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dimanche 16 mars 2025

« Gender-washing » : comment les multinationales du secteur extractiviste détournent les revendications féministes

 TotalEnergie dans la région:

Ouganda totalenergie ouganda 

Tanzanie totalenergie tanzanie

Monzambique totalenergie mozambique

SOURCE: https://multinationales.org/fr/enquetes/survivre-a-eacop/gender-washing-comment-les-multinationales-du-secteur-extractiviste-detournent

Face à la contestation sociale et environnementale, les multinationales pétrolières ou minières se posent de plus en plus souvent en champions de l’égalité des femmes pour légitimer leurs projets controversés. Enquête sur ce « gender-washing » dont TotalEnergies en Ouganda fournit une parfaite illustration.

Publié le 11 mars 2025 , par Agatha Allain


KABerglund cc by-sa

« C’est une pionnière. Elle défie les obstacles, les surmonte, inspire le changement, et ouvre la voie aux leaders de demain. » Ces louanges, on peut les lire sur le site de Women In Mining, une organisation dédiée à la promotion des femmes dans le secteur minier, qui récompense chaque année cent femmes censées incarner cet idéal éblouissant. Cela pourrait sembler un paradoxe pour ce secteur souvent qualifié de « boys club » du fait de son inaccessibilité aux personnes ne correspondant pas aux normes de masculinité et de virilité [1]. Pourtant, le sujet semble être devenu incontournable. En effet, les industries extractives (minières, pétrolières et gazières), régulièrement dénoncées pour leurs impacts irréversibles sur l’environnement – dégradations des sols, déforestation, pollutions, pertes de biodiversité – et pour la dépossession des communautés locales, sont embarquées depuis les années 2000 sur un nouveau terrain : celui de l’égalité hommes-femmes. Une tendance qu’illustrent parfaitement les activités de Women in Mining, tout comme elles illustrent la conception particulière, individualiste et très « corpo-compatible », de l’émancipation des femmes qui est promue par l’industrie.

Cet intérêt n’a rien de fortuit. Selon Kyra Grieco, anthropologue spécialiste des inégalités créées par le développement minier au Pérou, les multinationales ont commencé à intégrer la question du genre dans les années 2005-2010 afin de répondre aux nombreuses publications dénonçant les impacts des activités minières et pétrolières sur les femmes, leurs moyens de subsistance, leur sécurité, et les nouvelles inégalités de genre que l’extractivisme entraîne au sein des familles et des communautés [2]. « L’industrie minière a ainsi été obligé d’intégrer l’égalité de genre parmi ses objectifs en matière de responsabilité sociale d’entreprise (RSE), » explique-t-elle. L’attention médiatique grandissante sur les activistes, juristes et chercheuses participant aux oppositions locales aux projets d’extraction a aussi contribué à amplifier les revendications des femmes et des mouvements féministes.

TotalEnergies, défenseur autoproclamé des femmes

Dans le secteur pétrolier et gazier, un groupe comme TotalEnergies cherche ainsi à se construire une image de défenseur de la cause des femmes et de leur émancipation économique dans le cadre de ses projets en Ouganda et en Tanzanie – les forages pétroliers dans la région du lac Albert et le projet d’oléoduc EACOP destiné à transporter l’or noir vers l’océan Indien en vue de son exportation [3]. En donnant la parole aux femmes sur le terrain, l’Observatoire des multinationales et le Tasha Research Institute ont cependant montré comment, malgré les promesses de TotalEnergies, l’EACOP a engendré de nouvelles inégalités de genre, que ce soit au sein de l’entreprise ou dans les communautés affectées (lire notre enquête Survivre à EACOP).

Ce grand écart entre les beaux discours favorables aux femmes et la réalité du terrain a un nom : le « gender-washing » – soit l’équivalent pour les questions de genre du « greenwashing » pour les questions environnementales. Outre TotalEnergies pour ses activités ougandaises, d’autres multinationales derrière des projets extractivistes très contestés ont elles aussi adopté cette stratégie pour tenter de neutraliser la contestation sociale – dont celle menée par des femmes. C’est le cas par exemple du groupe TCEnergy, responsable du Coastal Gas Link, un gazoduc de 670 kilomètres acheminant principalement du méthane jusqu’à un site d’exportation à Kitimat, en Colombie Britannique, au Canada, qui traverse différents territoires autochtones. Ou encore du géant suisse Glencore à propos de sa mine de charbon à ciel ouvert de Cerrejón en Colombie, qui a derrière elle un lourd passif de répression et de déplacement de populations (lire notre article).

Comme souvent en matière de RSE, les multinationales concernées cherchent à se construire une légitimité à travers des partenariats avec des acteurs externes ou avec des institutions internationales. Par exemple, TotalEnergies s’est associé avec le Forum de Davos pour s’engager à réduire les inégalités de genre avec une vingtaine d’autres entreprises pétrolières dont Shell, BHP et Saudi Aramco en 2016, citant des objectifs vagues tels que : « créer une culture d’entreprise inclusive et ouverte où tous les genres peuvent s’épanouir ». En 2023, et malgré les différentes accusations des femmes des communautés affectées par l’EACOP – dont celle de ne pas respecter le droit à une compensation juste et digne à travers la sous-évaluation de leurs terres [4] –, TotalEnergies a instrumentalisé la journée mondiale des femmes du 8 mars afin de signer un partenariat avec l’Organisation internationale de la francophonie en faveur de l’émancipation des femmes. TCEnergy s’est associé au réseau professionnel Women+Power, tandis que Glencore finance la Canadian Mining Association, qui lui apporte de la visibilité auprès de la cause féminine. Cette organisation organise les HuEllas awards, qui ont récompensé la directrice de la mine Cerrejón, Claudia Bejarano, pour son engagement auprès des femmes, et est financée par Glencore à hauteur de 120 541 dollars en 2023 [5].

La machine méritocratique de Glencore, TotalEnergies et TCEnergy

Le « gender-washing » a deux terrains d’actions – à l’extérieur, au sein des communautés affectées, mais aussi à l’intérieur même des entreprises concernées. C’est ainsi que les secteurs miniers et pétroliers – comme on l’a dit traditionnellement très masculins – cherchent aujourd’hui à faire croître la part des femmes dans leurs effectifs, qui se situe aujourd’hui respectivement à 10 et 29% [6].

Une de leurs stratégies de prédilection se résume à sélectionner, récompenser, et mettre en avant certaines employées dans leur communication. On peut ainsi voir TCEnergy et Glencore mettre en avant les « femmes qui font une différence » (« women making a difference ») [7]. TCEnergy publie des entretiens de sept employées qui témoignent avec fierté sur leur parcours personnel, sur l’importance qu’elles se sentent accordées dans leur rôle, et même sur les stéréotypes qu’elles entendent briser : « Je veux montrer à ma fille qu’il n’existe pas de rôles genrés lorsqu’il s’agit de faire ce que l’on aime », déclare l’une d’elles. Glencore de son côté met en avant la figure de Claudia Bejarano, directrice de la mine et poste sur son site une vidéo où une employée, parée d’une cape de super-héroïne, affirme : « Dans le secteur minier, nous devons mettre fin aux stéréotypes, et moi, la youtubeuse minière, je m’engage à y mettre fin ! »

Représentation sélective

Si ces entreprises mettent en avant des employées qui se sentent épanouies, elles ne communiquent pas ou peu sur les discriminations sexistes et sexuelles que subissent d’autres employées. En 2022, une cheffe de chantier du Coastal Gas Link porte plainte contre TCEnergy pour agression sexuelle, citant un échec de la part de l’entreprise étant donné « l’isolement du lieu de travail et la fréquence des violences sexuelles sur ces lieux ». À Cerrejón, Hidanora Pérez, responsable de la branche santé du syndicat IndustriALL regroupant 50 millions de travailleur.euses des industries minières, énergétiques et industrielles, affirme que les employées ont été discriminées lors d’un licenciement massif en 2020, et soumises à des mutations lorsqu’elles se sont plaintes de ces discriminations.

Lors de la Journée internationale des femmes dans l’industrie minière célébrée le 15 juin, des intervenantes ont souligné des défis persistants. Un nuage de mots illustrent les domaines où elles souhaitent voir plus d’efforts de la part de l’industrie : congé maternité, travail émotionnel, égalité salariale, harcèlement, machisme, responsabilité des dirigeants… Curieusement, ces termes apparaissent en petits caractères dans l’illustration, limitant leur lisibilité. Une ambassadrice de l’IWiM, aujourd’hui directrice d’une mine en Afrique du Sud, mentionne aussi les efforts qu’elle a dû faire pour s’intégrer, et la difficulté à défendre son nouveau statut économique et social [8].

Ainsi, les « success stories » de quelques-unes, masquent la réalité collective de beaucoup d’autres. C’est ce que Rosie Walters appelle la représentation sélective ou selective disclosure [9]. C’est tout l’exercice d’illusion auquel se prête la RSE, « l’arbre qui cache la forêt » selon Kyra Grieco. « Ces interventions ponctuelles cachent des inégalités systémiques grandissantes. Quand on va regarder de près la trajectoire de ces femmes, ce n’est pas si simple : du fait de leur transgression (faire un métier « d’hommes ») elles sont souvent sujettes à des violences dans leur vie privée et professionnelle, qui ne sont rien d’autre que des rappels à l’ordre du genre. » La sociologue Delphine Lacombe parle quant à elle de « femmes vitrines » pour désigner ces opérations de communication désignée à masquer des inégalités structurelles en ne visibilisant que certains enjeux.

« Contrôle de leur vie »

En dehors des entreprises, le « gender-washing » se traduit par une mise en scène de l’« empowerment » (émancipation, autonomisation, renforcement des capacités...) que les entreprises extractivistes apporteraient aux femmes, en les aidant comme le prétend par exemple TotalEnergies à prendre « contrôle de leur vie ». Mais de quel contrôle parle-t-on, alors que les grands projets extractivistes se traduisent avant tout par la prise de possession brutale des territoires de vie ?

L’extractivisme, qu’il soit minier, gazier ou pétrolier, intensifie la répression et génère de nouvelles inégalités en renforçant le contrôle sur les corps et les vies des femmes. Comme nous l’avons vu, le déploiement sans avertissement d’une force de police spécialisée le long du tracé de l’oléoduc EACOP engendre, de nouveaux risques pour les femmes, qu’elles s’opposent ou non au projet de TotalEnergies.

La collaboration étroite des multinationales avec les forces armées menace aussi particulièrement les femmes qui s’opposent publiquement à l’extraction, ainsi que les défenseuses des peuples autochtones, en les exposant à davantage de violences sexistes et sexuelles. Le mouvement Sütsuin Jieyuu Wayúu (ou Fuerza de Mujeres Wayúu) dénonce ainsi depuis 2006 les impacts environnementaux de la mine Cerrejón et les disparitions alarmantes de femmes Wayúu – puisque la mine Cerrejón traverse les terres de peuples autochtones Wayúu, de communautés afro-colombiennes (protégées juridiquement en Colombie) et paysannes.

Hiérarchisation des femmes en territoires non-cédés

Au Canada, de nombreuses organisations ont documenté les controverses qui ont accompagné la construction du Coastal Gas Link, notamment celle de ne pas respecter le consentement libre, préalable et informé du peuple autochtone Wet’suwet’en dont le gazoduc traverse les territoires [10]. Ces controverses sont accompagnées du harcèlement qu’on subit les femmes Wet’suwet’en défendant leur droit à la souveraineté. « Presque toutes nos luttes de terrain sont dirigées par des femmes », affirme Sleydo’, cheffe de la maison Cas Yikh du peuple Wet’suwet’en, et médiatisée dans la lutte pour le respect de la souveraineté autochtone [11]. « Les personnes qui affrontent la police, les unités canines et les fusils militarisés de la CMP [Police montée canadienne], sont toutes des femmes de nos communautés. » Sleydo’ fait référence ici aux raids menés entre 2019 et 2023 pour expulser les communautés autochtones qui bloquaient le chantier, et qui ont été l’occasion de discours jugés « racistes, insultants, et déshumanisants » envers les activistes par la Cour suprême [12].

Pour délégitimer les résistances aux projets extractivistes, une entreprise comme TCEnergy s’approprie très sélectivement les revendications féministes, en communiquant sur trois employées issues de peuples autochtones différents. La représentation sélective de ces femmes s’articule autour de qualifiants qui font d’elles de bonnes employées et dresse ainsi le portrait désirable de femmes engagées qui ont brisé le plafond de verre [13] et les stéréotypes de genre.

Selon Karla Tait, membre du clan Gilseyhu du peuple Wet’suwet’en, cette stratégie « monte les gens les uns contre les autres au sein de nos communautés, en appliquant le ’diviser pour mieux régner’ à laquelle nous avons été confrontés à chaque étape depuis la colonisation ». Kyra Grieco ajoute « c’est d’ailleurs ça la base du patriarcat, de mettre les femmes en compétition sur la base de la beauté, du succès, ou autre ». TCEnergy bénéficie pour ce faire d’une équipe de communication à toute épreuve : l’entreprise a payé Meta à hauteur de 9500 dollars en seulement cinq semaines pour produire des publicités sur l’engagement de TCEnergy auprès des peuples autochtones.

Féminisme sélectif

Le « gender-washing » porte ainsi un discours selon lequel la seule possibilité de libération féministe est individuelle, jamais collective, et réservée aux femmes méritantes de ces entreprises. Il tend aussi à avoir une vision particulièrement restrictive et hétéronormative du genre, comme on l’a vu lorsque TotalEnergies s’est associée avec la « première dame » de l’Ouganda pour seize jours d’action contre les violences liées au genre, alors que le régime au pouvoir a adopté une des lois les plus rétrograde au monde envers la communauté queer, prévoyant jusqu’à la peine de mort pour les personnes LGBTQIA+.

Notons aussi qu’il ne peut pas y avoir de « féminisme » sur des territoires non-cédés, dans un continuum colonial. Laetitia Braconnier Moreno, docteure en droit public et présidente de la Commission justice transitionnelle de l’Association des juristes franco-colombiens explique que « selon la lecture de beaucoup de représentants autochtones, la fin du conflit armé sera quand toutes ces entreprises se retirent de leurs territoires, quand le droit à la consultation préalable est respecté ; quand les autorités autochtones récupèreront le contrôle sur leurs territoires et qu’il n’y aura plus d’acteurs armés ou d’acteurs privés présents sans leurs consentement ». En s’appropriant un langage progressiste sur l’égalité de genres, les multinationales tentent en réalité de dissimuler des pratiques illégales d’accaparement des terres et d’expulsions de communautés locales.

Trompeur, sélectif, discriminatoire, le « gender-washing » tel que le pratiquent les multinationales extractivistes a-t-il même un avenir ? De retour à la Maison Blanche, Donald Trump a lancé la guerre contre le « wokisme » en demandant aux entreprises d’effacer toute trace d’engagement environnemental ou social, aussi superficiel soit-il – ce que Chevron et ExxonMobil se sont empressés de faire. Le mot « femme » a même été interdit dans la recherche scientifique[[Voir les articles de Reporterre et de Mediapart].]. Ces changements politiques auront forcément des répercussions sur les stratégies RSE des entreprises dans le monde, ainsi que sur les femmes affectées de loin ou de près par leurs activités. Pourtant, certaines continuent à réutiliser un langage progressiste et féministe afin de le dévoyer de sa charge politique, ce dont témoigne à sa manière la mode du « gender-washing ». Comme le dit l’économiste Stéphanie Treillet, « on ne tente de récupérer que ce qui paraît menaçant ou subversif ».

Article publié par Agatha Allain

Notes

[1Voir par exemple cet article.

[2Voir par exemple ce rapport d’Oxfam.

[4-Voir notre enquête Survivre à EACOP et le rapport des Amis de la Terre.

[5Page 9 du rapport de Glencore 2023 Review of our direct and indirect advocacy.

[6Voir ici et .

[8Voir la vidéo (25.00).

[9-La chercheuse Rosie Walters, professeure en relations internationales à l’université Cardiff a publié sur les différentes stratégies de gender washing utilisées par les multinationales.

[10Certains chefs héréditaires Wet’suwet’en, protégés par le jugement de la Cour Suprême en 1997 leur conférant compétence sur leurs territoires, dénoncent ne pas avoir consenti à la construction du gazoduc. En 2023, le rapporteur des Nations Unies Francisco Cali alerte que le principe de consentement préalable, libre et éclairé n’est toujours pas respecté au Canada dans le cadre des projets d’extraction. Voir aussi « Discursive Infrastructures of Settler Colonialism : The Coastal Gaslink Pipeline, Indigenous Workers, and the Ongoing Promise of Integration » de Alana Lajoie-O’Malley

[11Propos recueillis dans l’entretien de Sleydo’ le 14 février 2022 par Cultural Survival Voir aussi ici. Et le documentaire YINTAH, qui retrace le combat du peuple Wet’suwet’en pour sa souveraineté.

[12Cette oppression s’inscrit plus largement dans une représentation sexiste et raciste du corps des femmes autochtones au Canada dont les multinationales se saisissent , comme l’explique l’anthropologue Audra Simpson. Voir « Mohawk Interruptus : Political Life Across the Borders of Settler States », où elle écrit sur la manière dont les structures politiques Canadiennes font du corps des femmes autochtones un terrain balisé et vulnérabilisé.

[13Voir le glossaire de La Déferlante sur la définition du plafond de verre : un concept sociologique qui désigne l’accès « élitiste » de quelques femmes à des postes de responsabilité, mais sans changement des conditions de travail pour les femmes des classes moyennes ou inférieures.

samedi 8 février 2025

Centenares de mujeres violadas y quemadas en los combates en República Democrática del Congo

 Fuente: https://www.eldiario.es/internacional/theguardian/centenares-mujeres-violadas-quemadas-combates-republica-democratica-congo_1_12027740.html

“Las violaron a todas y luego prendieron fuego al ala de mujeres de la prisión. Después murieron todas”, ha señalado la jefa adjunta de la misión de paz de la ONU en República Democrática del Congo 

Cientos de mujeres fueron violadas y quemadas vivas durante el caos desatado tras la entrada de un grupo rebelde apoyado por Ruanda en la ciudad congoleña de Goma la semana pasada.

Las reclusas fueron atacadas en su ala dentro de la prisión Munzenze de Goma durante una fuga masiva, según un alto funcionario de la ONU. 

La jefa adjunta de la fuerza de mantenimiento de la paz de la ONU con base en Goma, Vivian van de Perre, declaró que mientras varios miles de hombres consiguieron escapar de la prisión, la zona reservada a las mujeres fue incendiada.

Las imágenes tomadas poco después de que los rebeldes del M23, apoyados por Ruanda, alcanzaran el centro de Goma mostraban enormes columnas de humo negro que se elevaban desde la prisión en la mañana del 27 de enero.

Aunque los detalles del incidente son escasos, la atrocidad parece ser la peor del reciente conflicto liderado por el M23 en el este de la República Democrática del Congo (RDC). Sin embargo, las fuerzas de paz de la ONU no han podido visitar la prisión para investigar más a fondo debido a las restricciones impuestas por los rebeldes del M23, lo que significa que la identidad de los autores sigue sin estar clara.

El martes se supo que unos 2.000 cadáveres seguían a la espera de ser enterrados en Goma después de que los combatientes del M23 tomaran la ciudad, capital de la provincia de Kivu Norte, el 27 de enero.

Van de Perre, que ahora se encuentra en Goma con miles de tropas de mantenimiento de la paz de la ONU desplegadas para proteger a los ciudadanos, declaró: “Hubo una gran fuga de 4.000 presos. También había unos cientos de mujeres en esa prisión”.

“Las violaron a todas y luego prendieron fuego al ala de mujeres. Después murieron todas”, añadió.

Esta semana, la Oficina del Alto Comisionado de las Naciones Unidas para los Derechos Humanos (ACNUDH) advirtió de que los grupos armados rivales estaban utilizando la violencia sexual como arma de guerra en Goma.

La ciudad, donde viven más de un millón de personas, está bajo el control total de las fuerzas del M23. Pero en un acontecimiento imprevisto a última hora del lunes, la milicia anunció un “alto el fuego” unilateral.

Hasta entonces, se temía que Ruanda estuviera decidida a arrebatar más territorio a su vasto vecino, ya que las fuerzas del M23 se dirigían constantemente hacia el sur, en dirección a Bukavu, capital de la provincia de Kivu del Sur, a 190 kilómetros de Goma.

La coalición político-militar Alianza del Río Congo, de la que forma parte el M23, anunció en un comunicado que “no tiene intención de tomar el control de Bukavu ni de otras localidades”.

En respuesta a la noticia del inesperado alto el fuego. Van de Perre declaró: “Espero que siga así, porque ellos [el M23] ya se estaban moviendo en dirección a Bukavu con refuerzos y armamento pesado, que se puede ver pasar [por] las calles de Goma.

“Si se retiran, es una buena noticia. De lo contrario, tendremos un nuevo enfrentamiento con la posibilidad de miles de muertos más”.

Dijo que el M23 podría haber recapacitado repentinamente tras la llegada de refuerzos de Burundi a Bukavu y la utilización de un aeropuerto cercano por parte de la fuerza aérea congoleña.

“Los burundeses han enviado 2.000 soldados más a Bukavu y son muy buenos combatientes. Creo que el M23 se está replanteando sus próximos pasos”, explica la jefa adjunta de la misión de la ONU.

A pesar de las pruebas, Ruanda niega estar respaldando al M23 o que sus fuerzas hayan cruzado al este de R.D. Congo.

Sin embargo, Van de Perre, que forma parte de la fuerza de mantenimiento de la paz de la ONU conocida como Monusco, afirmó que sus colegas habían visto a soldados ruandeses durante las patrullas, un comportamiento tan descarado que sugiere que no les preocupan las repercusiones internacionales.

Van de Perre instó al Consejo de Seguridad de la ONU a aumentar la presión sobre Ruanda. “Realmente necesitamos volver a la mesa de negociaciones. Y eso sólo es posible si los miembros del Consejo de Seguridad y otros países importantes ejercen suficiente presión sobre Ruanda y R.D. Congo”, afirmó.

Anteriormente, otro alto funcionario de la ONU había especulado con que el vecino de la RDC quería anexionarse un trozo de RDC mayor que la propia Ruanda. “Se trata de una política a largo plazo para conseguir que la zona más amplia de Kivu pase a la esfera de influencia ruandesa y, más adelante, quede bajo control administrativo total”, afirmaron.

Antes de que se anunciara el alto el fuego a última hora del lunes, Van de Perre dijo que estaba preocupada por los informes de que los grupos se estaban preparando para un contraataque. “Ya tenemos noticias de que en algunos lugares la gente se está reuniendo y organizando”, declaró.

Van de Perre afirmó que mantiene un “diálogo constante” con los oficiales del M23 a cargo de Goma y que las condiciones humanitarias en la ciudad eran terribles. 

Dijo que era difícil cruzar la ciudad. “Ellos [el M23] nos permiten llevar comida y agua a nuestras bases, pero aparte de eso apenas podemos movernos”. 

 

 

Un estudio de nanoplásticos en cerebros humanos detecta un aumento pronunciado en ocho años

 FUENTE: https://www.elsaltodiario.com/plastico/nanoplasticos-cerebros-aumento-ocho-anos

El análisis de 52 córtex frontales publicado en ‘Nature’ apunta a que la acumulación exponencial de plásticos en el ambiente estaría incrementando su abundancia en nuestros organismos.

Investigadores de la Universidad de Nuevo México (UNM) y la Universidad del Estado de Oklahoma (OSU) han analizado la presencia de microplásticos y nanoplásticos en muestras de riñón, hígado y córtex frontal de 52 cadáveres humanos, 28 de ellos fallecidos en 2016 y 24 entre octubre de 2023 y enero de 2024. Los resultados, publicados en Nature, arrojan un incremento entre 2016 y 2024 en la concentración en peso para todos los tejidos, y unos valores acusadamente más elevados en el cerebro que en los riñones y el hígado. A partir de la observación de estas partículas a microscopio los investigadores señalan que la gran mayoría de ellas son nanoplásticos, es decir, tienen un grosor inferior a una micra (µm).

En promedio, las concentraciones detectadas en 2016, expresadas en microgramos de microplásticos y nanoplásticos por gramo de tejido, fueron de 141,9 µg/g en hígado, 538,1 µg/g en riñón y 3.420 µg/g en cerebro, frente a 465,3 µg/g, 666,3 µg/g y 4.763 µg/g, respectivamente, ocho años después. Esto supone, en el caso del cerebro, un aumento del 40%.

Por otro lado, se hallaron concentraciones de entre 12.806 y 47.730 µg/g en el cerebro de 12 personas que padecían distintas formas de demencia, es decir, una orden de magnitud más elevadas. Los científicos lo achacan a deficiencias en los mecanismos de depuración asociadas a la demencia, por lo que no indicaría que los plásticos causen enfermedades, pero sí hace a estas personas más vulnerables a los posibles efectos neurológicos perjudiciales que puedan provocar estas partículas. 

        El ser humano consume accidentalmente unos 4 µg por semana de microplásticos y nanoplásticos

 No se apreció, sin embargo, que la concentración se incrementase con la edad, lo que sugiere que existen mecanismos de eliminación que evitan la bioacumulación a lo largo de la vida del individuo, algo que es consistente, argumentan los investigadores, con otro estudio en el que la presencia de nanoplásticos en peces cebra aumentaba con la exposición ambiental hasta alcanzar un valor estable, proporcional a la concentración en el medio, y se disipaba después de la exposición.

Si bien es cierto que el tamaño de muestra es limitado y los datos de 2016 son muy dispersos —año en el que se detecta el mayor dato individual de concentración en cerebro—, el análisis estadístico, de acuerdo con la publicación, permite concluir una tendencia al alza significativa en la presencia de estas partículas plásticas en el córtex frontal e hígado en los casos analizados y apunta a un fenómeno global debido a la acumulación de plásticos en el medio ambiente.

De la fábrica a la célula: más del 25% del plástico se ha producido en los últimos nueve años

La liberación de plásticos al planeta está alcanzando un ritmo vertiginoso en las últimas décadas y no hace más que agrandarse. Propiedades como su estabilidad en el tiempo, versatilidad y bajo costo han hecho de estos materiales un candidato ideal y de difícil sustitución para la producción a gran escala y los ha convertido en un elemento representativo de las sociedades de consumo. Si en 1950 se estima que se sintetizaron 1,5 millones de toneladas de plástico en el mundo, en el 2002 fueron 200 y actualmente se han superado los 400 anuales, de acuerdo con Plastics Europe.

El problema es que estos materiales, cuya producción comienza fundamentalmente en la segunda mitad del siglo XX, tardan siglos en degradarse por completo, por lo que prácticamente la totalidad del plástico descartado se acumula en el medio ambiente. Diseñamos productos para ser usados diez minutos que pueden durar 500 años en el planeta. Si hasta 2015 se habían producido 8.300 millones de toneladas a lo largo de la historia de la humanidad, de las que 4.900 habían sido liberadas al ambiente y 800 incineradas —lo que resulta más contaminante—, desde entonces esta cifra se ha incrementado en más de 3.000 millones. Apenas se recicla la quinta parte, y la pérdida de propiedades mecánicas en el proceso obstaculiza generalmente hacerlo más de tres veces.

 
Los microplásticos y nanoplásticos se acumulan en el medio terrestre y, transportados por el viento y los ríos, también en el oceánico, donde se prevé que para 2050 estos materiales superen a los peces en peso. Están presentes en el aire que respiramos, en los alimentos que ingerimos, de procedencia tanto animal como vegetal, y en el agua que bebemos. El ser humano consume accidentalmente unos 4 µg por semana. Un estudio reciente calculó que el agua embotellada contiene unas 240.000 de estas partículas por cada litro. Las que más preocupan son las de menor tamaño, ya que pueden ser absorbidas por el organismo. Es más, se ha probado en cultivos de células epiteliales intestinales que partículas del orden de decenas de nanómetros son absorbidas al interior de las células humanas.

Existen enormes lagunas de conocimiento sobre las consecuencias que pueden acarrear para la salud de los ecosistemas, incluyendo la humana. Aparentemente, los niveles de contaminación actuales son insuficientes como para producir efectos apreciables en el ser humano, pero la investigación se encuentra en un estado muy incipiente. Todavía se están desarrollando instrumentos y métodos que permitan detectar y medir con precisión los nanoplásticos y microplásticos de menor tamaño, que hasta ahora pasaban inadvertidos. Es una incógnita la abundancia en número de partículas de nanoplásticos en el ambiente, las rutas que siguen en el interior del organismo y en los ecosistemas, hasta qué punto se bioacumulan en los vertebrados o se eliminan, o hasta qué punto puede existir biomagnificación a lo largo de la cadena trófica.

Algunas de las dificultades a las que se enfrentan los científicos son el estudio de las consecuencias de la exposición crónica, el diseño de grupos de control sin presencia de estas partículas que permitan establecer comparaciones con los niveles ambientales o la diversidad de tamaños, formas, composiciones y aditivos químicos de los microplásticos y nanoplásticos, lo que implica dosis tolerables para los organismos potencialmente diferentes en cada caso. Hasta la fecha, la mayoría de repercusiones para la salud se han sugerido o demostrado en estudios de laboratorio en concentraciones que no se espera alcanzar en el medio ambiente. 

Se postula que en el ser humano estas partículas pueden obstruir glándulas, actuar de disruptores hormonales y metabólicos, provocar abrasión e inflamación de tejidos y causar estrés oxidativo y toxicidad inmunológica, neurológica y citológica. Además, al pasar al interior de las células también podrían ocasionar daños en el ADN, por lo que resultarían cancerígenas. La materia orgánica presenta afinidad química por el plástico, y algunos estudios recientes relacionan a los microplásticos con la ateroesclerosis, es decir, la aparición de placas de grasa y colesterol en las arterias, lo que implica un mayor riesgo de sufrir lesiones arteriales y episodios cardiovasculares. En los microorganismos acuáticos, como el fitoplancton y el zooplancton, podrían provocar daños físicos equiparables a los macroplásticos en organismos de mayor tamaño, como el bloqueo del tracto digestivo, desnutrición e interferencia con el nado y la depredación.

Pese a la escasez de evidencia concluyente, lo que genera consenso científico es la urgencia de actuar conforme al principio de precaución ante la magnitud que está alcanzando la acumulación por plásticos en el medio ambiente. Una precaución que, a la vista de la tendencia a continuar incrementando la producción, la economía capitalista no parece dispuesta a adoptar.

lundi 20 janvier 2025

El uso Pacífico de la Energía Atómica (Josep Rena, 1970)

 

 
El uso pacífico de la energía atómica
Autor: Josep Renau
Datación de la obra: 1970
Material: Mural.
Medidas: 6 x 18 m.
Localización: Keramikbild Magdeburger Strasse. Halle

mercredi 18 décembre 2024

La fin de la Syrie

 SOURCE: https://www.vududroit.com/2024/12/la-fin-de-la-syrie/

Alastair Crooke est un ancien diplomate britannique installé à Beyrouth. Il sait de quoi il parle. Il a fait le boulot concernant la disparition de la Syrie.

Merci à lui.

Régis de Castelnau

La Syrie est entrée dans l’abîme : les démons d’Al-Qaïda, de l’EI et des éléments les plus intransigeants des Frères musulmans rôdent dans le ciel. Le chaos règne, les pillages, la peur et une terrible soif de vengeance fait bouillir le sang. Les exécutions de rue sont monnaie courante.

Peut-être que Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et son chef, Al-Joulani, (suivant les instructions turques), pensaient contrôler les choses. Mais HTS est un groupe-cadre comme Al-Qaida, ISIS et An-Nusra, et ses factions ont déjà sombré dans des combats entre factions. « L’État » syrien s’est dissous au milieu de la nuit ; la police et l’armée sont rentrées chez elles, laissant les dépôts d’armes ouverts aux shebabs pour qu’ils les pillent. Les portes des prisons ont été ouvertes (ou forcées). Certains, sans aucun doute, étaient des prisonniers politiques ; mais beaucoup ne l’étaient pas. Certains des détenus les plus vicieux errent désormais dans les rues.

En quelques jours, les Israéliens ont totalement éviscéré l’infrastructure de défense de l’État dans plus de 450 frappes aériennes : défense antimissile, hélicoptères et avions de l’armée de l’air syrienne, marine et armureries – tous détruits dans la « plus grande opération aérienne de l’histoire d’Israël ».

La Syrie n’existe plus en tant qu’entité géopolitique. A l’est, les forces kurdes (avec le soutien militaire des Etats-Unis) s’emparent des ressources pétrolières et agricoles de l’ancien Etat. Les forces d’Erdogan et ses mandataires tentent d’écraser complètement l’enclave kurde (bien que les Etats-Unis aient désormais négocié une sorte de cessez-le-feu). Et au sud-ouest, les chars israéliens se sont emparés du Golan et de terres au-delà, jusqu’à 20 km de Damas. En 2015, le magazine The Economist écrivait : « De l’or noir sous le Golan : les géologues israéliens pensent avoir trouvé du pétrole – dans un territoire très délicat ». Les pétroliers israéliens et américains pensent avoir découvert une mine d’or dans ce site des plus inconfortables.

Et un obstacle majeur aux ambitions énergétiques de l’Occident – ​​la Syrie – vient de disparaître.

Le contrepoids stratégique et politique que constituait la Syrie depuis 1948 pour Israël a disparu. Et l’apaisement des tensions entre la sphère sunnite et l’Iran a été perturbé par l’intervention brutale des renoms de l’EI et par le revanchisme ottoman en collaboration avec Israël, via des intermédiaires américains (et britanniques). Les Turcs ne se sont jamais vraiment réconciliés avec le traité de 1923 qui a mis fin à la Première Guerre mondiale, par lequel ils ont cédé ce qui est aujourd’hui le nord de la Syrie au nouvel État syrien.

En quelques jours, la Syrie a été démembrée, divisée et balkanisée. Alors pourquoi Israël et la Turquie continuent-ils à bombarder ? Les bombardements ont commencé au moment du départ de Bachar el-Assad, car la Turquie et Israël craignent que les conquérants d’aujourd’hui ne soient éphémères et ne soient bientôt eux-mêmes déplacés. Il n’est pas nécessaire de posséder une chose pour la contrôler. En tant qu’États puissants de la région, Israël et la Turquie souhaiteront exercer un contrôle non seulement sur les ressources, mais aussi sur le carrefour et le passage régional vital qu’est la Syrie.

Il est cependant inévitable que le « Grand Israël » se heurte un jour ou l’autre au revanchisme ottomaniste d’Erdogan. De même, le front saoudo-égypto-émirati n’accueillera pas favorablement la résurgence des refontes de l’EI, ni celle des Frères musulmans, inspirés par la Turquie et ottomanisés. Ces derniers représentent une menace immédiate pour la Jordanie, désormais limitrophe de la nouvelle entité révolutionnaire.

Ces inquiétudes pourraient pousser ces États du Golfe à se rapprocher de l’Iran. Le Qatar, fournisseur d’armes et de financements au cartel HTS, pourrait à nouveau être ostracisé par les autres dirigeants du Golfe.

La nouvelle carte géopolitique pose de nombreuses questions directes sur l’Iran, la Russie, la Chine et les BRICS. La Russie a joué un rôle complexe au Moyen-Orient : d’un côté, elle mène une guerre défensive contre les puissances de l’OTAN et gère ses intérêts énergétiques clés ; de l’autre, elle tente de modérer les opérations de la Résistance contre Israël afin d’empêcher que ses relations avec les États-Unis ne se détériorent complètement. Moscou espère – sans grande conviction – qu’un dialogue avec le nouveau président américain pourrait émerger, à un moment ou à un autre.

Moscou en conclura probablement que les accords de cessez-le-feu tels que l’accord d’Astana sur le confinement des djihadistes dans les frontières de la zone autonome d’Idlib en Syrie ne valent pas le papier sur lequel ils ont été rédigés. La Turquie, garante d’Astana, a poignardé Moscou dans le dos. Il est probable que cela rendra les dirigeants russes plus intransigeants à l’égard de l’Ukraine et de toute discussion occidentale sur un cessez-le-feu.

Le guide suprême iranien a déclaré le 11 décembre : « Il ne fait aucun doute que ce qui s’est passé en Syrie a été planifié dans les salles de commandement des États-Unis et d’Israël. Nous en avons la preuve. L’un des pays voisins de la Syrie a également joué un rôle, mais les principaux planificateurs sont les États-Unis et le régime sioniste ». Dans ce contexte, l’ayatollah Khamenei a mis un terme aux spéculations sur un éventuel affaiblissement de la volonté de résistance.

La victoire par procuration de la Turquie en Syrie pourrait néanmoins se révéler pyrrhique. Le ministre des Affaires étrangères d’Erdogan, Hakan Fidan, a menti à la Russie, aux États du Golfe et à l’Iran sur la nature de ce qui se tramait en Syrie. Mais le bazar est désormais aux mains d’Erdogan. Ceux qu’il a trahis devront à un moment ou à un autre se venger.

L’Iran va vraisemblablement revenir à sa position antérieure, qui consiste à rassembler les différents éléments de la résistance régionale pour combattre la réincarnation d’Al-Qaïda. Il ne tournera pas le dos à la Chine, ni au projet BRICS. L’Irak – rappelant les atrocités commises par l’EI lors de sa guerre civile – se joindra à l’Iran, tout comme le Yémen. L’Iran sera conscient que les éléments restants de l’ancienne armée syrienne pourraient bien, à un moment donné, entrer dans la lutte contre le cartel HTS. Maher Al-Assad a emmené toute sa division blindée avec lui en exil en Irak la nuit du départ de Bachar Al-Assad.

La Chine ne sera pas ravie des événements en Syrie. Les Ouïghours ont joué un rôle important dans le soulèvement syrien (on estime qu’il y avait 30 000 Ouïghours à Idlib, formés par la Turquie (qui considère les Ouïghours comme la composante originelle de la nation turque). La Chine aussi verra probablement le renversement de la Syrie comme une mise en évidence des menaces occidentales qui pèsent sur ses propres lignes de sécurité énergétique qui passent par l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Irak).

Enfin, les intérêts occidentaux se disputent depuis des siècles les ressources du Moyen-Orient – ​​et c’est précisément ce qui se cache derrière la guerre d’aujourd’hui.

Est-il ou n’est-il pas favorable à la guerre ? C’est ce que les gens demandent à propos de Trump, puisqu’il a déjà indiqué que la domination énergétique serait une stratégie clé de son administration.

Les pays occidentaux sont lourdement endettés, leur marge de manœuvre budgétaire se réduit rapidement et les détenteurs d’obligations commencent à se mutiner. On assiste à une course pour trouver de nouvelles garanties pour les monnaies fiduciaires. C’était autrefois l’or ; depuis les années 1970, c’est le pétrole, mais le pétrodollar a vacillé. Les Anglo-Américains aimeraient bien récupérer le pétrole iranien – comme ils l’ont fait jusqu’aux années 1970 – pour le garantir et construire un nouveau système monétaire lié à la valeur réelle inhérente aux matières premières.

Mais Trump affirme vouloir « mettre fin aux guerres » et non les déclencher. Le remaniement de la carte géopolitique rend-il plus ou moins probable une entente mondiale entre l’Est et l’Ouest ?

Malgré tous les débats autour d’éventuels « accords » de Trump avec l’Iran et la Russie, il est probablement trop tôt pour dire s’ils se concrétiseront – ou pourront se concrétiser.

Apparemment, Trump doit d’abord conclure un « accord » intérieur avant de savoir s’il dispose des moyens nécessaires pour conclure des accords de politique étrangère.

Il semble que les structures dirigeantes (notamment l’élément « Never-Trump » au Sénat) accorderont à Trump une latitude considérable sur les nominations clés des départements et agences nationaux qui gèrent les affaires politiques et économiques américaines (ce qui est la principale préoccupation de Trump) – et permettront également une certaine discrétion sur, disons, les départements de « guerre » qui ont ciblé Trump au cours des dernières années, comme le FBI et le ministère de la Justice.

Le prétendu « accord » semble être que ses nominations devront encore être confirmées par le Sénat et devront globalement être « en phase » avec la politique étrangère inter-agences (notamment sur Israël).

Les hauts dignitaires de l’Inter-Agency auraient cependant insisté sur leur droit de veto sur les nominations touchant aux structures les plus profondes de la politique étrangère. Et c’est là que réside le nœud du problème.

Les Israéliens célèbrent généralement leurs « victoires ». Cette euphorie aura-t-elle un écho auprès des élites du monde des affaires américain ? Le Hezbollah est contenu, la Syrie est démilitarisée et l’Iran n’est pas à la frontière d’Israël. La menace qui pèse aujourd’hui sur Israël est d’un ordre qualitatif inférieur. Cela suffit-il en soi à apaiser les tensions ou à faire émerger des accords plus larges ? Beaucoup dépendra de la situation politique de Netanyahou. Si le Premier ministre sort relativement indemne de son procès pénal, devra-t-il prendre le grand « pari » d’une action militaire contre l’Iran, alors que la carte géopolitique s’est soudainement transformée ?

 

mardi 17 décembre 2024

Le Congo-Zaïre ou le martyre infligé par le capitalisme

 SOURCE: https://joseseseko.overblog.com/2019/12/le-congo-zaire-ou-le-martyre-inflige-par-le-capitalisme.html


Publié par JoSeseSeko sur 18 Décembre 2019, 10:39am

Catégories : #Économie, #Politique, #Afrique, #Congo-Zaïre, #Capitalisme, #Libéralisme, #Industrie, #Minerais

Photo: Flickr/MONUSCO Photos

Photo: Flickr/MONUSCO Photos

La saisie de la justice états-unienne pour condamner cinq firmes high tech de blessures et d'exploitation d'enfants dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo est une occasion pour rappeler au monde occidental capitaliste qu'il jouit de biens à travers un impérialisme génocidaire dont il s'en indiffère jusqu'à ce que ça lui revienne dans la gueule.

C'est une nouvelle qui ne comptera guère dans les esprits en France, mais elle mérite qu'on s'y attarde. L'organisation non gouvernementale (ONG) International Right Advocate a porté plainte, au nom de 14 parents et enfants de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), contre Apple, Google, Microsoft, Dell ou encore Tesla, auprès de la justice fédérale états-unienne pour travail forcé d'enfants dans les mines de cobalt avec fort risque de blessure ou de décès. Un procès qui promet d'être historique en raison des noms des firmes accusées (cf liens n°1, n°2, n°3).

Matières premières maudites!

Mais qu'est-ce que le cobalt? C'est un matériau fort utilisé dans les industries de pointe que sont l'informatique, la téléphonie mobile, mais aussi l'automobile car il sert de composant à la fabrication de batteries au lithium. Et avec la montée de la demande en smartphones et surtout en voitures électriques dans le monde - d'où le fait que Tesla soit dans le box des accusés -, les fournisseurs se doivent d'accentuer la production et donc de dégrader les conditions d'exploitation. Or, pas moins de 60% des réserves mondiales de cobalt se trouvent dans la seule RDC. N'oublions pas un autre matériau fort précieux pour la haute technologie qu'est le coltan, dont 60 à 80% des réserves mondiales se trouvent également dans l'ex-Zaïre, attirant ainsi les convoitises des pays occidentaux ou de la Chine.

Vu leur utilité, la RDC devrait pouvoir afficher un niveau de développement faramineux. Que nenni! Ces ressources minières, et d'autres matières premières (cuivre, diamant, or, zinc, étain, pétrole, uranium, fer, manganèse, etc.) happées, voire pillées, seules les firmes multinationales en voient la couleur, tant elles dominent les structures économiques et sociales. Le Congo-Zaïre illustre à la fois l'impérialisme mené envers lui, comme envers plusieurs autres pays africains d'ailleurs, mais également ce que les économistes appellent le syndrome hollandais. C'est-à-dire un pays disposant d'une grande quantité de ressources naturelles mais demeurant incapable de pouvoir se développer car condamné à être un fournisseur en matières premières et non à mettre en place une industrie locale puissante, excepté peut-être l'industrie  minière comme "vache à lait" pour un pouvoir local corrompu et au service d'autres continents. Reste à savoir si la réforme du code minier en RDC, votée en 2018 sous la fin de la présidence de Joseph Kabila et les ambitions de Félix Tshisekedi en matière de politique industrielle seraient en mesure de changer la donne. Ce dont on peut, hélas, en douter.

Une indifférence sanglante

Mais surtout, ce qui est frappant, en tant que personne d'origine congo-zaïroise, c'est l'indifférence qui s'observe au niveau médiatique ou politique sur le pays le plus peuplé de la francophonie, qui souffre de martyre depuis le milieu des années 1990. Et malgré les efforts du docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, pour exposer la situation, avec des estimations allant de 6 à 12 millions de morts, notamment dans l'Est du pays, concentrant l'essentiel des mines de coltan plus d'autres matériaux, le viol des femmes comme arme de guerre, etc. un silence coupable dure. Pourquoi? Ce serait exposer la culpabilité du Rwanda voisin, dont le génocide des tutsis en 1994 a déstabilisé l'Afrique des Grands Lacs et que Paul Kagame, protégé par plusieurs pays occidentaux, a profité de la fuite de génocidaires hutus dans l'Est du Congo-Zaïre pour intervenir dans ce pays, en espérant y mettre un pantin au pouvoir à Kinshasa. Ce qu'il pensait faire avec Laurent-Désiré Kabila, chassant Joseph-Désiré Mobutu en 1997, mais Kabila père ne voulut pas jouer ce rôle, provoquant ainsi une guerre de 1998 à 2003, puis plusieurs rébellions dans les années qui suivirent, avec son allié Yoweri Museveni, président de l'Ouganda, prétextant également la présence de rebelles comme les Forces démocratiques alliées sévissant autour de la ville de Béni, au Nord-Kivu (cf lien n°4).

Que ce soit des groupes rebelles étrangers ou des rebelles locaux appuyés par des pays voisins, ou même l'armée congolaise, ainsi que la police, le racket est leur règle d'or pour pouvoir s'enrichir et continuer à foutre le bordel dans l'Est du Congo-Zaïre. C'est ce que rappelle une étude de l'ONG IPIS en 2017, où près d'un millier de barrages routiers existent dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, générant plusieurs millions de dollars de revenus.

En tout cas, face à cette indifférence sanglante - "l'indifférence, c'est la haine doublée du mensonge" -, certains artistes d'origine congo-zaïroise tels Kalash Criminel, Naza ou Gradur ont lancé des messages sur les réseaux sociaux pour alerter sur ce sujet (cf lien n°5). Certains esprits chagrins diront que c'est délivré par des smartphones ou ordinateurs contenant probablement du matériau congolais et du sang de mineurs congolais exploités et que c'est par conséquent contradictoire. Cependant, ces artistes-là sont, je pense, conscients de cela. Je n'échappe pas non plus à cette contradiction. Mais je veux en tirer une réflexion pour améliorer leur condition. Ce qui peut amener à se poser la question du dépassement du capitalisme par exemple.

vendredi 8 novembre 2024

L' Iran global et stratégique

 

 
Voilées, pas voilées. Et pas de casques
 

 

 L'Iran est un élément déterminant de ce que représente maintenant les BRICS. La société civile iranienne est dynamique (sa richesse et la culture de cette société: la beauté de sa langue, la profondeur de sa civilisation). Mais tout cela est méconnue et méprisée par nos médias et la bêtise et l'arrogance "crasse" de nos pseudo "élites".

Mais... ne pas oublier la lutte des classes, en particulier le rôle de la classe des "bazari" (malheureusement dominante dans le mouvement dit "réformiste") qui ne veut que "dealer" avec l'impérialisme américain. Ne pas oublier non plus la chappe de plomb de l'islamisme (l'ayatollah Khomeiny, a été influencé par Sayeb Qutb des frères musulmans !) qui méprise les femmes et veut leur imposer un islam fondamentaliste et rétrograde. Critiquer aussi la bêtise de la classe des Mollahs-Pasdaran-Bassidji et voir les potentialités de cette merveilleuse société iranienne sans tomber dans l'arrogance ignorante de la bien-pensance du Monde, Libération, Télérama ...

Les guerres énergétiques de l'empire

 SOURCE: https://www.chroniquesdugrandjeu.com/2020/05/les-guerres-energetiques-de-l-empire-explication.html

Les clichés ont décidément la vie dure... On a beau démontrer par A+B que les visées impériales américaines n'ont pas pour but de "voler le pétrole", que l'immense majorité des guerres, déstabilisations et autres putschs made in USA n'ont pas lieu dans des pays producteur d'or noir, que le lobby pétrolier s'oppose la plupart du temps aux intérêts stratégiques de Washington, les vieux réflexes (vieux démons ?) ont l'étonnante faculté de ressurgir très vite.

Il est tellement plus facile de recourir à des explications simpl(ist)es, de caricaturer la politique étrangère états-unienne de manière amusante...

Cela évite souvent de réfléchir à toutes les incohérences de cette thèse, aux nombreux éléments qui n'entrent pas dans le cadre postulé.

La comparaison qui vient immédiatement à l'esprit est le cliché presque jumeau du supposé affrontement entre Etats-Unis et Islam, autre légende urbaine qui connaîtra une postérité étonnante après le 11 Septembre et sur laquelle je revenais il y a peu dans une interview :

En réalité, conflit israélo-palestinien mis à part, l’empire US a toujours soutenu des pays/groupes musulmans contre des non-musulmans : les Afghans contre l’URSS, les Bosniaques contre les Serbes, le Pakistan contre l’Inde, les Tchétchènes contre la Russie, les Kosovars encore contre les Serbes, les Ouïghours contre la Chine, les Rohingyas contre la Birmanie etc. Et au sein du monde musulman, Washington a toujours flirté avec les courants les plus religieux contre les moins religieux : pétromonarchies fondamentalistes face au courant nassérien, Talibans et Hekmatyar contre Massoud en Afghanistan, « rebelles modérés » syriens contre Assad etc.

Penser qu’il existe un antagonisme entre l’empire américain et l’Islam est d’une naïveté confondante : c’est se condamner à ne strictement rien comprendre au film des événements depuis 1945…

Il suffit en effet de faire - c'est à la portée d'un enfant de 10 ans - un simple listing des guerres/soutiens américains depuis la Seconde Guerre Mondiale pour faire éclater cette légende urbaine, mais le grand public n'en démord pas. Il est en cela complaisamment encouragé par la rumeur médiatique, à la fois mainstream ou alternative, qui pour le coup vont exactement dans le même sens et sont les deux faces d'une même pièce.

Il en est de même pour l'or noir. Les observateurs - pas seulement votre serviteur, pensons par exemple à Emmanuel Todd (Après l'empire) - ont beau s'époumoner à montrer que les Américains ne sont pas de simples voleurs de poules naphteuses, que leur stratégie énergétique est bien plus considérable, l'idée a beaucoup de mal à faire son chemin dans les esprits...

Aussi n'est-il pas inutile de faire une mise au point, une fois pour toutes espérons-le. Toutes les menées américaines ne concernent pas que l'énergie, loin de là (Vietnam, Corée, QUAD etc.) mais dans ce domaine, on peut les résumer dans ce petit tableau synoptique :

Ce tableau est schématique, non exhaustif, mais il constitue une bonne introduction aux guerres énergétiques impériales.

Celles-ci visent, répétons-le, non pas à mettre la main sur des ressources bon marché ou à enrichir le lobby pétrolier, mais à contrôler les sources et flux énergétiques mondiaux. C'est l'adage de Kissinger lui-même : « Contrôlez le pétrole et vous contrôlez les nations ». On pourrait maintenant y ajouter le gaz...

La politique de Washington contre les pays cités n'a généralement pas que des causes énergétiques. Celles-ci se couplent souvent à d'autres raisons (stratégiques, historiques) pour former un tout cohérent, un prétexte de guerre ou de déstabilisation imparable.

La Russie n'est pas seulement un géant énergétique écoulant ses richesses hors du contrôle US, c'est aussi le Heartland : il faut doublement la sanctionner. L'Iran n'est pas qu'une pompe à pétrole ennemie, c'est également la tête de l'arc chiite : il faut le déstabiliser. La Syrie n'est pas que le possible passage des pipelines pétromonarchiques visant à squizzer Moscou en Europe, c'est aussi un maillon de l'arc chiite : il faut l'occuper. L'Ukraine n'est pas que le pays de transit du gaz russe, c'est aussi une case essentielle à faire entrer dans l'OTAN. L'Irak de Saddam n'est pas qu'un producteur indépendant, c'est aussi la bête noire des clients américains dans la région : il faut le renverser etc. etc.

L'on voit donc, c'est une évidence, que la politique impériale est autrement plus évoluée qu'un simple vol à la tire de quelques barils. Ce serait faire injure aux stratèges états-uniens, qu'on peut qualifier de tout sauf de benêts à la petite semaine. Il s'agit d'une approche globale multiforme, cynique et géniale, visant à garder la main sur le monde par le biais du contrôle de l'énergie et/ou la division de l'Eurasie avec, en filigrane, la lutte perpétuelle contre la Russie, la Chine et leurs alliés.

Quant au lobby pétrolier américain, il navigue à des années-lumière de ces hautes considérations stratégiques. Tout ce qu'il veut, c'est faire du business et il s'arrache régulièrement les cheveux devant les décisions de Washington. Nous l'avons montré à de multiples reprises, les majors US ne rêvent que de faire des affaires avec les pays sous sanction impériale (Russie, Iran, Venezuela). Elles veulent les routes d'évacuation les plus courtes et les plus rentables (un pipeline iranien et non les lubies qu'étaient le BTC ou le TAPI).

Quand les intérêts stratégiques globaux des Etats-Unis coïncident avec les intérêts particuliers de leurs compagnies pétrolières, ils ne vont évidemment pas s'en priver. Mais que ces intérêts diffèrent, comme c'est la plupart du temps le cas, et ce sont TOUJOURS les premiers qui priment sur les seconds. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il n'y a, à ma connaissance, aucun exemple du contraire...

La déstabilisation de l’Iran par les États-Unis : une longue histoire

 

Kamala Harris a récemment qualifié l’Iran de « force déstabilisatrice et dangereuse » au Moyen-Orient. Si on veut comprendre cette remarque, il faut se pencher sur le contexte puisque cela s’inscrit dans l’histoire des dernières décennies au cours desquelles les États-Unis ont cherché à déstabiliser l’Iran.

Source : Jacobin, Seraj Assi
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

 
Le Chah Mohammad Reza Pahlavi et Jimmy Carter lors d’une cérémonie de bienvenue à la Maison Blanche, Washington, le 15 novembre 1977. (Diana Walker / Getty Images)

Depuis douze mois, depuis octobre dernier, les dirigeants américains se félicitent des bombardements incessants d’Israël sur Gaza, alors même que le génocide qui s’y déroule – financé et armé par les États-Unis – a tué plus de quarante mille Palestiniens, dont près de la moitié sont des femmes et des enfants. Les manifestations de satisfaction se sont poursuivies alors qu’Israël a étendu ses bombardements à trois autres pays arabes : le Liban, le Yémen et la Syrie.

Encore insatisfaits, certains encouragent maintenant Israël à bombarder l’Iran. Joe Biden aurait « discuté » de la perspective d’une attaque israélienne contre les champs pétrolifères iraniens, lesquels constituent la base de l’économie iranienne et qui s’étiolent en raison de l’embargo américain dévastateur qui dure depuis des décennies.

À la suite du tir de missiles iraniens sur Israël la semaine dernière, effectué en représailles à l’assassinat par Israël de dirigeants du Hamas et du Hezbollah, la Vice-présidente et candidate démocrate à l’élection présidentielle Kamala Harris a qualifié l’Iran de « force déstabilisatrice et dangereuse » au Moyen-Orient, ouvrant ainsi un nouveau chapitre dans la longue histoire belliciste américaine à l’encontre de l’Iran. Lundi dernier, elle est allée encore plus loin en qualifiant l’Iran de « plus grand adversaire » des États-Unis.

Une longue histoire violente

Ceux qui connaissent l’histoire de l’Iran ont du mal à entendre de telles déclarations sans se remémorer le réveillon du Nouvel An 1977, un an avant que la révolution iranienne n’éclate. Alors que les émeutes se multipliaient en Iran, le président américain Jimmy Carter assistait à un somptueux dîner d’État en compagnie du chah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, il a alors porté un toast : « Grâce à l’excellent leadership du chah, l’Iran est un îlot de stabilité au coeur d’une des régions les plus troublées du monde. »

Il est paradoxal de noter que ces discours avaient été précédés par un long passé de déstabilisation de l’Iran par les États-Uni, une histoire entachée d’opérations secrètes et d’interventions clandestines. Vingt-quatre ans plus tôt, lors de l’Opération Ajax, la CIA, en collaboration avec le MI6 britannique, avait orchestré un coup d’État qui avait chassé le Premier ministre iranien démocratiquement élu, ce dernier avait remporté la victoire en prônant la nationalisation du pétrole iranien et en le soustrayant au contrôle de l’Occident. Ce coup d’État a entraîné la désintégration de la démocratie naissante du pays et devait hanter les Iraniens pour des décennies.

À partir de la fin des années 1940, dans le feu de la Guerre froide, l’administration de Harry Truman a fait du jeune chah un partenaire important de l’alliance antisoviétique naissante au Moyen-Orient, malgré le ressentiment croissant des Iraniens à l’égard de la corruption du chah et de la façon inconsidérée dont il vendait des ressources de l’Iran à des sociétés étrangères pour financer son train de vie somptueux. La folie dépensière du chah l’a conduit à vendre les droits exclusifs sur le pétrole et le gaz naturel iraniens à des multinationales pétrolières occidentales, principalement l’Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), qui ont exploité les Iraniens et exporté des millions de barils de pétrole, générant des profits faramineux tout en ne payant pratiquement rien à l’Iran.

Le ressentiment à l’égard du chah a rapidement donné lieu à une contestation populaire. En octobre 1949, Mossadegh, critique de longue date de la dynastie Pahlavi et ardent défenseur du droit de l’Iran à contrôler sa propre industrie pétrolière, a fondé le Front national, une large coalition comprenant à la fois des modérés de la classe moyenne et des membres du parti de gauche Tudeh. Mossadegh et ses alliés ont rapidement exercé le pouvoir au sein du parlement iranien, le Majles, où ils se sont présenté en prônant le partage des profits pétroliers entre l’Iran et l’AIOC, citant l’exemple d’autres multinationales pétrolières opérant au Venezuela et en Arabie saoudite.

Le coup d’État contre Mohammed Mossadegh a entraîné la désagrégation de la démocratie naissante du pays et devait hanter les Iraniens pour des décennies.

Soutenue par le gouvernement britannique, l’AIOC a refusé tout compromis. Le Majles a réagi en nationalisant l’industrie pétrolière iranienne. Peu après, Mossadegh a été élu Premier ministre et a immédiatement annoncé son intention de priver le Royaume-Uni du contrôle des champs pétrolifères et des raffineries iraniennes.

L’Occident n’a pas tardé à prendre des mesures de rétorsion. Lorsque Mossadegh a décidé la nationalisation, les gouvernements britannique et américain ont uni leurs forces pour pousser le chah à destituer son nouveau Premier ministre, menaçant le pétrole iranien d’un embargo international, tout en préparant secrètement un coup d’État à Téhéran.

Le président Dwight D. Eisenhower a donné sa bénédiction à ce projet. Du côté américain, les organisateurs du coup d’État étaient le secrétaire d’État chargé des Affaires étrangères John Foster Dulles, un anticommuniste enragé qui considérait Mossadegh comme un suppôt de la Russie et un « cinglé », et Allen Dulles, le nouveau directeur de la CIA, qui entretenait des liens étroits avec le MI6, agence de renseignement britannique, et adorait les opérations secrètes visant les nations qu’il jugeait susceptibles de faire l’objet d’une tentative de subversion ou d’une prise de contrôle par l’Union soviétique. Pour superviser le plan, Kermit Roosevelt, petit-fils de Theodore Roosevelt et vétéran des opérations secrètes de la CIA, a été envoyé à Téhéran.

Des agents américains et britanniques ont mené ce qu’ils ont qualifié de « contre-coup d’État » contre le gouvernement nouvellement élu, en distribuant de généreux pots-de-vin pour mobiliser des centaines de mercenaires pro-chah, qui ont déferlé dans les rues en scandant des slogans anti-gouvernementaux et en déclenchant de violents affrontements avec les partisans de Mossadegh. Pendant ce temps, le général Fazlollah Zahedi, bien disposé envers l’Occident, et des officiers militaires de droite, ainsi que la police secrète iranienne, connue sous le nom de SAVAK, ont entrepris de rétablir l’ordre et de réprimer la dissidence, en raflant les militants du parti Tudeh, en arrêtant Mossadegh et en redonnant le pouvoir au chah.

Ce n’était qu’un début

Au nom de la lutte contre le communisme, les États-Unis ont contribué à saboter une démocratie florissante au Moyen-Orient. Pour citer l’historien américain Douglas Little : « Après s’être persuadés que l’Iran était sur le point de basculer dans le communisme, Eisenhower et les frères Dulles avaient encouragé les forces pro-américaines à renverser un dirigeant iranien démocratiquement élu et à réinstaller sur le trône du Paon un dirigeant de plus en plus autocratique. »

Le coup d’État de 1953, connu en Iran sous le nom de Coup d’état du 28 Mordad, était le prélude d’une longue histoire d’opérations secrètes américaines destinées à changer des régimes et visant des dirigeants démocratiquement élus dans l’ensemble des pays du Sud. Deux décennies plus tard, au Chili, les États-Unis se sont rendus coupables d’un infâme complot visant à renverser le président socialiste élu Salvador Allende, contribuant ainsi à l’instauration d’une dictature autoritaire de droite.

En Iran, e coup d’État de 1953 n’était qu’un début. Alors que le ressentiment des Iraniens à l’égard du chah grandissait, les États-Unis ont réagi en lançant une nouvelle opération secrète au début des années 1960. Peu après son investiture, John F. Kennedy a élaboré son propre plan pour contrer l’agitation civile en Iran : une « révolution blanche ». En avril 1962, tout juste sorti de la débâcle de la Baie des Cochons, il a invité le chah Pahlavi à Washington, et les deux dirigeants ont envisagé un « plan de stabilité pour l’Iran ». Neuf mois plus tard, le chah dévoilait sa Révolution blanche, un ensemble de réformes modernisatrices « descendantes » destinées à éviter des changements radicaux « ascendants », à l’instar de la révolution rouge de Fidel Castro à Cuba. Au printemps 1963, des volontaires du Corps de la Paix américain se sont rendus en Iran pour y promouvoir la modernisation américaine et, alors que des centaines de sociétés américaines commençaient à investir dans le « miracle économique » du chah, un flux de millions de barils de pétrole quittait l’Iran à destination des alliés de la Guerre froide des États-Unis en Asie et en Europe de l’Ouest.

Pendant ce temps, les dirigeants de l’opposition iranienne, menés par Ruhollah Khomeini, ridiculisaient le chah, le qualifiant de pantin des américains et condamnaient les réformes soutenues par les États-Unis au titre de l’« occitoxification » (Gharbzadegi en persan).

À la fin des années 1960, les responsables américains pensaient que l’Iran appréciait la Révolution blanche du chah. La répression de la dissidence par le chah les a réjouis, de même que sa décision d’exiler Khomeini, qu’ils considéraient comme un « fauteur de troubles islamiques gênant. »

En avril 1962, Kennedy, tout juste sorti de la débâcle de la Baie des Cochons, a invité le chah Pahlavi à Washington, et les deux dirigeants ont envisagé un « plan de stabilité pour l’Iran ».

Richard Nixon et Henry Kissinger sont alors entrés en scène. Souhaitant à tout prix renforcer l’expansion des États-Unis au Moyen-Orient et sortir du bourbier vietnamien, l’administration Nixon considérait alors la monarchie Iranienne comme un supplétif des États-Unis. En 1972, les deux hommes se sont rendus à Téhéran, où ils ont présenté au chah leur « doctrine Nixon » : en échange de l’aide des États-Unis pour assurer la stabilité politique en Iran, les États-Unis autoriseraient le chah à acheter du matériel militaire non nucléaire provenant de l’arsenal américain, notamment des hélicoptères de combat, des avions de chasse et des frégates dotées de missiles guidés.

Le chah a adopté avec enthousiasme la nouvelle doctrine Nixon, se lançant dans des achats somptuaires de matériel militaire américain à hauteur de 13 milliards de dollars, financés par les revenus supplémentaires générés par la montée en flèche des prix du pétrole à la suite de la guerre israélo-arabe de 1973 et de l’embargo sur le pétrole arabe. Mais le boom pétrolier n’a fait que semer la zizanie dans les classes moyennes et populaires iraniennes, celles-ci considérant avec un dégoût croissant les gaspillages du chah en matière d’armement américain. Des émeutes ont éclaté dans les rues de l’Iran et ont été réprimées brutalement par le chah, avec la bénédiction des États-Unis.

Depuis son exil en Irak, Khomeini, de plus en plus populaire, a condamné l’effusion de sang et appelé au renversement du tyran soutenu par les États-Unis. La révolution iranienne n’a pas tardé à voir le jour.

Le 16 janvier 1979, le chah Pahlavi est monté à bord d’un Boeing 707 à l’aéroport Mehrabad de Téhéran et a pris, après une brève escale en Égypte, le chemin de l’exil aux États-Unis. Pour de nombreux Iraniens, donner refuge au chah était un rappel amer de la conspiration de la CIA pour renverser Mossadegh : les États-Unis, semblait-il, étaient un superpuissant voyou qui récompensait les tyrans honnis et punissait les dirigeants légitimement élus.

Après la révolution

Deux semaines après la fuite du chah, Khomeini est revenu en Iran pour la première fois après quinze ans d’exil, promettant d’établir une République islamique et de nettoyer le pays de toute influence qui pourrait encore venir du « Grand Satan ». Khomeini et ses partisans ont battu les forces de gauche qui avaient contribué à renverser le chah et ont rapidement créé leur propre État autoritaire, qui a toutefois bénéficié d’un soutien populaire en raison de son opposition à l’impérialisme américain.

Pourtant, les États-Unis ont continué à se complaire dans le déni. Les élites américaines ont rarement pris la peine de comprendre les mouvements politiques islamistes ou la branche particulière du chiisme de Khomeini. Elles n’ont jamais accepté de voir que les sentiments anti-américains qui couvaient en Iran n’étaient pas d’origine religieuse ou culturelle, ni le produit d’un « choc des civilisations » ou d’autres absurdités anachroniques, mais qu’ils trouvaient leur origine dans la longue histoire d’ingérence des États-Unis dans le pays et dans leur soutien à la dictature du chah.

Les élites américaines n’ont jamais accepté de voir que les sentiments anti-américains qui couvaient en Iran n’étaient pas d’origine religieuse ou culturelle, mais qu’ils trouvaient leur origine dans la longue histoire d’ingérence des États-Unis dans le pays.

Lorsque Ronald Reagan est entré en fonction en 1980, l’Iran était plongé dans une guerre de plus en plus meurtrière contre l’Irak, laquelle a duré huit ans et a fait un demi-million de morts, pour la plupart des Iraniens. Désireuse de régler ses comptes avec l’Iran, l’administration Reagan s’est rangée du côté de l’Irak, fournissant à Saddam Hussein des armes et des avions, des renseignements militaires et des milliards de dollars. Ce qui n’a pas empêché Reagan de conclure en toute illégalité un accord « armes contre otages » avec le gouvernement Khomeiny, dans le cadre du scandale connu sous le nom d’affaire Iran-Contra..

La guerre Iran-Irak s’est terminée par un enlisement. Enhardi par son partenariat avec les États-Unis, Saddam Hussein a envahi le Koweït trois ans plus tard, et les États-Unis se sont rapidement retrouvés en guerre contre leur ancien allié devenu un nouveau paria, l’Irak.

Enferrés dans l’hostilité

Depuis lors, la politique américaine à l’égard de l’Iran est entachée des griefs du passé et s’est enfermée dans une hostilité anachronique. Ne voulant pas se laisser distancer par ses prédécesseurs, Bill Clinton a adopté une politique de « double endiguement », se traduisant par des sanctions économiques invalidantes et des menaces militaires à titre préventif pour affaiblir l’Iran, avec pour point d’orgue la signature de la loi de 1996 sur les sanctions contre l’Iran et la Libye (Iran and Libya Sanctions Act, ILSA).

Dans le même temps, les dirigeants iraniens tentaient de rétablir des liens avec les États-Unis par une série de gestes de bonne volonté. En mai 1997, le modéré et réformateur Mohammad Khatami a été élu président et il a tendu un rameau d’olivier aux États-Unis, mais les iraniens se sont heurtés à la très forte animosité et à la méfiance de l’administration Clinton, celle-ci exigeant sans relâche que l’Iran mette fin à son programme de recherche nucléaire, comme en témoigne la loi sur la non-prolifération des armes nucléaires (Iran Nonproliferation Act) de 2000.

Avec George W. Bush, les néoconservateurs ont officiellement fait de la déstabilisation de l’Iran une vraie politique, là encore en dépit des efforts déployés par l’Iran. Quelques heures après les événements du 11 Septembre, Khatami a adressé ses condoléances à Bush, tandis que des milliers de jeunes Iraniens organisaient une veillée aux chandelles dans les rues de Téhéran. Bush a réagi en qualifiant l’Iran de régime terroriste et de membre de « l’Axe du Mal », aux côtés de l’Irak et de la Corée du Nord. (Ou « Axe de la Malédiction », selon la toute dernière formule de Benjamin Netanyahou, qui y inclut Gaza et le Liban).

Lorsque, quatorze mois plus tard, les troupes américaines ont envahi l’Irak pour déposer Saddam Hussein, c’était au tour de Khatami de condamner les États-Unis. Certains des principaux conseillers de Bush, dont le vice-président Dick Cheney, se sont réjouis en privé de la perspective d’une attaque préventive israélienne contre le complexe nucléaire iranien de Bushehr, et ont même fomenté un complot pour changer de régime à Téhéran. Peu satisfait de sa destruction aveugle de l’Irak, Bush lui-même a donné au Pentagone l’ordre de planifier une attaque contre les installations nucléaires iraniennes, ce dont l’ancien président s’est vanté dans ses mémoires.

En faisant constamment le choix de la punition économique et en cherchant des solutions militaires pour affaiblir le pays, les États-Unis se sont toujours trompés sur l’Iran – qu’il s’agisse de la CIA qui a renversé le Premier ministre démocratiquement élu Mossadegh, de Carter qui a accueilli le chah autocrate, de Reagan qui a envoyé des armes à l’Irak pendant la guerre Iran-Irak, de George W. Bush rejetant un accord sur le nucléaire iranien, ou de Donald Trump sabotant l’accord nucléaire de Barack Obama avec l’Iran et faisant assassiner Qassem Soleimani, ou encore de l’administration Biden se montrant belliciste à l’égard de l’Iran alors que les conflits régionaux se multiplient, attisant les flammes d’une guerre plus vaste – sans compter l’envoi de milliers de soldats américains de plus dans la région et l’obtention d’un paquet d’aide militaire de 8,7 milliards de dollars pour Israël.

Depuis près d’un siècle, les États-Unis s’emploient à déstabiliser l’Iran. Alors que la candidate démocrate à la présidence, une fois de plus, multiplie les tirades contre l’Iran tout en soutenant le nouvel assaut israélien contre le Liban, les responsables américains semblent n’avoir tiré aucune leçon de l’histoire.

* Seraj Assi est un écrivain palestinien vivant à Washington, et l’auteur, plus récemment, de My Life As An Alien (Tartarus Press).