Article épinglé
dimanche 12 octobre 2025
dimanche 5 octobre 2025
La Zone. Au pays des chiffonniers (Georges Lacombe, 1929, 15mn)
Version courte et de meilleure qualité que celle de youtube:
https://ia804507.us.archive.org/7/items/530lazone1/530,lazone%20(1).mp4
 
mardi 30 septembre 2025
Violons d'Ingres (Jacques-Bernard Brunius, 1937)
Hommage aux inventeurs du dimanche, aux adultes restés fidèles aux «rêveries de l’enfance», à travers le portrait d'inventeurs et d'artistes. Longues séquences consacrées au douanier Rousseau et au Facteur Cheval.
mardi 23 septembre 2025
Notes sur Lacan
Un déconverti du lacanisme: François RÉCANATI
Au début des années 1970, François Récanati, spécialiste de la philosophie du langage, a été séduit par le lacanisme et a acquis un statut de «sujet supposé savoir» dans la communauté lacanienne. Son étude de la philosophie anglo-saxonne l’a fait rompre avec le lacanisme. Il a alors pris pleinement conscience de la mystification opérée par le langage ésotérique de Lacan.

François Récanati est un philosophe, diplômé de la Sorbonne, devenu un spécialiste réputé de la philosophie du langage. Il est actuellement directeur de recherche au CNRS, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et membre du Centre Jean Nicod (centre de recherches du CNRS). Il est cofondateur et ancien président de la Société européenne de philosophie analytique.
Il a enseigné dans plusieurs universités de grand renom : Berkeley, Harvard, Genève. Il a publié plusieurs livres chez des éditeurs prestigieux : Oxford University Press, Cambridge University Press. En 2014, il a reçu la médaille d'argent du CNRS.
Au début des années 1970, François Récanati a fait partie du cénacle lacanien. Voir p.ex. son discours au séminaire de Lacan «Encore»: http://staferla.free.fr/S20/S20%20ENCORE.pdf
Dans cette vidéo de 25 minutes, il raconte son adhésion au lacanisme et sa déconversion (voir de 08:20 à 34, “La phase Lacan”) :
http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?format=69&id=61&ress=345&video=87781
Voici quelques éléments.
Au début des années 1970, Récanati a été séduit par le style intellectuel de Lacan, son côté flamboyant. Lacan lui semblait incarner, de façon supérieure, un nouveau style intellectuel. Récanati est alors devenu un “lacanien de choc”, “un sujet supposé savoir”.
Il explique pourquoi la participation à la communauté lacanienne est très valorisante: grâce à un langage hermétique, souvent incompréhensible, on a le sentiment de faire partie d’une élite qui dispose d’un savoir réservé. Le groupe dispose de formules dont personne, même parmi les adeptes, ne sait exactement ce qu’elles veulent dire. La masse qui suit les “dominants” n’y comprend rien ou très peu de chose.
La communauté lacanienne fonctionne comme une secte. Elle est très hiérarchisée. À sa tête se trouve un gourou, Lacan, dont on sait qu’il est le seul qui sait réellement. Le pouvoir repose sur le fait que le gourou est le seul à détenir la vérité. L’axiome de base est : “Ce que dit Lacan est vrai et il faut maintenir cette vérité”. Lacan disait p.ex. “Il n’y a pas de rapport sexuel”. Alors les disciples s’empressaient d’interpréter, de multiples façons et indéfiniment, l’énoncé du Maître.
Les disciples croyaient en la vérité des énoncés avant même de les comprendre. Ils passaient leur temps à répéter ce qu’avait déclaré le Maître et à y attribuer du sens. Les conflits d’interprétation étaient peu importants. L’essentiel était de maintenir l’idée que ce que disait le Maître était vrai. En définitive, le seul critère pour s’assurer de la justesse de l’interprétation était de demander à Lacan ce qu’il en était.
Pour faire partie du groupe, il suffisait d’utiliser des tournures verbales et les mots-clés du lacanisme, sans même comprendre ce qu’on énonçait. Il n’est pas difficile de produire du texte lacanien qu’on ne comprend pas soi-même. Il suffit d’apprendre à manier du jargon.
Récanati a appris assez rapidement à jouer avec les mots-clés pour acquérir un statut de « Sujet supposé savoir » dans la confrérie et produire du discours lacanien. Ainsi, après quelques années de ruminations lacaniennes, Récanati s’est senti très gratifié socialement par sa place dans la communauté lacanienne, mais il était déçu au plan intellectuel, car il avait le sentiment de faire du sur place. Il s’est alors intéressé à la philosophie du langage ordinaire, notamment à John Austin (p.ex. “Quand dire c’est faire”), pour voir ce que cette philosophie avait de commun avec la théorie de Lacan, ce qui pouvait l’enrichir, ce qui pouvait alimenter “le moulin lacanien”. Cette philosophie lui paraissait intéressante parce que, comme la doctrine lacanienne, elle s’opposait au positivisme.
Récanati a alors découvert des auteurs aux antipodes du monde intellectuel du lacanisme, des auteurs compréhensibles qui permettent de communiquer sans ambiguïtés. Il est devenu un partisan de la philosophie analytique et a compris que le « moulin lacanien » est stérile.
En définitive, Lacan n’a pas réalisé une véritable recherche intellectuelle. Il a promu un genre littéraire : « la théorie ». Lui et ses disciples ont lacanisé toutes sortes de choses : Descartes, la linguistique, etc. Récanati dit que Lacan a eu peut-être des intuitions intéressantes, mais il n’a pas fait le travail de les rechercher et de les exploiter. En tout cas, en ce qui concerne le langage, Lacan n’a rien apporté de fondamental.
Lacan évoquait souvent le soutien de grands intellectuels (Heidegger, Lévi-Strauss, Jacobson) avec lesquels il avait des liens d’amitié. Ces intellectuels ne le prenaient pas très au sérieux. Ils ne lui rendaient pas ce que lui voulait leur apporter.
Le succès de Lacan s’explique en partie par le fait qu’il a offert à des disciples ce qu’ils attendaient de la philosophie de cette époque. Il a plu à des gens qui considéraient l’obscurité comme de l’épaisseur.
Annexes (J. Van Rillaer)
1. L’opinion de Martin Heidegger sur Lacan
S’il faut en croire ce qu’écrit É. Roudinesco, «Lacan envoya à Heidegger ses Écrits avec une dédicace. Dans une lettre au psychiatre Medard Boss, celui-ci commenta l'événement par ces mots : “Vous avez certainement reçu vous aussi le gros livre de Lacan (Écrits). Pour ma part, je ne parviens pas pour l'instant à lire quoi que ce soit dans ce texte manifestement baroque. On me dit que le livre provoque un remous à Paris semblable à celui suscité jadis par L'Être et le néant de Sartre.” Quelques mois plus tard, il ajoutait : “Je vous envoie ci-joint une lettre de Lacan. Il me semble que le psychiatre a besoin d'un psychiatre”.» (Jacques Lacan. Fayard, 1993, p. 306).
2. L’opinion de Claude Lévi-Strauss sur le séminaire de Lacan
Entretien avec Judith Miller et Alain Grosrichard. In : L’Ane. Le magazine freudien, 1986, N° 20, p. 27-29.
«Judith Miller — À la première séance du séminaire des Quatre concepts fondamentaux, vous étiez dans la salle. Je m'en souviens très bien, j'y assistais aussi, comme élève de l'École normale. Quel souvenir en avez-vous gardé?
Claude Lévi-Strauss — C'est l'unique séminaire de Lacan auquel j'ai assisté. J'ai été tellement fasciné par le phénomène, disons, ethnographique, que j’ai prêté beaucoup plus d'attention à la situation concrète qu'au contenu même de ce qu'il disait. Le chemin de Lacan et le mien se sont croisés, mais nous allions au fond dans des directions très différentes. Moi-même venant de la philosophie, j'essayais d'aller vers ces sciences humaines dont Lacan critiquait la légitimité, tandis que Lacan, qui, lui, était parti d'un savoir positif, ou qui se considérait comme tel, a été amené vers une approche de plus en plus philosophique du problème.
Judith Miller — Dans ce premier séminaire à I'École normale, qu'est-ce qui vous a frappé en tant qu'ethnologue?
Claude Lévi-Strauss - Ce sont de bien vieux souvenirs... Ce qui était frappant, c'était cette espèce de rayonnement, de puissance, cette mainmise sur l'auditoire qui émanait à la fois de la personne physique de Lacan et de sa diction, de ses gestes. J'ai vu fonctionner pas mal de chamans dans des sociétés exotiques, et je retrouvais là une sorte d'équivalent de la puissance chamanistique. J'avoue franchement que, moi-même l'écoutant, au fond je ne comprenais pas. Et je me trouvais au milieu d'un public qui, lui, semblait comprendre. Une des réflexions que je me suis faite à cette occasion concernait la notion même de compréhension : n'avait-elle pas évolué avec le passage des générations? Quand ces gens pensent qu'ils comprennent, veulent-ils dire exactement la même chose que moi quand je dis que je comprends? Mon sentiment était que ce n'était pas uniquement par ce qu'il disait qu'il agissait sur l'auditoire, mais aussi par une autre chose, extraordinairement difficile à définir, impondérable — sa personne, sa présence, le timbre de sa voix, l'art avec lequel il le maniait. Derrière ce que j'appelais la compréhension, et qui serait resté intact dans un texte écrit, une quantité d'autres éléments intervenaient.»
3. Le témoignage de François George sur la logomachie lacanienne
F. George, dans “L'effet 'yau de poêle de Lacan et des lacaniens” (Hachette, 1979), a donné une description humoristique d’un séminaire lacanien typique des années 1970.
Il raconte qu’un ami, élève de l’Ecole normale supérieure, lui a écrit qu’il abandonnait leur «corps, est-ce pont d’anse?» parce qu’il ne s’intéressait plus à la « peau-lie-tique ». Pour comprendre ce qui lui arrivait, François George s’est introduit dans un cercle qui se livrait à l’exégèse des écrits de Lacan. «Le directeur du séminaire était un barbu dont le regard lointain paraissait dédaigner notre environnement grossier pour scruter les mystères du symbolique. Ses rares interventions faisaient l'objet d'une attention religieuse.»
Un jour il s’est tourné vers George et lui a demandé de commenter un passage particulièrement difficile. Mort de trac, George a dit n’importe quoi. «Peu à peu, je m'aperçus que mes paroles, loin de susciter le scandale, tombaient dans un silence intéressé et je me rendis compte de cette merveille : sans me comprendre moi-même, je parlais lacanien.» «La fin de mon intervention fut accueillie par un silence plus flatteur que des applaudissements, par cette “résonance” qui, selon la doctrine professée par le barbu, devait permettre la “ponctuation”, puis l’“élaboration” adéquates. Sans doute pour prévenir le découragement, le barbu avait appelé notre attention sur “l’effet d'après-coup” essentiel au discours, comme le vieillissement l’est à la qualité du vin.»
George a constaté que d’autres participants ne comprenaient guère plus que lui. « En fait, ils avaient simplement assisté à un échange de signaux, assez comparable à la communication animale. Comment ne pas se comprendre quand on ne fait qu'échanger des mots de passe et des signes de reconnaissance? Et comment ne pas comprendre que le “comprendre” est un leurre, un effet de l'imaginaire, quand toute la question est de se montrer parés des mêmes plumes dans le rituel de parade?»
Pour d’autres déconvertis du freudisme et du lacanisme, voir le film de Sophie Robert :
https://www.dailymotion.com/video/x37mnmz_les-deconvertis-de-la-psychanalyse_school
Dylan Evans, auteur d'un dictionnaire des concets lacaniens: https://blogs.mediapart.fr/jacques-van-rillaer/blog/010317/un-deconverti-du-lacanisme-dylan-evans
Deux sites pour d’autres publications de J. Van Rillaer sur la psychologie, la psychopathologie, l'épistémologie, les psychothérapies, les psychanalyses, etc.
1) Site de l'Association Française pour l'Information Scientifique: www.pseudo-sciences.org
2) Site de l'université de Louvain-la-Neuve
mercredi 10 septembre 2025
Roger Langlais, pour mémoire
■ Roger Langlais (1941-2018), solitaire et fraternel, était de cette sorte d’homme qu’on pourrait qualifier de généreux discret. Si discret qu’on ignore encore des pans entiers de son œuvre, picturale notamment. Si discret que chacune de ses manifestations de présence venait à l’improviste, à la dérobade, subrepticement. Il fut un abonné attentif d’À contretemps qui nous fit parfois savoir que sa lecture lui réservait quelques plaisirs. C’était assez pour nous, car nous savions l’homme doté d’une érudition aussi fine que discrète et, de ce fait même, capable d’apprécier à sa juste valeur la perspective critique dans laquelle nous prétendions nous situer. Il arriva même qu’il nous prodiguât des conseils, qu’il nous servît de passeur, qu’il nous offrît des illustrations. Sur le seuil, toujours à sa manière, il était des nôtres, de notre famille d’ombres.
Nous fûmes quelques-uns, le 14 septembre dernier, à nous retrouver au Cimetière parisien de Saint-Ouen pour un dernier salut à Roger. La cérémonie fut discrète, aussi discrète qu’il l’eût souhaité, pourfendeur du « culte de la charogne ». Il faut avoir, pour les amis disparus, le sens de l’hommage. Les deux témoignages qui suivent y prétendent. Notre amitié à Fatia, sa compagne, et à Florian, son fils.– À contretemps.
Hommage à l’en-dehors
Quand un ami disparaît, à la peine s’ajoutent souvent les regrets de 
n’avoir pas su ou pu réaliser, par trop d’affairement sans doute, par 
négligence un peu, des projets que le temps aura irrémédiablement 
engloutis dans le puits sans fond des illusions perdues. Concernant 
Roger Langlais, mon plus grand regret sera de ne pas avoir donné suite à
 un entretien pour lequel Monica Gruszka et moi-même l’avions sollicité 
en 2001 et auquel il semblait disposé à se prêter. Au point de nous 
adresser, dans le prolongement de cette rencontre, quelques pièces 
d’archives et des repères chronologiques devant, écrivait-il, « “nous“ 
servir peut-être ». Ils ne servirent pas, mais ils font trace, ici même,
 dans cette évocation de « Rojelio », comme il signait les lettres qu’il
 m’adressait.
Roger fut depuis ses origines, un fidèle et attentif abonné d’À contretemps
 en version papier. Malgré nos sollicitations, il n’y écrivit pas, mais 
il lui arriva, parfois, de s’improviser conseiller « littéraire », de 
nous ouvrir des pistes, de nous offrir des illustrations et même de nous
 mettre en relation avec de précieux collaborateurs, comme Alain Segura,
 qui devint un ami. Lorsque, en 2014, décision fut prise de renoncer à 
la version papier d’À contretemps, trop absorbante pour nos 
faibles forces, pour consacrer nos efforts, dès l’année suivante – dans 
une perspective renouvelée et moins strictement bibliographique, 
pourrait-on dire –, au site du même nom, Roger continua de nous suivre, 
en nous prodiguant ça et là approbations ou critiques, selon ses humeurs
 et convictions. 
J’ai connu Roger au mitan des années 1980. Il exerçait alors la fonction
 de correcteur. Un peu en franc-tireur. Adhérent du syndicat, il se 
situait dans cette mouvance anarchiste nettement anti-syndicaliste, mais
 qui voyait au moins un avantage au fait d’appartenir à cette 
fraternelle confrérie disposant du contrôle de l’embauche en presse 
parisienne : une manière de vivre, à bon tarif et sans aliéner trop de 
son temps à la tâche salariée. Après avoir exercé ses talents au Matin de Paris, il se retrouva à L’Humanité,
 ce qui, convenons-en, dut avoir quelque chose de jouissif pour cet 
iconoclaste qui, quelques années plus tôt, avait concocté, pour le 
premier numéro de L’Assommoir [1],
 dont il était directeur de publication, un fort dossier sur « La France
 stalinienne », orné en couverture d’un portrait choc du « petit père 
des peuples » à moustache tricolore. 
 
Sans tonitruance – plutôt le contraire, on lui aurait donné quitus de sa
 réserve –, Roger était fait du bois qui étaye la passion du négatif. 
Cultivé jusqu’à l’invraisemblable, cet ancien bouquiniste accordait 
patience à ses intuitions et conscience à ses refus. Il avait plusieurs 
cordes à son arc, qu’il savait tendre à l’extrême pour décocher ses 
flèches. On l’aurait dit sorti d’un brûlot de l’anarchie « fin de 
siècle » passé des mains des surréalistes à celles des situationnistes. 
C’est ainsi que Roger, passionné de Libertad et ami d’Ivan Chtcheglov, 
fut aussi l’inspirateur de la superbe « une » du Monde libertaire
 de novembre 1966 – n° 126 – où un faire-part annonçait : « André Breton
 est mort. Aragon est vivant… C’est un double malheur pour la pensée 
honnête. » 
 
En amont, il avait été membre du groupe Spartacus [2],
 où il fit, en principe, ses premières armes polémiques. De 1961 à 1963,
 sous la houlette de G. Munis et animé dans un premier temps par Louis 
Janover et Bernard Pécheur, le groupe, en solo ou en coproduction, 
s’illustra en effet dans la rédaction de tracts au ton généralement 
incendiaire [3].
 De courte durée, l’expérience se prolongea, après autodissolution de 
Spartacus en mai 1963, par l’édition de deux tracts, réalisés par les 
seuls Roger Langlais et Bernard Pécheur : « Refus d’obéir » (14 juillet 
1963) et « Un cadavre ne fait pas le printemps » (juillet 1964). 
 
Quatre ans plus tard, au début de 1968, il récidiva, avec Guy Bodson et 
Bernard Pécheur, en créant le groupe « Pour une critique 
révolutionnaire » dont la production fut vaste, cinq années durant, en 
brochures, textes, correspondances, tracts, affiches sérigraphiées [4]
 et typographiques, fac-similés, papillons, journaux sérigraphiés, 
détournements de journaux (bulletin de la Compagnie internationale pour 
l’informatique [CII], Rouge, Vive la révolution) et de comics. En 1971, le groupe comptait une vingtaine de membres à Paris, dans les Hauts-de-Seine et dans le Val-de-Marne. 
En 1976, il choisit et présenta, pour les Éditions Galilée, des écrits d’Albert Libertad, édités sous le titre Le Culte de la charogne et autres textes [5] et, selon le même principe, d’Émile Pouget, réunis sous celui du Père Peinard. En 1977, ce fut chez Plasma – collection « Table rase » – qu’il édita, sous le titre Coup pour coup, des textes d’Émile Henry et réédita, dans la même collection, Hurrah !!! ou la Révolution par les Cosaques
 d’Ernest Cœurderoy. Dirigé par le regretté Pierre Drachline, qui fut 
son ami, Plasma lui offrit, de surcroît, la possibilité de travailler, 
avec Marcel Mariën, en 1978, à une édition, en fac-similé, des douze 
numéros de la revue surréaliste belge Les Lèvres nues (1954-1958) et de réaliser, avec son complice Bernard Pécheur, les deux premiers numéros de l’époustouflante revue L’Assommoir, déjà évoquée. 
On pourrait s’en tenir là… Après tout, c’est déjà bien pour une vie 
d’en-dehors  entêté à fuir la lumière. Dans son cas, pourtant, il ne 
saurait être dit qu’il ne restera du temps traversé que les traces, 
tangibles, qu’il y aura laissées. Ce serait manquer au principe 
d’affinité. Il y avait, chez cet anarchiste radicalement existentiel, 
une double disposition – qui est rare – pour l’excès et pour la retenue.
 C’est ainsi, du moins, que j’ai perçu Roger, et c’est pourquoi j’aimais
 à le fréquenter. On gagne toujours à côtoyer des êtres qui s’apprécient
 jusque dans leurs différences, toujours affirmées. Pour le moins une 
pleine estime réciproque, qui fait une base sûre pour l’amitié. Dans ce 
monde étrange qui se détruit sans cesse, il s’agit de se reconnaître 
encore comme éléments connivents. 
Freddy GOMEZ
Un opposant à presque tout
Il  est bien difficile d’évoquer un ami qui vient de disparaître, 
sans doute parce qu’un peu de soi-même s’emporte avec lui. Je revois 
Roger, l’ami Roger Langlais, assis sur le muret à côté de ses boîtes de 
bouquiniste, son mégot de Gitane maïs coincé aux lèvres, les jambes 
croisées, les pieds ballants, et cet air mi-amusé, mi-méfiant à me 
considérer. Amusé, parce que ma visite dominicale était plus que 
prévisible, méfiant parce que l’actualité fournissait toujours une 
occasion d’échanger nos points de vue, parfois divergents. Je revois son
 œil en alerte, son profil légèrement tendu. C’était il  y a des années,
 mais ces années n’ont pas la valeur que le temps leur accorde. Roger 
avait acquis à ce poste une présence intemporelle. 
Puis-je dire que je l’ai connu ? Je suis convaincu du contraire. Roger 
ne se livrait pas. Il pouvait dérouler une analyse et l’explorer dans 
tous ses recoins, sans y mêler des observations personnelles, encore 
moins intimes. Il savait exposer une forme précise d’objectivité, qui  
exprimait ce qu’il pensait, à laquelle il n’y avait rien à  ajouter, et 
parfois aussi rien à redire. 
Des années avant Mai 68, il avait chevauché le monde de l’art et de la 
poésie. Ses connaissances étaient exceptionnelles dans des genres 
littéraires considérés comme mineurs. Mais il faut poser mieux son 
personnage. Roger était le Parisien que le Moyen Âge a suscité dans les 
universités de la Montagne-Sainte-Geneviève. Il était aussi le « petit 
romantique » des années 1830, mais indifférent à toute forme de 
reconnaissance dont il n’aurait pas su ni voulu s’accommoder. 
Le sens du négatif à l’œuvre dans la société le travaillait, il était un
 opposant à presque tout, calmement mais résolument, avec cet air 
d’indifférence que les anarchistes affichent en tirant sur leur pipe. 
Anarchiste, Roger l’était noblement, c’est-à-dire avec hauteur et 
dégagement. Aucun propos militant n’est  jamais sorti  de sa bouche. 
C’est son rapport aux livres et à l’écriture qui m’avait lié à  lui. 
Mais sa palette d’expression était vaste. Graveur, peintre, dessinateur,
 il  abritait tous les talents qu’un inspiré réunit en sa demeure. 
Sa silhouette, pour moi, est à jamais inscrite sur un fond de ciel de Paris. 
Alain SEGURA
jeudi 31 juillet 2025
samedi 21 juin 2025
dimanche 1 juin 2025
mardi 13 mai 2025
lundi 7 avril 2025
dimanche 6 avril 2025
Les artistes DEVANT les guerres mondiales (en dérivant dans ma bibliothèque et ailleurs)
Ce n'est toutefois qu'après la guerre que le combat symbolique, devenu réel et éprouvé pour certains dans les tranchées, prit la forme organisée de groupes constitués sur le principe des formations politiques radicales. A Berlin, Dada s'était emparé des armes, et promettait dès ses débuts par les voix de Richard Huelsenbeck, Raoul Hausmann, Jefim Golyscheff, la formation d'une "union internationale et révolutionnaire de tous les hommes et femmes créateurs et intellectuels fondée sur un communisme radical".
mercredi 26 mars 2025
Été 1944: l'autre défilé
On avait un peu l'idée de la France au ventre mou vichysto-résistant: au printemps 1944 les Parisiens célébraient Pétain, et fin août 1944, les troupes alliés et la Résistance. Mais cette vidéo russe -mise en avant par les réseaux étatsuniens pour se venger du vassal français- resserre encore plus les temps puisqu'on y voit des français, et notamment des françaises, cracher et frapper des soldats anglo-américains capturés depuis le débarquement de juin 1944.
jeudi 20 mars 2025
mardi 11 mars 2025
Nuevo espíritu para Occidente terminal
París ha muerto, su espíritu ha muerto, y lo liquido la Otan cultural de manera sistemática a partir de los años 1960, cuando Debord empezo a utilizar el término de Espectacúlo. Ahora Macron, el liquidador, usa el término de Espíritu, de un "esprit français" otanizado al mismo tiempo que encarga para él un Aston Martin tipo James Bond..
Para las trampas, siempre contar con los hijos de Gran Bretaña, expertos en leyendas negras y blancas al servicio de la City.
dimanche 9 mars 2025
vendredi 7 mars 2025
lundi 9 décembre 2024
Sur Cioran: stratégie "littéraire" du fascisme roumain au nihilisme bon teint (bourgeois occidental)
Source (extrait): https://jeune-nation.com/kultur/culture/commentaire-sur-codreanu-et-emil-cioran-par-yurie-rosca
Oui, il est l’un des brillants disciples du professeur de philosophie et de logique, le grand publiciste et doctrinaire du nationalisme Nae Ionescu, avec Mircea Eliade, Mircea Vulcănescu, Constantin Noica, Petre Țuțea, et bien d’autres. Oui, il a écrit un essai célèbre sur le Capitaine Corneliu Codreanu en 1940 deux ans après son assassinat. Son livre « La Transfiguration de la Roumanie » écrit en 1936 dans un style radicalement nationalisé le met mal à l’aise une fois parti en France, il préfère s’en distancier. Réfugié en France, il a préféré faire carrière en tant que philosophe « français », c’est-à-dire un philosophe qui a renoncé au Christ, à la tradition orthodoxe et au roumanisme, errant dans la nébuleuse du nihilisme occidental. Il a renié sa jeunesse d’admirateur du mouvement légionnaire et s’est rendu célèbre en abandonnant sa propre nation au profit d’une identité artificielle et d’une attitude politiquement correcte. Après la chute du communisme, j’ai lu environ trois de ses livres, mais j’ai été dégoûté par sa polémique avec Saint Paul, ainsi que par sa prétention à rivaliser avec les auteurs français modernes en esthétisant le désespoir, le néant, le dégoût de tout, etc.

En d’autres termes, Cioran est un snob très doué, un conformiste avec un talent remarquable qui a nié sa propre identité religieuse, ethnique et culturelle pour satisfaire la fierté de l’auteur français accepté dans les salons littéraires de Paris comme un philosophe raffiné qui pratique sa plume dans une sorte de décadence si chère aux Français. Et clairement, lorsqu’il répand la modernité ou les maladies de la société dans laquelle il s’est intégré, il le fait d’un point de vue profondément «moderne» de l’école européenne des rationalistes et des illuministes qui ont irrémédiablement déformé la culture traditionnelle française.
Contrairement à ses collègues de l’autre génération, Cioran est devenu célèbre, mais c’est en niant son propre passé et les valeurs qu’il professait au profit d’une renommée de philosophe subtil et de connaisseur raffiné de la langue française. Peut-être que les Français ont gagné un auteur supplémentaire, mais le courant de pensée nationaliste roumain a perdu une plume redoutable.
Yurie Roșca
samedi 9 novembre 2024
Notes sur Roger Leenhardt
SOURCE: wikipedia (extraits)
Roger Leenhardt est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur de cinéma français, né le à Montpellier, et, mort le dans le 6e arrondissement de Paris. C’est l’« éminence grise de l'intelligence cinématographique » comme le qualifie André Bazin.
Biographie
Roger Leenhardt nait en 1903 à Montpellier1, dans une famille protestante, fils de Charles Leenhardt, enseignant à la faculté des sciences de Montpellier, et de son épouse, Suzanne Dautheville2. Après des études de lettres et de philosophie, en tant que critique de cinéma, Roger Leenhardt collabore avant la Seconde Guerre mondiale avec la revue Esprit (1934-1939)3.
À partir de 1936, la Compagnie Générale Transatlantique fait appel à ses services pour commenter des documentaires cinématographiques, comme Course en Atlantique, qui raconte l’aventure de Marin Marie à bord de l'Arielle ou encore New-York Rio à bord de Normandie, en février 1938.
Avec l’appui d’Emmanuel Mounier, il est recruté par Pierre Schaeffer au sein de Jeune France, mouvement créé sous l’égide du gouvernement de Vichy mais bénéficiant grâce à ses statuts d’une certaine indépendance et d’une orientation pluraliste : il y est qualifié par la police de Vichy de « gaulliste notoire »4,5. L’association est finalement dissoute en 1942.
Après la Libération, il travaille avec Les Lettres françaises puis L'Écran français6 (1944-1948). Il participe à la fondation du ciné-club Objectif 49 que fréquentent notamment les futurs collaborateurs des Cahiers du cinéma. Producteur de courts-métrages, il réalise de nombreux documentaires à partir de 1934, mais surtout après la guerre.
Ce grand intellectuel du cinéma des années 1930 et 1940 est considéré comme un des pères spirituels de la Nouvelle Vague7.
Ardent défenseur du cinéma d'auteur, il devient un auteur à part entière avec Les Dernières Vacances (1948), où Odile Versois trouve son premier rôle. Il tournera deux autres longs-métrages, Le Rendez-vous de minuit (1961), avec Lilli Palmer et Michel Auclair, et Une fille dans la montagne (1964, pour la télévision), avec Giani Esposito. Il apparaît comme acteur dans des films de ses amis de la Nouvelle Vague : Une femme mariée de Jean-Luc Godard et L'Homme qui aimait les femmes de François Truffaut.
Il a exercé les fonctions de vice-président du Syndicat des producteurs de films éducatifs, documentaires et de courts métrages.
Il meurt à Paris le à 82 ans8 et il est inhumé à Calvisson, commune du Gard où il a passé les quinze dernières années de sa vie.
PRÉSENTATION DE CITIZEN KANE (INA, 1972)



