceau inassimilable qui l’a tué à petit feu. La bourgeoisie de 
province avait trop besoin pour garder quelques postes de notables du 
soutien de la petite-bourgeoisie traditionnelle, seule à même de lui 
fournir des électeurs pour survivre ; or cette dernière hait le 
macronisme au point de rendre impossible toute alliance pour les cadres 
de LR – question d’éthos de classe trop rétif au puritanisme macroniste.
La crise a également commencé à se 
manifester sur le terrain idéologique. Ces derniers mois ont émergé deux
 concepts intéressants pour tenter d’expliquer les bouleversements en 
cours, deux tentatives de reconstitution systématiques et globales, 
venus de milieux et d’orientations politiques différentes. Il nous faut 
les mentionner, car elles traduisent un besoin de théorie récent pour la
 conscience de l’époque, et deux jalons qui donnent de la profondeur à 
la crise que nous vivons. Ils ne révolutionneront probablement pas 
l’armature conceptuelle des lecteurs de Lukács et de Clouscard, mais ils
 confirmeront leurs intuitions, à partir de bases théoriques et 
empiriques totalement différentes.
La première tentative fut le livre, au succès discret mais réel, d’E. Todd, la Défaite de l’Occident,
 paru en janvier 2024. Un livre audacieux, y compris selon les critères 
toddiens, puisque E. Todd tentait d’y expliquer l’incapacité de 
l’occident à battre économiquement la Russie dans le cadre du conflit 
ukrainien, malgré un PIB bien supérieur, et de très loin (33 fois 
supérieur !), et l’influence des systèmes familiaux étaient marginaux 
dans l’analyse. E. Todd y pointait la désindustrialisation, et le 
démantèlement de l’État-nation, qui rendaient incapable d’affronter la 
moindre crise, et de gagner une guerre, fut-ce sur le plan strictement 
économique. Le « nihilisme », la fièvre du vide, s’était emparé de nos 
élites, et de ce que j’appellerais la « diplômocratie », de cette masse 
de gens qui pensent qu’ils valent mieux que les autres et sont 
naturellement supérieurs à eux par le simple fait qu’ils possèdent un 
diplôme, sans se demander une seconde ce qu’il y a derrière. Ces pays 
qui furent des nations sont donc mus désormais par une simple force 
d’inertie étrange : la rationalité y est désormais inconnue, les 
diplômés se dirigent vers des carrières lucratives mais improductives, 
les idéologies et les valeurs collectives sont mortes et enterrées, et 
plus aucune valeur transcendante n’encadre la vie de l’individu. C’est 
le concept central du livre : « l’état zéro anthropologique », où les 
hommes ne sont mêmes plus guidés par des valeurs inconscientes venus des
 modes de production pré-capitaliste, et où l’influence des anciens 
systèmes familiaux devient presque nulle. Pour E. Todd, le macronisme 
est l’incarnation française de cet « état zéro » de l’anthropologie. Ce 
nihilisme est sadique, belliqueux, et destructeur ; il n’est plus mu par
 la rationalité, ou la recherche de l’intérêt bien compris, mais par un 
goût du chaos. Il n’y a plus d’État-nation : il y a un « Blob » – un 
organisme unicellulaire visqueux et dénué de cerveau, qui ne survit 
qu’en se nourrissant des organismes alentour. C’est le stade suprême de 
la bourgeoisie impérialiste : la rapine et le pillage à l’état pur, sans
 soucis de la production. Le dette devient omnipotente, et la balance 
commerciale un trou béant, afin de vider la nation de toute 
souveraineté, et de donner à de richissimes possédants les clés du 
pouvoir réel. Inutile de dire ici que ce « nihilisme » et cet « état 
zéro anthropologique » ne sont que l’aboutissement parfaitement logique 
du libéralisme-libertaire né dans les années 70.
La deuxième tentative fut une note de 
synthèse, publiée en mai 2024 par Jérome Fourquet, qui développe le 
concept de « modèle stato-consummériste »
 pour décrire la France depuis les années 70 (on revient toujours au 
libéralisme-libertaire !). Il y diagnostique la crise, et la fin 
prochaine de ce modèle, dont le macronisme est l’aboutissement. Ce 
modèle est centré sur la consommation, qui, puisque la production 
devient secondaire, se fait surtout par des importations (donc un 
déficit commercial), et par du crédit public (donc du déficit public, 
qui s’accumule sans fin pour former une gigantesque dette publique). 
Cette dette publique, loin de servir à financer une éventuelle 
production nationale, est utilisée pour pouvoir soutenir 
artificiellement la consommation, et ce, malgré les crises successives 
traversées par le capitalisme mondial. Bien entendu, celui-ci a été 
défendu et développé par tous les partis au pouvoir depuis 50 ans, sans 
exception. Le doigt est mis sur la contradiction majeure de la 
construction européenne : mettre les producteurs internationaux en 
compétition féroce d’une part, et d’autre part infliger aux producteurs 
communautaires des normes sévères et strictes. La conjonction de ces 
deux exigences contradictoires n’ont pu qu’aboutir au désossage de notre
 appareil productif national – c’est le fameux processus de 
désindustrialisation. Ajoutons à cela que le déficit commercial, pour 
maintenir un certain niveau d’importation de consommation, oblige à 
s’ouvrir aux investissements extérieurs – autrement dit, de faire du 
pays la cible des exportations de capitaux étrangers. C’est exactement 
la définition que Lénine donne de l’impérialisme, dont la France est 
désormais la victime, pour l’instant à bas bruit. On voit donc que ce 
modèle est parvenu à créer une sorte de bulle protectrice totalement 
artificielle, et très fragile, autour de la France, afin que le 
déclassement national réel ne soit pas vécu trop durement par la 
population (surtout les couches moyennes improductives, il faut bien le 
dire). Le réveil face aux vrais rapports de force internationaux risque 
d’être douloureux.
Par ces deux analyses non 
explicitement marxistes, on voit néanmoins un certain nombre de facteurs
 objectifs immédiats à l’intensification de la crise, qui montre que la 
classe des intellectuels, pour l’instant seulement à la marge, commence à
 ressentir le besoin d’une explication systématique et synoptique à la 
crise que nous traversons.
Voilà donc, synthétisée à l’extrême, 
la genèse de la situation politique actuelle en France. On voit que les 
contradictions sont à la fois lourdes, profondes, et courent sur le long
 terme. Elles ne sont donc pas résorbables en un court laps de temps, et
 leur convergence en un seul point, la crise politique actuelle, risque 
de provoquer des dégâts aux conséquences incalculables.
2) Pourquoi dissoudre ?
Passons aux causes les plus 
immédiates, puisqu’elles ont également leur importance dans cette 
séquence : pourquoi dissoudre l’Assemblée nationale au soir d’une 
élection européenne qui place le RN très largement en tête devant la 
liste macroniste ?
Le premier élément de réponse tient 
aux résultats de la précédente législature, en juin 2022, qui n’avait 
pas donné de majorité absolue à E. Macron. A l’époque, dès les 
résultats, tous les analystes s’étaient mis d’accord sur le fait que la 
question n’était pas de savoir si E. Macron devait dissoudre l’Assemblée
 avant la fin de son mandat, mais quand. En effet, ses grandes réformes 
structurelles pour saigner un peu plus le pays, et enrichir encore plus 
sa classe sociale nécessitaient une large majorité, surtout pour aller 
vite. Les choses ont fini par traîner en longueur, et si finalement la 
dissolution a surpris tout le monde, c’est parce qu’elle est arrivée 
bien plus tard que ce que tout le monde croyait. Les alliances 
parlementaires de circonstances avec LR, les 49.3 à répétition et les 
motions de censure que personne ne voulait voter auront permis à cette 
assemblée de tenir deux ans. Mais hélas, tout allait trop lentement, et 
pas assez fort pour notre Héliogabale et ses mandataires de Bruxelles. 
Il gouvernait, mais difficilement, et la rumeur d’une dissolution 
courait depuis plusieurs mois.
 Voilà pour le décor de la décision : elle devait être prise, la seule 
question, c’est pourquoi maintenant et pas à un autre moment.
Plusieurs réponses, complémentaires plus qu’exclusives, plaidaient pour une décision de dissolution juste après les européennes.
Tout d’abord, il faut noter qu’E. 
Macron a tenté de repousser au maximum cette dissolution, en tentant de 
faire passer durant 2 ans ses réformes comme si de rien n’était. La 
question n’est donc pas de savoir pourquoi elle n’est pas arrivée avant,
 mais pourquoi elle n’arrive pas plus tard.
Le première élément, c’est l’impact 
des résultats des européennes sur la vie parlementaire française. 
L’Assemblée, déjà difficilement gouvernable, menaçait de devenir plus 
agressive, avec la sur-performance du RN, et le bon score de LFI.
 Le bloc macroniste, déjà piteux, menaçait de se déliter lentement dans 
une longue guerre d’usure après les résultats exécrables de V. Hayer.
Le deuxième élément est l’impact de 
ces mêmes résultats à l’international. Aux yeux des partenaires 
européens d’E. Macron, ils sont une humiliation claire et nette de 
celui-ci, et un affaiblissement de fait de sa parole. Or, on sait que le
 personnage a un besoin pathologique de se faire remarquer par des 
initiatives aussi dangereuses que stupides, sur une scène internationale
 qui ne le prend absolument pas au sérieux, et le méprise complètement, y
 compris parmi ses « alliés ». La blessure narcissique était donc 
béante : empêché à l’intérieur, entravé à l’international, les trois 
prochaines années s’annonçaient comme un calvaire pour notre chérubin 
impulsif, incapable de se plier à la moindre discipline pour réfréner 
ses pulsions de management toxique. De ce point de vue là, il a donc 
préféré couper court au supplice de Tantale qui s’annonçait, pour se 
jeter dans les Charybde et Scylla de la dissolution. Trader un jour, 
trader toujours.
La troisième raison est en revanche 
beaucoup plus profonde, et porte sur la possibilité même de gouverner 
l’État français. On sait que la dette française atteint des niveaux 
dangereusement inquiétants, et plusieurs analystes
 ont observé ces derniers mois que les obligations françaises étaient 
exposées à un risque élevé de dévaluation massive et rapide. Une France 
paralysée politiquement, avec une économie en berne et une dette 
colossale pourrait perdre toute confiance d’éventuels prêteurs dans un 
futur très proche. En clair, le risque augmente que la France ne puisse 
plus emprunter sur les marchés financiers les mois prochains, ou à des 
taux d’usuriers, et se retrouve donc en cessation de payement pur et 
simple. Or, tout le modèle économico-politique de ces 50 dernières 
années, tous partis confondus, est basé sur une capacité de l’État à 
emprunter massivement pour soutenir la consommation. Si ce levier-là 
tombe, c’est tout le système, tant politique qu’économique actuel qui 
s’effondre purement et simplement. Pour conjurer cette éventualité 
catastrophe, il faudrait pouvoir réduire les dépenses publiques, mais 
également avoir la force politique d’affronter la tempête sociale sans 
précédent que cela ne manquerait pas d’entraîner. Or, le macronisme 
risquait de se retrouver d’ici quelques mois dans une impasse : soit la 
faillite de l’État par une incapacité à emprunter sur les marchés 
financiers, soit la nécessité politique d’imposer des mesures 
d’austérité extrêmement impopulaires, en ayant aucun moyen politique de 
le faire. On voit donc que l’équation est impossible. Cette situation 
aurait pu arriver dès septembre 2024, lors du vote du budget, qui 
s’annonçait presque perdu d’avance, avec les trois autres groupes 
parlementaires qui auraient pu alors voter une motion de censure (la 
bonne, cette fois !). Pour éviter cela, E. Macron a donc pris les 
devants, et fait le choix de dissoudre avant d’arriver à cette situation
 catastrophe, qu’il a lui-même créée et amplifiée, afin de ne pas en 
porter le chapeau. Il est très clair que le but de cette dissolution est
 de perdre les élections, pour confier les responsabilités au RN dans 
une situation économique désastreuse, pour ne pas apparaître comme en 
étant responsable, et (qui sait ?) revenir plus tard. Pour arriver à 
cela, tenir des élections trois semaines à peine après un scrutin 
remporté haut-la-main par le RN était la meilleure façon d’y parvenir. 
Après avoir mis le feu à la maison, le locataire donne les clés à celui 
qui doit suivre, lorsqu’il n’y a plus rien à diriger.
Enfin, quatrième raison, la moins 
forte, les petits calculs politiciens. E. Macron et son entourage ont 
peut-être pensé que la division de la gauche lors des européennes 
entraînerait de fait une division lors de législatives qui suivraient, 
ce qui aurait pu permettre à son parti de gagner quelques 
circonscriptions. Et éventuellement, de rallier des éléments du PS et de
 LR proches de la macronie. C’est possible, mais ce n’aurait pas été 
assez pour remporter la majorité absolue. D’autant que sur ce point, ce 
calcul a été démenti assez vite, comme nous l’analyserons.
3) L’échec du macronisme
Puisque la vie politique française 
s’est désormais scindée en trois blocs distincts, on peut les analyser 
un par un, et même dessiner à coup sûr la logique du devenir de chacun 
de ces blocs. Les forces sociales en présence sont claires, et ont 
atteint un niveau de stabilisation quantitative provisoire telle que 
seule l’ampleur des résultats pourra varier, mais pas les ordres de 
grandeur approximatifs.
Commençons par le point le plus net : 
l’auto-dissolution immédiate du macronisme par cette décision. Son 
ampleur, et donc les restes qu’il laissera, seront encore à déterminer, 
mais l’essentiel est là : le grand bloc central bourgeois tel qu’il est 
né en 2017 est mort le 9 juin 2024. Pour une raison simple : son seul 
argument, répété de façon pavlovienne, « moi ou le chaos », a été 
dynamité. Le macronisme a mené la France au chaos, et il a paupérisé sa 
base sociale, qui était les couches moyennes urbaines. Il a passé 7 ans à
 détruire sa propre base sociale, et le 9 juin, il a atteint le point où
 son œuvre l’a tué. Comme expliqué précédemment, avec le mécanisme de la
 dette, la gestion macroniste de la France nous a amené au chaos qu’il 
prétendait éviter, et la chose est désormais parfaitement visible.
 « L’orthodoxie budgétaire » a été une gabegie sans précédent, et sa 
réalisation a été le contraire de sa prétention ; la seule sanction 
logique à cet état de fait, c’est la mort politique, par désertion des 
électeurs.
Ce qui amène au deuxième point : 
l’argument massue du « camp de la raison » a toujours été le fait qu’il 
incarnait « la majorité silencieuse », autrement dit, qu’il avait avec 
lui la force du nombre. Sauf que le nombre commence à lui manquer, et 
une fois le processus enclenché, il devient non seulement irréversible, 
mais s’accélère rapidement : ceux qui étaient là uniquement parce qu’il y
 avait du monde s’en vont, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il ne reste 
plus personne. La spirale baissière du macronisme semble donc 
enclenchée, et on voit mal ce qui pourrait l’arrêter.
Troisièmement, après sept ans de 
macronisme, l’arithmétique démographique poursuit son œuvre lente, mais 
implacable. Il y a chaque année près de 630 000 décès par an, 
essentiellement des personnes âgées. Or, celles-ci votent à près de 40 %
 pour E. Macron, avec un taux de participation de près de 80 % aux 
présidentielles.
 En appliquant la part de 90 % dans les plus de 65 ans parmi les décès, 
on aboutit donc en 7 ans, a une disparition biologique de près de 1,27 
million d’électeurs macronistes.
D’autant que les pertes ne sont pas 
compensées entièrement par les arrivées. Il y a chaque année près de 800
 000 jeunes qui deviennent majeurs, et à peu près autant qui rentrent 
sur le marché du travail, autour de 25 ans. Or, pour ne prendre que la 
tranche des 25-35 ans, s’ils sont près de 60 % à voter, ils sont 30 % à 
voter pour Marine Le Pen, 27 % à le faire pour Jean-Luc Mélenchon, et 
seulement 19 % à le faire pour E. Macron. Soit donc 144 000 nouveaux 
électeurs par an pour le RN (un million en 7 ans), 129 600 pour JLM (900
 000 en 7 ans), et seulement 91 200 pour Macron (638 000 en 7 ans). On 
voit bien que même lente, l’évolution démographique a condamné le 
macronisme à un long déclin, et est parvenue à un point de rupture.
Enfin, et c’est l’élément décisif, le mode de scrutin législatif de la Ve
 République va achever le macronisme. Celui-ci, le scrutin uninominal 
majoritaire à deux tours, a en effet été conçu pour éliminer les 
« petits » partis marginaux, et à l’inverse, favoriser les « grands » 
partis traditionnels, type UMP et PS durant des années. Sa logique 
permettait d’amplifier de façon démesurée la moindre avance sur ses 
concurrents. Pour donner un exemple caricatural, en 2017, si LREM avait 
récolté 32 % des suffrages, ils avaient cependant obtenu 60 % des 
sièges.
On voit donc comment la baisse, certes
 relative pour l’instant, des résultats du parti macroniste laissent 
présager une catastrophe sans nom : la logique qui avait servi à écarter
 les « petits » partis « extrémistes » au profit des « grands » partis 
« modérés » risque de se retourner contre eux ! Pour donner un ordre 
d’idée de la possibilité du désastre, d’après une étude du Figaro,
 Renaissance pourrait ne même pas être au second tour des législatives 
dans… 536 circonscriptions sur 577, si le vote des européennes se 
prolongent à l’identique !
 Il est bien sûr plus que probable que le parti macroniste haussera son 
score par rapport aux européennes, ce qui fera un désastre un peu moins 
total, mais le fait sera toujours là : le macronisme peut plus ou moins 
disparaître législativement dès cette élection. Les premiers sondages 
semblent confirmer cette direction : en fonction de l’institut, le RN 
aurait entre 31 et 35 % des voix, l’union de la gauche aurait entre 25 
et 28 %, et le parti macroniste entre 17 et 19 %. Cela peut évoluer bien
 sûr, mais la courte campagne interdit tout vrai bouleversement des 
rapports de force. Le mode de scrutin va bien sûr amplifier à l’extrême 
cet écart, et écarter de façon démesuré Renaissance.
D’autant qu’il ne s’est jamais s’agit 
d’un parti local, avec beaucoup de militants, de cadres, et d’élus 
locaux. Le reflux à l’Assemblée nationale sera irréversible, et si le 
macronisme peut vivoter encore quelque temps, il ne jouera plus de rôle 
majeur, avant de mourir de sa belle mort. Les cadres macronistes l’ont compris, et voguent déjà vers d’autres horizons.
4) L’illusion de « l’union de la gauche »
Le deuxième grand bloc, qui, après 
deux ans d’invectives permanentes, s’est subitement reconstitué en un 
temps record, c’est bien sûr l’énième édition de la sempiternelle série 
de « l’union de la gauche », pour une NUPES 2.0, renommée pour 
l’occasion « Nouveau Front Populaire ».
Il y aurait beaucoup à dire sur 
l’escroquerie de ce nouveau nom, qui pousse la falsification historique 
encore plus loin. Nous avions analysé en 2020 le mouvement historique du
 Front populaire du 1936, et nous y renvoyons pour constater l’écart 
avec cette réédition 2024 indigeste, que l’on ne pourra qu’écrire avec 
des guillemets.
 Nous y avions également critiqué sévèrement toutes les précédentes 
tentatives « d’union de la gauche », comme étant des accords 
parfaitement électoralistes, et qui revenaient à s’aligner sur le 
programme le plus social-traître qui soit, et nous reprenons 
l’intégralité de ces critiques.
Il faut cependant analyser la 
spécificité de cette union illusoire, et montrer pourquoi elle ne pourra
 rien donner, pourquoi elle est impuissante à gagner quoique ce soit, et
 pourquoi même si elle gagnait, elle serait incapable d’appliquer son 
propre programme, fort mauvais au demeurant.
Pour cela, il faut analyser le passage
 de la « NUPES » de 2022 au « Nouveau Front Populaire » de 2024. La 
« NUPES » de 2022 était un coup de bluff électoraliste de Jean-Luc 
Mélenchon, après sa belle performance à la présidentielle, qui en avait 
surpris plus d’un. Gonflé par le vote utile, la nullité des candidats du
 PS, du PCF et de EELV, il avait réussi à concentrer sur sa personne 
l’intégralité du vote de gauche, qui aujourd’hui regroupe surtout des 
couches moyennes urbaines diplômées et tertiarisées, les banlieues 
immigrées (pour la faible proportion qui vote), et quelque maigres 
restes du mouvement ouvrier du XXe siècle, dernière roue du carrosse de 
cette alliage fourre-tout. Grâce à ce joli coup de force, Mélenchon 
était ensuite parvenu à imposer à ses concurrents à gauche un accord 
dont il était en mesure de dicter les termes, sur le programme 
notamment, et le nombre de circonscriptions. Le regroupement massif 
autour de sa candidature était d’ailleurs intéressant, car il signifiait
 que son électorat, désormais complètement concentré dans les grandes 
métropoles, était suffisamment déclassé, et essoré politiquement par le 
macronisme, qu’il était prêt à faire taire son narcissisme des petites 
différences entre sociaux-démocrates, afin de se grouper autour d’un 
bloc. La candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2022 a été le chant du 
cygne des nouvelles couches moyennes libéral-libertaires « de gauche », 
et le signe de son crépuscule proche. On l’a vu avec le macronisme : 
c’est quand un groupe social se rassemble sous une seule et même 
bannière qu’il est le plus proche de mourir, car alors les 
contradictions qui le faisaient vivre se sont éteintes. D’autant que ce 
rassemblement s’est fait dans l’intensification du délire idéologique 
que portent ces couches moyennes, et qui signe son isolement idéologique
 et social : écologisme, féminisme, antiracisme identitaire, 
sociétalisme à outrance… La candidature de Mélenchon en 2022 aura réussi
 le tour de force de faire pire en la matière que celle de 2017, déjà 
bien pourvue pourtant. Le tout bien sûr avec moins d’opposition encore à
 l’UE, si c’était possible, et un programme aussi social-démocrate 
qu’inapplicable avec la méthode proposée.
La NUPES avait continué sur cette 
lancée, en ressuscitant au passage des partis laminés qui auraient pu 
disparaître, le PS et le PCF. En leur garantissant leurs députés, 
Mélenchon leur a sauvé la mise, en étant bien mal payé en retour, tout 
ça pour revenir une dernière fois dans le coup médiatiquement, et 
grappiller quelques députés pour LFI. Bref, ce fut une alliance purement
 opportuniste et électoraliste qui s’est faite sur des bases totalement 
confuses, et qui a relancé le pire de ce qui existait à gauche en 
matière de social-traîtrise, leur offrant un bain de jouvence dont le 
PS, et le PCF dans une moindre mesure, avaient cruellement besoin.
Bien entendu, une fois sauvés du néant
 électoral qu’ils méritaient pourtant, les « alliés » de LFI ont 
entrepris de se sauver de ses griffes, de façon parfaitement malhonnête 
il faut le dire – mais qu’attendre de plus des coquins qui peuplent le 
PS, le PCF et EELV ? Ils sont tellement réactionnaires qu’ils sont 
parvenus à critiquer Mélenchon par la droite, pour sa position sur l’UE,
 sur l’Ukraine, sur Gaza – position ô combien timide pourtant, mais que 
ses « amis » de gauche se sont plu à durcir de façon absurde, jusqu’à le
 faire passer pour un frexiteur, un bolchévique, un pro-Kremlin (si 
seulement !), ou un pro-Iran. Dernier délire en date : LFI serait 
« antisémite », pour sa position sur le conflit israélo-palestinien, 
position pourtant identique à celle de l’ONU sur tous les points. Mais 
bon : au royaume des clones où tout le monde a le même programme et les 
mêmes idées, il faut bien hystériser le débat afin de faire passer la 
moindre nuance dans l’européisme atlantiste pour une hérésie 
intolérable.
Parti dans ces conditions, le 
« Nouveau Front Populaire » allait donc parvenir à faire pire 
politiquement que la NUPES, ce qui est là encore une performance à 
saluer. D’autant qu’après les résultats du 9 juin, c’était ce qu’il faut
 bien appeler « l’agent de la CIA », à savoir Raphaël Glucksman, qui 
allait dicter ses conditions pour une union. Ce bandit venu de la droite libérale et sarkozyste, agent des intérêts de l’OTAN en Géorgie sous Saakachvili,
 et stipendié de son beau père Ghassan Salamé (agent dans le monde arabe
 des intérêts atlantistes, artisan de la destruction constitutionnelle 
de l’Irak post-husseinienne, relai de l’Open Society de Soros dans le monde arabe)
 s’est trouvé en mesure d’imposer à toute la gauche ses conditions 
léoniennes, et une capitulation sans condition devant l’UE et la 
politique internationale atlantiste.
C’est donc une union parfaitement 
décrédibilisée d’avance que nous vend la gauche, car il est évident aux 
yeux des masses que cette alliance a uniquement pour but de les aider à 
conserver leurs misérables sièges, et que la farce de « la peur du 
fascisme à nos portes » n’est pas leur principale préoccupation. Et ce 
ne sont pas les pleurs d’un Corbière ou d’un Rufin devant « le danger 
fasciste » le soir des élections qui changeront les choses. Le programme
 se contente de mesures parfaitement social-démocrates, défensives, 
souvent confuses, notamment sur le sociétal, et est parfaitement 
réactionnaire sur le plan international.
 Celui-ci soutient donc « indéfectiblement l’Ukraine », et l’envoi 
d’armes à celle-ci, s’alignant ainsi sur la politique macroniste, et au 
mépris de tout risque pour la France d’escalade militaire avec la 
Russie. Sur Gaza, il reprend le narratif mensonger d’Israël sur le 7 
octobre, et s’enferme dans le ghetto mental d’occidental narcissique. Et
 sur l’UE, le programme lui déclare sa soumission, et son soutien à la 
construction européenne.
Autant dire que dans ces conditions, 
le programme est inapplicable dans ses mesures sociales. Au mieux, nous 
aurons une réédition des mésaventures d’A. Tsipras en Grèce, qui se fit 
briser les reins par la commission européenne en 2015. Vu le montant de 
notre dette, le programme du « Nouveau Front Populaire » ne pourra se 
financer avec elle, et sans sortir de l’UE, aucune alternative 
d’application n’est même envisageable. Encore une fois, une gauche sans 
courage s’est pliée aux exigences d’une gauche crapuleuse, pour le plus 
grand bonheur des crédules qui y croient, bien naïvement encore. L’union
 de la gauche, c’est bien l’opium du peuple de gauche. Et il serait 
temps d’arrêter d’être addict à cette drogue malsaine.
Le fond du problème, c’est qu’une 
nouvelle gauche est apparue dans les années 70, et a complètement 
bouleversé la base sociale et l’idéologie de l’ancienne gauche. Les 
nouvelles couches moyennes diplômées et urbaines ont remplacé le 
prolétariat comme classe sociale de base, et le libéralisme-libertaire, 
cet anti-autoritarisme individualiste et relativiste, a remplacé le 
marxisme. Nous vivons l’aboutissement de ce processus. On ne peut donc 
que souhaiter la mort de cette gauche, dans les circonstances les plus 
atroces et indignes possibles, afin qu’autre chose vienne la remplacer. 
Cette gauche ne vit que de confusions : confusions entre le social et le
 sociétal (l’économie, la géopolitique et le national mis au même 
niveau, et souvent au dessous, de l’écologie, du féminisme, de 
l’antiracisme, et de bien d’autres), confusions entre européisme et 
souverainisme (des critiques de l’UE qui s’allient sans voir le problème
 avec ses thuriféraires), confusion entre internationalisme et 
atlantisme (des critiques de l’Ukraine et d’Israël avec ses défenseurs 
acharnés). Faut-il être grand clerc pour voir que cela ne pourra mener à
 rien ?
5) La question du « fascisme » :
Enfin, et non des moindres, le dernier
 point aveugle de toute cette gauche, unie pour un « Nouveau Front 
Populaire » : son aveuglement complet sur la véritable nature du 
fascisme, et son réflexe pavlovien « d’antifascisme » ânonné de façon 
hystérique sans aucune réflexion élémentaire. Entendons-nous bien : la 
fascisme est l’ennemi mortel de la classe ouvrière. Seulement, pour bien
 le combattre, et être un anti-fasciste conséquent et efficace, il faut 
d’abord avoir bien identifié le fascisme dans notre séquence historique.
 Sinon, on risque de complètement se tromper, en plaquant sur notre 
époque des catégories qui n’y sont pas effectives. A ce titre, on ne 
peut être que consterné d’entendre un célèbre historien du nazisme, aux 
travaux universitaires au demeurant intéressants, déclarer que l’on peut
 « plaquer 1936 sur 2024 », car « les structures sociales, et les 
intérêts des acteurs sociaux n’ont pas beaucoup changé » (sic!).
 Il faut être bien assis pour lire ou entendre cela : la lutte des 
classes est la même en sa structure qu’en 1936 ! Visiblement, la 
destruction de la raison n’a pas frappé qu’à droite ces dernières 
décennies… Où sont les usines et les grands appareils productifs 
industriels de 1936 en 2024 ? Où est le grand parti ouvrier qu’était le 
PCF des années 30 ? Où est l’URSS ? Où sont les croix de feu, les 
vétérans d’une Grande Guerre, les relais d’un NSDAP en France (très 
nombreux à l’époque !) aujourd’hui ? Où est aujourd’hui la 
petite-bourgeoisie traditionnelle, l’une des bases sociales du fascisme 
français des années 30, et que les années post-plan Marshall a balayée ?
 Où est aujourd’hui la concurrence des impérialismes de tailles 
équivalentes ? Nul part, tout cela a disparu. A l’inverse, où est le 
libéralisme-libertaire dans les années 30 ? Les nouvelles couches 
moyennes urbaines, diplômées et improductives ? Un secteur tertiaire et 
financier hypertrophié ? Un pôle unique atlantiste pour l’impérialisme 
mondial ? La construction européenne et la destruction des souverainetés
 nationales ? L’immigration a-t-elle le même niveau et la même fonction 
en 2024 qu’en 1936 ? Le simple fait de poser la question montre 
l’absurdité d’une comparaison qui serait un plaquage pur et simple des 
situations. Pour comprendre le fascisme actuel, il faut faire une 
analyse concrète de celui-ci. Sans analyse concrète, on court le risque 
de tomber dans le verbiage vide et pavlovien. Certes, aujourd’hui comme 
en 1936, il y a toujours une lutte des classes, un prolétariat et une 
bourgeoise. Mais si on en reste là, ce sont des concepts abstraits, et 
parfaitement vides. Pour leur donner du contenu, et faire une vraie 
analyse marxiste, il faut faire ce que personne n’ose faire à gauche : 
ouvrir la boite de Pandore de l’économie. Les marxistes devraient plus 
souvent méditer cette sage maxime d’Engels : « Il y a action et réaction
 de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par
 se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de 
hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime 
entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons 
la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de
 la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus 
facile que la résolution d’une simple équation du premier degré. »
 Plus d’un marxiste et d’un universitaire semblent confondre l’analyse 
par la lutte des classes avec une équation du premier degré.
Comprenons bien : tout l’enjeu est de 
savoir si le fascisme actuel est bien incarné par le RN, car si c’est le
 cas, alors toute les unions, mêmes les plus scandaleuses et les plus 
contre-natures, seraient permises pour lutter contre l’affreux fascisme.
 Or, tel est le drame actuel, et il faudra bien qu’un marxiste l’écrive 
un jour : le RN n’est pas un parti fasciste, en tout cas pas au sens 
classique du terme, et si on trouve indéniablement des traces en lui 
d’éléments fascistes, il n’est pas le parti le plus fasciste de la vie 
politique française, loin de là.
On sait que cette thèse, parfaitement 
évidente de façon intuitive pour les masses à l’heure actuelle, serait 
extrêmement choquante pour beaucoup à gauche, et mérite donc d’être 
exposée méticuleusement. La démonstration est ici importante, parce que 
sa validité et son acceptation vont conditionner l’avenir de la 
« gauche » actuelle, surtout si, comme tout l’indique, le RN parvient au
 pouvoir à court terme (dans quelles conditions exactes et quelles 
alliances, c’est une autre affaire). Que les amis de la vérité qui 
souhaitent comprendre pourquoi leur camp politique est dans un ghetto 
social écoutent, et que les autres méditent la maxime du Machiavel de 
Stendhal : « et serait-ce ma faute si la chose est ainsi ? ».
Tout d’abord, écartons le principal 
élément qui gêne l’analyse : la question de la genèse historique du RN. 
Certes, la genèse d’un parti en politique est extrêmement importante, 
mais elle ne détermine pas tout. Il existe une différence pour un 
marxiste entre la genèse historique d’une chose (l’ensemble des éléments
 traçables sur une frise chronologique qui lui ont donné naissance) et 
sa logique interne, son essence, ce qu’il est réellement (pour une 
entité politique, les intérêts de classe qu’elle défend).
 Or ce qui fait la caractérisation politique, ce n’est pas la genèse 
historique, mais sa composition de classe, en interne, et son rapport 
avec les autres classes sociales.
Il est indéniable que le Front 
National ait été fondé par des anciens vichystes, des pétainistes, des 
anciens de l’OAS, et qu’il ait gardé très longtemps sa caractérisation 
fasciste de ses origines. Il est indéniable par exemple que les statuts 
du FN aient été déposés en 1972 par Pierre Bousquet, ancien Waffen-SS de
 la division Charlemagne, et alors trésorier du mouvement. Les 
différentes sorties de Jean-Marie Le Pen, très connues au point qu’il 
est inutile ici de les énumérer, témoignent de cette origine.
Seulement, et c’est ce que personne à 
gauche ne veut remarquer, si l’on en déduit de cette origine fasciste le
 fait que le RN actuel est fasciste, il faudrait alors appliquer cette 
logique à tous les partis politiques français (pourquoi faire une 
exception pour le RN ?). Et on aboutirait à un résultat absurde et 
ubuesque : le PS, dont l’ancêtre est la SFIO, serait un parti jaurésien 
(pauvre Jaurès !) ; les LR, lointain descendant du MRP serait un parti 
gaulliste authentique (pauvre Général !) ; le PCF serait un parti 
bolchévique et stalinien (si seulement…) ; et les différents débris du 
parti radical seraient les héritiers de Clemenceau (sans les bons mots, 
visiblement)… On pourrait continuer longtemps, et on voit qu’avec une 
telle logique, on ne parvient qu’à des absurdités sans nom.
 Tous ces partis ont changé d’essence idéologique, parce qu’ils ont 
changé de base de classe : ils ont subi, comme on le disait à l’époque 
du PCF, une « mutation », un changement d’ADN, parce qu’ils se sont 
adaptés aux évolutions de classes sociales, souvent d’ailleurs dans le 
sens de l’opportunisme, et d’un compromis avec les trois éléments que 
nous avons énumérés en début d’article : soumission au carcan européen, 
adhésion au libéralisme-libertaire, participation à la destruction de la
 raison. Pour le PCF, le PS et les RPR/UMP/LR, c’est parfaitement clair.
 On voit mal pourquoi le FN aurait été épargné par sa mutation en RN. On
 peut même dire qu’au contraire, étant initialement le parti le plus 
compatible en soi avec ces trois éléments, il a été poussé, comme par 
une force centrifuge, au loin, comme par effet de répulsion par rapport 
aux autres partis qui convergeaient tous vers eux. Tous les thèmes 
classiques du fascisme traditionnel qui étaient ceux du FN historique 
(nationalisme agressif, antisémitisme et racialisme, pétainisme assumé, 
révisionnisme, défense de la peine de mort, ou encore l’expulsion des 
français d’origine étrangère….) ont été progressivement relayés à 
l’arrière-plan après le départ de Jean-Marie Le Pen, et largement 
édulcorés, au point qu’on a souvent du mal aujourd’hui à les retrouver 
dans le programme, voire même pas du tout. Il faut à ce sujet en finir 
avec un fantasme à gauche, celle d’une essence diabolique cachée et 
invisible d’un RN fasciste, qui n’attend que de parvenir au pouvoir pour
 réapparaître telle quelle, et intacte. Tous ceux qui ont étudié le 
processus de liquidation et de mutation du PCF savent qu’en la matière, 
il faut être hégélien :
 l’apparence exprime l’essence, elle en est une part, et on ne peut pas 
faire de division métaphysique entre les deux. Lorsque le PCF a commencé
 à changer son discours dans les années 70 pour devenir plus 
social-démocrate, en abandonnant par exemple la dictature du prolétariat
 de son programme, cela a changé son essence, et sa radicalité 
révolutionnaire n’est pas revenue une fois qu’il a participé au pouvoir 
en 1981. En politique, lorsque la radicalité se perd, elle ne revient 
jamais. Car changer l’apparence de son discours demande d’acquérir des 
habitudes mentales qui changent une façon même de penser le monde. Cela 
demande des compromis, et de montrer au système mondain dominant que 
l’on est prêt aux arrangements, et donc d’avoir déjà renoncé à 
l’essentiel. Le changement de discours ne fait toujours que refléter un 
changement de positionnement de classe. Il faut donc regarder la réalité
 en face : le RN est aujourd’hui devenu un parti de droite semblable aux
 autres, et qui n’est pas plus fasciste qu’eux – en témoigne la 
tentation très forte d’une fade « union des droites » initiée avec LR.
Pour poursuivre sur la question des 
origines, et faire une comparaison internationale, le RN a subi selon 
nous une évolution assez semblable à celle du Kuomintang à Taïwan, et 
pour les mêmes raisons. A l’origine, comme le FN, le Kuomintang est un 
pur parti fasciste, né de l’opposition au Parti communiste chinois. Très
 atlantiste, et viscéralement anti-communiste, il impose une dictature 
militaire de fer à l’île de Taïwan. Seulement, l’évolution historique a 
suivi son cours : le fascisme taïwanais a laissé la place à la 
sociale-démocratie libéral-libertaire indépendantiste. Et, surprise, 
aujourd’hui, ce sont les sociaux-démocrates à Taïwan qui sont les plus 
anti-chinois, les plus anti-PCC, les plus portés à une guerre 
parfaitement fasciste contre la Chine, soutenue par l’impérialisme 
américain ; et à l’inverse, c’est le Kuomintang qui est devenu le parti 
le plus pro-PCC de l’île, le moins belliciste, et donc le moins fasciste
 objectivement. La raison de ceci en est simple : le fascisme historique
 a préparé l’avènement du libéralisme-libertaire, et une fois que 
celui-ci est parvenu à maturité, il s’est montré plus efficace et 
effectif que celui-ci pour combattre le communisme, et écraser les 
aspirations populaires. Le libéralisme-libertaire a été la réalisation 
de ce dont le fascisme n’était que le concept : en d’autres termes, il a
 été plus parfaitement fasciste que le fascisme lui-même, qui s’est 
retrouvé doublé par sa droite, et totalement dépassé par l’évolution 
historique. Il est donc devenu, par le jeu de cette dialectique, 
l’inverse de ce qu’il était : d’avant-garde de lutte contre le progrès 
humain, il est devenu l’arrière-garde de cette lutte. Il a donc dû muter
 en autre chose, qui n’a plus rien de sa virulence originelle.
C’est l’évolution qui s’est produite en France même :
 après la destruction conjointe du gaullisme et du communisme dans les 
années 70, les anciens vichystes sont revenus au pouvoir, d’abord de 
façon cachée dans l’entourage de Giscard, puis de façon ouverte en la personne de Mitterrand.
 A partir de là, l’essentiel de la vie politique s’est en réalité 
scindée chez leurs héritiers entre vichystes opportunistes (le PS, le 
RPR), qui avaient eut le bon goût de passer à l’européisme atlantiste au
 moment où le fascisme historique avait mal tourné, et les vichystes 
sincères (le FN de Jean-Marie Le Pen), qui étaient les has been au cerveau un peu lent, les loosers
 qui n’avaient pas compris que le vent avait tourné, et qu’il fallait 
désormais jouer un autre air pour être « branché » et mondainement 
acceptable. Mais ne nous y trompons pas : le fond était le même – 
pourquoi réhabiliter Mitterrand pour honnir Jean-Marie Le Pen, si ce 
n’est finalement par concession mondaine à l’idéologie dominante ?
Par ailleurs, pour clore ces questions
 de filiation idéologiques, s’il faut remonter aux origines fascistes 
des courants de pensées, il faut aller jusqu’au bout à gauche, et 
refuser tous les penseurs de gauche qui se sont inspirés pour leurs 
concepts et catégories fondamentales des deux plus grands penseurs 
fascistes qui eut été : à savoir Nietzsche, et Heidegger. Mais là, on 
voit ce qui blesse mondainement les intellectuels gauchistes, car alors 
c’est tous leurs penseurs chéris, toute la pensée d’après-guerre (les 
Sartre, les Camus), et la pensée soixante-huitarde qui tombe sous le 
coup de l’anathème : les Foucault, les Deleuze, les Derrida, les Badiou –
 tous ont bu à la source du nazi de la forêt de Todtnauberg, et de 
l’eugéniste équestre fantasque de Turin. Vous voulez dénazifier 
messieurs les jolis grands hommes de gauche ? Très bien, mais faites-le 
jusqu’au bout, et d’abord dans vos rangs et chez vos maîtres ! Gageons 
que vous ne relèverez pas le gant, et que vous préférerez concentrer vos
 attaques hystériques sur un RN aux épaules bien trop fragiles pour vos 
fantasmes.
Il faut également écarter une autre 
erreur idéologique, mais très courante à gauche : l’idée saugrenue, 
devenu axiome intangible, qu’être pour l’immigration, c’était être 
progressiste, et qu’être contre, c’était être réactionnaire. On a donc 
l’idée qu’être internationaliste, c’est vouloir accueillir tous les 
immigrés du monde chez soi, tout le temps. Personne à gauche ne veut 
pourtant faire une analyse économique élémentaire des rapports de force 
entre les nations : dans une économie mondiale capitaliste, 
l’immigration, d’un pays à un autre, sans échange équivalent 
d’émigration, c’est du vol de main-d’œuvre pur et simple. Quand 100 000 
africains arrivent chaque année en France,
 c’est 100 000 personnes que l’économie française va pouvoir exploiter, 
et dont personne en France n’aura payé l’éducation. C’est 100 000 paires
 de bras en moins que les États africains auront éduquées et nourries en
 vain, et qui ne construiront pas ces pays. Défendre le 
sans-frontièrisme, c’est défendre le vol illimité et sans fard de 
main-d’œuvre des pays pauvres par les pays riches. Si quelqu’un voit 
quoi que ce soit de progressiste ou d’internationaliste dans ce 
processus, il n’est qu’un agent idéologique de l’impérialisme. S’il 
cherche à maquiller ce gigantesque vol de main-d’œuvre à l’échelle 
mondiale, et ce déracinement humain violent qu’est presque toujours 
l’immigration, en un « enrichissement culturel », il procède au 
travestissement le plus honteux. Il y a certes de très mauvaises raisons
 de s’opposer à l’immigration, et on peut tout à fait le faire en étant 
raciste ou xénophobe. Mais dans son essence, l’immigration de masse, 
c’est un vol impérialiste.
 Considérer toute mesure limitant l’immigration comme étant du fascisme 
est donc une falsification politique, et un sophisme qui a trop souvent 
couvert les vilenies de la gauche européiste et atlantiste. Il faut donc
 cesser de s’appuyer uniquement sur la question de l’immigration pour 
accuser le RN d’être fasciste, et il faut arrêter d’avoir une vision 
humanitariste niaise, et anti-politique du phénomène : les États 
africains ne construiront leur souveraineté que lorsque leur jeunesse 
aura arrêté d’immigrer en occident, poussée par des illusions 
idéologiques. La seule question à poser, c’est comment les aider à 
construire leur souveraineté, et cela ne se fera pas par plus 
d’immigration.
Enfin, il faut toujours rappeler la 
primauté de la question de classe dans la question de l’immigration : la
 bourgeoisie immigrée n’a rien à voir avec le prolétariat immigré. Ils 
ne viennent pas pour les mêmes raisons, et ne sont pas vecteurs des 
mêmes idées dans les sociétés qu’ils intègrent. Quoi de commun entre le 
pauvre qui fuit la misère et la guerre de son pays natal, même si c’est 
en partie par illusion idéologique, et l’enfant gâté du soleil qui vient
 « jouir sans entrave » de ce dont le prolétaire d’occident n’ose même 
pas rêver ? Le premier est un damné de la terre, l’autre une canaille 
sans frontière qui, comme le disait Rousseau, se sent partout chez lui 
« tant qu’il a des hommes à acheter, et des femmes à corrompre ». Au nom
 de quoi les marxistes et les internationalistes devraient les 
défendre ? C’est ce qui entraîne d’ailleurs un rapport parfaitement 
différencié à l’archaïsme entre le prolétariat immigré et la bourgeoisie
 immigrée. Le dur labeur capitaliste tend toujours à dissoudre 
l’arriération chez le prolétariat immigré, alors que la bourgeoisie 
immigrée trouve dans l’arriération de sa position de classe la 
confirmation de sa propre arriération anthropologique.
 D’où sa parfaite bonne conscience, sa certitude d’être toujours dans 
son bon droit, d’opérer un hold-up pour son seul compte sur la question 
du racisme afin de monter mondainement, et d’où sa parfaite capacité 
faire corps avec le libéralisme-libertaire dominant, et d’en être le fer
 de lance. La bourgeoisie immigrée de notre temps est donc la couche 
sociale la plus arriérée de l’impérialisme actuel, tout comme celle de 
l’époque de l’impérialisme fasciste était la petite-bourgeoisie 
traditionnelle. On comprendra donc sans peine ce fait frappant que, 
comme le fascisme qui s’appuie sur les éléments les plus arriérés de la 
société pour prospérer, la base d’appoint de choc du 
libéralisme-libertaire, ce sont les éléments les plus arriérés de notre 
société, à savoir : la bourgeoisie immigrée, toujours prompte à donner 
un coup de main à la moindre initiative fasciste, pourvu qu’elle soit 
ludique, libidinale, et marginale.
Une fois ces pré-requis posés, ouvrons
 donc enfin la boite de Pandore de l’économie, qui fait si peur à tant 
de marxistes, et étudions donc la sociologie électorale du RN, et sa 
base de classe, et voyons s’il s’agit d’un parti à la sociologie 
fasciste. Puisque le fascisme est l’idéologie de la bourgeoisie 
impérialiste contre le prolétariat, si le RN était un parti fasciste, on
 devrait y retrouver une surreprésentation du vote bourgeois, et des 
classes sociales dépendantes idéologiquement de la bourgeoisie, et un 
vote populaire moindre. Bien sûr, les prolétaires peuvent être 
individuellement trompés, et le fascisme s’appuie classiquement toujours
 sur les éléments arriérés du prolétariat. Cependant, si un individu, ou
 même un groupe d’individus, peut se tromper sur ses intérêts de classe,
 une classe sociale toute entière ne se trompe jamais sur ses intérêts 
de classe propres. Le prolétariat ne pourra jamais voter collectivement 
pour une idéologie qui le mène à sa destruction, ou alors il faut 
arrêter d’être marxiste. Ce n’est pas ici du « populisme », ou une 
mystique du peuple mal placée : si les groupes sociaux ne comprennent 
pas quel est leur intérêt de classe, alors l’analyse historique n’a plus
 aucun sens, et tout devient dans la société l’effet d’un chaos 
aléatoire, – pourquoi pas alors imaginer une bourgeoisie qui aurait mal 
compris ses intérêts, et qui déciderait d’instaurer le communisme par le
 plus grand des hasards ? Si la chose a peu de chances d’arriver, c’est 
bien parce que la bourgeoisie, comme le prolétariat, comprennent 
parfaitement leurs intérêts de classe.
Ce préambule méthodologique était 
nécessaire pour prévenir la mauvaise foi habituelle qui s’empare des 
intellectuels de gauche dès qu’on aborde ce sujet. Comparons donc les 
résultats de 2022 et de 2024 par classe sociale, et par rapport aux 
autres candidats : en 2022, Marine Le Pen rassemblait au premier tour 
35 % des ouvriers et des employés, soit 12 % de plus que sa moyenne 
nationale, contre seulement 11 % de cadres, et 17 % de retraités.
 On a donc une surreprésentation du prolétariat dans l’électorat 
lepéniste, et une sous-représentation de la bourgeoisie. Jean-Luc 
Mélenchon fait certes 25 % chez les ouvriers, mais il n’y a pas là de 
vraie sur-performance par rapport à son électorat moyen, tandis que 
Macron sous-performe à 17 %. On a donc ici clairement un choix assez 
massif, même s’il n’est pas hégémonique, pour le RN, dans le prolétariat
 français, et à l’inverse une répugnance assez tenace dans la 
bourgeoisie française.
 Ce simple fait interdit de considérer le RN comme un parti fasciste au 
sens classique du terme : les ouvriers ne sont pas trompés comme des 
enfants bêtes ici, ils sont les moteurs de ses succès. Rien à voir avec 
la dynamique du NSDAP dans les années 30 donc. Par ailleurs, le NSDAP se
 partageait l’électorat ouvrier à l’époque avec le SPD, et le KPD : on 
peut donc dire que tout le prolétariat ne votait pas pour le NSDAP, et 
qu’il s’agissait des éléments les plus arriérés de la classe ouvrière. 
Ici, on commence à le voir dans les résultats de 2022, et cela se 
précisera dans les résultats de 2024 : personne ne fait véritablement 
concurrence au RN dans le vote ouvrier. En effet, les résultats de 2024 
des européennes sont encore plus nets :
 52 % pour la liste RN ! Toute les autres listes choisies par les 
ouvriers sont à moins de 9 % : l’écart est énorme, et le RN est ici 
totalement hégémonique sur l’électorat ouvrier. Imagine-t-on 
sérieusement les ouvriers voter à 52 % pour un parti bourgeois 
extrémiste ? Si on le pense, il vaut mieux arrêter tout de suite d’être 
marxiste, car le prolétariat sera bien trop stupide pour faire la 
révolution et diriger la société dans ces conditions ! On retrouve en 
2024 la même sur-performance chez les employés (41%) et la même 
sous-performance chez les cadres (18%), plus divisés pour cette 
élection.
Ce simple tour d’horizon doit 
permettre de déduire que la meilleure conclusion est probablement ici la
 plus simple : le RN est vu par une bonne partie du prolétariat français
 et des couches populaires comme un défenseur de leurs intérêts, tandis 
que la bourgeoisie voit en Macron son champion. Nous sommes ici en 
pleine lutte des classes, tandis que la gauche type LFI n’arrive pas à 
percer sociologiquement, et joue le rôle de spectateur inutile. On 
rétorquera à raison que le RN n’a rien dans son programme de concret 
envers les classes populaires. C’est vrai, mais c’est également le cas 
de tous les partis depuis qu’ils se sont tous rangés derrière la 
construction européenne. Plus personne ne vote en fonction des 
programmes, puisque tout le monde sait qu’ils ne seront pas appliqués 
quelque soient les résultats. On vote donc pour une image, une certaine 
esthétique renvoyée par les partis. Or, à ce compte-là, il est 
indéniable que la gauche et le macronisme renvoient une image 
insupportablement libérale-libertaire aux couches populaires, ce qui est
 moins le cas du RN, plus à l’aise dans une esthétique débonnaire et 
jovialement franchouillarde, loin du puritanisme castré et castrateur de
 la gauche, et du macronisme. Quand on a renoncé à faire de la 
politique, et qu’on ne veut plus être jugé que sur l’image, on n’a que 
ce que l’on mérite. La réalité est dure, mais salutaire : l’électorat RN
 est celui qui a objectivement le plus intérêt à une transformation 
radicale de la société actuelle, et l’électorat macroniste et celui de 
la gauche, au maintien du statut quo. Ce vote RN est donc la 
manifestation d’une résistance inconsciente du prolétariat à l’ethos 
libéral-libertaire qu’on souhaite lui imposer : résistance en grande 
partie vaine, et seulement symbolique, mais résistance tout de même. La 
gauche qui a cédé à tout sur ce terrain devrait en prendre acte.
Par ailleurs, nous avons la chance de 
pouvoir comparer la sociologie du RN avec celle de deux partis 
authentiquement fascistes : Reconquête en France, et Fratelli d’Itallia 
de Meloni en Italie. La comparaison va tout de suite permettre de mettre
 en avant la spécificité du RN. Reconquête a une base électorale trop 
petite pour être significative, mais on sait qu’en 2022, E. Zemmour a 
fait 18 % à Versailles, et 17 % dans le très chic XVIe arrondissement 
parisien : loin de ses 7 % nationaux !
 Voilà donc un parti avec une sociologie électorale nettement 
bourgeoise. On découvre d’ailleurs un RN snobé dans ces deux 
circonscriptions. Car malgré des idées en apparences proches, il est 
parfaitement évident que la division très profonde entre le RN et 
Reconquête a été une question de classe : Reconquête a tout de suite 
assumé ouvertement une politique économique libérale, là où le RN s’est 
toujours montré, sinon étatiste, du moins plus interventionniste ; 
Reconquête part de façon hystérique dans des délires sur la 
« civilisation », concept peu employé par le RN, qui parle plus 
sobrement de « souveraineté » ou de « sécurité » pour justifier un 
contrôle des frontières ; enfin, Reconquête s’est rapidement rallié un 
électorat très catholique et bourgeois, obsédé par les questions 
sociétales, là où les électeurs et les cadres du RN affichent 
ostensiblement un agnosticisme tranquille, et se désintéressant 
parfaitement des questions comme « le mariage pour tous ». Reconquête a 
donc été une tentative bourgeoise, avec des mesures vraiment fascistes, 
comme la remigration, de couper l’herbe sous le pied à un RN jugé trop 
plébéien. Il est parfaitement ahurissant qu’à gauche personne n’ait 
voulu le noter publiquement alors que la chose crevait les yeux. Là 
encore, on constate que là où il y a du fascisme, il y a de la 
bourgeoisie, et là où elle manque, il n’y a pas vraiment de fascisme.
Passons maintenant à l’Italie, terre 
éruptive et d’expérimentations politiques aussi audacieuses que sans 
lendemain. Le parti de G. Meloni, Fratelli d’Italia, est capital pour 
notre démonstration, puisqu’il s’agit d’un parti de masse, donc à la 
sociologie parfaitement significative et analysable, et qui synthétise 
parfaitement ce que peut être le fascisme européen : profondément 
européiste et soumis à la commission européenne, totalement atlantiste 
sur les questions internationales, – notamment le soutien fanatique à 
l’Ukraine, la haine de la Chine, et l’accord inconditionnel à la 
politique israélienne –, et totalement hystérique sur les questions 
d’identité (européenne, chrétienne, familiale, ect). Or, que dévoile la sociologie de ce parti authentiquement fasciste ?
 Sans surprise, il s’agit d’un électorat complètement bourgeois, dont 
les scores montent avec la classe sociale : 10 % chez les plus modestes,
 36 % chez les classes aisées, et la progression est linéaire chez les 
catégories intermédiaires. On a donc ici l’exact opposé de la sociologie
 de l’électorat du RN, et ses deux plus proches cousins en France au 
niveau de l’électorat seraient bien plutôt E. Zemmour, et E. Macron. On 
apprend aussi que la plupart de l’électorat de Meloni provient de celui 
de Berlusconi : on a donc un recyclage classique de l’électorat de 
droite chez un parti fasciste.
 Or, on ne peut ici que penser au fait qu’en France 47 % de l’électorat 
sarkozyste de 2012 s’est retrouvé chez Macron en 2022. Dernier élément 
important de la comparaison italienne : autant en France l’électorat 
ouvrier s’est retrouvé quasiment monopolisé par le RN, ne laissant aux 
autres que les miettes, autant l’électorat populaire italien est 
totalement éclaté, ce qui correspond bien avec le schéma des éléments 
arriérés d’une classe ouvrière atomisée qui se retrouve à voter pour un 
parti fasciste. Si l’on prend par exemple le vote de la classe ouvrière 
italienne, on a : 27 % pour les fascistes de Fratelli d’Italia, 20 % 
pour la Lega d’extrême-droite, 19 % pour le Parti Démocrate de 
centre-gauche, et 11 % pour le mouvement 5 étoiles attrape-tout. On a 
donc un vote assez éclaté, loin des 52 % pour le RN aux mêmes élections 
en France.
Il faut donc bien comprendre la chose 
suivante, synthétisable en un syllogisme clair : le parti de Meloni est 
un parti authentiquement fasciste ; or son arrivée au pouvoir n’a rien 
changé à la politique italienne ; donc en un sens, la politique 
dominante, pro-UE, et pro-OTAN, est, au mieux compatible avec le 
fascisme, au pire carrément fasciste. Ceux qui refusent de voir ce fait 
sont complices de la montée active du fascisme dans notre société, par 
le « centre », et les « partis de gouvernement ».
Concluons donc ce tour d’horizon de la
 base de classe du RN. Il est clair que celui-ci n’a pas la sociologie 
d’un parti fasciste. S’il devait y avoir un parti en France à la base 
sociale proche de celle du fascisme, ce serait plutôt le parti 
Reconquête, ou celui d’E. Macron. En fait, quand on regarde le programme
 et la sociologie du RN, on a plutôt l’impression d’avoir affaire à un 
parti qui serait une sorte de « jacobinisme de droite » plutôt que du 
fascisme : une sorte de nationalisme souverainiste, avec une composante 
sociale et étatiste, centré autour de valeurs de droite, mais plutôt 
universaliste.
 Bien sûr, son histoire a laissé des traces sur le RN, ce qui rend 
l’analyse de détail plus nuancée, mais on ne peut certainement pas 
analyser ces traces comme étant une preuve de fascisme.
Ce qui occulte ce fait à gauche, c’est
 la survivance oubliée, refoulée, zombie en une sens, de l’analyse 
trotskiste du fascisme, qui a induit toute une partie des progressistes à
 mal évaluer la signification de classe du fascisme. Comme le fascisme 
est un mouvement barbare, on a voulu voir en lui un mouvement arriéré, 
presque archaïque en un sens : « le fascisme, c’est l’archaïsme 
technologiquement équipé » dira par exemple le situationniste Guy 
Debord. Comme si d’ailleurs il n’y avait pas de barbarie moderne, 
« branchée », ou « chic ». Or, si la fascisme est un mouvement arriéré, 
il doit s’appuyer sur des classes arriérées historiquement, condamnées à
 disparaître par l’évolution historique. C’est le sens du jugement de 
Trotski : le fascisme est un mouvement arriéré, et donc, il s’appuie sur
 la petite-bourgeoisie traditionnelle, qui se retrouve pris de rage par 
l’effet de leur déclassement. Comme il le dit lapidairement, « le 
fascisme s’appuie sur la petite bourgeoisie » :
 la thèse de Trotski n’est pas seulement que la petite-bourgeoisie 
peut-être une force d’appoint au fascisme (ce qui est vrai), mais 
qu’elle en est la base sociale principale (ce qui est différent), et 
donc qu’il aurait principalement à cœur de défendre les intérêts de la 
petite-bourgeoisie. Dans cette vision de classe du fascisme, le RN 
aurait un certain potentiel fasciste, du fait des nombreux éléments 
petits-bourgeois qui y sont effectivement agglomérés. Seulement, si le 
fascisme est un mouvement arriéré, on a du mal à voir comment il 
pourrait être l’avant-garde de la lutte contre le prolétariat. Comment 
expliquer son efficacité destructrice s’il s’appuie sur une classe 
condamnée par l’Histoire ? Et surtout, comment pourrait-il encore 
survivre de nos jours si la classe sociale sur laquelle il s’appuierait,
 la petite-bourgeoisie, avait quasiment disparu en France ? La réponse 
la plus simple à ces questions, c’est que l’analyse du fascisme par 
Trotski n’est pas la bonne, mais c’est celle de Dimitrov qui nous en 
donne la clé. La base sociale du fascisme, ce n’est pas la classe 
arriérée qu’est la petite-bourgeoisie ; sa base sociale, c’est la classe
 d’avant-garde parmi toutes dans le capitalisme impérialiste : le 
capital financier. En 1935, il livrait cette analyse célèbre, souvent 
citée, mais assez peu comprise : « Le fascisme, c’est le pouvoir du 
capital financier lui-même. C’est l’organisation de la répression 
terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la 
paysannerie et des intellectuels. » Le fascisme, c’est la domination directe et terroriste de la bourgeoisie financière, c’est le nec plus ultra
 du développement de la société capitaliste : c’est cela qui explique 
son rôle d’avant-garde dans la lutte contre le prolétariat, c’est cela 
qui explique son efficacité et sa dangerosité, et c’est cela qui 
explique sa persistance, même après le déclin de la petite-bourgeoisie 
dans l’après-guerre. Le fascisme en son essence n’a pas disparu, il a 
changé de forme : le pouvoir terroriste du capital financier contre le 
prolétariat a simplement pris le nom de libéralisme libertaire. Le cœur 
de l’erreur d’analyse de la gauche, du à ses restes d’analyses 
trotskistes, c’est de ne pas voir que le danger fasciste prioritaire 
pour la France, c’est Macron, c’est Glucksman, c’est EELV et Zemmour, 
bien plus que le RN. C’est eux qui courent le risque d’emmener la France
 dans tous les conflits de l’UE, et de l’OTAN, c’est eux qui appuient 
sur tous les thèmes du fascisme contemporain otanisé. Tant que l’on ne 
comprend pas cela, on ne comprend rien à la question du fascisme en 
France.
Car au final, il faut bien comprendre 
la signification historique du fascisme, car son interprétation 
sociale-démocrate en a souvent fait une simple question morale : le 
fascisme, c’est l’horreur, et s’y opposer, c’est être dans le camp du 
bien, et de la morale. Ce ne fut pas faux historiquement, mais il faut 
bien comprendre pourquoi, et à défaut, on risque de répéter cette 
posture morale de façon parfaitement vide, et inadaptée aux 
circonstances.
Avec le recul que nous donnent les 80 
ans de développement de l’impérialisme atlantiste, nous sommes désormais
 mieux en mesure d’apprécier la signification exacte du rôle du fascisme
 dans les années 30 et 40. Le fascisme, notamment allemand, italien et 
japonais, fut une tentative de ces bourgeoisies nationales pour à la 
fois reprendre la main sur leur prolétariat, et pour défendre leur 
propre impérialisme national contre les impérialismes concurrents. Le 
fascisme historique naquit donc à la fin de la période du 
poly-impérialisme, où tous les impérialismes occidentaux se faisaient 
concurrence. Or, à partir de 1945, l’impérialisme change de nature, et 
devient centralisé et unique : c’est la période du mono-impérialisme 
atlantiste, où l’impérialisme américain règne sans partage, et où les 
autres impérialistes lui sont strictement subordonnés, et perdent toute 
autonomie.
 Dans ces conditions, le fascisme change de signification historique, et
 ce qui joue le même rôle social, c’est le libéralisme-libertaire. Le 
fascisme historique a donc été un phénomène de transition, et ce qui a 
survécu de lui, ce sont ses éléments libéraux-libertaires.
Il est donc évident que vu le 
changement structurel survenu dans l’impérialisme, il est impossible que
 le fascisme historique du poly-impérialisme revienne à l’identique, 
avec les mêmes thématiques et les mêmes forces sociales, à l’époque du 
mono-impérialisme. Croire le contraire revient à participer à une farce,
 celle de « l’anti-fascisme d’opérette », et à occulter les véritables 
enjeux. Le but du fascisme, c’est la défense par tous les moyens de 
l’impérialisme dominant. A notre époque, ce ne peut donc être que la 
domination du capital financier américain, des institutions 
supra-nationales comme l’UE, l’OTAN, le FMI ou la BCE. Le fascisme de 
notre époque ne sera certainement pas nationaliste, mais atlantiste et 
cosmopolite (ou « européiste », pour faire plus chic) ; il ne sera pas 
raciste, misogyne, homophobe, ou anti-écolo, mais comme tout le grand 
capital américain actuel, mondain, chic, et branché, il se dira 
anti-raciste, féministe, LBGT-friendly et écologiste. Il pourra
 à l’occasion brandir la défense hystérique de l’identité et de la 
civilisation occidentale contre les BRICS et autres, mais il préférera 
toujours le régionalisme à la nation.
On commence à comprendre un peu mieux 
le goût de la gauche pour la farce anti-fasciste, et son réflexe 
désormais pavlovien et anencéphalique à chaque élection : elle jouit de 
sa propre posture morale, sans se demander quel est son contenu concret.
 Pour des raisons parfaitement explicables matériellement, le fascisme 
s’est manifesté une fois historiquement, et la gauche communiste s’est 
alors retrouvée, de facto, dans une position d’incarner une 
forme de moralité concrète humaniste contre l’immoralisme fasciste 
décadent et nietzschéen. Et face à l’horreur fasciste, l’urgence a 
nécessité de s’allier avec toutes les bonnes volontés, furent-elles 
aussi crapuleuses que la SFIO d’alors, ou le parti radical. D’où le 
Front Populaire, version 1936. Mais la gauche, et malheureusement 
beaucoup de communistes, ont par la suite conservé cette position, parce
 qu’elle était intellectuellement confortable, et permettait de ne 
jamais se remettre sérieusement en question : la gauche était le camp du
 bien, et en face, il y avait le mal. Et dans cette équation, la gauche 
européiste, la droite libérale, et tout le libéralisme-libertaire 
étaient finalement lavés de tout pêché. Le salut, c’était de « jouir 
sans entrave », et tout ce qui avait l’air de faire mine de s’opposer à 
ce mouvement était damnation. Le plus ironique, c’est que cela bien sûr 
faisait apparaître le fascisme comme étant quelque chose de sérieux, de 
structuré, et de discipliné, ce qu’il n’était pas, bien au contraire. Il
 faut suivre pas à pas l’histoire du nazisme pour voir qu’ils furent les
 premiers promoteurs d’un « jouir sans entrave » macabre.
On atteint ainsi le sommet du ridicule
 dans la séquence actuelle, où la gauche, incapable de regarder la 
réalité en face et de prendre en compte les données élémentaires, peut 
aller dans des manifestations à l’éthos et la phénoménologie 
parfaitement libéral-libertaires et pseudo-festives, hurler comme des 
déments que « la jeunesse emmerde le Front National ! ». Outre que 
l’appel à la jeunesse comme une force nécessairement bonne est pour le 
coup parfaitement fasciste, et totalement étrangère au mouvement 
ouvrier, le slogan révèle que la gauche est prisonnière de son 
imaginaire. Elle mobilise un imaginaire momifiée, où des vieux, 
forcément réactionnaires et pas cools, voudraient empêcher des 
jeunes, forcément progressistes et « branchés », de vivre comme ils le 
souhaitent. Les vieux castrateurs contre les jeunes jouisseurs en somme,
 avec le RN dans le premier rôle, et la gauche (et Macron, bien sûr) 
dans le second rôle. Las, l’image a depuis longtemps cessé de vivre : 
c’est l’électorat macroniste qui est composé de vieux boomers 
toujours bloqués dans un mai 68 éternel, tandis que Marine Le Pen 
caracole en tête dès la tranche d’âge des 25-35 ans, et s’effondre chez 
les plus de 65 ans.
 Les manifestations actuelles ressemblent donc à des manèges abandonnés 
et sans vie, dans des endroits lugubres, où tournent désormais en rond 
des statues sans tête, mais qui produisent toujours le même son qu’au 
temps des grandes foires : « la jeunesse emmerde le Front National ! »…
Cette longue démonstration était 
nécessaire pour comprendre ce qui va suivre. Cette gauche, qui se sera 
donnée à fond pour ses places, et pour un soi-disant « combat 
anti-fasciste », va mourir. Très bientôt. Car lorsque le RN parviendra 
au pouvoir, et que tout le monde verra que nous ne basculerons pas dans 
le fascisme hitlérien, que le bruit des bottes ne reviendra pas, que les
 camps de concentration ne vont pas rouvrir, alors tout ce beau monde va
 comme s’éveiller d’un rêve. Les masques tomberont, et le roi sera nu. 
Le RN sera au pouvoir, et tout se passera à peu près comme avant : sur 
le plan économique, sur le plan social, sur le plan sécuritaire. Comme 
sous Macron. Comme sous Sarkozy. Comme sous Hollande. Peut-être un peu 
pire, peut-être un peu mieux, peut-être comme avant : les vrais 
bouleversements arriveront par les contradictions entre la base sociale 
du RN, et son programme aminci qu’il ne voudra pas appliquer. Ce qui se 
seront prêtés à ce spectacle désolant auront à jamais perdu toute 
crédibilité politique auprès des masses – si tant est qu’ils en aient un
 jour vraiment eu. Les plus fous continueront le délire sectaire bien 
sûr. Mais à l’avenir, ce sera une lubie marginale. Pour la première 
fois, ils sont allés jusqu’à convoquer le fantôme du Front Populaire, et
 c’est une faute qui ne leur sera pas pardonnée.
 On aurait dit qu’ils voulaient à tout prix donner raison à Marx : « la 
première fois comme une tragédie, la deuxième fois comme une farce…. ».
Quant à ceux qui n’appellent pas à 
voter pour le « Nouveau Front Populaire », mais qui persistent à 
qualifier le RN de « fasciste », on voit bien qu’ils ne sont pas 
sérieux, et qu’ils ne croient pas réellement eux-mêmes au fascisme du 
RN. Face au fascisme historique et à sa violence de classe, toutes les 
alliances étaient permises : faut-il rappeler que le PCF de Thorez s’est
 allié aux bouchers SFIO de la première guerre mondiale, aux frères des 
assassins de Rosa Luxemburg et de Karl Leibknecht, et aux radicaux qui 
faisaient quelques années avant tirer sur les ouvriers grévistes ? A 
côté, un Glucksmann ou un Hollande font figures d’enfants de chœur. Si 
réellement ils croyaient au danger fasciste, ils se rangeraient derrière
 eux. Leur contradiction signe leur insincérité à eux-mêmes.
6) Le RN, une impasse nécessaire
Dans ces conditions, il faut envisager
 le plus froidement possible l’éventualité la plus probable, celle d’une
 arrivée du RN au pouvoir. Pour commencer, il faut arrêter de jouer à se
 faire peur avec « l’angoisse du fascisme », et une sorte de fantasme du
 retour de l’hitlérisme, dans une société qui n’a plus rien à voir – 
comme si le fascisme était une sorte d’essence démoniaque et cachée, 
toujours prête à fondre sur nos gentilles sociétés qui n’ont rien 
demandé à personne. On trouvera une bonne illustration en la personne de
 l’inénarrable F. Lordon, qui, jamais avare d’une bouffée narcissique, 
se pense visiblement suffisamment dangereux et important pour le grand 
capital pour mériter, lui et tous les grands guignols de la gauche, une 
descente de SA chez lui.
 Si seulement le grand capital se pensait menacé pour en arriver à de 
telles extrémités ! Mais il y a fort à parier que même si c’était le 
cas, ils laisseront tranquilles les Ruffin, les Corbière et les Lordon :
 il faut avoir la stature d’un Ernst Thälmann pour mourir à Buchenwald ;
 et des Thälmann, il n’y en a pas en France en 2024. Que tout le monde 
dorme sur ses deux oreilles sur ce point.
Plus sérieusement, l’effet d’un RN au 
pouvoir dépendra d’un certain nombre de facteurs que seule l’élection 
déterminera : majorité absolue ? Relative ? Et dans ce cas-là, coalition
 avec qui ? LR ? Tous ou en partie ? Jusqu’aux députés macronistes 
rescapés ? Et quel poids aux transfuges de Reconquête ? Tout cela, seuls
 les rapports de force électoraux le trancheront, et pour l’instant, 
c’est assez flottant.
On semble néanmoins se diriger vers 
une sorte « d’union des droites », aux contours indéterminés. Pas de 
quoi renverser la table : 7 ans de macronisme démentiel, et tout ce 
cirque, pour reconstituer l’UMP ! Ça valait bien la peine…. Le RN semble
 donc achever ici son processus de normalisation, et d’affadissement 
total de ses idées entrepris depuis 10 ans. Les anciens amis ouvertement
 nostalgiques du fascisme ont été remisés à l’arrière-boutique, ou 
carrément virés. Les proposions polémiques ont été abandonnés les unes après les autres.
 Les propositions socialement offensives de l’époque de Philipot, sur la
 nationalisation des banques, la sortie de l’UE, de l’euro, de l’espace 
Schengen sont toutes de l’histoire passée. On dira que puisque de toute 
façon les programmes ne sont jamais appliqués, cela ne change pas 
grand-chose. Pas faux. En tout cas, à regarder le fonctionnement du RN, 
son programme, et son idéologie, il n’y a plus rien d’un programme de 
rupture par rapport aux partis centristes dominants, même par la droite.
 N’attendons donc point de grands bouleversements dans la répression 
avec l’arrivée au pouvoir du RN, dans un sens, comme dans l’autre. Il y 
aura probablement quelques attaques contre les travailleurs d’un côté, 
mais aussi vraisemblablement des concessions de l’autre, et donc 
attendre de cet événement un durcissement de la politique de Macron est 
une chimère. Comme si avec ce fanatique du capital qu’était Macron, la 
grande bourgeoisie avait besoin de quelqu’un de plus agressif ! On voit 
mal ce que le RN serait en mesure d’imposer de réactionnaire que Macron 
ne pourrait faire, voire même n’a déjà fait.
Le première impulsion du RN sera donc 
de se « méloniser », comme ce qu’à fait G. Meloni en Italie : le parti 
est d’extrême-droite, mais en tout, politique économique, politique 
internationale, il fait comme tous les partis de gauche et de droite au 
pouvoir auparavant. Le RN est donc une impasse en ce sens qu’il ne 
débouchera sur rien de nouveau.
Seulement, deux éléments risquent de faire exploser en vol ce plan de la bourgeoisie du business as usual, et du « tout va très bien Mme. La Marquise ».
D’abord, la sociologie électorale du 
RN, qui, comme nous l’avons vu, n’a rien à voir avec celui de Meloni en 
Italie : autant celle-ci avait un électorat parfaitement bourgeois, 
autant celui-ci a un électorat totalement plébéien. Ceci aura quelques 
conséquences sur la suite. Car en effet, si le RN va tenter dans un 
premier temps de préserver l’équilibre existant, à savoir, le carcan 
européen, et la pré-dominance des classes et couches sociales 
actuellement au pouvoir, rien ne dit qu’il pourra y arriver. Au 
contraire même : s’il s’enferre dans l’immobilisme, sa base sociale le 
lui fera payer, et chèrement. Car, ne l’oublions pas, elle l’a montré 
durant les gilets jaunes, la plèbe est dure à l’ouvrage : elle ne 
manifeste pas gentiment comme les couches moyennes lib-libs. Ses 
méthodes sont dures, car la vie lui est dure. Personne, et surtout pas 
le RN, n’a envie de l’affronter. Or, à avoir autant promis aux 
catégories populaires, et à se résigner aussi rapidement au statu quo 
social, le RN prendra le risque de l’embrassement total. Il est aussi 
possible, que, poussé par sa base populaire, il soit contraint d’essayer
 d’imposer des compromis à l’oligarchie européiste. Afin de ne serait-ce
 que survivre politiquement. Mais un Tsipras pourra leur dire : on 
obtient aucun compromis de ces gens. Toute demande de compromis dans le 
cadre de l’UE et du carcan atlantiste revient à le faire exploser. Le RN
 sera pris en étau entre sa base populaire, et la grande bourgeoisie 
européenne, médiatisée par les institutions communautaires de l’UE, et 
il y a fort à parier qu’il soit broyé par cette position plus 
qu’inconfortable. Là encore, tout dépendra de l’ampleur de sa victoire 
aux législatives : avec une majorité absolue, le processus 
s’accélérera ; dans le cas d’une majorité relative, il sera ralenti. 
Quoiqu’il en soit, l’arrivée du RN au pouvoir ne sera pas semblable à 
celle de Meloni : car s’il ne s’est rien passé quand cette dernière a 
abdiqué sur tous ses thèmes, c’est que son électorat, bourgeois, avait 
déjà voté pour être trahi. Ce ne sera pas le cas de celui du RN, beaucoup plus plébéien comme nous l’avons vu.
Le deuxième élément à prendre en 
compte, et qui viendra percuter le scénario d’une continuité bien 
tranquille, c’est la situation économique et financière de l’État que le
 RN a à diriger. La dette est colossale, et, si l’État veut continuer à 
emprunter, il y a tout à parier pour qu’il soit contraint par les 
marchés financiers d’imposer des cures d’austérité sans précédent. A 
supposer même qu’il veuille appliquer son programme, le RN ne le pourra 
pas sans renverser la table de l’économie dominante, et il est peu 
probable qu’il le fasse. Le RN va donc se trouver dans une situation 
inédite de chaos social, avec un pays ingouvernable, et un État au bord 
de la faillite. On voit mal comment les choses pourraient rester en 
l’état, et dans un doucereux statu quo. D’autant que si l’on suit les 
mouvements sur les marchés financiers, les menaces contre le RN ont déjà
 commencées :
 si le RN tente quoi que ce soit contre l’UE, le marché des obligations 
de la France sera attaqué, et nous nous retrouverions dans la même 
situation que la Grèce en 2010. On ne s’attaque pas impunément à ces 
puissances, et si on le fait, il faut en avoir les épaules, ce que n’a 
pas le RN.
Tout ceci provoquera des désillusions 
massives chez beaucoup de gens : désillusion des classes populaires qui 
auront porté le RN au pouvoir, et désillusion des couches moyennes de 
gauche, de plus en plus paupérisées, qui auront cru au « front 
anti-fasciste » qu’on leur aura vendu. L’impasse du RN est donc une 
étape nécessaire pour tout le monde, afin de perdre ses illusions, et de
 passer enfin à autre chose. En l’état actuel des choses, il n’y a pas 
d’autres chemins, à part un tour de piste de macronisme supplémentaire, 
ou un grand guignol de l’union de la gauche, mais qui ne changeront rien
 à la situation présente, et ne feraient que ralentir l’Histoire, et 
nous faire retomber, dans quelques mois, ou années, exactement au même 
point, mais en pire. Nous avons déjà assez perdu de temps. Le RN est une
 impasse, mais c’est une impasse nécessaire.
D’autant que la peur du fascisme liée à
 une arrivée du RN au pouvoir est solidaire d’une confusion 
regrettable : celle entre anomie et comportement déviant des individus 
d’un côté, et politique globale fasciste de l’autre. Il est certain que 
l’arrivée du RN au pouvoir augmenterait les actes agressifs et déviants 
de beaucoup d’individus, y compris de fonctionnaires, et de 
groupuscules, qui se sentiraient plus autorisés à « se lâcher », et 
qu’ils seraient moins sanctionnés. Seulement, on ne veut pas voir que, 
premièrement, l’augmentation de l’anomie est déjà présente sous le 
macronisme, et, deuxièmement, que l’anomie ne fait pas le fascisme à 
elle seule, même si elle peut en être un facteur. Car le RN sera 
probablement pris dans une contradiction face à ces initiatives 
individuelles. D’un côté, il les aura objectivement encouragées par sa 
rhétorique, et les passions qu’elle mobilise. De l’autre, ce sera plus 
l’appareil d’État qui contrôlera le RN que l’inverse, et celui-ci, 
toujours soucieux de préserver le statu quo politique dans un 
conservatisme inébranlable, sera certainement facteur d’inertie. On voit
 donc que l’arrivée du RN au pouvoir serait facteur d’anomie, et de ce 
que nous avons nommé en introduction, anarchie, et nous verrons en 
conclusion quels effets objectifs elle produira.
De plus, il ne faut pas négliger un 
facteur psycho-idéologique, que nous appellerions « le prisme des 
étiquettes ». Si Macron a pu aller aussi loin dans la violence de 
classe, y compris physique, c’est bien parce qu’il était perçu par les 
médias et la masse de la population comme « centriste » et « modéré », 
jeune, dynamique, et « branché ». La force du préjugé qui le frappait 
lui a servi de blanc-seing à toutes ses ignominies. Qu’importent les 
images atroces de répression des Gilets Jaunes : pour tout le monde, il 
était le « modéré raisonnable », celui qui en 2017 nous avait sauvé du 
fascisme ; comment dans ces conditions imaginer qu’il puisse lui-même 
être un fasciste tortionnaire et sanguinaire ? C’était impossible, donc 
ça n’existait pas. Autrement dit : le fait de ne pas avoir été perçu 
comme fasciste a permis à E. Macron d’exercer une violence de classe en 
toute impunité, ce qui lui aurait été assurément impossible en cas 
contraire. Le fait s’est vérifié lors des derniers mandats de 
gouvernements « de gauche » (ceux de Jospin, et de Hollande) : ils ont 
pu aller beaucoup plus loin, par exemple en matière de restriction 
budgétaire, et même souvent de thématique identitaire, que la droite 
chiraquienne et sarkozyste, car ils étaient d’avance lavés de tout 
soupçon, étant perçus comme « de gauche ».
Ainsi, tout porte à croire qu’un 
mandat RN commencerait et se déroulerait sous haute surveillance, chacun
 étant à l’affût de la moindre de trace de « fascisme », réel ou 
supposé, pour hurler au loup et jouer à se faire peur. La pression 
idéologique et médiatique serait donc plus paradoxalement grande sur un 
gouvernement RN que sous Macron. Or, on sait depuis Lénine que les 
capitalistes ne peuvent jamais gouverner en ignorant totalement 
l’opinion publique, et l’image qu’ils renvoient. L’ironie est donc 
piquante : il n’est pas du tout impossible que le fait que le RN soit 
d’extrême-droite aux yeux de tous le tempère dans son action de 
répression par rapport à celle de Macron ! La croyance dans des 
catégories vidées de toute substance de classe aura ainsi fait plus 
qu’aveugler la gauche.
Le seul domaine où l’arrivée du RN au 
pouvoir pourrait phénoménologiquement imprimer sa marque particulière 
serait la politique culturelle. Et objectivement, vu ce qu’est devenue 
celle-ci ces 40 dernières années, on se surprend à penser que cela ne 
serait pas plus mal. L’exclusion des mangas du « Pass culture » aura 
beau faire hurler les relativistes et les bourdieusiens de tout poil, 
toujours plus prompts à vouloir imposer One Piece
 que Balzac aux couches populaires, on aura du mal à voir cela comme une
 régression. Idem pour une éventuelle privatisation de l’audiovisuel 
public : qui est encore assez aveugle pour croire que celui-ci propose 
des programmes culturels de haut niveau, et une indépendance politique 
et idéologique suffisamment importantes, pour qu’un passage dans les 
mains des intérêts privés le vide de sa substance, et soit un terrible 
drame ? Vu les bêtises qu’on y produit, on se surprend à penser que 
l’initiative serait salutaire.
Et on pourrait continuer la liste 
longtemps. La gauche y verra matière à hurler au « fascisme », cela ne 
paraîtra pas bien sérieux. Et si l’État français arrêtait de 
subventionner au passage quelques spectacles de théâtre avec des 
comédiens tout nus sur scène, pourquoi pas…
7) Les deux voies vers l’anarchie
Après l’exposé de ces quelques 
éléments, on comprend alors pourquoi nous allons vers une anarchie, au 
sens étymologique du terme, d’une absence de gouvernance, et que 
celle-ci est annoncée et totalement prévisible. Et ceci est tellement 
vrai qu’il est a peine voilé que les trois forces en concurrence ne 
veulent pas gagner ces élections : ni le RN, ni les macronistes, ni la 
gauche ne veut réellement les gagner, car il s’agirait d’un cadeau 
empoisonné.
A partir de maintenant, il existe cependant deux voies distinctes qui pourraient nous mener vers l’anarchie.
Soit le RN trahira sa base sociale une
 fois au pouvoir, et appliquera les cures d’austérités européistes avec 
détermination. Le pays risque alors une explosion sociale sans 
précédente. Ce pourrait être aussi à l’occasion d’une soumission à l’UE.
 Avec la base sociale du RN que nous avons décrit, imagine-t-on 
sérieusement un J. Bardella arriver à l’Assemblée, et dire, comme l’a 
fait Meloni,
 que « la France a besoin de l’immigration », sans qu’il ne se passe 
rien ? La colère de classe serait gigantesque, et moins tranquille qu’en
 Italie. On pourrait alors voir les deux parties de l’électorat du RN 
s’affronter dans une violence sans nom : les forces de l’ordre, 
éventuellement blanchies d’avance par des lois prévues par le RN comme 
indiqué dans son programme,
 et les classes populaires blanches et rurales, qui manifesteront leur 
mécontentement, et seront alors brutalement réprimées. De cette 
affrontement, nul ne peut prédire ce qui sortirait, à part une anarchie 
généralisée.
Soit, pour une raison inconnue 
(peut-être simplement pour survivre physiquement ?), le RN devra tout de
 même satisfaire sa base sociale, et sera contraint d’enfoncer certains 
pans du carcan européen. Peut-être même tiendra-t-il dur sur certains 
points, et en cherchant à imposer un compromis, il causera malgré lui 
une fêlure dans ce carcan, et ouvrira la boite de Pandore qui renversera
 toute la table. Mais là encore, vu le caractère non-voulu par le RN de 
cette situation, il ne saura absolument pas la gérer, et ce serait un 
autre type d’anarchie qui s’instaurerait. Quoi qu’il en soit, 
l’apaisement et la stabilité sont très loin devant nous. Et tant mieux :
 les Dioclétiens attendront.
Le lecteur qui aura suivi jusqu’ici le
 raisonnement aura par ailleurs compris qu’à court terme, peut-être 
quelques mois, peut-être deux ans, toutes les forces politiques majeures
 qui composent notre paysage politique auront disparu dans la tempête 
qui s’annonce, ou en tout cas, seront reconfigurées au point d’être 
devenues méconnaissables. Le macronisme est déjà mort, la gauche ne 
survivra pas à son propre mensonge et au mur de la réalité, et le RN à 
ses contradictions que l’exercice du pouvoir révélera au grand jour. Les
 vieux loups de mer de la politique que sont Mélenchon et Le Pen l’ont 
déjà obscurément compris, et se tiennent à distance de tous ces 
événements.
 Peut-être même abandonneront-ils leurs partis avant qu’ils soient 
décrédibilisés, pour essayer de revenir plus tard, et de jouer la carte 
de l’homme ou de la femme présidentielle. En tout cas, c’est une page 
qui se tourne.
Peu importe donc la distribution 
actuelle des cartes, puisque tout sera rebattu très vite. Que les 
communistes ne se chagrinent donc pas trop d’être insignifiants à 
l’heure actuelle, car une fois les illusions balayées, il y aura du 
temps pour la clarté. Pour l’instant, il fait un peu trop sombre pour 
les yeux de nos contemporains.
 Notamment dans Histoire de la Rome antique : les armes et les mots ; et Les Divins Césars
  Cf. Annie Lacroix-Riz,Aux origines du carcan européen (1900-1960): La France sous influence allemande et amérciane, éd. Delga
 Voir Néo-fascisme et idéologie du désir et Le capitalisme de la séduction
 Dans le livre du même nom, La destruction de la raison
 http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii-introduction.html
http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii.html
http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii-crise-geopolitique-et-des-politiques-nationales.html
http://jrcf.over-blog.org/2020/04/la-chute-du-mur-de-berlin-acte-ii-que-faire.html
 La destruction de l’industrie allemande par cette décision absurde n’a 
pas été beaucoup relevée en France, et aura très certainement des 
conséquences incalculables.
 https://www.ifop.com/publication/le-modele-etato-consumeriste-la-france-dans-limpasse/
 Par exemple, dès novembre 2023 : https://actu.fr/politique/apres-la-loi-immigration-une-dissolution-de-l-assemblee-nationale-voici-ce-qu-elle-impliquerait_60446379.html
 La liste Aubry aura ainsi réussi à gagner 1 millions de voix en nombre 
absolu par rapport à 2019, sur une élection qui d’habitude ne réussit 
pas trop à LFI.
 Aussi divers que Anice Lajnef, Olivier Berruyer, Charles Gave ou encore Jérôme Fourquet. Par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=Dl4EC9qT6ZA&t=1139s
 Au point que la Commission européenne ne se cache même plus de vouloir 
mettre la France sous la tutelle de la « Troïka (BCE, FMI, et la-dite 
Commission) : https://x.com/le_Parisien/status/1803150827386773909
12 https://fr.statista.com/statistiques/1302004/resultats-premier-tour-presidentielles-2022-age/
https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/details/40_SOC/41_SVE/41C_Figure3
 https://www.lefigaro.fr/elections/legislatives/legislatives-d-apres-la-projection-des-europeennes-les-macronistes-et-lr-menaces-de-disparition-20240612
 Sauf éventuellement coup de force majeure, comme une activation de l’article 16 de la constitution : https://www.europe1.fr/politique/europe-1-vous-revele-en-cas-de-debordements-apres-les-elections-le-emmanuel-macron-pourrait-activer-larticle-16-de-la-constitution-4253775
 Fait révélateur, G. Darmanin et B. Lemaire semblent déjà anticiper la fin de leurs mandats, quelques soient les résultats : https://x.com/Mediavenir/status/1804115345571004497
https://www.leparisien.fr/elections/legislatives/legislatives-anticipees-bruno-le-maire-vers-la-fin-dun-septennat-a-bercy-21-06-2024-6QDREJF6XRHY7P5ZBHP3GUFQJM.php
 https://www.youtube.com/watch?v=fTR31COer0M&t=1434s
 https://www.les-crises.fr/dossier/aventures-raphy/
 https://www.marianne.net/politique/gauche/conseiller-de-saakachvili-et-negos-sur-les-armes-georgie-ukraine-glucksmann-epoque-consultant-en-revolution
 https://www.lorientlejour.com/article/448237/L%2527ancien_ministre_Ghassan_Salame_plancherait_sur_une_Constitution_calquee_sur_celle_de_Taef_Une_formule_a_la_libanaise_pour_gouverner_l%2527Irak_.html
 https://www.college-de-france.fr/media/dominique-kerouedan/UPL4952127859254629455_Ghassan_Salam__.pdf
 https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/06/14/ce-que-contient-le-programme-du-nouveau-front-populaire-pour-les-elections-legislatives_6239928_823448.html
 https://x.com/edwyplenel/status/1801240812979728448
 Lettre à Joseph Bloch, 21-22 septembre 1890
 Ainsi, sur la différence capitale en genèse et Histoire, voir Histoire et conscience de classe de Lukács (p. 200 éd. Minuit)
 Faut-il rappeler qu’en Allemagne, le SPD actuel à été fondé par Engels,
 et que le très social-traître Parti Démocrate italien est un descendant
 du Parti Communiste Italien de Gramsci ? Là encore, pauvre Engels et 
pauvre Gramsci !
 Science de la Logique, II : « Il faut que l’essence apparaisse » (p. 115, éd. Vrin). Cessons donc de chercher des essences cachées en politique !
 Ainsi, on aurait du mal à comprendre qu’un parti fasciste soit autant à
 l’arrière-garde de la réaction internationale, et fait plus que traîner
 des pieds pour mener les guerres impérialistes à la Russie, et à la 
Chine. Certains seront en effet peut-être surpris de constater que le RN
 n’est pas un parti particulièrement belliciste envers la Chine, comme 
montré ici : https://www.lexpress.fr/politique/rn/marine-le-pen-ses-troubles-liaisons-avec-la-chine_2182198.html Le fascisme est l’avant-garde de la réaction, ou il n’est pas.
 https://www.lemonde.fr/archives/article/1976/06/15/puisse-le-temps-faire-que-le-souvenir-de-petain-s-identifie-a-celui-qu-en-gardent-les-combattants-declare-m-giscard-d-estaing_3144740_1819218.html
 https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Mitterrand_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2861345
 Pourquoi les pays de l’Est, la RDA par exemple avec le mur de Berlin, 
interdisaient-elles l’émigration ? Pour ne pas que le socialisme forme gratis des médecins et des informaticiens qui iront ensuite se vendre à prix d’or à l’Ouest pardi !
 Le rapport entre développement civilisationnel et arriération 
anthropologique est moins binaire qu’on ne le pense d’habitude. Cette 
dernière en effet, comme l’avaient très bien montré Engels et E. Todd, 
est parfois en réalité le résultat d’un long processus de développement 
civilisationnel (comme dans le monde arabo-musulman, en Chine, ou en 
Inde), – ce qui explique d’ailleurs la difficulté à la surmonter, 
surtout si, comme pour la bourgeoisie coloniale et immigrée, cette 
arriération anthropologique retrouve une seconde jeunesse dans le 
capitalisme et la société civile, ce « règne animal de l’Esprit » comme 
l’avait formulé Hegel de façon magistrale. On peut ici penser à la 
survivance du phénomène de castes chez les indiens de la Silicone 
Valley, ou au goût des rapports féodaux interpersonnels dans 
l’entreprise capitaliste moderne, ou dans l’administration, chez 
l’ancienne bourgeoisie de l’empire colonial. Il y a donc clairement une 
dialectique entre civilisation et arriération, qui explique d’ailleurs 
l’arriération anthropologique sincère dans la civilisation économique.
 https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/1er-tour-abstentionnistes-sociologie-electorat
 La haute bourgeoisie étant trop peu nombreuse pour être représentée 
dans des enquêtes de vote, le moyen le plus sûr de repérer ses 
orientations politiques consiste à suivre la couche sociale qui lui est 
la plus inféodé idéologiquement : les cadres. Si vous voulez savoir où 
sont les maîtres, suivez les attroupement de valets.
 https://www.bfmtv.com/politique/elections/europeennes/resultats-europeennes-2024-categorie-socio-professionnelle-age-comment-ont-vote-les-francais_AV-202406090467.html
 https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/presidentielle-eric-zemmour-place-deuxieme-au-premier-tour-dans-le-16eme-arrondissement-de-paris_50072115.html
https://actu.fr/ile-de-france/versailles_78646/presidentielle-2022-a-versailles-la-percee-de-zemmour-et-melenchon_50118670.html
 Démonstration par l’exemple : https://www.youtube.com/watch?v=Lh9AMSW_JM0
 https://cise.luiss.it/cise/2024/06/10/chi-ha-votato-chi-gruppi-sociali-e-voto/
 https://legrandcontinent.eu/fr/2022/09/22/comment-se-structure-lelectorat-italien-16-cartes-34-graphiques/
 E. Todd en son temps, dans Qui est Charlie ?,
 avait théorisé la différence entre la « xénophobie universaliste », qui
 serait plutôt celle du RN (j’ai une animosité envers l’étranger car je 
pense qu’il est au fond mon égal) et la « xénophobie différentialiste »,
 plus anglo-saxonne d’origine, et qui serait plus celle de Reconquête 
(j’ai une animosité envers l’autre car je pense qu’il n’est pas mon 
égal). En lien avec cette hypothèse, il avait par ailleurs noté que les 
régions de France où l’on vote aujourd’hui le plus RN sont les régions 
qui ont historiquement fait la Révolution française, et ont été 
déchristianisés tôt. A l’inverse, le vote Macron est hégémonique dans 
les régions qui ont combattu la Révolution française. Cette inconscient 
historique et anthropologique correspond bien au caractère hybride de 
« jacobinisme de droite » du RN que nous avons identifié. Et qui sera 
surpris de l’anthropologie contre-révolutionnaire du macronisme ?
 https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1932/01/320127c.htm
 Discours au 7ème congrès de l’Internationale communiste, août 1935.
 Là dessus, voir la très belle fresque récente de Annie Lacroix-Riz, dans Les origines du Plan Marshall
 Des travaux récents ont montés ces aspects très libéraux-libertaires du nazisme, comme par exemple l’excellent Libres d’obéir de J. Chapoutot. Pour une démonstration visuelle, le film soviétique Requiem pour un massacre montre bien cet aspect désorganisé et libéral-libertaire dans l’ethos nazi sur le front de l’Est.
 On a ainsi pu noter que les régions qui votaient le plus RN en France 
étaient celles avec le moins d’identité locale régionale, et celles pour
 lesquelles le cadre national est primordial, car il n’y en a pas 
d’autre. Quant à sait à quel point le pétainisme était lié au 
régionalisme, le retournement est piquant ! cf. https://www.youtube.com/watch?v=SKrpeAlH05w, à partir de 39’’
 https://fr.statista.com/statistiques/1302004/resultats-premier-tour-presidentielles-2022-age/ :
 le cas des 18-24 ans est significatif, même si le RN fait un score non 
négligeable chez eux. Très influencés par l’idéologie lib-lib et 
européiste que l’éducation leur a mis dans la tête, ils se jettent dans 
la vie avec la ferme intention de « jouir sans entrave », et se 
retrouvent, bien naturellement, en masse chez Mélenchon et Macron. Mais 
la dure et salutaire école du travail les rappelle à la réalité, et 
qu’ils sont nés trop tard pour le rêve lib-lib, et changent dès 25 ans 
leur fusil d’épaule. On est pas sérieux quand on a 17 ans.
 Sur le caractère parfaitement artificiel de la tentative, et sur la 
conscience qu’en convoquant ce moment, on franchissait une ligne rouge 
symbolique, voir cet petit extrait : https://x.com/ensocieteftv/status/1802394556857553339?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR1SjJl0g2dwYOUJ9vL8Akv6lT8WcM7bqVSXAfXmu-GRgMIh1XbRFcBM3k4_aem_hC57k7bnnlMo0y4i0usrTA
 https://blog.mondediplo.net/sale-tartine : Lénine convoqué pour cette farce, on préfère en rire.
 Saluons ici cet article de Unité communiste, qui, dans le délire 
ambiant, a le mérite de rappeler à tout le monde que l’instauration du 
fascisme dans un pays qui ne connaît pas de mouvement révolutionnaire 
serait un non-sens, et un processus aussi absurde qu’une montée sans 
descente : https://unitecommuniste.fr/non-classe/que-faire-le-30-juin/?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR1YHJ_mpI_nBIVBB-CBXMslvr9j0ua-cxzkUq714slr5rmx0BmTofpZ-uw_aem_RODXzYsV8H03Gdoh7-kXzg
 Pour exemple, les frasques du parti avec Serge Ayoub commencent à 
remonter, et les liens avec Frédéric Chatillon se sont plus que 
distendus au fil du temps.
51 Pensons par exemple à la bévue de Chenu sur les binationaux, ou la position sur le voile : https://www.laprovence.com/article/politique/60950216911925/le-rn-sebastien-chenu-parle-de-supprimer-la-double-nationalite-une-idee-abandonnee-depuis-2-ans-par-le-pen
https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/04/18/presidentielle-2022-marine-le-pen-n-assume-plus-de-vouloir-interdire-le-port-du-voile_6122581_6059010.html
 Même sur l’immigration : Bardella, s’emmêlant les pinceaux et ne 
comprenant rien à ce que lui dit une auditrice de nationalité étrangère,
 invente en direct la catégorie de « français de nationalité étrangère »
 (?!?). Le garçon est à deux doigts de réinventer la constitution 
jacobine de 1793, qui octroyait la nationalité français après avoir 
travaillé un an sur le territoire national !
 Plus lucide que bien des « marxistes » sur ce point, la grande 
bourgeoisie, par l’entremise de la BCE et de la Commission européenne, 
semble déjà entrapercevoir cette possibilité, et d’essayer de la 
conjurer, en projetant de mettre d’avance la France sous tutelle de la 
Troïka, ou de l’article 16, voire même (soyons fous !), les deux à la 
fois : Bardella n’aura peut-être même pas « l’honneur » d’être un 
Tsipras, et d’avoir l’occasion de trahir !
 De façon intéressante, Lordon sent confusément ce fait dans le billet 
déjà cité, mais, conformément à son orientation petite-bourgeoise et 
gauchiste, il se fait à lui-même une frayeur en imaginant un RN nazi, 
face à une Meloni apprivoisée. C’est une déformation, mais une 
déformation logique, puisque Lordon sent bien que le prolétariat qui 
aura mis le RN au pouvoir ne se laissera pas faire par l’UE. 
Visiblement, cette perspective le terrorise. Nous non.
 https://www.youtube.com/watch?v=nAa0FvRAvBI
 Situation authentiquement vécue avec des élèves au sein de l’Éducation nationale…
 https://x.com/RobertoAvventu2/status/1778833795816313236?t=1JAeyDwEax-C8bc5lphEWQ&s=19
 C’est clairement la mesure la plus fasciste du programme du RN : https://www.marianne.net/agora/humeurs/le-rn-et-sa-presomption-de-legitime-defense-pour-les-policiers-ni-plus-ni-moins-quun-permis-de-tuer
 L’observateur attentif aura par ailleurs noté la symétrie de leur 
attitude : pas d’opposition aux unions dans leur camp, mais aucune 
implication.