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jeudi 13 mars 2025

De quoi Murray Bookchin était-il réellement le nom ?

 SOURCE: https://www.librairie-tropiques.fr/2020/10/de-quoi-murray-bookchin-etait-il-reellement-le-nom.html

Le héros anarchiste Murray Bookchin
était un sioniste

qui dissimulait le colonialisme
et les crimes de guerre israéliens

 

 

Voilà qui devrait intéresser les apologistes d’Apo (surnom d’Abdullah Öcalan) et du « Rojava », ce nouvel Israël en terre syrienne. Il est légitime de comparer la création d’Israël à celle du « Rojava » : dans les deux cas, l’idéologie gauchiste a été utilisée pour créer un état ethnique aux mains de l’Occident. Dans les deux cas, des agents d’influence ont présenté le nouvel état comme une formidable expérience d’autogestion. Des gauchistes du monde entier ont afflué en Israël pour travailler dans les kibboutz, pensant faire ainsi la révolution sociale ; des gauchistes du monde entier ont également afflué au « Rojava », dans le même but.

Notons qu’en France, c’est une orga auparavant appelée Alternative Libertaire et maintenant Union Communiste Libertaire, qui promeut cet assemblage idéologique ; l’UCL a envoyé de l’argent mais aussi des combattants vers la Syrie, elle a organisé une tournée de promotion des YPG dans toute la France pour inciter les jeunes « déters » à partir en Syrie tuer des Arabes avec des armes US, au nom de l’anarchisme.

Et l’UCL, c’est quoi ? Une orga d’à peine plus de 500 militants, créée à l’origine par George Fontenis, celui qui dans les années 50 a traumatisé la Fédération Anarchiste en y créant un comité secret qui prenait toutes les décisions dans le dos des adhérents… voilà d’où vient l’anti-complotisme de l’UCL : elle a été créée par un comploteur dénué de honte (il assuma cette trahison jusqu’à la fin de sa vie). Mais Fontenis a-t-il fait ça par soif de pouvoir ou simplement parce qu’il travaillait pour d’autres forces ? L’histoire ne le dit pas. Toujours est-il que l’UCL est une orga ridiculement petite qui malgré ses discours « anarchistes », « libertaires » ou « communistes libertaires », bénéficie de la promotion du Monde, traque les horribles « conspirationnistes », a soutenu les guerres de l’OTAN en Libye et en Syrie, et à l’heure actuelle réagit à l’arrivée du technofascisme de la même manière que la CGT (dont elle est proche) : ils valident le récit officiel de la « terrible pandémie ».

Avec des amis comme ça, le prolétariat n’a pas besoin d’ennemis !

Murray Bookchin at the Toward Tomorrow Fair, mid-1970s. par Lionel Delevingne.

 

article original : https://bennorton.com/anarchist-murray-bookchin-zionist-israel-colonialism/

traduction : Pierre Royer et Vincent Lenormant

14 juin 2019 – Ben Norton

Pour les anarchistes, Murray Bookchin est une sorte de saint. Ses idées à propos de l’écologie sociale et de ce qu’il nommait le « municipalisme libertaire » et le « communalisme » ont influencé des générations de gauchistes auto-proclamés, et il était souvent cité comme l’une des forces idéologiques soutenant les mouvements anti-mondialisation ainsi que Occupy Wall Street.

Bookchin devint particulièrement influent au sein des milieux kurdophiles après qu’Abdullah Öcalan, le chef emprisonné [par la Turquie] du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a adopté sa conception du « confédéralisme démocratique ». Conception que ses partisans tenteront plus tard de mettre en pratique dans le nord-est de la Syrie – avec l’aide de l’armée américaine.

Ce que l’on omet le plus souvent de dire, cependant, c’est que - à l’instar de nombre de ses pairs anarchistes et « communistes libertaires » - Bookchin se montrait très tendre vis-à-vis de l’impérialisme, voire dans certains cas carrément élogieux.

En particulier, Bookchin, sioniste, dissimulait ou pire légitimait les crimes contre l’humanité commis par Israël. De plus, il diabolisait souvent les gouvernements issus de l’accession à l’indépendance des pays du Sud, se faisant ainsi l’écho de la propagande impérialiste et des légendes chauvines ciblant les pays dont les États-Unis entendent « changer le régime » .

En 1986, Bookchin publie un long laïus libéral-sioniste qu’un éditocrate néoconservateur du New York Times n’aurait pas renié. La tribune (intégralement reproduite ci-dessous) débite sans aucune distance critique l’argumentaire de la Hasbara [Mot hébreu qui désigne la propagande israélienne.], escamote l’histoire de l’épuration ethnique des Palestiniens indigènes et fait porter l’échec des pourparlers paix aux États arabes voisins ainsi qu’aux « irrédentistes arabes ».

L’article de Bookchin propage une vision raciste des Arabes, présentés comme une horde fanatique d’antisémites sanguinaires. Ce héros de la gauche anticommuniste présente les nations arabes indépendantes comme les véritables « impérialistes » du Proche-Orient et compare les dirigeants anti-impérialistes de cette région aux juntes militaires de droite soutenues par les États-Unis en Amérique latine.

Le chauvinisme de cette vision sommaire des pays du Sud explique peut-être pourquoi la solution mise en avant par Bookchin pour mettre fin aux carnages causés par la machine à massacrer capitaliste fut de s’installer à Burlington dans le Vermont, au sein d’une communauté presque entièrement blanche et d’y organiser des « community councils » avec ses amis anarchistes issus de la classe moyenne – pendant que son gouvernement bombardait et torturait des pauvres partout sur la planète, y compris de nombreux communistes et socialistes du Tiers-Monde qu’il dénigrait comme « autoritaires ».

Ceci explique peut-être aussi pourquoi Murray Bookchin considérait les libertariens de droite, apologètes du libre marché, comme ses alliés politiques, et pourquoi il qualifiait la gauche internationale communiste et socialiste de « totalitaire ». (« Les libertariens qui promeuvent le concept de capitalisme ne me posent aucun problème », affirmait Bookchin au magazine Reason, propriété des frères Koch. « Permettez-moi d’être très clair à ce propos : si le socialisme, ce que j’appelle la version autoritaire du collectivisme, advenait, je rejoindrais votre communauté [libertariens de droite]. » Et d’ajouter : « Que ce soient les anarcho-communistes, les anarcho-syndicalistes ou les libertariens qui croient en la liberté d’entreprendre, je considère leur héritage comme le véritable héritage de la gauche, et je me sens beaucoup plus proche idéologiquement de ces individus-là que des gens de la gauche totalitaire ou des marxistes-léninistes d’aujourd’hui. »)

Les anarchistes soutenus par l’impérialisme étasunien

Le soutien public explicite que Murray Bookchin apporte au colonialisme israélien ainsi que ses véhémentes réprobations à l’encontre des anti-sionistes de gauche sont occultés par une gauche occidentale « libertaire » avide de présenter les alliés de l’impérialisme états-unien comme les véritables forces progressistes.

Grâce à la guerre internationale par proxies interposés qui débuta en Syrie en 2011, la renommée de Bookchin atteignit de nouveaux sommets. Les Unités de Protection du Peuple (YPG), des milices kurdes liées au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et dont le programme politique s’est largement inspiré de la pensée de Bookchin, ont bénéficié du soutien de l’empire américain.

En 2015, à la demande directe du Pentagone, les YPG changèrent leur nom en « Forces Démocratiques Syriennes » (FDS). Elles donnèrent par la suite leur aval pour la construction de plus d’une douzaine de bases militaires américaines dans le nord-est de la Syrie.

En 2017, le porte-parole des YPG persiste et signe : les troupes américaines resteront dans la région « pour des décennies » car le maintien de cette occupation militaire est d’intérêt stratégique pour Washington.

Il s’agit bel et bien d’un intérêt stratégique pour les États-Unis car la plupart des réserves pétrolières syriennes sont situées dans cette région qui joue aussi le rôle de grenier à blé national.

Des nationalistes kurdes soutenus par les États-Unis, fiers zélotes de l’idéologie anarchiste de Bookchin, ont même cédé aux exigences de Washington en séquestrant la production céréalière régionale et en refusant de vendre du blé à Damas, instrumentalisant ainsi la privation de nourriture comme arme politique et économique.

Dans cette région sous occupation étasunienne qui constitue environ 30 % du territoire syrien souverain, une zone composite aux plans ethnique et religieux, où vivent non seulement des Kurdes mais aussi des Assyriens, des Arméniens, des Turkmènes, des Arabes, etc...

Dans cette région, donc, des nationalistes kurdes soutenus par les États-Unis ont créé une région autonome qu’ils appellent Rojava.

Le Rojava fit l’objet d’une propagande agressive de la part de l’appareil idéologique des médias visant à le présenter comme une expérience sociale utopiste égalitaire. Pour percevoir l’ironie de la chose, rappelons que ce même appareil médiatique publie depuis des décennies la propagande servant à justifier les guerres d’agression menées contre toute trace de socialisme défiant l’impérialisme capitaliste dirigé par les États-Unis.

De larges fractions de la gauche occidentale continuent de vénérer comme un fétiche les groupes kurdes présents en Syrie, idéalisés dans le style ripoliné des orientalistes, si bien que les journalistes de la grande presse, d’habitude viscéralement hostiles à la gauche socialiste, rivalisent d’emphase, compte rendu après compte rendu, pour conter la geste incroyable, courageuse, éclairée, démocratique et féministe des YPG et de leur branche féminine (les YPJ). Ces éloges sont arrivés, comme par hasard, au moment précis où ces forces se sont alliées aux États-Unis et ont autorisé l’occupation militaire états-unienne de près d’un tiers de la Syrie. (D’ailleurs, dans l’armée syrienne aussi, il y a des femmes, et dans les milices qui lui sont alliées. Mais ces femmes-ci sont déshumanisées et qualifiées avec mépris de « combattantes de Bashar al-Assad », comme si elles lui appartenaient.)

L’écrivain David Mizner a remarqué que l’organe de propagande Voice of America, qui depuis longtemps se fait le porte-voix des mensonges et de la guerre de désinformation orchestrée par la CIA contre la gauche internationale, avait « félicité Bookchin » [https://twitter.com/DavidMizner/status/898224991010922496] pour avoir servi d’inspiration aux alliés kurdes de Washington en Syrie.

Le penchant que le prétendu « socialisme libertaire » a pour l’impérialisme – et celui que les impérialistes ont réciproquement pour les « communistes libertaires » - explique peut-être pourquoi les figures dominantes de l’anarchisme contemporain, y compris Noam Chomsky et David Graeber, ont signé en 2018 une lettre ouverte dans la New York Review of Books pour appeler l’empire américain à « poursuivre son soutien militaire aux FDS ».

David Harvey, l’universitaire marxiste reconnu, Michael Walzer, un social-démocrate sioniste qui avait soutenu la guerre d’Irak en 2003, Gloria Steinem, sommité féministe de gauche et ancien agent de la CIA, de même que Debbie Bookchin, la fille de Murray qui a dédié sa vie au Rojava, tous ont signé l’appel militariste avec Chomsky et Graeber.

La tribune sioniste de Murray Bookchin et la déshumanisation des Arabes

A ce stade, il ne surprendra personne d’apprendre que ce « communiste libertaire » états-unien et ouvertement anti-communiste, dont les écrits ont façonné l’idéologie d’une milice ouvertement alliée à l’impérialisme états-unien, avait effectivement soutenu le sionisme et les projets impérialistes au Proche-Orient.

Le 4 mai 1986, Murray Bookchin publia un article intitulé « Les attaques contre Israël ignorent la longue histoire du conflit arabe » dans le Burlington Free Press, un quotidien du Vermont.

Une traduction de cette article est proposée ci-dessous.

À la lecture, le laïus de cette grande figure de l’anarchisme prétendument radical ne se distingue guère de la rhétorique néo-conservatrice des éditocrates de la « grande presse » bourgeoise.

Bookchin dépeint Israël comme un phare de la démocratie au milieu d’un désert obscurantiste. Ainsi la Syrie, la Libye, l’Iran, l’Irak, l’Égypte et les autres… ne sont que des bastions de l’indécrottable despotisme oriental.

Il condamne « le sentiment anti-israélien qui émerge dans la presse locale ainsi que l’équation entre sionisme et racisme anti-arabe. Il présente également les Arabes comme des sauvages violents.

Bookchin supplie le lecteur de ne jamais « oublier les hommes et les femmes juifs massacrés par les partisans du nationalisme arabe » et rend les « irrédentistes arabes » responsables de l’échec du processus de paix (que ni Israël ni son loyal protecteur l’empire étasunien ne souhaitaient sincèrement voir aboutir).

Il condamne également « l’invasion du pays par les armées arabes » sans même mentionner la Nakba : l’épuration ethnique meurtrière perpétrée entre 1947 et 1948 par les milices sionistes à l’encontre de la population indigène de Palestine, à l’origine de la crise des réfugiés qui précipita la guerre israélo-arabe de 1948-1949.

En fait, l’icône « communiste libertaire » va jusqu’à qualifier l’Égypte, la Syrie et la Jordanie d’ « impérialistes » lorsqu’il affirme que sans leur guerre contre Israël, il y aurait aujourd’hui un état palestinien indépendant.

La tribune de Bookchin renverse la réalité en présentant les colonialistes israéliens comme de malheureuses victimes de la brutalité « impérialiste » d’Arabes autoritaires.

Il assimile le dirigeant nationaliste palestinien Yasser Arafat au Grand Mufti de Jérusalem qui avait collaboré avec les nazis et compare les anciens dirigeants libyen Mouammar Kadhafi et syrien Hafez al-Assad aux dictateurs fascisants d’Amérique latine alliés à Washington.

Bookchin régurgite la propagande impérialiste mensongère lorsqu’il prétend qu’Assad « a massacré entre 6.000 et 10.000 personnes à Kama en février 1982 car elles menaçaient son pouvoir sur le pays ».

Ce qu’il ne dit pas, bien sûr, c’est que la prétendue révolte de Hama (qu’il orthographie mal) n’avait rien à voir avec la démocratie ou la liberté. Elle était dirigée par des extrémistes islamistes, violents et sectaires, et directement soutenue par une bienveillante démocratie située au nord, la Turquie, avec l’appui des services de renseignement étasunien et britannique – de même que la prétendue révolte syrienne de 2011 – avec un air de déjà-vu impérialiste…

Bookchin n’est pas de ceux qui s’embarrassent des faits têtus qui pourraient démentir son apologie du sionisme. Au contraire, Bookchin condamne ce qu’il nomme « l’impérialisme syrien », et parle d’Hafez al Assad, laïc revendiqué, comme d’un alaouite sectaire semblable au théocrate fasciste israélien Meir Kahane.

Dans l’article, Bookchin écrit même qu’il souhaitait que le projet colonial israélien soit un modèle de sa vision décentralisée de la société : « Pendant des années, j’avais espéré qu’Israël ou la Palestine puissent évoluer en une confédération de Juifs et d’Arabes sur le modèle suisse ».

Mais l’icône anarchiste ne parvient pas à cacher son profond mépris à l’égard des Arabes. Il se fait ainsi l’écho de clichés racistes lorsqu’il déplore que les Arabes se servent de la cause palestinienne pour masquer leurs propres « problèmes culturels ».

De quoi Murray Bookchin était-il réellement le nom ?

Voici l’article de Bookchin :

Les attaques contre Israël ignorent
l’histoire longue du conflit arabe


Murray Bookchin

Il y aurait certainement beaucoup à dire sur la politique israélienne, et encore plus avec le Likoud au gouvernement, parti qui a orchestré l’invasion du Liban. Mais le torrent de haine contre Israël qu’on a pu observer dans la presse locale et l’équation entre sionisme et racisme anti-arabe m’obligent à y répondre avec vigueur.

Pendant des années j’ai nourri l’espoir qu’Israël ou la Palestine puissent évoluer en une confédération de Juifs et d’Arabes, sur le modèle suisse, au sein de laquelle les deux peuples pourraient vivre en paix et développer leur culture créativement et harmonieusement.

Tragiquement, ça ne s’est pas passé comme ça. La résolution des Nations Unies de 1947, qui partagea la Palestine entre des états juif et arabe, fut suivie de l’invasion du pays pat les armées arabes, plus précisément les armées égyptienne, syrienne, et la très bien entrainée « Légion Arabe » de Jordanie, avec l’aide directe ou indirecte de l’Iraq et d’autres nations arabes.

Dans certains cas ces armées, et en particulier les milices arabes qui les accompagnaient, ne faisaient pas de prisonniers au cours de leurs assauts contre les communautés juives. En général, ils essayaient de raser systématiquement tout village juif se trouvant sur leur chemin, jusqu’à ce qu’ils soient arrêtés par la résistance acharnée et coûteuse des Juifs.

L’invasion et le combat à mort qu’elle a entrainé ont créé un sentiment de peur et d’amertume difficile à oublier pour les Juifs israéliens. Le fait que quelques Juifs cinglés et fanatiques se soient comportés de la même manière avant d’être arrêtés par les toutes nouvelles forces armées israéliennes ne doit pas nous faire oublier les Juifs et les Juives massacrés par les représentants du nationalisme arabe, alors qu’ils avaient levé le drapeau blanc de la capitulation.

Je n’ai pas beaucoup entendu parler de ces terrifiantes façons de « combattre », qui ont entaché les invasions arabes de la Palestine et qui ont si profondément influencé la confiance des Juifs envers les « pourparlers » et les accords de paix avec les irrédentistes arabes. En effet, les frontières établies après les invasions de 1948 sont le fruit de combats sanglants, elles ne sont pas le fait des « sionistes impérialistes » « voleurs de terre », pour utiliser le langage en vogue aujourd’hui.

Je n’entends pas non plus parler des tentatives sincères de la Haganah (la milice citoyenne juive de la zone de partition) pour encourager les Arabes à rester dans leurs quartiers et leurs villes, ni des véhicules israéliens qui circulaient avec des hauts parleurs à Jaffa par exemple, pour exhorter les Arabes à ne pas succomber au sentiment de panique engendré par la guerre et par les extrémistes des deux côtés.

Le fait que de nombreux Arabes soient restés en Israël remet clairement en cause le mythe des Juifs israéliens vidant le pays de ses habitants musulmans. Ce qui est passé sous silence, c’est la certitude qu’il aurait pu y avoir un état arabe en Palestine, côte à côte avec l’état juif, si les armées égyptienne au sud, syrienne au nord, et jordanienne à l’est n’avaient pas tenté d’envahir les deux zones délimitées par l’ONU, avec leurs propres intérêts impérialistes, et si après leur échec elles n’avaient pas utilisé les réfugiés palestiniens pour négocier avec Israël et ses soutiens occidentaux.

Un autre mythe doit être abattu : celui selon lequel la situation délétère actuelle découlerait des conflits israélo-arabes ; la relation entre Juifs et Arabes aurait été « parfaite » avant d’être empoisonnée par les « ambitions sionistes ». Si on met de côté l’image simpliste du Moyen-Orient véhiculée par cette idée, il s’agit d’une très grave distorsion des faits au sujet des relations israélo-arabes.

Doit-on oublier que la persécution arabe des Juifs, bien que moins génocidaire que son pendant européen, est vieille de plusieurs siècles, à l’exception de l’Espagne musulmane et de la Turquie ottomane ? Que les pogroms contre les Juifs n’ont jamais cessé dans la Palestine d’avant-guerre, culminant dans l’extermination de la très vieille communauté juive d’Hébron (l’ancien siège de la confédération des tribus hébraïques) à la fin des années 20 ? Que dans les années 30, le Grand Mufti de Jérusalem (précurseur de Yasser Arafat deux générations plus tôt) était un admirateur d’Hitler et appelait à une « guerre sainte » d’extermination des Juifs de Palestine, avant et pendant la seconde guerre mondiale ? Que la Légion Arabe jordanienne a rasé Jérusalem Est en 1948, et a transformé le mur occidental du Temple d’Hérode en écurie, profanant l’endroit le plus sacré du judaïsme ?

Doit-on oublier que le général Hafez Assad, le soi-disant « président » syrien (élu par une « majorité » de 99 ,97 % de l’ « électorat » syrien) a massacré entre 6000 et 10000 personnes à Kama en février 1982, pour avoir osé défier son pouvoir ?

On se demande pourquoi il n’y a pas eu de protestations quand Amnesty International déclara en 1983 que « les forces de sécurité syriennes violaient systématiquement les droits humains, pratiquaient la torture et l’assassinat politique en toute impunité grâce aux lois d’exception ? Pourquoi personne ne s’inquiète de l’impérialisme syrien ? Assad nourrit le fantasme d’absorber le Liban et la Palestine, Israël inclus, s’il vous plaît, au sein d’un empire syrien ; un objectif que tout expert du Moyen-Orient reconnaît comme la version arabe du projet fou de « Grand Israël » de Rabi Kahane, qui est vigoureusement rejeté par les organisations juives et sionistes responsables, en Israël comme ailleurs.

Au Moyen-Orient, si le « coeur du problème » est la confiscation des territoires palestinien par Israël, à quoi ressemblerait la région entière si Israël et toute la population juive disparaissait d’un coup de baguette magique ? La Syrie serait-elle un état moins policier ? Sa majorité sunnite se sentirait-elle moins dominée, exploitée, manipulée par le général Assad, qui représente la minorité alaouite du pays ?

Les princes saoudiens arrêteraient-ils de gaspiller la richesse de leur pays en limousines, en palais, en bijoux, en biens immobiliers à l’étranger, apporteraient-ils un minimum de liberté à leur peuple ? Les propriétaires égyptiens, qui vivent dans l’opulence au milieu d’une misère noire, rendraient-ils une partie de leurs terres à la paysannerie égyptienne affamée ? L’Iraq libérerait-il sa population kurde, pour ne parler que de sa minorité la plus rebelle, lui accorderait-il une véritable autonomie ?

La guerre Iran-Iraq, qui a emporté un million de vies au cours des dernières années, prendrait-elle fin ? Le colonel Kadhafi cesserait-il d’être un militariste vaniteux qui essaye de grapiller le territoire de ses voisins ? Khomenei et son fondamentalisme musulman, qui se dresse contre toute forme de modernité et de culture occidentale, donnerait-il l’égalité aux femmes et la liberté aux critiques du régime théocratique actuel ?

Le plus perturbant avec ces attaques continues contre Israël, c’est qu’elles contribuent à brouiller le vrai « coeur du problème » du peuple palestinien. Ce peuple abandonné est utilisé de manière déraisonnable par les états arabes pour escamoter leurs graves problèmes économiques, sociaux et culturels chez eux et au Moyen-Orient en général. Il va sans dire que les différents entre Israéliens et Palestiniens doivent être résolus de manière équitable afin que chaque peuple puisse vivre en sécurité et en oubliant les traumatismes du passé pour atteindre une harmonie constructive.

Je ne sais pas quelle sera la solution. Mais on ne la trouvera ni dans les actes de terrorisme de l’OLP contre des maires arabes indépendants qui cherchent à négocier des arrangements entre les deux peuple, ni chez des fous comme Rabi Kahane qui veulent expulser les Palestiniens de leurs propriétés et de leurs communautés.

Même si un accord de paix est crucial, il ne faut pas oublier le véritable « coeur du problème » du Moyen-Orient : ses politiciens cyniques, ses propriétaires, ses barons du pétrole, ses juntes militaires, ses religieux fanatiques, ses prédateurs impérialistes qui profitent de la confusion, et les problèmes tragiques qui sont apparus entre Israéliens et Palestiniens.

Ceci étant posé, on serait bien avisé de se souvenir que les deux peuples ont plus d’intérêts en commun que de différences. Ce serait un splendide exemple d’indépendance politique si ceux qui ont légitimement conspué les juntes militaires d’Amérique Latine se rendaient compte que la situation est exactement la même au Moyen-Orient, du colonel Kadhafi au général Assad.

 

Pour en savoir plus : sur le "ROJAVA"

"Rojava toi d'là que j'm'y mette ! " proclament aujourd'hui haut et fort les libertaires, les post-trotskystes citoyens, et la gauche morale (et "radicale") française, à l'unissons des émirats, des sionistes israéliens les plus cyniques, du Pentagone,...

mardi 17 décembre 2024

‘Israelism’: activismo contra el viejo y herido relato sionista

FUENTE: https://www.diario.red/articulo/cultura/israelism-activismo-viejo-herido-relato-sionista/20241115125903038586.html

Este documental, en el que destacan los testimonios de la activista Simone Zimmerman y del exsoldado Avner Gvaryahu Gvaryahu, es un contundente trabajo sobre la propaganda, los grupos de poder y el apartheid israelita

Israel es una potencia militar, pero también una potencia propagandística y es el perfecto ejemplo de la eficacia de la propaganda expandida en los medios de comunicación de medio mundo durante décadas. También a nuestro país, donde Israel cuenta con sus agentes económicos y mediáticos, llegó la propaganda, la leyenda de esa joven y aguerrida nación acosada por los terroristas. La épica del triunfo de la guerra de los Seis Días, conflicto entre Israel y una coalición árabe, mezclada con el holocausto, creó un relato perfecto.

Cuando uno acaba, tocado pero esperanzado, el visionado de este documental de Erin Axelman y Sam Eilertsen, concluye que ese relato de Israel está levantado sobre cuatro grandes pilares: el lavado de cerebro, el victimismo, los grupos de poder y la ocultación.
El lavado de cerebro se lleva a cabo, claro está, en colegios, universidades y medios de comunicación del propio Israel, pero también en los medios y en las universidades de los Estados Unidos, el gran aliado del gobierno criminal con sede en Jerusalén.

Gran ejemplo de este pilar es Jacqui Schulefand, coordinadora, en la universidad de Connecticut, de UCONN Hillel para la vida estudiantil judía. A esta educadora judía, furiosa nacionalista, se le corta la voz de la emoción al hablar de Israel y de los alumnos que se han alistado su ejército. Schulefand proclama convencida que “el judaísmo es Israel e Israel es el judaísmo”.

La visión de UCONN Hillel la resumen con estas palabras en su web: “Crear una comunidad que enriquezca las vidas de los estudiantes judíos para que se sientan inspirados a hacer compromisos duraderos con la vida judía, el tikún olam (reparar el mundo), el aprendizaje e Israel”. Los compromisos duraderos tienen que ver, claro, con propagar en los campus y sus relaciones sociales el relato israelita. La propia Schulefand lo reconoce abiertamente en el documental: “Necesitamos publicistas”. 

En Israelism el victimismo está representado por el abogado y activista Abraham Foxman, víctima del holocausto y director nacional de la Liga Antidifamación (ADL) de 1987 a 2015. Foxman, que logró cierta fama cuando arremetió contra Mel Gibson por considerar su película La pasión de Cristo antisemita, es uno de esos lobistas preocupados por la actual juventud, atenta, gracias a su móvil, a los horrores que se transmiten desde Gaza y que está empezando a cuestionar o atacar el relato israelita.

A pesar de la presión y de las irrebatibles informaciones, poco cabe esperar de la reacción y el futuro de la ADL. El sucesor de Foxman en la organización, Jonathan Greenblatt, exejecutivo de Silicon Valley y exfuncionario de la administración Obama dijo en un discurso, en 2022, que “el antisionismo es antisemitismo”. De primero de victimismo, vamos.

Mike Huckabee, a quien Trump ha elegido nada menos que como su embajador en Israel, ha llegado a decir que “no existe tal cosa como un palestino”

Fue precisamente Barack Obama el que dijo que “la relación de Estados Unidos con Israel es irrompible hoy, mañana y para siempre”. Haga lo que haga. Y aquí entra en escena el tercer pilar: los grupos de poder. Y uno de los más grandes es la Casa Blanca. Lo ha sido siempre y ahora de forma más corrompida y peligrosa para los palestinos. Solo hay que leer sobre ellos al exgobernador de Arkansas Mike Huckabee, a quien Donald Trump ha elegido nada menos que como su embajador en Israel. Huckabee ha llegado a decir, literalmente, que “no existe tal cosa como un palestino”.

En la propaganda y el relato israelita es fundamental borrar de la historia a los palestinos

Y, precisamente, negar la existencia de los palestinos es la clave del cuarto y último pilar: la ocultación. En la propaganda y el relato israelita es fundamental borrar de la historia a los palestinos, a los que han robado sus tierras, han torturado (Israelism nos da testimonios de ello) y asesinado y tratan como a subhumanos, seres inferiores. 

Pero a pesar de todo, y aunque los medios de comunicación de todo el mundo (y por supuesto los españoles) están normalizando un salvaje genocidio perpetrado día a día por Israel, existe gente increíble como Simone Zimmerman, activista judía, colaboradora de Bernie Sanders y cofundadora del grupo IfNotNow, una mujer valiente que creció con la consigna de que apoyar a Israel era fundamental para su identidad judía. Hasta que visitó los Territorios Palestinos Ocupados y comprobó en persona el sistema de apartheid bajo el que viven millones de personas, una flagrante opresión y negación de su libertad.

En Israelism, Zimmerman, que ha perdido trabajos, amigos y familia por su activismo, es una buena preceptora para que conozcamos la gran ficción israelita. Ella recuerda que en su educación nunca se le habló de los palestinos. Tampoco leyó jamás las palabras ocupación, colonias, apartheid o limpieza étnica. Sí le leyeron, en cambio, el cuento de que los israelitas llegaron a una tierra yerma y la convirtieron en un gran vergel, una fábula que caló en generaciones de judíos norteamericanos como ella durante décadas.

También la engañifa de que Israel estaba rodeado de terroristas cuando era todo lo contrario: fueron los israelitas los primeros terroristas y su terror se perpetuó con una primera Nakba (la destrucción de la sociedad y la patria palestina entre 1947 y 1948, con 750.000 personas expulsadas de su tierra) y una segunda el año pasado, con la evacuación forzada de más de un millón de palestinos hacia el sur de la Franja.     

Otro de los grandes enemigos del relato israelita es Avner Gvaryahu Gvaryahu, también protagonista de Israelism. De familia sionista, educado en una yeshivá (centro de estudios de la Torá y del Talmud) y voluntario con los Scouts israelíes, Gvaryahu se unió a las Fuerzas de Defensa de Israel. En ellas descubrió las barbaridades que cometen en tierras palestinas y fue testigo directo de brutales torturas. Tras su servicio militar, se unió a Breaking the Silence, organización de soldados veteranos que han servido en el ejército israelí desde el comienzo de la Segunda Intifada y exponen la realidad de los Territorios Ocupados y cuyo objetivo es poner fin a la ocupación. 

Todos esos jóvenes judíos norteamericanos están viviendo su Vietnam como sus padres o abuelos vivieron el suyo

Las imágenes de Israelism, enriquecidas por las experiencias de Zimmerman y Gvaryahu, ponen los pelos de punta: casas robadas y marcadas con la Estrella de David como cuando los nazis marcaban las casas judías con el mismo símbolo, niños forzados, colonos en pleno robo de casas, enormes barrios de colonos que se extienden como un tumor mortal… Pero cada vez hay más judíos norteamericanos a los que les han abierto los ojos. Y como se dice en Israelism, que se puede ver en Filmin, muchos de ellos “fueron a Israel y regresaron de Palestina”.

Todos esos jóvenes judíos norteamericanos (a los que el lobista Abraham Foxman llama “malcriados”) están viviendo su Vietnam como sus padres o abuelos vivieron el suyo.
Y se están organizando para denunciar el genocidio, como lo están haciendo jóvenes de todo el mundo. Y aunque el lavado de cerebro, el victimismo, las presiones de los grupos de poder y la ocultación van a continuar, son conscientes de que todo acto de protesta, todo escrito o imagen contra el genocidio son indispensables para acabar con el viejo y herido relato sionista. 

 

dimanche 1 décembre 2024

Netflix a effacé l’essentiel de ses « Histoires palestiniennes » – la collection est désormais introuvable en Israël

 Source secondaire : https://www.les-crises.fr/netflix-a-efface-l-essentiel-de-ses-histoires-palestiniennes-la-collection-est-desormais-introuvable-en-israel/

Suite à la purge d’au moins 24 films, Netflix fait face à des appels pour réintégrer les films.

Source : The Intercept, Nikita Mazurov
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Les bureaux de Netflix à Los Angeles, le 19 avril 2021. Photo : Bing Guan/Bloomberg via Getty Images

En 2021, Netflix a décidé de créer une nouvelle collection de films pour ses utilisateurs.

« Netflix va lancer la collection « Histoires palestiniennes », qui offrira un choix de films réalisés par certains des meilleurs cinéastes du monde arabe, a annoncé le nouveau groupe. « Cette collection est un hommage à la créativité et à la passion de l’industrie cinématographique arabe, alors que Netflix continue d’investir dans des histoires en provenance du monde arabe. »

Trente-deux films ont été retenus et il est prévu d’en ajouter d’autres.

Cependant, à la suite d’une purge d’au moins 24 films de la plateforme de Netflix, la page d’accueil de la collection ne contient plus qu’un seul film accessible aux streamers des États-Unis : le documentaire de 2019 de Lina Al Abed « Ibrahim » [Ibrahim : A Fate to Define] – et ce, uniquement à partir des États-Unis.

« Cet effacement des voix palestiniennes par Netflix fait suite à plusieurs décennies de suppression des points de vue palestiniens. »

En accédant à la page à partir d’une adresse IP israélienne, non seulement les 24 films ont disparu, mais la collection « Histoires palestiniennes » n’existe pas du tout : l’URL de la page du portail renvoie à une page d’erreur 404 indiquant que le site est introuvable. La page israélienne contenait auparavant 28 films.

La disparition des films, dont l’absence imminente avait été signalée par Sunjeev Bery, est intervenue un an après l’assaut implacable d’Israël contre la bande de Gaza et l’escalade en Cisjordanie – une guerre qui va s’intensifiant contre ces mêmes Palestiniens que Netflix cherchait à promouvoir grâce à sa collection d’histoires.

« Cet effacement des voix palestiniennes par Netflix fait suite à plusieurs décennies peu glorieuses de suppression des points de vue et des récits palestiniens par les médias d’information et de divertissement occidentaux », indique une lettre demandant le rétablissement des films, émanant de 30 organisations pro-palestiniennes, dont Freedom Forward, dont Bery, un collaborateur d’Intercept, est le directeur exécutif.

https://x.com/Sunjeev_Bery/status/1845516953089352190

Le géant du divertissement a donné peu de détails quant aux raisons pour lesquelles exactement deux douzaines de films palestiniens ont été supprimés en l’espace de quelques semaines. En réponse à une demande de The Intercept, Rachel Racusen, porte-parole de Netflix, a déclaré : « Dans le cadre de la licence pour ces films, le contrat se terminera en octobre 2024, c’est pourquoi ces films ne seront plus disponibles pour les utilisateurs. »

Racusen a ajouté : « Il s’agit d’une pratique courante en matière d’octroi de licences de contenu. Des exemples similaires incluent Friends qui n’est plus disponible aux États-Unis ou Mr. Robot qui n’est plus disponible dans les pays arabes » – une déclaration qui a été reprise, sans toutefois être attribuée, dans un article de Variety sur la disparition des films.

Purge planétaire

Sur ses pages d’aide, Netflix indique que les émissions et les films sont retirés de la plateforme en fonction des accords de licence. Lorsque ceux-ci arrivent à expiration pour un film donné, Netflix indique qu’il évalue si les droits sont encore disponibles, le degré de popularité du film dans la région concernée et le coût correspondant au renouvellement de la licence.

L’annonce initiale de Netflix indiquait que les titres seraient disponibles en streaming dans le monde entier. Après que les films ont été rayés de la plateforme aux États-Unis, The Intercept a tenté de les visionner en Israël et dans d’autres pays. Dans un échantillon de pays dont les adresses IP ont été utilisées par The Intercept pour accéder à Netflix, au moins une partie des titres, si ce n’est la totalité, avaient été effacés dans le monde entier.

En Corée, comme en Israël, la page d’accueil des Histoires palestiniennes n’existait pas du tout, donnant lieu à un message d’erreur. Dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni et l’Ukraine, la page propose « Ibrahim » – le film disponible pour les spectateurs américains – ainsi qu’un second film, « 200 Mètres » d’Ameen Nayfeh.

La collection Histoires palestiniennes n’est plus affichée dans les résultats de recherche sur Netflix.

Lors du lancement de la collection « Histoires palestiniennes », Netflix avait subi le feu des critiques de l’organisation sioniste de droite Im Tirtzu. À l’époque, Netflix avait répondu qu’elle « croyait en la liberté artistique et investissait régulièrement dans des récits authentiques en provenance du monde entier », laissant les films à l’appréciation des spectateurs.

Dans un article sur le site web de Netflix indiquant aux téléspectateurs les titres qui quitteront le service ce mois-ci, aucun des films palestiniens n’est mentionné.

Au lieu de cela, la liste met en avant des titres tels que « Le chat chapeauté » du Dr. Seuss [célèbre auteur pour enfants, NdT] et « Magic Mike » [Comédie dramatique américaine réalisée par Steven Soderbergh et sortie en 2012. Le film se déroule dans le milieu du striptease masculin en Floride, NdT], qui devraient également être retirés de la plateforme ce mois-ci.

jeudi 14 novembre 2024

Israel ou le spectaculaire durci

 

Pour le petit segment de citoyens américains qui regarde au-delà des médias grand public, Lawrence Davidson affirme que l’écart entre les perceptions populaires et la réalité factuelle est relativement facile à repérer.

Marche de la Maison Blanche au Washington Post pour commémorer 
une année de génocide, le 5 octobre. (Diane Krauthamer, Flickr, CC BY-NC)

By Laurent Davidson 
TothePointAnalysis.com

 

Début octobre 2024, le professeur Joseph Massad de l'Université de Columbia a donné une interview au site d'actualités en ligne Intifada électronique.

Il y affirme qu’il existe un « fossé énorme » entre la compréhension académique (fondée sur des preuves) des aspects du conflit israélo-palestinien (comme la nature suprémaciste juive de la société israélienne et les politiques d’apartheid qui en résultent) et les hypothèses des médias grand public sur un Israël « démocratique » et « progressiste ».

Ces derniers définissent les reportages populaires et officiels sur ce pays et son idéologie sioniste. L’observation de Massad décrit un problème qui déforme bien plus que la simple vision d’Israël.

Les États-Unis ont une perception populaire et officielle, encore une fois promue par les médias grand public, d’eux-mêmes et du monde, résumée par des mots-clés tels que liberté, capitalisme, progrès, individualisme, moralité, etc.

D’autres pays développent leur propre image fantaisiste d’eux-mêmes. Cependant, dans le cas des États-Unis et d’Israël, les deux images se sont confondues dans le scénario proposé aux citoyens américains par les médias de masse depuis au moins un siècle. (Voir mon livre de 2001, La Palestine américaine : perceptions populaires et officielles, de Balfour à l’État israélien.)

Cette fusion est si forte que, dans le cas du président Joe Biden et de son gouvernement, cette identité partagée nécessite un soutien inconditionnel au « droit de légitime défense » d’Israël, même lorsque la « défense » dissimule une offense et que l’offense équivaut au nettoyage ethnique et au meurtre de masse des Palestiniens.

Le produit final de cet acte remarquable d’auto-illusion collective est la complicité du gouvernement américain dans le génocide israélien en cours dans l’enclave de Gaza, et l’approbation intérieure des États-Unis de la répression des manifestations pro-palestiniennes – en violation des propres normes américaines de liberté d’expression.

Le monde façonné par les médias en Israël

Il existe néanmoins un segment croissant, mais encore restreint, de citoyens américains disposés à regarder au-delà des médias grand public. Pour ceux qui le font, l’écart entre les perceptions populaires et la réalité factuelle est relativement facile à repérer. En effet, il existe d’autres sources d’information en périphérie (qui ne sont pas toutes fiables, bien sûr) et, combinées à un minimum de capacité de réflexion critique, on peut apprendre à juger les preuves. 

C'est beaucoup plus difficile pour les juifs israéliens. Dans l'État sioniste, non seulement les médias nationaux, à quelques rares exceptions près, ont été cooptés pour promouvoir une mythologie populaire, mais aussi toutes les écoles, collèges et universités.

La plupart des informations liées au conflit avec les Palestiniens sont censurées et l’environnement informationnel fermé qui en résulte est devenu de plus en plus restrictif.

Des instructeurs d'autodéfense s'entraînent sur le toit du quartier général 
de Tsahal à Tel Aviv, en 2017. (Forces de défense israéliennes, Flickr, CC BY-NC 2.0)

En effet, au cours des 20 dernières années (et avec une forte augmentation depuis octobre 2023), les opinions opposées aux opinions officielles sont considérées comme séditieuses. Et cela a à son tour ouvert la voie à l'approbation populaire sioniste actuelle de la barbarie. Voici comment le journaliste israélien Gideon Levy (l'une des dernières voix critiques des médias du pays) décrit L’état d’esprit actuel d’Israël :

« Au cours de l’année écoulée, Israël s’est uni autour de plusieurs hypothèses : premièrement, le massacre du 7 octobre n’avait aucun contexte, il s’est produit uniquement à cause de la soif de sang innée des Palestiniens de Gaza. Deuxièmement, tous les Palestiniens portent le fardeau de la culpabilité du massacre de civils israéliens par le Hamas. Troisièmement, après ce terrible massacre, Israël a le droit de faire ce qu’il veut.

Personne, où que ce soit, n’a le droit de tenter de l’arrêter. [Par exemple], de semer la destruction sans discrimination sur tout le territoire [de Gaza] et de tuer plus de 40,000 XNUMX personnes, dont de nombreuses femmes et enfants. La barbarie est devenue légitime à la fois dans le discours israélien et dans le comportement de l’armée. L’humanité a été écartée du débat public. »

Les faits à l'appui des jugements de Levy sont facilement disponibles en anglais sur des sites Web internationaux tels que Al Jazeera, Middle East Eye, Electronic Intifada, Palestine Chronicle, etc.

Mais il ne s’agit pas de chaînes de télévision grand public et donc la majorité des Américains, et presque aucun juif israélien, ne voient jamais de rapports complets et précis sur ce qui se passe réellement dans les territoires occupés, au sud du Liban et dans d’autres zones régionales soumises aux attaques israéliennes.

L’ignorance n’est pas une bénédiction à cet égard, elle équivaut à vivre dans le mensonge.

[En relation: Rapport de Chris Hedges : Catastrophe au Moyen-Orient]

D'un point de vue probatoire 

Des personnes en deuil avec les corps des morts après l'explosion de l'hôpital Al-Ahli Arab 
le 17 octobre 2023. (Fars Media Corporation, Wikimedia Commons, CC BY 4.0)

Prenons un exemple de la manière dont cette propagande interne crée un état d’esprit délirant, d’abord en Israël, puis aux États-Unis.

À la mi-novembre 2023, le du Royaume-Uni Sky News posté Un pilote israélien de 29 ans, qui pilote des avions de chasse F-15 contre des cibles à Gaza, a interviewé le journaliste. Ce pilote, qui semble être un homme sympathique, a déclaré à l’intervieweur que « chaque victime civile est tragique, que ce soit à Gaza ou en Israël ». 

Il a cependant ajouté que « l’aviation israélienne annule les attaques si des civils sont identifiés au sol ». Le pilote a insisté sur le fait que « toute opération entreprise, aussi bien dans les airs qu’au sol, est 1. liée au Hamas et 2. autorisée afin d’éviter des victimes civiles ».

Dans ces circonstances, ce pilote suit tous les ordres en toute bonne conscience. Et pourquoi ne le ferait-il pas ? Il vit dans un monde où il fait partie de « l’armée la plus morale du monde », où « toutes les opérations militaires sont légitimes et proportionnées et toutes les victimes civiles sont involontaires ».

Il ne fait aucun doute que le pilote croit ce qu’il dit. Il semble en effet beaucoup moins insensible que les Israéliens décrits par Gideon Levy. Bien sûr, les pilotes volent assez vite et assez haut pour ne jamais voir clairement le massacre qu’ils provoquent.

Pour l’infanterie israélienne, les choses sont différentes. Sur le terrain, la force démoralisante des combats incessants va probablement conduire à un problème de moral croissant. Jusqu’à présent, cette tendance a été largement contrée par le fait que ces soldats ont été élevés et éduqués dans un monde façonné par les médias (qui entre maintenant en conflit avec un monde fondé sur les preuves). Cependant, des fissures se forment et on rapporte des refus répétés de retourner sur les lignes de front israéliennes de plus en plus nombreuses.

Vus à travers la fenêtre du monde réel, le pilote et ses compatriotes soldats reproduisent désormais le comportement des oppresseurs des Juifs du passé. Ce faisant, ils contribuent à détruire le droit international et les normes des droits de l'homme. En fait, ils participent tous à une démonstration de barbarie à l'échelle nationale.

Jetons un autre coup d’œil à travers la fenêtre du monde des preuves. Cette fois, nous comparerons la réalité à la performance de Mathew Miller, qui occupe le poste de porte-parole du Département d’État américain depuis 2023.

Son travail consiste à expliquer les actions des États-Unis de manière rationnelle et sa spécialité est de dire des demi-vérités. Son travail est plus difficile que celui du pilote car beaucoup de ses interlocuteurs, principalement la presse de Washington, ont accès à des informations (parfois de première main) qui contredisent la vision du monde que Miller promeut.

Mais les journalistes ne peuvent pas faire grand-chose, à part se moquer et lever les yeux au ciel. La plupart de leurs rédacteurs en chef subissent une énorme pression culturelle et politique pour maintenir le cap et soutenir la ligne pro-israélienne – et peu importe les preuves contraires.

Voici un exemple du genre de demi-vérités trompeuses que Miller et ses patrons diffusent. Le 19 septembre, Miller a été invité à répondre Les critiques ont été accueillies avec enthousiasme, car « l’appel des États-Unis au calme [à Gaza] tout en continuant à armer Israël n’était pas une stratégie efficace pour réduire les tensions au Moyen-Orient ». La contradiction présentée était évidente, alors comment Miller a-t-il réussi à la contourner ? Il a répondu : « Nous sommes mandatés – nous sommes tenus par la loi de garantir qu’Israël dispose d’un avantage militaire qualitatif sur ses rivaux dans la région. Ce n’est pas une question discrétionnaire. »

Ce que Miller omet ici, c'est que, selon la loi, ce mandat est conditionnel. Il existe au moins trois lois américaines qui le prévoient : 

—La loi Leahy, qui interdit au gouvernement américain d’utiliser des fonds pour aider les forces de sécurité étrangères lorsqu’il existe des informations crédibles les impliquant dans la commission de violations flagrantes des droits de l’homme.

—La loi de mise en œuvre de la Convention sur le génocide prévoit des sanctions pénales pour les personnes qui commettent ou incitent d’autres personnes à commettre un génocide.

—La loi sur l’aide étrangère, qui interdit de fournir une assistance à un gouvernement qui « commet de manière systématique des violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus ». Cette loi interdit également l’assistance militaire aux États qui entravent l’aide humanitaire américaine. 

En septembre, selon des sources de l’ONU, 90 pour cent de toute l'aide humanitaire L'aide aux Palestiniens, y compris l'aide américaine, a été retardée ou refusée par les Israéliens. La violation par Israël de toutes ces lois américaines a été attestée par toutes les organisations crédibles de défense des droits de l'homme de la planète. L'administration Biden et le Congrès ont ignoré les preuves et les lois humanitaires.

Des Israéliens au passage de Kerem Shalom bloquent l'entrée de l'aide humanitaire à Gaza 
en février. (Yaïr Dov, Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0)

Ironiquement, cette situation générale a généré un sentiment antisioniste dans le monde entier qu’Israël qualifie d’antisémitisme, et qu’il utilise ensuite pour obtenir du soutien à sa barbarie.

Un autre exemple de notre monde façonné par les médias

Bien que l’attitude des États-Unis à l’égard de la situation actuelle dans le conflit israélo-palestinien, et en particulier du génocide à Gaza, soit l’exemple le plus frappant de la façon dont les Américains vivent dans un monde essentiellement façonné par les médias, ce n’est pas le seul cas en cours. La guerre dévastatrice en Ukraine a également été déformée – encore une fois en ne présentant pas l’histoire dans son intégralité. 

L'histoire complète L'invasion russe de l'Ukraine aurait informé le public que, contre l'avis des diplomates américains experts dans les relations avec la Russie, les hommes politiques américains ont poussé l'expansion vers l'Est de l'OTAN après l'effondrement de l'Union soviétique en décembre 1991. 

A l'époque, cela était facile à faire, car la nouvelle République russe était en plein désarroi politique et économique. Aujourd'hui, le désarroi est passé et les Russes ont exprimé à plusieurs reprises le fait qu'ils se sentent menacés par « l'empiétement de l'OTAN ». D'ailleurs, ils ont essayé de négocier la question lorsque l'Ukraine s'est tournée vers l'Occident et a cherché à rejoindre à la fois l'Union européenne et l'OTAN. Le rejet occidental des efforts de négociation de la Russie a contribué à déclencher l'invasion russe.

Les médias grand public aux États-Unis ont été cooptés au point que, du moins sur les questions de politique étrangère, ils ne sont guère plus qu'un véhicule d'agitation politique gouvernementale. Jonathan Cook le dit« Ce ne sont pas des journalistes. Ce sont des propagandistes au service de leur gouvernement. »

La plupart d’entre nous savons faire la différence entre des reportages biaisés et la réalité ? Si ces reportages sont conformes à une vision culturelle du monde établie, la réponse est probablement non. Le problème s’aggrave lorsque la plupart de nos amis, voisins et membres de notre famille considèrent activement les reportages des médias comme véridiques. 

Il est évident à présent à quel point cette situation peut être dangereuse. Les guerres américaines au Vietnam, en Irak, en Afghanistan et en Ukraine (et ce n’est là qu’une courte liste) ont recueilli le soutien populaire grâce à des reportages sélectivement biaisés et à la tromperie gouvernementale. La volonté des Juifs israéliens de se transformer en une approximation des oppresseurs du passé de leurs ancêtres européens, avec le soutien total de nombreuses administrations américaines, repose également sur une histoire incomplète et biaisée, rapportée à maintes reprises, au point qu’elle apparaissait jusqu’à récemment comme vraie à première vue.

On aurait pu espérer qu’une bonne éducation libérale aurait inculqué à la plupart des citoyens la capacité de reconnaître et de résister à cette faille dans les médias et le bavardage politique, mais ce ne fut pas le cas. Le rôle de l’éducation a toujours consisté à former des citoyens loyaux et non des penseurs indépendants. Et aujourd’hui, même l’éducation libérale qui existe est en voie de disparition.

Il n’y a pas de réponse simple. Nous sommes victimes de nos cultures, du pouvoir manipulateur de nos dirigeants alliés aux médias, ainsi que de nos racines génétiques qui nous poussent vers le tribalisme. Ceux qui résistent à tout cela sont peut-être plus sains d’esprit, mais ils sont également considérés comme des « erreurs sociales ».

Lawrence Davidson est professeur émérite d'histoire à la West Chester University en Pennsylvanie. Depuis 2010, il publie ses analyses sur des sujets liés à la politique intérieure et étrangère des États-Unis, au droit international et humanitaire et aux pratiques et politiques israélo-sionistes. 

Cet article provient du site de l'auteur TothePointAnalysis.com.

Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et peuvent ou non refléter celles de Nouvelles du consortium.

lundi 11 novembre 2024

Comment Israël justifie-t-il le génocide ? Cela commence à l’école

 SOURCE: https://www.les-crises.fr/comment-israel-justifie-t-il-le-genocide-cela-commence-a-l-ecole/

L’histoire et la géographie de la Palestine ont été supprimées des manuels scolaires israéliens il y a une dizaine d’années, affirme l’universitaire Nurit Peled-Elhanan.

Source : Truthout, George Yancy
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Dans The Black Image in the White Mind (L’image Noire dans l’Esprit Blanc), l’historien George M. Frederickson écrit : « Dans les années qui ont immédiatement précédé et suivi 1800, les Américains blancs ont souvent montré, par leurs paroles et leurs actes, qu’ils considéraient [les Noirs] comme un élément définitivement étranger et inassimilable de la population. » Dans le contexte de la domination blanche américaine, les stéréotypes racistes anti-Noirs décrivent ces derniers comme intrinsèquement inaptes, posant des problèmes innés et dissociés de la catégorie de l’humain, une catégorie synonyme de la race blanche.

Le chercheur franco-tunisien Albert Memmi, dans Le colonisateur et le colonisé, a compris ces rationalisations racistes comme une série de négations, en observant : « Le colonisé n’est pas ceci, n’est pas cela. [Il ne sont] jamais considérés sous un jour positif ou si [ils le sont], la qualité qui leur est concédée est le résultat d’une défaillance psychologique ou éthique. » Dans ces régimes binaires racistes, il est nécessaire qu’un groupe spécifique fonctionne comme « autre ».

Partout dans le monde, des groupes sont considérés comme « autres », et leur « altérité » est imposée par ceux qui contrôlent les formes dominantes de discours : ceux qui ont le pouvoir de représentation pour rabaisser, marginaliser et diaboliser. Historiquement, les écoles et les institutions religieuses ont contribué à soutenir ce discours déshumanisant.

Nurit Peled-Elhanan est maître de conférences en enseignement des langues à l’Université hébraïque et au David Yellin Academic College de Jérusalem, et auteur de plusieurs ouvrages. Dans cet entretien exclusif, elle explique comment les manuels scolaires israéliens (et, par extension, les écoles israéliennes) encadrent puissamment le discours anti-palestinien et inculquent aux enfants israéliens la suspicion, la peur et la haine des Palestiniens. Le travail de Peled-Elhanan fournit une analyse puissante de la relation entre le pouvoir pédagogique de l’État israélien et l’idéologie raciste et anti-palestinienne.

George Yancy : Donnez quelques exemples de la façon dont les Palestiniens sont dépeints de manière raciste dans les manuels scolaires israéliens.

Nurit Peled-Elhanan : Les manuels scolaires sont toujours, et pas seulement en Israël, destinés à légitimer l’État et ses actions. Sinon, nous n’aurions pas de manuels scolaires, ce ne seraient que des livres. La raison d’être des manuels scolaires est donc de légitimer l’État, et en particulier les actions controversées de l’État, comme ce que l’on appelle les crimes fondateurs, etc. En Israël, ce qui doit être légitimé, c’est la colonisation de la Palestine et l’occupation en cours. Israël doit justifier ses politiques. Ainsi, comme tous les colonisateurs, Israël dépeint les colonisés comme des êtres primitifs, maléfiques ou superflus. Israël les dépeint comme un groupe racialisé qui ne peut pas changer et qui ne changera jamais.

Par exemple, dans un manuel scolaire de géographie, il y a un passage sur les facteurs qui « inhibent » le développement du village arabe. Ainsi, on dit que les villages arabes sont éloignés du centre, que les routes qui y mènent sont difficiles et qu’ils sont restés à l’écart du processus de changement et de développement. Ils disent qu’ils sont peu exposés à la vie moderne et qu’il est difficile de les raccorder aux réseaux d’électricité et d’eau. On pourrait penser qu’il s’agit d’un pays de la taille de l’Australie. Mais Israël est plus petit que le New Jersey. Où sont donc ces villages isolés qui sont restés à l’écart du développement ? Ou alors, on dit que la société arabe est traditionnelle et qu’elle s’oppose aux changements par nature, qu’elle est réticente à adopter des nouveautés. La modernisation leur semble dangereuse et ils ne sont pas disposés à faire des concessions pour l’intérêt général. Ils sont également décrits comme un problème et une menace démographique, comme une menace pour la sécurité. Et c’est parce qu’ils sont considérés comme une menace démographique que les massacres et leur élimination sont légitimés. Un manuel scolaire indique que l’un des massacres, celui de Deir Yassin, qui a provoqué la fuite panique des Palestiniens, résultait d’un problème démographique effrayant. Même Chaim Weizmann, le premier président d’Israël, a qualifié la fuite des Palestiniens de miracle. L’idée est que les Israéliens doivent être plus nombreux que les Palestiniens. Si nous sommes plus nombreux qu’eux, nous serons en sécurité.

Ils comparent sans cesse le nombre d’Arabes et de Juifs dans les manuels scolaires, dans toutes les matières, en particulier la multiplication. Les manuels scolaires désignent les Palestiniens comme les Arabes d’Israël ou le secteur non juif. On ne trouve jamais l’étiquette « Palestinien », sauf lorsqu’elle est associée à la terreur. La communauté bédouine, par exemple, les tribus bédouines qui vivent sur le territoire depuis des milliers d’années, sont appelées la diaspora bédouine, pour donner l’impression qu’elles ne sont pas à leur place. Les cartes des manuels scolaires ignorent complètement l’existence de la Palestine et des Palestiniens. Même sur une carte qui montre la population arabe, on ne trouve pas une seule ville arabe, pas même Nazareth.

Ils justifient les lois racistes, telles que la loi sur la citoyenneté, qui ne permet pas à un couple (dont l’un est citoyen israélien et l’autre originaire des territoires occupés) de vivre ensemble. Ils justifient ce type de loi raciste, illégale et anticonstitutionnelle en citant l’ancien président de la Cour suprême d’Israël, qui a déclaré à propos des Palestiniens : « Les droits de l’homme ne doivent pas être une recette pour le suicide national. »

Ainsi, l’image globale est que vous savez qu’ils représentent une menace et qu’ils ne doivent donc pas être traités comme des personnes. Ainsi, toute la discrimination, l’élimination et le confinement des citoyens arabes sont légitimés par cette excuse : la nécessité d’être une majorité, de maintenir le caractère juif de l’État. Il fut un temps où une politique encourageait la naissance de quatre enfants par famille dans le secteur juif afin de dépasser le nombre d’Arabes. Les familles étaient récompensées. On les appelait les « familles bénies ». Aujourd’hui, cette politique n’existe plus. Lorsque Benjamin Netanyahou est devenu ministre des finances, il a mis fin aux allocations que recevaient les familles nombreuses. Mais il s’agissait d’une politique visant à les rendre moins nombreuses.

À quel âge ces livres sont-ils présentés aux enfants israéliens ?

Cela commence à l’école maternelle. Les manuels scolaires reflètent le discours. C’est ce que dit le linguiste Gunther Kress : Les textes sont une ponctuation de la sémiose ou de la création de sens, à un moment précis. C’est pourquoi les manuels scolaires changent d’un gouvernement à l’autre. Il s’agit donc du discours, du discours social. Il se reflète dans les manuels scolaires ; les manuels scolaires n’inventent pas ce type de discours.

Ce que votre travail montre, c’est que les images des manuels scolaires ne sont pas anodines, sans conséquence ou simplement destinées à divertir. Ce que vous montrez, c’est que les images racistes ont de profondes implications existentielles. La déshumanisation des Palestiniens par les manuels scolaires israéliens permet leur décimation. Après tout, si les enfants israéliens sont élevés en acceptant la « vérité inconditionnelle » de ce qui est écrit ou représenté par des images dans leurs livres et leurs espaces pédagogiques, alors tuer des Palestiniens par le biais d’une punition collective n’a pas le même poids éthique que la perte de vies israéliennes.

Dans Palestine in Israeli School Books : Ideology and Propaganda in Education (La Palestine dans les manuels scolaires israéliens : Idéologie et propagande dans l’éducation), vous écrivez : « Les non-citoyens palestiniens des territoires occupés sont souvent dépeints comme des terroristes, et cette représentation renforce la politique, présentée dans les livres scolaires comme une nécessité convenue, de contrôle constant, de restriction de mouvement et même d’assassinats extrajudiciaires. » Il y a là une profonde ironie. Nous savons que les Juifs ont fait l’objet d’une propagande déshumanisante de la part de l’Allemagne nazie. Les Juifs étaient décrits comme des « parasites » qui devaient être éliminés, exterminés de la pureté de la « race aryenne ». Les Palestiniens sont clairement le groupe d’exclus. Comment voyez-vous spécifiquement le sionisme comme une force idéologique qui crée un groupe interne qui ne doit pas être « souillé » par le groupe externe ? Après tout, le sionisme en tant que forme de construction d’une nation ne signifie pas seulement l’utilisation de stéréotypes racistes, mais aussi le contrôle de l’espace géographique. Pourriez-vous nous expliquer comment, selon vous, ces deux formes de violence fonctionnent en tandem dans le cadre du projet même du sionisme ?

L’identité israélienne est une identité territoriale. L’identité nationale et l’identité territoriale ne font qu’un. Le territoire est donc un facteur très important de notre identité. Nous sommes de la terre et nous devons l’occuper. Mais je pense que la façon dont ils ont traité, depuis le début du sionisme […] est la façon dont tous les colonialistes ont traité les populations indigènes : on dit qu’ils sont primitifs, et nous apportons le progrès. On dit qu’elles n’existent pas. Elles sont considérées comme faisant partie du paysage. Je pense que toutes les puissances coloniales ont traité la population locale de la même manière. Le sionisme était donc un mouvement national européen. Comme tous les mouvements nationaux européens, le sionisme a défini qui est humain et qui est « autre ». Et l’autre, c’est l’« l’homme de l’est, l’oriental ». Tout ce qu’ils voulaient, c’était se débarrasser de l’Orient, parce que les Juifs étaient appelés les Orientaux en Europe, comme s’ils étaient une race « orientale », et ils voulaient s’en débarrasser. Ils voulaient s’occidentaliser.

C’est l’une des choses sur lesquelles on insiste beaucoup dans les manuels scolaires : Nous sommes l’Occident. L’histoire des Juifs en Orient ou dans les pays musulmans n’est même pas mentionnée, bien qu’ils aient eu une vie très harmonieuse et enrichissante dans les pays musulmans pendant des milliers d’années. Mais elle n’est même pas mentionnée. Ils ont donc voulu s’occidentaliser et effacer l’histoire du pays pour reproduire le mythe de la continuité, comme si les Juifs qui venaient d’Europe rentraient chez eux, sur leur terre. Ainsi, l’histoire, la culture et tout ce qui existait auparavant sur la terre de Palestine ou d’Israël arabe ont été effacés. Ils l’ont également fait dans le domaine de l’archéologie. Il n’y a pratiquement aucune découverte archéologique de Palestine ou de l’époque ottomane. Les Ottomans ont régné ici pendant 600 ans, mais il n’y a pratiquement rien. Si vous vous rendez dans un parc en Israël, on vous dira qu’il s’agissait de tel ou tel endroit pour les Romains, les Byzantins, les Croisés, les Britanniques et les Sionistes. Deux mille ans d’histoire sont effacés. Tous ces éléments réunis peuvent donc expliquer l’attitude israélienne. Et bien sûr, comme tous les colonialistes, les dirigeants sionistes utilisent un discours raciste pour vilipender les populations indigènes, et pour légitimer leur discrimination et leur élimination.

On pourrait dire que les Juifs éthiopiens sont un groupe qui vit une sorte d’« altérité » au sein d’Israël. Dans votre livre, Holocaust Education and the Semiotics of Othering in Israeli Schoolbooks (L’enseignement de l’Holocauste et la Sémiotique de l’Altérité dans les manuels scolaires israéliens), vous expliquez comment les Juifs arabes et les autres Juifs non européens sont eux aussi des victimes du sionisme. Dans votre livre, vous qualifiez les Juifs non européens qui se sont installés en Israël de « victimes des victimes ». Comment les récits sionistes contribuent-ils à l’« éviction » des Juifs non européens ?

Comme je l’ai dit, le mouvement sioniste était un mouvement européen. Depuis qu’ils sont arrivés en Palestine, ils ont voulu s’occidentaliser et s’indigéniser en même temps : comme s’ils revenaient. L’idée était de créer une patrie pour les Juifs européens. Ils ne s’intéressaient pas aux autres Juifs, surtout pas à ceux des pays arabes ou africains. Mais après l’Holocauste et l’extermination des Juifs européens, ils avaient besoin de personnes pour peupler le futur État d’Israël. Ils les ont donc cherchés dans d’autres pays, et ils les ont trouvés dans des pays musulmans. Mais l’idée était qu’ils étaient barbares et primitifs, pleins de germes et de maladies, et ainsi de suite, et qu’ils devaient être enfermés dans des camps jusqu’à ce qu’ils puissent s’intégrer. Ils devaient abandonner leur culture, leur arabité ou leur africanité, leur langue, leur musique, leurs coutumes, leur religion, et adopter cette autre religion, cet autre judaïsme qui s’est développé en Europe de l’Est. De nombreuses personnes écrivent à ce sujet; Ela Shohat, et d’autres. Ils les ont donc transformés en victimes des victimes, parce que ceux qui les ont traités de cette manière étaient en réalité les victimes, les survivants.

Ils ont été maintenus dans ce que l’on appelle le colonialisme intérieur ou le colonialisme interne. Aujourd’hui encore, quatre générations après leur arrivée en Israël, leurs petits-enfants sont toujours appelés Marocains, ou même « sales Marocains ». Ils sont appelés par leur ethnie : les Juifs ashkénazes, cependant, sont la norme, les non marqués. On ne leur donne pas le nom d’une ethnie. Mais les non-Ashkénazes, bien qu’ils soient sur le territoire depuis quatre générations, sont toujours appelés par leur appartenance ethnique. Les écarts en matière d’éducation, d’emploi et de richesse se creusent, au lieu de se réduire.

C’était une chose horrible, et la façon dont ils ont été traités les a ruinés. Elle a ruiné la famille, elle a ruiné la communauté. C’était un désastre. En fait, Israël n’a pas voulu que les Éthiopiens viennent pendant de nombreuses années. Les Juifs éthiopiens, ou Beta Israël (la maison d’Israël), comme ils s’appellent eux-mêmes, voulaient venir à Sion pour des raisons religieuses. Les Juifs arabes n’étaient pas non plus sionistes, bien que certains d’entre eux aient participé à des mouvements sionistes, mais leurs motivations étaient essentiellement religieuses et non politiques. Ils voulaient venir à Jérusalem, c’est tout. Les Juifs éthiopiens, qui pensaient être les seuls Juifs au monde, voulaient venir à Sion. Lorsqu’ils ont appris qu’il y avait une possibilité, ils ont commencé à demander à venir. Mais Israël ne voulait pas d’eux. Ce n’est qu’après que l’Assemblée générale des Nations unies, en 1975, a déclaré que le sionisme était un mouvement raciste qu’ils ont décidé de les faire venir pour prouver qu’ils autorisaient l’entrée des Noirs. Mais il a fallu attendre plusieurs années avant qu’ils ne commencent à venir.

La façon dont ils les ont amenés a été désastreuse. Ils les ont fait marcher jusqu’au Soudan, puis les ont fait attendre au Soudan dans des conditions de vie déplorables pendant des mois et des mois. Les morts se comptaient par milliers. Et puis ils ont défini cela, ou l’ont couronné, comme une merveilleuse opération clandestine de « nos braves soldats ». Ils les ont fait venir et les ont placés dans ces camps, qu’ils appelaient camps d’absorption, centres d’absorption. Ils étaient complètement dépendants de la bureaucratie israélienne. Ils ne pouvaient pas prendre de décisions concernant leur propre bien-être. Ils ont dû abandonner toutes leurs coutumes, leurs chefs religieux, leur religion, car ils s’appuyaient sur la Bible et non sur la Halachah, qui avait été élaborée en Europe de l’Est – ils ne la connaissaient même pas. Ils ne pouvaient pas non plus choisir les écoles pour leurs enfants.

Les manuels scolaires le reproduisent encore aujourd’hui en traitant les Juifs éthiopiens comme un « problème » auquel l’État doit faire face. Et aujourd’hui, plus de 40 ans après leur arrivée, ils sont toujours traités comme un problème. Ils doivent étudier toutes sortes de textes écrits par des Européens au siècle dernier, dans les années 60, sur la vie en Éthiopie et entendre qu’ils sont patriarcaux, primitifs, qu’ils marient leurs filles à l’âge de 9 ans, etc. Rien n’est dit sur leur contribution au pays. Il y a des artistes, des chanteurs, des danseurs, des scientifiques, tout. Ils ne sont mentionnés que lorsqu’ils sont de « bons soldats ». Tous les livres le mentionnent. Ils sont séparés dans des programmes spéciaux pour les Éthiopiens, même s’ils sont nés en Israël, même à l’université, à l’école d’infirmières, à l’armée. Ces programmes spéciaux sont destinés à les occidentaliser comme Israël est occidental, ce qui est absurde. Et pourtant, ils doivent lire ces textes. Tous les textes les concernant sont écrits par des Juifs ashkénazes. Il n’y a pas un seul texte éthiopien dans tous les programmes, bien qu’il y ait des écrivains (et des sociologues et des psychologues) qui ont reçu des prix. Aujourd’hui, les intellectuels israéliens d’origine éthiopienne ont commencé à s’opposer et à réfuter le récit du sauvetage. Il existe aujourd’hui un mouvement de résistance à tout cela. Mais c’est très difficile.

La police les traite comme elle traite les Noirs en Amérique et en Angleterre. Ils les abattent dans les rues. Récemment, un procès a été mené à son terme. Un policier a tiré sur un Israélien éthiopien de 18 ans et le policier a été acquitté. Pendant tout le procès, les juges ont traité le policier comme s’il était la victime et les parents de ce jeune comme s’ils faisaient obstruction. Le chef de la police a dit : Oui, que pouvons-nous faire ? Ils sont noirs. Et cela se retrouve dans les manuels scolaires. Les manuels scolaires vous disent qu’ils ne peuvent pas s’intégrer, ou qu’ils ont du mal à s’intégrer, parce qu’ils ont toutes sortes de coutumes auxquelles nous ne sommes pas habitués, comme le respect des aînés, l’autorité parentale ! Des choses horribles comme ça. Et la couleur de la peau. Les manuels scolaires reproduisent donc le racisme de l’État. Ils les montrent toujours, sur les photos, affalés sur le sol dans un désert et on ne voit même pas leur visage.

Je demande toujours à mes étudiants où vivaient les Juifs éthiopiens en Éthiopie. Ils répondent : dans le désert, ce qui est faux. Ils vivaient au sommet des collines parce qu’ils avaient besoin d’eau pour les troupeaux. Pendant le COVID, une conférencière éthiopienne du David Yellin Academic College a donné une conférence au personnel et a posé la même question : « Où pensez-vous qu’ils vivaient ? » Les conférenciers ont tous répondu « dans le désert », car c’est la seule image des Juifs éthiopiens que nous ayons vue. C’est horrible.

J’ai fait du bénévolat auprès d’enfants dans un centre d’intégration près de chez moi. Les conditions de vie y étaient épouvantables, tout comme le traitement qui leur était réservé à l’école. Le racisme qui règne dans les écoles les empêche de participer à toutes les activités auxquelles les enfants blancs ont accès. Bien sûr, c’étaient des enfants merveilleux et brillants, et je suis toujours en contact avec certains d’entre eux. L’une d’entre elle était techniciene dans l’armée de l’air israélienne. Mon mari et moi sommes allés à son mariage et il n’y avait pas une seule personne blanche à ce mariage, ni aucun de ses anciens camarades de l’armée, ni aucun de ses camarades actuels, pas même un seul. Mais comment est-ce possible ? Je suis sûr qu’elle a invité tout le monde. C’est une anecdote, mais je la mentionne pour vous montrer l’attitude à l’égard des Juifs éthiopiens. J’ai entendu des enseignants dire qu’ils puaient. J’ai entendu des professeurs dire qu’ils n’étaient pas sacrés parce qu’ils abattaient eux-mêmes les vaches..

Cela me rappelle l’horrible réalité de la génération volée, où les Australiens blancs ont forcé les enfants aborigènes et insulaires du détroit de Torres à quitter leurs parents. L’objectif est d’effacer toute trace de leur identité culturelle.

Oui. Dans ce cas, toute l’éducation des enfants éthiopiens israéliens vise à les changer, et non à apprendre à les connaître, à apprendre d’eux ou à reconnaître leurs contributions à une société multiculturelle. J’ai demandé à une enseignante si elle pensait que ces changements les déconnecteraient de leur culture, de leur communauté et de leur famille. Elle m’a répondu : « Oui, j’espère qu’ils enseigneront aussi à leurs parents. » Donc, oui, ce sont les mêmes processus coloniaux qui ont eu lieu en Australie et au Canada. Il s’agit de la même « mission civilisatrice ». C’est la mission civilisatrice de l’homme blanc. Les Éthiopiens ont été choqués à leur arrivée, car ils pensaient venir dans la « Jérusalem d’or » et, soudain, ils ont été traités comme des non-Juifs, ce qui a provoqué de nombreux suicides. Ils étaient traités comme des bêtes, ce qui n’a pas changé jusqu’à aujourd’hui.

Comment envisagez-vous un moyen efficace de démanteler les stéréotypes anti-palestiniens en Israël qui sont à l’origine de tant de violence ? En quoi le fait de repenser l’éducation et de repenser radicalement les programmes scolaires en Israël pourrait-il faire la différence ?

On pourrait avoir un programme scolaire entièrement nouveau si on le voulait. J’ai parlé des livres jusqu’en 2014 environ, parce qu’après cette date, on ne trouve plus du tout de Palestiniens dans les manuels scolaires, ni d’Éthiopiens. Vous avez des problèmes abstraits de terreur, mais personne ne parle d’eux en tant que personnes. Il y a eu un changement à la fin des années 90, lorsque de nouveaux historiens ont parlé de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), mais aujourd’hui, il n’y a rien ; c’est comme s’ils n’existaient pas. Ces livres sont comme des pamphlets évangélistes. Même les photos que vous voyez, toutes les photos des gens dans les livres scolaires sont blonds avec des yeux bleus. En réalité, la plupart des Israéliens ne sont pas blonds. J’ai demandé à un graphiste qui avait conçu un manuel scolaire pourquoi il avait fait cela. Il m’a répondu : « Eh bien, ça fait bien. » Ces livres sont vraiment des livres de propagande.

Chaque année, je vérifie s’il y a des nouveautés dans ces livres, mais il n’y a pas du tout d’ « autres » dans ces livres, pas la moindre diversité. La situation ne fait donc qu’empirer. Mais bien sûr, si vous voulez donner un sens, vous devez construire un nouveau programme, qui ne sera pas seulement ce que l’on appelle le récit pédagogique, mais aussi le récit performatif, le récit des personnes qui ne sont jamais incluses dans le récit pédagogique ou le récit officiel, les personnes dont les voix ne sont pas entendues (les récits écrits par les Bédouins, les Circassiens, les Druzes, les Palestiniens, les Juifs éthiopiens, les Juifs arabes, les Juifs russes) parce qu’Israël est un endroit avec tant de langues, tant de groupes de personnes qui n’ont rien en commun, soit dit en passant. Ce n’est pas un pays multiculturel, mais il y a beaucoup de cultures en son sein. La seule façon d’avancer est d’avoir un récit du peuple compréhensible, ce que l’universitaire indien et théoricien critique Homi Bhabha appelle le récit performatif, celui qui compte, celui qui affecte vraiment la vie des gens. En Israël, personne n’a d’histoire, sauf l’histoire sioniste. Nous ne savons rien, même à propos des Juifs européens. Nous ne savons rien, sauf qu’ils ont été exterminés.

L’écrivain palestinien libanais Elias Khoury a écrit un livre intitulé Children of the Ghetto : My Name Is Adam (Les enfants du ghetto : mon nom est Adam) dans lequel il raconte l’histoire d’un Palestinien en proie à la douleur et au chagrin. Le livre raconte l’histoire d’un homme qui a été amené à enterrer et à brûler les cadavres après les massacres. Khoury appelle ces personnes des Sonderkommandos. Il raconte l’histoire de l’un d’entre eux, en fait un être humain individuel qui a une histoire. Et lorsque vous lisez cette histoire en contraste avec l’histoire israélienne racontée dans les livres d’histoire, c’est la différence avec un récit pédagogique ou officiel, c’est le récit des marginaux, le récit des personnes qui sont devenues des objets collectifs. Et c’est ainsi qu’il faut procéder, pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Mais l’histoire des Juifs éthiopiens n’est pas écrite par des Juifs éthiopiens. Tout est anthropologique, et tout est fait d’un point de vue eurocentrique, d’un point de vue raciste. Je pense que la seule façon de procéder n’est pas de confronter les deux récits officiels, palestinien contre israélien. Cela a été fait. Ni Israël ni la Palestine n’autorisent son utilisation à l’école. Mais nous devons prendre en compte les récits de tous les habitants, et c’est là que vous trouverez des choses fascinantes sur la vie commune qui régnait dans cet endroit pendant la période ottomane et avant, qui était riche et harmonieuse sur le plan culturel, économique et agricole. Les gens étaient très cosmopolites. Tout était réuni sans que personne ne perde son identité ou son appartenance religieuse. J’aimerais voir cela.

Nous avons essayé de le faire avant l’assaut de 2009 sur Gaza. Nous avons essayé de former un groupe d’experts qui commencerait à rédiger ce programme. Un groupe formidable est venu, tous bénévoles. Mais Israël a attaqué Gaza et les Palestiniens n’ont pas voulu et n’ont plus pu venir. Mais je pense qu’il y a beaucoup de gens qui aimeraient le faire, parce que c’est toujours beaucoup plus intéressant que toute cette propagande politique que l’on trouve dans les livres scolaires, qui ne parle que de pogroms, de guerres et de massacres de juifs.

Aujourd’hui, l’idée qui unit les gens ici est que nous sommes tous des victimes de l’Holocauste et que nous pouvons être à nouveau victimes de l’Holocauste si nous ne faisons pas attention. Telle est l’idée. Il faut traumatiser les enfants pour les rendre loyaux, afin qu’ils ne quittent pas le pays. Et c’est écrit dans tous les livres. Ce qui est arrivé aux Juifs en Europe est arrivé parce qu’ils n’avaient pas d’État ni d’armée. Vous obligez les gens à rester, les jeunes, vous les effrayez à mort. Vous savez, les gens disent : « N’allez pas en Turquie, ils nous détestent. » Qu’est-ce que vous voulez dire ? Ils nous détestent. Ils m’aiment quand je viens au marché acheter des tapis. Je me souviens que lorsque j’ai emmené mon fils en Grèce à l’âge de 8 ans, son cousin m’a dit : « N’y va pas ! Ils nous ont exterminés. » Il y a cinq mille ans, ils ont détruit le temple. Et cette attitude est très forte en Israël. N’allez pas à Athènes. Ils sont antisémites. N’allez pas là-bas, il y a des Arabes. L’Holocauste est donc ce qui unit tout le monde et plane au-dessus de nous en permanence, avec un mépris pour les vraies victimes de l’Holocauste parce que, vous savez, elles n’ont pas riposté.

Cela ressemble à un processus de nazification des Arabes…

Oui ! Depuis qu’Israël s’est lié d’amitié avec l’Allemagne en 1953 et a accepté l’argent des réparations, le rôle d’exterminateur potentiel est passé aux Arabes, sans quoi nous n’avons aucune raison d’être ici et d’être armés jusqu’aux dents. Les Arabes ont reçu le rôle d’exterminateurs potentiels sans raison, sans cause. Je veux dire que les Arabes n’ont jamais exterminé les Juifs. Les musulmans ont rarement perpétré des pogroms contre les Juifs. Il y a eu quelques incidents, certes, mais ils n’ont jamais pensé à une solution finale. En 1953, David Ben-Gourion a déclaré : « Je prends l’argent des réparations allemandes pour que nous puissions nous défendre contre les Arabes nazis », et c’est ainsi qu’il a inventé le terme « Arabes nazis ». Puis ils ont dit : « Nous vivons dans les frontières d’Auschwitz ». Et Menachem Begin a déclaré que l’attaque des camps de réfugiés au Liban nous avait sauvés d’un « autre Treblinka ». Tel est le discours. Et aujourd’hui encore, ils traitent les Palestiniens de Gaza de nazis. Ce qui s’est passé le 7 octobre a été immédiatement comparé à la Shoah, à l’Holocauste. Immédiatement. Et cela fonctionne. Nous sommes une puissance nucléaire et ils n’ont rien, mais ils sont décrits d’une part comme des êtres humains primitifs et superflus, et d’autre part comme des nazis tout-puissants. Et ça marche.

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George Yancy est professeur de philosophie Samuel Candler Dobbs à l’Université Emory et boursier Montgomery au Dartmouth College. Il est également le premier boursier de l’Université de Pennsylvanie dans le cadre du Provost’s Distinguished Faculty Fellowship Program (année universitaire 2019-2020). Il est l’auteur, l’éditeur et le coéditeur de plus de 25 ouvrages, dont Black Bodies, White Gazes ; Look, A White ; Backlash : What Happens When We Talk Honestly about Racism in America ; et Across Black Spaces : Essays and Interviews from an American Philosopher publié par Rowman & Littlefield en 2020. Ses ouvrages les plus récents comprennent une collection d’entretiens critiques intitulée Until Our Lungs Give Out : Conversations on Race, Justice, and the Future (Rowman & Littlefield, 2023), et un livre coédité (avec le philosophe Bill Bywater) intitulé In Sheep’s Clothing : The Idolatry of White Christian Nationalism (Roman & Littlefield, 2024).

Source : Truthout, George Yancy, 15-09-2024
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises