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mardi 23 septembre 2025

Guy Debord et le cinéma: notes sur Jean Rouch

 1959

Dans Les situationnistes. Une avant-garde totale (1950-1972), Eric Brun pointe l'influence du cinéma direct de Jean Rouch, et son détournement, dans le deuxième film de Guy Debord, Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps : 

Dans ce court-métrage de vingt minutes, projeté à Paris en décembre 1959 (on ne sait malheureusement pas grand chose de cette projection), Debord détourne le genre du "film ethnologique", alors en vogue si l'on en juge par le succès des films de Jean Rouch (Moi un noir reçoit le prix Louis-Delluc en 1958). De même que ses Mémoires prennent la forme d' "un livre qui se refuse", Sur le passage se veut un "anti-film d'art", un film qui se dément lui-même [note]Il entend ainsi étendre dans le cinéma les transgressions du récit menées par l'avant-garde littéraire en visant concrètement à la "rupture de l'habitude au spectacle, rupture irritante et déconcertante [note]. Dans cette optique, après les premières minutes du film qui font penser à un documentaire ordinaire, le texte de la bande-son prend soudainement parti contre la "limitation arbitraire" du sujet des documentaires traditionnels : le propos s'élargit, et passe d'un sujet à l'autre de manière indifférente. Le film devient de temps à autre l'objet même du film, comme pour en faire sortir le spectateur, lui empêcher toute adhésion au premier degré. Et si Debord utilise cette fois des images (contrairement aux Hurlements en faveur de Sade, qui faisaient simplement alterner des écrans noirs avec des écrans blancs, accompagnés d'une bande sonore composée de textes détournés), le rapport entre l'image et le commentaire (lu par trois speakers) demeure généralement obscur.

Jean Rouch dit de Moi, un Noir que c'est un film où on "ramasse des éléments du réel et où une histoire se crée durant le tournage". Dans Sur le passage, Debord ne cherche pas à créer une  histoire puisqu'il la connaît déjà, lui et tous les autres "acteurs". Il s'agit de la monter et livrer son petit goût de "Graal néfaste" comme l'énonce l'un des trois narrateurs : "[...] il y avait la fatigue et le froid du matin, dans ce labyrinthe tant parcouru, comme une énigme que nous devions résoudre."

Moi, un noir, 1958

 
 

 Sur le passage de..., 1959


 

1960

Extrait d'une lettre de Guy Debord à Maurice Wyckaert du 1er octobre 1960:

De plus, Morin vient de faire demander à Asger [Jorn] l’autorisation de tourner dans son atelier (de tapisserie) une séquence d’un film sur la vie quotidienne des Français [sans doute Chronique d'un été], qu’il fait actuellement comme sociologue-scénariste, avec le cinéaste Jean Rouch. Asger a refusé absolument de recevoir ce Morin, à cause de ses louches manœuvres contre nous dans le passé.

 

1977 

Dans le fonds Debord de la BNF, on trouve dans la "Réserve d'images", un dossier "Photos à classer" de mars 1977 contenant des photographies de tournage de Chronique d'un été, le documentaire de Jean Rouch et Edgar Morin de 1960. 

Pour quel usage? Elles semblent liées à la préparation de son film In girum imus nocte et consumimur igni de 1978 (mais non utilisées).

 

1999

A la fin du XX° siècle et au début du suivant je croisais souvent Jean Rouch au bar-tabac L'Observatoire, boulevard du Montparnasse. Il y achetait le journal et semblait connaître tout le monde. Je connaissais alors le film Chronique d'un été réalisé avec Edgar Morin, il avait du passer à la télé. Mais j'ignorais l'influence de son cinéma ("cinéma-vérité" s'inspirant de Dziga Vertov ou "cinéma direct" à l'anglo-saxonne) tant sur la génération de Debord que la suivante, et notamment de ce film.