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dimanche 16 mars 2025

« Gender-washing » : comment les multinationales du secteur extractiviste détournent les revendications féministes

 TotalEnergie dans la région:

Ouganda totalenergie ouganda 

Tanzanie totalenergie tanzanie

Monzambique totalenergie mozambique

SOURCE: https://multinationales.org/fr/enquetes/survivre-a-eacop/gender-washing-comment-les-multinationales-du-secteur-extractiviste-detournent

Face à la contestation sociale et environnementale, les multinationales pétrolières ou minières se posent de plus en plus souvent en champions de l’égalité des femmes pour légitimer leurs projets controversés. Enquête sur ce « gender-washing » dont TotalEnergies en Ouganda fournit une parfaite illustration.

Publié le 11 mars 2025 , par Agatha Allain


KABerglund cc by-sa

« C’est une pionnière. Elle défie les obstacles, les surmonte, inspire le changement, et ouvre la voie aux leaders de demain. » Ces louanges, on peut les lire sur le site de Women In Mining, une organisation dédiée à la promotion des femmes dans le secteur minier, qui récompense chaque année cent femmes censées incarner cet idéal éblouissant. Cela pourrait sembler un paradoxe pour ce secteur souvent qualifié de « boys club » du fait de son inaccessibilité aux personnes ne correspondant pas aux normes de masculinité et de virilité [1]. Pourtant, le sujet semble être devenu incontournable. En effet, les industries extractives (minières, pétrolières et gazières), régulièrement dénoncées pour leurs impacts irréversibles sur l’environnement – dégradations des sols, déforestation, pollutions, pertes de biodiversité – et pour la dépossession des communautés locales, sont embarquées depuis les années 2000 sur un nouveau terrain : celui de l’égalité hommes-femmes. Une tendance qu’illustrent parfaitement les activités de Women in Mining, tout comme elles illustrent la conception particulière, individualiste et très « corpo-compatible », de l’émancipation des femmes qui est promue par l’industrie.

Cet intérêt n’a rien de fortuit. Selon Kyra Grieco, anthropologue spécialiste des inégalités créées par le développement minier au Pérou, les multinationales ont commencé à intégrer la question du genre dans les années 2005-2010 afin de répondre aux nombreuses publications dénonçant les impacts des activités minières et pétrolières sur les femmes, leurs moyens de subsistance, leur sécurité, et les nouvelles inégalités de genre que l’extractivisme entraîne au sein des familles et des communautés [2]. « L’industrie minière a ainsi été obligé d’intégrer l’égalité de genre parmi ses objectifs en matière de responsabilité sociale d’entreprise (RSE), » explique-t-elle. L’attention médiatique grandissante sur les activistes, juristes et chercheuses participant aux oppositions locales aux projets d’extraction a aussi contribué à amplifier les revendications des femmes et des mouvements féministes.

TotalEnergies, défenseur autoproclamé des femmes

Dans le secteur pétrolier et gazier, un groupe comme TotalEnergies cherche ainsi à se construire une image de défenseur de la cause des femmes et de leur émancipation économique dans le cadre de ses projets en Ouganda et en Tanzanie – les forages pétroliers dans la région du lac Albert et le projet d’oléoduc EACOP destiné à transporter l’or noir vers l’océan Indien en vue de son exportation [3]. En donnant la parole aux femmes sur le terrain, l’Observatoire des multinationales et le Tasha Research Institute ont cependant montré comment, malgré les promesses de TotalEnergies, l’EACOP a engendré de nouvelles inégalités de genre, que ce soit au sein de l’entreprise ou dans les communautés affectées (lire notre enquête Survivre à EACOP).

Ce grand écart entre les beaux discours favorables aux femmes et la réalité du terrain a un nom : le « gender-washing » – soit l’équivalent pour les questions de genre du « greenwashing » pour les questions environnementales. Outre TotalEnergies pour ses activités ougandaises, d’autres multinationales derrière des projets extractivistes très contestés ont elles aussi adopté cette stratégie pour tenter de neutraliser la contestation sociale – dont celle menée par des femmes. C’est le cas par exemple du groupe TCEnergy, responsable du Coastal Gas Link, un gazoduc de 670 kilomètres acheminant principalement du méthane jusqu’à un site d’exportation à Kitimat, en Colombie Britannique, au Canada, qui traverse différents territoires autochtones. Ou encore du géant suisse Glencore à propos de sa mine de charbon à ciel ouvert de Cerrejón en Colombie, qui a derrière elle un lourd passif de répression et de déplacement de populations (lire notre article).

Comme souvent en matière de RSE, les multinationales concernées cherchent à se construire une légitimité à travers des partenariats avec des acteurs externes ou avec des institutions internationales. Par exemple, TotalEnergies s’est associé avec le Forum de Davos pour s’engager à réduire les inégalités de genre avec une vingtaine d’autres entreprises pétrolières dont Shell, BHP et Saudi Aramco en 2016, citant des objectifs vagues tels que : « créer une culture d’entreprise inclusive et ouverte où tous les genres peuvent s’épanouir ». En 2023, et malgré les différentes accusations des femmes des communautés affectées par l’EACOP – dont celle de ne pas respecter le droit à une compensation juste et digne à travers la sous-évaluation de leurs terres [4] –, TotalEnergies a instrumentalisé la journée mondiale des femmes du 8 mars afin de signer un partenariat avec l’Organisation internationale de la francophonie en faveur de l’émancipation des femmes. TCEnergy s’est associé au réseau professionnel Women+Power, tandis que Glencore finance la Canadian Mining Association, qui lui apporte de la visibilité auprès de la cause féminine. Cette organisation organise les HuEllas awards, qui ont récompensé la directrice de la mine Cerrejón, Claudia Bejarano, pour son engagement auprès des femmes, et est financée par Glencore à hauteur de 120 541 dollars en 2023 [5].

La machine méritocratique de Glencore, TotalEnergies et TCEnergy

Le « gender-washing » a deux terrains d’actions – à l’extérieur, au sein des communautés affectées, mais aussi à l’intérieur même des entreprises concernées. C’est ainsi que les secteurs miniers et pétroliers – comme on l’a dit traditionnellement très masculins – cherchent aujourd’hui à faire croître la part des femmes dans leurs effectifs, qui se situe aujourd’hui respectivement à 10 et 29% [6].

Une de leurs stratégies de prédilection se résume à sélectionner, récompenser, et mettre en avant certaines employées dans leur communication. On peut ainsi voir TCEnergy et Glencore mettre en avant les « femmes qui font une différence » (« women making a difference ») [7]. TCEnergy publie des entretiens de sept employées qui témoignent avec fierté sur leur parcours personnel, sur l’importance qu’elles se sentent accordées dans leur rôle, et même sur les stéréotypes qu’elles entendent briser : « Je veux montrer à ma fille qu’il n’existe pas de rôles genrés lorsqu’il s’agit de faire ce que l’on aime », déclare l’une d’elles. Glencore de son côté met en avant la figure de Claudia Bejarano, directrice de la mine et poste sur son site une vidéo où une employée, parée d’une cape de super-héroïne, affirme : « Dans le secteur minier, nous devons mettre fin aux stéréotypes, et moi, la youtubeuse minière, je m’engage à y mettre fin ! »

Représentation sélective

Si ces entreprises mettent en avant des employées qui se sentent épanouies, elles ne communiquent pas ou peu sur les discriminations sexistes et sexuelles que subissent d’autres employées. En 2022, une cheffe de chantier du Coastal Gas Link porte plainte contre TCEnergy pour agression sexuelle, citant un échec de la part de l’entreprise étant donné « l’isolement du lieu de travail et la fréquence des violences sexuelles sur ces lieux ». À Cerrejón, Hidanora Pérez, responsable de la branche santé du syndicat IndustriALL regroupant 50 millions de travailleur.euses des industries minières, énergétiques et industrielles, affirme que les employées ont été discriminées lors d’un licenciement massif en 2020, et soumises à des mutations lorsqu’elles se sont plaintes de ces discriminations.

Lors de la Journée internationale des femmes dans l’industrie minière célébrée le 15 juin, des intervenantes ont souligné des défis persistants. Un nuage de mots illustrent les domaines où elles souhaitent voir plus d’efforts de la part de l’industrie : congé maternité, travail émotionnel, égalité salariale, harcèlement, machisme, responsabilité des dirigeants… Curieusement, ces termes apparaissent en petits caractères dans l’illustration, limitant leur lisibilité. Une ambassadrice de l’IWiM, aujourd’hui directrice d’une mine en Afrique du Sud, mentionne aussi les efforts qu’elle a dû faire pour s’intégrer, et la difficulté à défendre son nouveau statut économique et social [8].

Ainsi, les « success stories » de quelques-unes, masquent la réalité collective de beaucoup d’autres. C’est ce que Rosie Walters appelle la représentation sélective ou selective disclosure [9]. C’est tout l’exercice d’illusion auquel se prête la RSE, « l’arbre qui cache la forêt » selon Kyra Grieco. « Ces interventions ponctuelles cachent des inégalités systémiques grandissantes. Quand on va regarder de près la trajectoire de ces femmes, ce n’est pas si simple : du fait de leur transgression (faire un métier « d’hommes ») elles sont souvent sujettes à des violences dans leur vie privée et professionnelle, qui ne sont rien d’autre que des rappels à l’ordre du genre. » La sociologue Delphine Lacombe parle quant à elle de « femmes vitrines » pour désigner ces opérations de communication désignée à masquer des inégalités structurelles en ne visibilisant que certains enjeux.

« Contrôle de leur vie »

En dehors des entreprises, le « gender-washing » se traduit par une mise en scène de l’« empowerment » (émancipation, autonomisation, renforcement des capacités...) que les entreprises extractivistes apporteraient aux femmes, en les aidant comme le prétend par exemple TotalEnergies à prendre « contrôle de leur vie ». Mais de quel contrôle parle-t-on, alors que les grands projets extractivistes se traduisent avant tout par la prise de possession brutale des territoires de vie ?

L’extractivisme, qu’il soit minier, gazier ou pétrolier, intensifie la répression et génère de nouvelles inégalités en renforçant le contrôle sur les corps et les vies des femmes. Comme nous l’avons vu, le déploiement sans avertissement d’une force de police spécialisée le long du tracé de l’oléoduc EACOP engendre, de nouveaux risques pour les femmes, qu’elles s’opposent ou non au projet de TotalEnergies.

La collaboration étroite des multinationales avec les forces armées menace aussi particulièrement les femmes qui s’opposent publiquement à l’extraction, ainsi que les défenseuses des peuples autochtones, en les exposant à davantage de violences sexistes et sexuelles. Le mouvement Sütsuin Jieyuu Wayúu (ou Fuerza de Mujeres Wayúu) dénonce ainsi depuis 2006 les impacts environnementaux de la mine Cerrejón et les disparitions alarmantes de femmes Wayúu – puisque la mine Cerrejón traverse les terres de peuples autochtones Wayúu, de communautés afro-colombiennes (protégées juridiquement en Colombie) et paysannes.

Hiérarchisation des femmes en territoires non-cédés

Au Canada, de nombreuses organisations ont documenté les controverses qui ont accompagné la construction du Coastal Gas Link, notamment celle de ne pas respecter le consentement libre, préalable et informé du peuple autochtone Wet’suwet’en dont le gazoduc traverse les territoires [10]. Ces controverses sont accompagnées du harcèlement qu’on subit les femmes Wet’suwet’en défendant leur droit à la souveraineté. « Presque toutes nos luttes de terrain sont dirigées par des femmes », affirme Sleydo’, cheffe de la maison Cas Yikh du peuple Wet’suwet’en, et médiatisée dans la lutte pour le respect de la souveraineté autochtone [11]. « Les personnes qui affrontent la police, les unités canines et les fusils militarisés de la CMP [Police montée canadienne], sont toutes des femmes de nos communautés. » Sleydo’ fait référence ici aux raids menés entre 2019 et 2023 pour expulser les communautés autochtones qui bloquaient le chantier, et qui ont été l’occasion de discours jugés « racistes, insultants, et déshumanisants » envers les activistes par la Cour suprême [12].

Pour délégitimer les résistances aux projets extractivistes, une entreprise comme TCEnergy s’approprie très sélectivement les revendications féministes, en communiquant sur trois employées issues de peuples autochtones différents. La représentation sélective de ces femmes s’articule autour de qualifiants qui font d’elles de bonnes employées et dresse ainsi le portrait désirable de femmes engagées qui ont brisé le plafond de verre [13] et les stéréotypes de genre.

Selon Karla Tait, membre du clan Gilseyhu du peuple Wet’suwet’en, cette stratégie « monte les gens les uns contre les autres au sein de nos communautés, en appliquant le ’diviser pour mieux régner’ à laquelle nous avons été confrontés à chaque étape depuis la colonisation ». Kyra Grieco ajoute « c’est d’ailleurs ça la base du patriarcat, de mettre les femmes en compétition sur la base de la beauté, du succès, ou autre ». TCEnergy bénéficie pour ce faire d’une équipe de communication à toute épreuve : l’entreprise a payé Meta à hauteur de 9500 dollars en seulement cinq semaines pour produire des publicités sur l’engagement de TCEnergy auprès des peuples autochtones.

Féminisme sélectif

Le « gender-washing » porte ainsi un discours selon lequel la seule possibilité de libération féministe est individuelle, jamais collective, et réservée aux femmes méritantes de ces entreprises. Il tend aussi à avoir une vision particulièrement restrictive et hétéronormative du genre, comme on l’a vu lorsque TotalEnergies s’est associée avec la « première dame » de l’Ouganda pour seize jours d’action contre les violences liées au genre, alors que le régime au pouvoir a adopté une des lois les plus rétrograde au monde envers la communauté queer, prévoyant jusqu’à la peine de mort pour les personnes LGBTQIA+.

Notons aussi qu’il ne peut pas y avoir de « féminisme » sur des territoires non-cédés, dans un continuum colonial. Laetitia Braconnier Moreno, docteure en droit public et présidente de la Commission justice transitionnelle de l’Association des juristes franco-colombiens explique que « selon la lecture de beaucoup de représentants autochtones, la fin du conflit armé sera quand toutes ces entreprises se retirent de leurs territoires, quand le droit à la consultation préalable est respecté ; quand les autorités autochtones récupèreront le contrôle sur leurs territoires et qu’il n’y aura plus d’acteurs armés ou d’acteurs privés présents sans leurs consentement ». En s’appropriant un langage progressiste sur l’égalité de genres, les multinationales tentent en réalité de dissimuler des pratiques illégales d’accaparement des terres et d’expulsions de communautés locales.

Trompeur, sélectif, discriminatoire, le « gender-washing » tel que le pratiquent les multinationales extractivistes a-t-il même un avenir ? De retour à la Maison Blanche, Donald Trump a lancé la guerre contre le « wokisme » en demandant aux entreprises d’effacer toute trace d’engagement environnemental ou social, aussi superficiel soit-il – ce que Chevron et ExxonMobil se sont empressés de faire. Le mot « femme » a même été interdit dans la recherche scientifique[[Voir les articles de Reporterre et de Mediapart].]. Ces changements politiques auront forcément des répercussions sur les stratégies RSE des entreprises dans le monde, ainsi que sur les femmes affectées de loin ou de près par leurs activités. Pourtant, certaines continuent à réutiliser un langage progressiste et féministe afin de le dévoyer de sa charge politique, ce dont témoigne à sa manière la mode du « gender-washing ». Comme le dit l’économiste Stéphanie Treillet, « on ne tente de récupérer que ce qui paraît menaçant ou subversif ».

Article publié par Agatha Allain

Notes

[1Voir par exemple cet article.

[2Voir par exemple ce rapport d’Oxfam.

[4-Voir notre enquête Survivre à EACOP et le rapport des Amis de la Terre.

[5Page 9 du rapport de Glencore 2023 Review of our direct and indirect advocacy.

[6Voir ici et .

[8Voir la vidéo (25.00).

[9-La chercheuse Rosie Walters, professeure en relations internationales à l’université Cardiff a publié sur les différentes stratégies de gender washing utilisées par les multinationales.

[10Certains chefs héréditaires Wet’suwet’en, protégés par le jugement de la Cour Suprême en 1997 leur conférant compétence sur leurs territoires, dénoncent ne pas avoir consenti à la construction du gazoduc. En 2023, le rapporteur des Nations Unies Francisco Cali alerte que le principe de consentement préalable, libre et éclairé n’est toujours pas respecté au Canada dans le cadre des projets d’extraction. Voir aussi « Discursive Infrastructures of Settler Colonialism : The Coastal Gaslink Pipeline, Indigenous Workers, and the Ongoing Promise of Integration » de Alana Lajoie-O’Malley

[11Propos recueillis dans l’entretien de Sleydo’ le 14 février 2022 par Cultural Survival Voir aussi ici. Et le documentaire YINTAH, qui retrace le combat du peuple Wet’suwet’en pour sa souveraineté.

[12Cette oppression s’inscrit plus largement dans une représentation sexiste et raciste du corps des femmes autochtones au Canada dont les multinationales se saisissent , comme l’explique l’anthropologue Audra Simpson. Voir « Mohawk Interruptus : Political Life Across the Borders of Settler States », où elle écrit sur la manière dont les structures politiques Canadiennes font du corps des femmes autochtones un terrain balisé et vulnérabilisé.

[13Voir le glossaire de La Déferlante sur la définition du plafond de verre : un concept sociologique qui désigne l’accès « élitiste » de quelques femmes à des postes de responsabilité, mais sans changement des conditions de travail pour les femmes des classes moyennes ou inférieures.

mardi 17 décembre 2024

Le Congo-Zaïre ou le martyre infligé par le capitalisme

 SOURCE: https://joseseseko.overblog.com/2019/12/le-congo-zaire-ou-le-martyre-inflige-par-le-capitalisme.html


Publié par JoSeseSeko sur 18 Décembre 2019, 10:39am

Catégories : #Économie, #Politique, #Afrique, #Congo-Zaïre, #Capitalisme, #Libéralisme, #Industrie, #Minerais

Photo: Flickr/MONUSCO Photos

Photo: Flickr/MONUSCO Photos

La saisie de la justice états-unienne pour condamner cinq firmes high tech de blessures et d'exploitation d'enfants dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo est une occasion pour rappeler au monde occidental capitaliste qu'il jouit de biens à travers un impérialisme génocidaire dont il s'en indiffère jusqu'à ce que ça lui revienne dans la gueule.

C'est une nouvelle qui ne comptera guère dans les esprits en France, mais elle mérite qu'on s'y attarde. L'organisation non gouvernementale (ONG) International Right Advocate a porté plainte, au nom de 14 parents et enfants de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), contre Apple, Google, Microsoft, Dell ou encore Tesla, auprès de la justice fédérale états-unienne pour travail forcé d'enfants dans les mines de cobalt avec fort risque de blessure ou de décès. Un procès qui promet d'être historique en raison des noms des firmes accusées (cf liens n°1, n°2, n°3).

Matières premières maudites!

Mais qu'est-ce que le cobalt? C'est un matériau fort utilisé dans les industries de pointe que sont l'informatique, la téléphonie mobile, mais aussi l'automobile car il sert de composant à la fabrication de batteries au lithium. Et avec la montée de la demande en smartphones et surtout en voitures électriques dans le monde - d'où le fait que Tesla soit dans le box des accusés -, les fournisseurs se doivent d'accentuer la production et donc de dégrader les conditions d'exploitation. Or, pas moins de 60% des réserves mondiales de cobalt se trouvent dans la seule RDC. N'oublions pas un autre matériau fort précieux pour la haute technologie qu'est le coltan, dont 60 à 80% des réserves mondiales se trouvent également dans l'ex-Zaïre, attirant ainsi les convoitises des pays occidentaux ou de la Chine.

Vu leur utilité, la RDC devrait pouvoir afficher un niveau de développement faramineux. Que nenni! Ces ressources minières, et d'autres matières premières (cuivre, diamant, or, zinc, étain, pétrole, uranium, fer, manganèse, etc.) happées, voire pillées, seules les firmes multinationales en voient la couleur, tant elles dominent les structures économiques et sociales. Le Congo-Zaïre illustre à la fois l'impérialisme mené envers lui, comme envers plusieurs autres pays africains d'ailleurs, mais également ce que les économistes appellent le syndrome hollandais. C'est-à-dire un pays disposant d'une grande quantité de ressources naturelles mais demeurant incapable de pouvoir se développer car condamné à être un fournisseur en matières premières et non à mettre en place une industrie locale puissante, excepté peut-être l'industrie  minière comme "vache à lait" pour un pouvoir local corrompu et au service d'autres continents. Reste à savoir si la réforme du code minier en RDC, votée en 2018 sous la fin de la présidence de Joseph Kabila et les ambitions de Félix Tshisekedi en matière de politique industrielle seraient en mesure de changer la donne. Ce dont on peut, hélas, en douter.

Une indifférence sanglante

Mais surtout, ce qui est frappant, en tant que personne d'origine congo-zaïroise, c'est l'indifférence qui s'observe au niveau médiatique ou politique sur le pays le plus peuplé de la francophonie, qui souffre de martyre depuis le milieu des années 1990. Et malgré les efforts du docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, pour exposer la situation, avec des estimations allant de 6 à 12 millions de morts, notamment dans l'Est du pays, concentrant l'essentiel des mines de coltan plus d'autres matériaux, le viol des femmes comme arme de guerre, etc. un silence coupable dure. Pourquoi? Ce serait exposer la culpabilité du Rwanda voisin, dont le génocide des tutsis en 1994 a déstabilisé l'Afrique des Grands Lacs et que Paul Kagame, protégé par plusieurs pays occidentaux, a profité de la fuite de génocidaires hutus dans l'Est du Congo-Zaïre pour intervenir dans ce pays, en espérant y mettre un pantin au pouvoir à Kinshasa. Ce qu'il pensait faire avec Laurent-Désiré Kabila, chassant Joseph-Désiré Mobutu en 1997, mais Kabila père ne voulut pas jouer ce rôle, provoquant ainsi une guerre de 1998 à 2003, puis plusieurs rébellions dans les années qui suivirent, avec son allié Yoweri Museveni, président de l'Ouganda, prétextant également la présence de rebelles comme les Forces démocratiques alliées sévissant autour de la ville de Béni, au Nord-Kivu (cf lien n°4).

Que ce soit des groupes rebelles étrangers ou des rebelles locaux appuyés par des pays voisins, ou même l'armée congolaise, ainsi que la police, le racket est leur règle d'or pour pouvoir s'enrichir et continuer à foutre le bordel dans l'Est du Congo-Zaïre. C'est ce que rappelle une étude de l'ONG IPIS en 2017, où près d'un millier de barrages routiers existent dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, générant plusieurs millions de dollars de revenus.

En tout cas, face à cette indifférence sanglante - "l'indifférence, c'est la haine doublée du mensonge" -, certains artistes d'origine congo-zaïroise tels Kalash Criminel, Naza ou Gradur ont lancé des messages sur les réseaux sociaux pour alerter sur ce sujet (cf lien n°5). Certains esprits chagrins diront que c'est délivré par des smartphones ou ordinateurs contenant probablement du matériau congolais et du sang de mineurs congolais exploités et que c'est par conséquent contradictoire. Cependant, ces artistes-là sont, je pense, conscients de cela. Je n'échappe pas non plus à cette contradiction. Mais je veux en tirer une réflexion pour améliorer leur condition. Ce qui peut amener à se poser la question du dépassement du capitalisme par exemple.

lundi 18 novembre 2024

Comment François Mitterrand réinventa la colonisation

 SOURCE: https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/comment-francois-mitterrand-reinventa-la-colonisation,7573

Dans son livre L’Afrique d’abord ! Quand François Mitterrand voulait sauver l’Empire français (La Découverte, 2024), Thomas Deltombe exhume nombre de documents inédits. Parmi ceux-ci, le rapport sur la Tunisie rédigé en 1952 par François Mitterrand, alors ministre sans portefeuille du gouvernement Edgar Faure. Orient XXI publie pour la première fois ce document de 57 pages, intitulé « Étude sur les rapports franco-tunisiens », que le chercheur a retrouvé dans les archives de Vincent Auriol, président de la République de 1947 à 1953. Il est suivi d’un extrait du livre qui montre comment le contexte tunisien en 1952 a marqué l’évolution de la vision coloniale de François Mitterrand vers ce que les nationalistes algériens appelleront, deux ans plus tard, « le néo-colonialisme ».

L'image montre un homme en costume assis à une table, tenant un stylo. En arrière-plan, on aperçoit des documents écrits, probablement des notes ou un texte officiel. L'homme a un regard sérieux et semble concentré sur son écrit. Son environnement suggère un contexte historique ou politique.
Février 1947. François Mitterrand, ministre des Anciens combattants et des Victimes de guerre, assis à son bureau. Au second plan, une page de L’«  Étude sur les rapports franco-tunisiens  » (1952)
Orient XXI

L’« Étude sur les rapports franco-tunisiens »1 a été rédigée par François Mitterrand, alors figure montante de la IVe République, qui s’intéresse de près aux questions coloniales depuis son passage au ministère de la France d’outre-mer (1950-1951). Alors que la France s’enferre en Indochine, le jeune ministre insiste sur l’importance stratégique du continent africain. « Nous ne garderons à la France sa position dans le monde qu’autant que nous aurons maintenu sa présence en Afrique », explique-t-il aux instances nationales de son parti, l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), en novembre 1951. Or cette « présence française » est menacée sur différents points du continent africain, et singulièrement en Tunisie, où le courant nationaliste porté par le Néo-Destour conteste fermement la mainmise de la France.

François Mitterrand, «  Étude sur les rapports franco-tunisiens  »
Archives nationales, fonds Vincent Auriol, 552 AP/113
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Selon Thomas Deltombe, ce rapport sur la Tunisie marque une évolution majeure dans la pensée coloniale de François Mitterrand. Ce dernier, jusqu’alors arcbouté sur une conception assimilationniste, explore pour la première fois les potentialités de la logique associationiste : en cédant quelques libertés aux élites autochtones et en les associant à la gestion des affaires communes, la France ne se laisse-t-elle pas plus de chance de pérenniser sa présence en Afrique ? Cette question, soulevée à l’époque par les partisans de la « réforme » du système colonial, est au cœur de l’ouvrage publié quelques mois plus tard par François Mitterrand, avec une lettre préface de Pierre Mendès France : Aux frontières de l’Union française. Indochine-Tunisie (Julliard, 1953).

François Mitterrand devient, le 21 janvier 1952, ministre d’État sans portefeuille dans le cabinet Edgard Faure. Sa mission : rédiger un rapport sur les relations franco-tunisiennes. Prenant sa tâche à cœur, il se plonge dans les textes fondateurs du protectorat tunisien : le traité du Bardo (1881) et la convention de La Marsa (1883)2. Il étudie en détail les institutions tunisiennes et les forces politiques en présence. Il se penche également sur les écrits de Hubert Lyautey, expert du protectorat, qu’il mit en pratique comme résident général de France au Maroc à partir de 1912, et qui insista sur l’utilité de préserver une réelle autonomie aux autorités autochtones. Comme beaucoup d’autres, Mitterrand sait qu’il est urgent d’engager des réformes structurelles si l’on veut apaiser la situation et maintenir la Tunisie sous domination française.

Le président Vincent Auriol en est, lui aussi, parfaitement conscient. « Si vous voulez garder la Tunisie comme le Maroc, il faut faire des réformes », explique-t-il à Jean de Hauteclocque [résident général de la France en Tunisie] qu’il reçoit à l’Élysée le 8 février 1952. Autrement, « la colonie française se perdra, se fera massacrer ». Selon le chef de l’État, il serait souhaitable de rendre aux Tunisiens tous les ministères, sauf trois : les Affaires étrangères, la Défense et les Finances. Au résident général, qui s’inquiète de la sécurité des Français, le président concède : « On pourrait dire “ministre de la Police et de la Défense nationale”. » S’agissant du législatif, Auriol préconise l’instauration de deux chambres : « une Chambre de représentants comprenant la majorité et quelques Français, et une Chambre haute qui aurait une majorité de Français et qui serait d’ordre professionnel »3. C’est justement le schéma qu’envisage François Mitterrand. Deux semaines après avoir consulté les équipes de l’Élysée, le ministre présente sa documentation de travail au chef de l’État le 20 février4. « Je constate que la plupart de ces documents vont dans le sens même que j’avais préconisé, note Auriol dans son journal. Je l’ai vivement encouragé. »5

Le protectorat, verrou de la présence française

Le rapport de Mitterrand est envoyé à quelques personnalités politiques et journalistes parisiens un mois plus tard. Ce texte dactylographié de cinquante-sept pages, intitulé « Étude sur les rapports franco-tunisiens », est consultable dans les archives de Vincent Auriol6. Ce document inédit est capital si l’on veut comprendre la pensée coloniale de François Mitterrand.

Le traité du Bardo, signé en 1881 par la France et le Bey de Tunis, doit redevenir le nœud stratégique du lien franco- tunisien, affirme avec force François Mitterrand. Ce texte opère en effet ce que ce dernier considère comme un juste partage de souveraineté : la souveraineté extérieure est confiée au gouvernement français, la souveraineté intérieure aux autorités tunisiennes. Le problème, poursuit Mitterrand, se situe dans la convention de La Marsa, signée en 1883, et dans la pratique du pouvoir qui en a découlé : en cherchant à donner à la France les « moyens d’une politique de présence », conforme au départ à l’esprit du protectorat, les autorités françaises se sont engagées « dans la voie de l’administration directe sans l’avoir clairement conçu, ni clairement dit »8. François Mitterrand propose donc de revenir au partage originel, en rendant le traité du Bardo « intangible » mais en substituant à la convention de La Marsa des « conventions particulières » dans différents domaines : militaire, monétaire, culturel et minier (des propositions de convention sont annexées à la fin du document). Ainsi l’« autonomie interne » de la Tunisie serait garantie et les « intérêts essentiels » de la France sauvegardés.

La seconde partie de l’étude est consacrée aux réformes institutionnelles nécessaires à la pérennité de ce protectorat rénové, avec un triple objectif : répondre aux revendications des Tunisiens, permettre aux Français de Tunisie de trouver leur place dans le nouveau dispositif et, bien sûr, garantir les intérêts stratégiques de la France. Suivant la ligne tracée par l’Élysée, l’étude propose la création de deux chambres : une Assemblée législative, qui pourrait à terme être élue au suffrage universel, et une chambre haute regroupant les représentants des « forces vives » de la Tunisie, qui serait au moins temporairement désignée au suffrage indirect. La première, dominée par les autochtones, refléterait les équilibres démographiques de la société tunisienne. La seconde, qui refléterait les intérêts économiques et où les Français seraient donc surreprésentés, permettrait de modérer les ardeurs de la première assemblée9.

L’exécutif tunisien serait doté de garde-fous comparables. Une sorte d’inversion des rôles s’opérerait entre le résident général et le Bey : alors que le premier gouverne directement, et attend que le Bey pose son sceau sur ses décisions, il laisserait l’initiative au second mais disposerait d’un droit de veto en cas de désaccord. « L’assentiment aux décisions beylicales, qu’il sera nécessaire de maintenir, retrouvera alors sa véritable signification, écrit Mitterrand. Il perdra son caractère actuel d’acte de commandement pour prendre le caractère d’acte de contrôle qu’implique un régime de protectorat.10 » Quant au gouvernement lui-même, il serait composé de Tunisiens, à l’exception des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et — temporairement — des Finances. La sécurité intérieure serait gérée en partage par le ministère de l’Intérieur (tunisien) et le ministère de la Défense (français). « Un partage des fonctions ne serait pas difficile à déterminer », assure Mitterrand11.

Pareille réforme est-elle réalisable ? Les nationalistes tunisiens sont-ils prêts à négocier sur cette base ? Le Néo-Destour, estime Mitterrand, est moins « irréductible » qu’on pourrait le penser et sa force réside en grande partie dans l’inconstance de la politique française qui, depuis trop d’années, cherche alternativement à réprimer et à amadouer le mouvement nationaliste. « En frappant sans l’atteindre, nous prouvions sa vitalité, en composant sans le gagner, nous garantissions son autorité », écrit-il12. Tout l’enjeu est donc de savoir s’il existe un terrain de discussion avec le parti de Bourguiba. Si son objectif est réellement de « nous chasser de Tunisie », alors il faudra « le combattre sans merci ». Si, à l’inverse, « ses revendications, tout en nous obligeant à réformer fondamentalement nos méthodes, sont compatibles avec le maintien de la présence française, ne faudrait-il pas y réfléchir de plus près13 ? ».

Il n’y a qu’une seule manière de connaître les véritables intentions du Néo-Destour, écrit Mitterrand : « Faire connaître avec force la limite rigoureuse de nos concessions, faire connaître avec clarté les réformes auxquelles nous consentons, et les étapes que nous prévoyons pour leur mise en place, et surtout exécuter activement et fidèlement ce qui a été décidé. » En octroyant ainsi un programme de réformes substantielles, la France gagnerait sur deux tableaux : elle fixerait d’entrée de jeu les limites acceptables de ses concessions et elle obligerait les acteurs politiques tunisiens à prendre position. En échange de ces concessions, affirme en effet Mitterrand, « il sera normal d’exiger des engagements solennels ». Et on pourra ainsi trier le bon grain de l’ivraie : « Qui les refusera, reconnaîtra ses véritables intentions et devra être impitoyablement combattu. Qui les acceptera devra être loyalement aidé et soutenu. » La réforme proposée aura donc pour vertu, en fracturant le camp nationaliste, de briser la dynamique indépendantiste.

Châtier et réformer

Mais François Mitterrand n’est déjà plus ministre au moment où il distribue son rapport dans les cercles parisiens. Le cabinet Faure est tombé quinze jours plus tôt. Son étude, jugée trop libérale, est remisée par le gouvernement suivant, présidé par Antoine Pinay, qui préfère soutenir la « politique de force » engagée par la présidence. Le Premier ministre M’hamed Chenik et trois de ses ministres sont arrêtés dans la nuit du 25 au 26 mars 1952. Le gouvernement tunisien est remplacé par une nouvelle équipe chargée d’appliquer des réformes insignifiantes. Stigmatisant ce « maigre brouet », Mitterrand commente dans Le Courrier de la Nièvre  : « Notre présence en Afrique du Nord, et spécialement en Tunisie, est l’impératif numéro un de la politique française. Avons-nous recherché le meilleur moyen de la perpétuer14 ? »

S’il échoue à court terme à imposer ses vues, le député de la Nièvre ne ménage pas ses efforts pour populariser ses théories. « Quelle admirable chose que le traité du Bardo, notre instrument diplomatique initial ! s’enflamme-t-il le 19 juin 1952 à l’Assemblée nationale. Tout n’est-il pas compris, grâce à une rare prescience qui est tout à l’honneur de Jules Ferry, dans ses très brefs articles15 ? » Le traité du Bardo, ajoute-t-il, « dit l’essentiel et cet essentiel fixe encore maintenant les impératifs de notre politique : occupation militaire, représentation diplomatique, direction financière. Il faut s’en tenir là et le proclamer à la face du monde : qui menacerait ces positions acquises serait notre ennemi16. ».

Ces principes sont en réalité à la source de la notion même de protectorat, élaborée à la fin du XIXe siècle, quand les cercles dirigeants français s’interrogeaient sur l’utilité, et sur le coût, de la colonisation. Alors que celle-ci devenait de plus en plus onéreuse à mesure que la France étendait son empire, le protectorat apparut à Jules Ferry, auquel Mitterrand se réfère constamment, comme un parfait compromis. En confiant à une autorité autochtone la gestion des affaires « indigènes » tout en garantissant à la métropole la mainmise sur l’« essentiel », ce système a bien des avantages sur l’administration directe : avantage économique puisqu’il permet au « protecteur » de se délester de lourdes charges sur l’autorité protégée ; avantage politique puisqu’il donne au premier la possibilité d’imputer ses propres erreurs sur la seconde ; avantage psychologique puisqu’il laisse à la population l’illusion de la souveraineté.

Le débat sur la pérennité du protectorat ne fut cependant jamais tranché. Pour de nombreux théoriciens, cette forme hybride de colonisation ne pouvait être que temporaire : elle devait à terme déboucher soit sur l’annexion complète du territoire soumis, soit sur son accession progressive à l’autonomie, voire à l’indépendance. La première position était par exemple défendue par le juriste Frantz Despagnet dans son Essai sur les protectorats, publié en 1896 : « Le protectorat nous apparaît […] comme une sorte de conquête morale précédant et justifiant par la suite la conquête matérielle, c’est-à-dire l’annexion pure et simple17. » La seconde rejoignait la conviction qu’Hubert Lyautey livra à ses collaborateurs en avril 1925 :

Il est à prévoir, et je le crois comme une vérité historique, que, dans un temps plus ou moins lointain, l’Afrique du Nord évoluée, civilisée, vivant de sa vie autonome, se détachera de la métropole. Il faut qu’à ce moment-là, et ce doit être le suprême but de notre politique, cette séparation se fasse sans douleur et que les regards des indigènes continuent toujours à se tourner avec affection vers la France.

La crainte d’un nouveau Spartacus

En dépit de cette confidence dont il ignore peut-être alors l’existence, Mitterrand classe Lyautey parmi les tenants du protectorat perpétuel et revendique son héritage18. La force du protectorat, écrivait Lyautey, « c’est la formule contrôle opposée à la formule administration directe » ; telle est, selon Mitterrand, la « doctrine » qu’il faut suivre puisqu’elle trace une troisième voie entre l’« annexion » désirée par les conservateurs et l’« abandon » réclamé par les communistes19. En renonçant à l’annexion, en se contentant donc du « contrôle », la France obtiendra en contrepartie des colonisés qu’ils renoncent au droit à l’indépendance qu’une administration trop intrusive pourrait les inciter à réclamer. Et c’est cet arrangement « équilibré » qu’a selon lui légué le traité du Bardo : ce dernier, « en laissant à la disposition de la France un domaine réservé et en respectant l’autonomie interne de la Tunisie, a établi les solides fondements d’une structure fédérale, seul obstacle au développement excessif des aspirations à l’indépendance intégrale comme aux empiètements d’une envahissante tutelle20. ».

Alors que la répression engagée par Jean de Hauteclocque se poursuit sans relâche, le « plan Mitterrand » revient brièvement à la une de l’actualité en octobre 1952 lorsqu’un courrier privé d’Habib Bourguiba, alors en résidence surveillée sur l’île de La Galite, au large de Bizerte, fuite opportunément dans la presse britannique et française. Le projet de Mitterrand, écrit le leader nationaliste à son fils, « contient une base raisonnable de négociations qui auraient été acceptées avec enthousiasme par le ministère Chenik, il y a deux ans, que nous accepterions volontiers aujourd’hui encore, quoique avec beaucoup de méfiance après tout ce qui s’est passé depuis21 ».

Pareille confession ne peut que conforter Mitterrand dans sa conviction que la politique coloniale, en Tunisie ou ailleurs, nécessite d’articuler intimement la « politique de force » et ce qui s’apparente à une politique de ruse. Il se place là encore dans le sillage de Lyautey, qui durant toute sa carrière joua simultanément de la carotte et du bâton22. La force doit naturellement s’abattre sur ceux qui réclament l’indépendance totale de leur pays : s’il en existe qui lancent pareils mots d’ordre, explique-t-il à l’Assemblée nationale en janvier 1953, « il faut alors les châtier23 ». Mais cette politique doit être précisément ciblée pour ne pas susciter chez les colonisés des velléités de révolte ou de résistance, complète-t-il dans un texte publié six mois plus tard. Car, écrit-il dans une métaphore révélatrice, « on n’enchaînera pas à notre char 70 millions d’êtres rétifs sans que, de nouveau, Spartacus ne surgisse et ne témoigne contre nous24 ».

Quand François Mitterrand voulait sauver l’Empire français

SOURCE: https://www.youtube.com/watch?v=gx6CYqII_N4&t=172s


Invité : Thomas Deltombe, auteur de L’Afrique d’abord ! Quand François Mitterrand voulait sauver l’Empire français (La Découverte, 2024).
Présenté par Sarra Grira (Orient XXI) et Michael Pauron (Afrique XXI.)

Thomas Deltombe a dirigé plusieurs ouvrages sur la Françafrique, dont L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique, paru en 2021 au Seuil. Son dernier livre est sorti le 22 août aux éditions La Découverte : L’Afrique d’abord ! Quand François Mitterrand voulait sauver l’Empire français.

Un résumé de son livre et une interview écrite sont disponibles sur Afrique XXI.
Les bonnes feuilles ainsi qu’un document inédit ont aussi été publiés sur Orient XXI.

Animée par Sarra Grira et Michael Pauron, Horizons XXI est une émission proposée par Afrique XXI et Orient XXI.

samedi 9 novembre 2024

La CIA y la prensa: «Un esfuerzo de propaganda sin fin»

 Transcripción y video de una entrevista con el «oficial de caso» John Stockwell

FUENTE: https://lapupilainsomne.wordpress.com/2021/01/19/la-cia-y-la-prensa-un-esfuerzo-de-propaganda-sin-fin-transcripcion-y-video-de-una-entrevista-con-el-oficial-de-caso-john-stockwell/

John Stockwell fue  «oficial de caso» de la  CIA a cargo de operaciones de propaganda en lugares como Angola y Vietnam. En esta entrevista que tradujimos y subtitulamos para nuestro programa de televisión La pupila asombrada Stockwell relata cómo la Agencia Central de Inteligencia utiliza periodistas y académicos,  agencias de prensa como Reuters y AFP y grandes medios como The Washington Post y la revista Time para construir noticias falsas y estereotipos sobre países y procesos que Estados Unidos considera enemigos. 

 

 

P: John, Ud. estuvo en Vietnam trabajando para la CIA, tengo entendido que estuvo en ese país ¿En qué años estuvo allá?

R: Del 73 al 75 justo después de la evacuación de tropas y salí en la evacuación de abril del 75

P ¿Cuánto tiempo estuviste en la CIA?

Trece años, yo fui un oficial de caso en el terreno, serví en África y en Vietnam y eventualmente en un subcomité del Consejo de Seguridad Nacional en Washington

P: Se sabe que Ud. estuvo en Angola…

R: También dirigí la acción encubierta angoleña, pero yo la dirigí desde Washington. Estas cosas eran globales y como jefe de la Fuerza de Tarea de Angola mi oficina estaba en Washington.

P: ¿Cuando Ud abandonó la CIA?

R: En marzo de 1977 me fui a testificar ante el Senado y hacerlo público y tratar de escribir un libro, lo cual hice.

P: Entraré en eso un poco más tarde. Me gustaría hablar sobre qué tipo de experiencias uno tiene cuando se deja la CIA y se comienza a hablar. Nosotros tenemos la impresión de que todo lo que hace la CIA es recopilar inteligencia,la inteligencia es información, por supuesto, ahora, uno pensaría que si obtuviste información que se basaba en hechos y si eso es así, ¿qué hiciste con ella?

R: Bueno, una de las cuatro funciones principales de la CIA es recopilar inteligencia e idealmente enviarla al Presidente, a los usuarios de la información, a los hacedores de políticas. Yo diría que hay otras funciones, sin embargo algunas de ellas más legítimas que otras, una es ejecutar guerras secretas, la acción encubierta de la que se ha escrito y que se habla tanto como lo que está pasando hoy en Nicaragua desde Honduras.

Otra cosa es difundir propaganda para influir en la mente de las personas, y esta es una función importante de la CIA, y desafortunadamente, por supuesto, se superpone con la recopilación de información,usted tiene contacto con un periodista le dará historias verdaderas, obtendrá información de él, y también le dará historias falsas.

P: ¿Compras su confianza con historias verdaderas?

R: Compras su confianza y lo engañas.Hemos visto que esto sucedió recientemente con
Jack Anderson, por ejemplo, quien tiene sus fuentes de inteligencia, y también ha admitido que ha sido engañado por ellos, una de cada cinco historias simplemente es falsa.

También trabajas en sus vulnerabilidades humanas para reclutarlos en un sentido clásico para convertirlos en tu agente, de modo que puedas controlar lo que hacen, para que no tengas que comprometerlo, Ud. sabe, con algo sobre ellos, de manera que puedas pedirle: inserta esto el próximo martes.

P: ¿Puedes hacer esto con reporteros responsables?

R: Sí, el Comité Church mencionó esto en 1975, y entonces Woodward y Bernstein publicaron un artículo en la revista Rolling Stones un par de años más tarde: 400 periodistas cooperando con la CIA,incluyendo algunos de los más renombrados
del gremio, de manera consciente introduciendo historias en los medios de prensa

P: Bueno, dame un ejemplo concreto de cómo usaste la prensa de esta manera, cómo se planta la historia falsa y cómo logras que se publique.

R: Bien, por ejemplo, en mi guerra, la guerra que ayudé a manejar en Angola, un tercio de mi personal era propaganda, irónicamente a esto se le llama dentro de la CIA «acción encubierta», afuera este término significa la parte violenta, tuve propagandistas en todo el mundo, principalmente en Londres, Kinshasa y Zambia, recopilábamos historias que escribíamos y las poníamos en el Zambia Times, y luego las sacábamos y las enviábamos a los periodistas en nuestra nómina en Europa, y su tapadera sería que las habían obtenido de su colaborador en Lusaka, quien las había obtenido en el Zambia Times,tuvimos la complicidad del gobierno de Zambia, de Kenneth Kaunda, para poner estas historias falsas en sus periódicos, pero después de ese punto las recogían los periodistas de Reuters y AFP, cuya dirección no conocía su origen, pero nuestro contacto en Europa sí e inyectamos docenas de historias sobre “atrocidades cubanas”, “violadores cubanos”, en un caso hicimos que los “violadores cubanos” fueran capturados y juzgados por las doncellas ovahimba, que habían sido sus víctimas, y luego publicamos fotografías que aparecieron en casi todos los periódicos del país de los cubanos ejecutados por las mujeres ovahimba que supuestamente habían sido sus víctimas.

P: ¿Estas eran fotos falsas?

R: Oh, absolutamente, no conocíamos ni una sola atrocidad cometida por los cubanos,
era pura propaganda cruda y falsa para crear una ilusión de comunistas, ya sabes, comiendo bebés para el desayuno, y esa era nuestra propaganda, totalmente falsa.

P: John, ¿se practicaba este tipo de cosas en Vietnam?

R: Oh, un esfuerzo sin fin de propaganda masivo en Vietnam en los años 50 y 60,
incluyendo los miles de libros que se publicaron, varios cientos en inglés,
que también eran libros de propaganda patrocinados por la CIA, se da algo de dinero a un escritor, se le dice escribe este libro para nosotros, escriba lo que quiera, pero en estos asuntos asegúrese de que tenga esta línea.

P: ¿Escritores en este país? ¿Distribuidos y vendidos en este país?

R: Sí, libros en idioma inglés, que significa que tienen al público estadounidense como objetivo, sobre Vietnam y la historia de Vietnam y una historia del marxismo, y apoyando la teoría del dominó, etc.

P Sin abrirnos a una demanda, ¿podría nombrar uno de ellos?

R: No, no podría. El Comité Church, al enterarse de esto, exigió que se les entregaran los títulos para que las bibliotecas universitarias pudieran al menos estampar en su interior: ‘la versión de la historia de la Agencia Central de Inteligencia’, y la CIA se negó aduciendo proteger su fuentes y métodos, y las fuentes serían los autores que escribieron estos libros de propaganda falsa,
algunos de los cuales son ahora distinguidos académicos y periodistas.

P: Bueno, la CIA no lo niega rotundamente. Al principio han admitido que hay algo de propaganda, pero su posición es que todos están fuera de Estados Unidos, no en Estados Unidos, ¿no es cierto?

R: Absolutamente, mientras estábamos llevando a cabo la operación en Angola y difundiendo estas historias en el mundo y la prensa estadounidense, exactamente en ese momento Bill Colby, el director de la CIA, estaba testificando ante el Congreso, asegurándoles que éramos extremadamente cuidadosos para asegurarnos de que nada de nuestra propaganda se derramara hacia los Estados Unidos, y en los mismos días en que estuvo dando este falso testimonio, estábamos plantando historias en The Washington Post, con eso quiero decir, no a través de Lusaka, pero en realidad volamos a un periodista de París a Washington para plantar una historia falsa, lo mencioné y doy el texto de la historia en mi libro.

P: ¿Así que plantaste la historia en The Washington Post trayendo a un hombre del extranjero, y no tuvo dificultades para pasar por encima del editor con ella?

R: Sí.

P: ¿Esto es común? ¿Es fácil?

R: Más fácil de lo que Ud. pudiera suponer. Sí, sí. Está en la línea de,  por ejemplo, que Granada sea radical. Hemos tenido artículos en The Washington Post, en The Star antes de que cerrara y en la revista Time que solo la CIA pudo haber escrito originalmente: ‘Base de submarinos soviéticos’; ‘entrenamiento terrorista’. Esta es una pequeña isla donde la principal fuente de ingresos es la venta de especias para el turismo occidental y una gran escuela de medicina de los Estados Unidos.

Una pequeña isla de 15 millas por 10 millas de ancho con 70.000 personas, con estudiantes de medicina estadounidenses en sus batas y sandalias con las narices en libros, vagando por toda la isla, y sin embargo, órganos de prensa importantes, la revista Time, publicando historias sobre que son tan radicales…

P: En Vietnam, John, ¿cuál era su relación…? ¿qué debemos regular en relación, con la prensa?

R: Siendo el papel de la CIA multifacético, había oficiales en la embajada, oficiales de la CIA, oficiales de alto rango, Frank Snip era uno, no de alto rango, pero él estaba en la oficina del jefe de estación, que se reunía con la prensa regularmente, compartía información con ellos, les daba información y recibía información de ellos, y luego periódicamente les contaba alguna historia, que sería falsa, pero también en otros casos muy valiosa para el periodista, por lo que incluso los periodistas duros que nunca cooperarían voluntariamente con la CIA la considerarían una fuente útil.

Al mismo tiempo, hay todo tipo de personas, ya sabes, como periodistas y oficiales de casos, muchos otros oficiales de casos realmente le tienen mucho miedo a la prensa, teníamos países en los que los periodistas llegaban a husmear nos escondíamos y dejábamos que el oficial de identificación hablara con ellos. Simplemente temíamos que nos fotografiaran y escribieran algún artículo y tuvieran alguna alusión a lo que estábamos haciendo que sería desafortunado para nuestra carrera

P: ¿Sabían quién eras? ¿Sabían que eras de la CIA?

Todo el mundo sabe quiénes son las personas de la CIA. Que no quepa ninguna duda, esta es una de las mayores farsas que la CIA y el Congreso le han puesto al pueblo estadounidense.

Como dijo Patrick Moynihan al testificar recientemente en contra de esta Ley de Secretos Oficiales, dijo en la ONU, dijo que se pavoneaban por todos lados como los vaqueros de Texas con sombreros de 10 galones y botas de tacón alto.

En Vietnam teníamos Datsun amarillos y matrículas secuenciales, así que si tenías un Datsun amarillo y 144 en tu matrícula, tenías que ser de la CIA y todo el mundo lo sabía.

En otro país teníamos Jeeps verde esmeralda y el ejército tenía un color verde olivo y AIG tenía jeeps grises, así que si tenías un jeep verde verde tenías que ser de la CIA, y cualquier negación de eso era solo irónica y superficial, ciertamente los periodistas sabían la diferencia.

P: ¡Que desilusión! Nos estás diciendo que un espía no es un espía.

R: Allen Dulles escribió en su libro ‘El arte de la inteligencia’, ya sabes, el famoso director de la CIA, en el prólogo de su libro dice que un agente de inteligencia, contrariamente a la opinión popular, tiene que ser conocido como tal, de lo contrario la gente con secretos no sabrá a dónde llevarlos.

Él estableció la política, el precedente de viajar por el mundo cada año y
reunir a sus oficiales de casos en hoteles y tener lo que solo podría describir como una conferencia de ventas, reuniones en las habitaciones del hotel, desayuno, almuerzo y cena y bebidas juntos en las habitaciones del hotel.

Así que no estás hablando de un inframundo, estás hablando de miembros privilegiados de la hermandad policial del mundo…

Los oficiales de la CIA no son turistas en peligro, no los golpean. En todos los países donde pueden establecen un enlace con la policía local y dentro de los velos de, ya sabes, su secreto y protección, no tienen miedo y no están jugando juegos de tapadera, están almorzando con el jefe de policía.

P: John, me gustaría saber qué es lo que mueve a un hombre como John Stockwell, primero, por qué estabas en la CIA, segundo, por qué renunciaste a la CIA, y me gustaría saber qué ha sucedido desde que renunciaste a la CIA y comenzaste a hablar tan abiertamente como nos has hablado.

R: Bueno, ciertamente esa es una cuestión tan complicada como el dilema que enfrenta la sociedad sobre la CIA hoy.

Entré como infante de marina, capitán del ejército de infantería de marina, antecedentes conservadores, mi padre era un ingeniero en África contratado para construir para una misión presbiteriana y crecí en el Congo Belga casi tan conservador como se es capaz.

P: ¿En una atmósfera de misionero?

R: En una estación misionera, con un padre ingeniero, pero con principios humanistas, altos ideales, falsos ideales poco realistas para el mundo.

Educación en la Universidad de Texas, mi servicio activo en la Infantería de Marina, todo muy emocionante entre guerras.

Estaba en una compañía de reconocimiento, lanzándome en paracaídas y bloqueando submarinos, muy glamoroso, pero entre guerras nadie recibió un disparo, no hay problemas morales, si se quiere.

Y luego la CIA me reclutó justo al final de la era Kennedy, acababa de recibir un disparo.

«No preguntes qué puede hacer tu país por ti, sino qué puedes hacer tú por tu país» y toda la propaganda que se había lanzado al pueblo estadounidense contra el comunismo, el apogeo de la teoría del dominó y mi propia ingenuidad, pensando que fui educado cuando en realidad no lo estaba.

Y pensé al ingresar a la CIA que estaba haciendo lo mejor que podía con mi vida y los ideales más nobles de nuestra sociedad, pensando que estaba mejorando a la humanidad al hacer el mundo libre para la democracia, y solo me tomó 13 años y tres guerras secretas para darme cuenta de lo absolutamente falso que era, y las revelaciones del Comité Church, simultáneamente a lo de Vietnam y luego a lo de Angola. Me tomó tanto tiempo ver el asunto desde una luz totalmente diferente, y mis ideales básicos ciertamente nunca han cambiado en términos simpatía básica por la gente del mundo.

Un servicio a este país que se remonta tan lejos que ni siquiera tengo que lidiar con detractores que creo dicen que soy un traidor o todo eso que es una tontería, ya sabes, con las cosas que he hecho con mi vida, pero creo que nos estamos alejando de los valores que nos enseñamos en la escuela, de la democracia, de las libertades.

Creo que nos estamos vendiendo a una organización policial muy pequeña que está absorbiendo los principios estadounidenses tan rápido como los procesos judiciales y legislativos pueden absorberlos, las libertades de expresión y prensa y, al mismo tiempo continúan las políticas de asesinato en cada rincón de el mundo, ahora mismo en Nicaragua y El Salvador.

Creo que deploro eso moralmente, pero también creo que es extremadamente peligroso porque podría desencadenar tan fácilmente en una confrontación mundial y con los soviéticos al Holocausto a la guerra nuclear

P: Bueno, ¿qué está pasando? ¿Qué te ha pasado desde que dejaste la CIA y empezaste a hablar?

R: Bueno, he sido demandado por la CIA, he sido amenazado por el FBI, no me han golpeado ni mutilado, he ejercido mi derecho, como lo veo, a hablar y dar conferencias, y han dejado muy claro que no lo aprecian, y como digo, me han advertido que me pueden pasar cosas horribles, no sé si fueron «bluffs» o no, todavía no ha pasado nada.

La CIA me ha demandado por daños y perjuicios, lo cual es una cierta ironía, cuando lo piensas.