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vendredi 6 juin 2025

La Face cachée de l'art américain (François Lévy-Kuentz, 2019)

 



La peinture de Pollock représente effectivement "le monde libre et démocratique à la hauteur de l'Amérique", c'est-à-dire qu'elle est impérialiste: je n'ai pas d'autres lectures possibles, c'est une peinture d'extorsion planétaire.

Contrairement à la conclusion du film, je ne crois pas que l'art américain subsiste à la décadence de l'Empire du Bien: l'un et l'autre sont aussi "inflatoires". 

L'auteur ne connaît rien au monde rouge, donc il véhicule tous les clichés sur son supposé "archaïsme" (vision de l'Occident sur l'Orient qui a tenu 500 ans, mais là c'est la quille). 

 Les frères Dulles, qu'il nomme, ont autant fait la promotion  de l'expressionnisme abstrait que celui des fascistes dans la guerre du Monde libre contre le communisme. 

Il a eu ce lien "improbable" sous la main dans son documentaire sur Yves Klein, artiste d'avant-garde et fasciste, notamment phalangiste. Mais il ne l'a pas vu comme si l'un ne pouvait aller avec l'autre: cécité qui est le reflet de sa classe croyant en savoir suffisamment sur l'axe du Mal et ne sachant pas grand chose, ou se l'occultant, sur le Monde libre.


 

No hay ninguna descripción de la foto disponible. 

La Grande laisse (Marcos Carrasquer, 2018)

dimanche 1 juin 2025

Radiaciones. El arte europeo y sus debates durante la Guerra Fría, 1944-1955 (Museo Reina Sofía, 2015)

Contribución, dentro del marco oficialista-institucional, para desenmascarar la cultura pro-Otan

 

La palabra “radiaciones” anuncia, en tono cómplice, el interesante pero también en cierto modo peligroso tema que presenta este seminario: la reverberación de los discursos artísticos en toda Europa durante el período de división que fue la Guerra Fría. Después de una omisión prolongada en el tiempo, hoy finalmente, impulsado por el reciente interés por lo global, es posible volver a plantear la importancia del arte producido fuera de los principales núcleos de poder en esta época, por lo general ignorados por las instituciones más poderosas. Ahora podemos, y este es el objetivo de este programa, proponer una relectura (sin canonizar a los artistas olvidados) de un momento de la historia reciente que se ha estudiado con demasiada frecuencia desde un enfoque plano en blanco y negro, de algún modo siguiendo la estela de la división en dos bloques que rigió la Guerra Fría. Esta fractura, subyacente a la amenaza real de una aniquilación nuclear, motivó que los discursos culturales se convirtiesen en una de las formas privilegiadas de hacer la guerra: una guerra de imágenes y palabras. 

A seguir, artículo completo. Seminarios, conferencias y audios relacionados: https://www.museoreinasofia.es/actividades/radiaciones-idea-arte-europeo-guerra-fria-1944-1955

 

(No creo que ninguna obra de J. Renau estuviese en la expo, habría que verificar) 


 

jeudi 3 avril 2025

Les Villes vollantes de Georgi Krutikov (projet de diplôme VKhUTEMAS, 1928)



Russia Beyond (Photo: S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008)

 

En 1928, un diplômé de l'Institut supérieur d'art et de technologie (ou VKhUTEMAS – en russe, ВХУТЕМАС est l'acronyme de Высшие ХУдожественно-ТЕхнические МАСтерские, « Ateliers supérieurs d’art et de technique »)  de Saint-Pétersbourg s'apprêtait à défendre sa thèse de diplôme. Sa présentation est devenue la première étape théorique de la migration humaine vers l'orbite terrestre.

Gueorgui Kroutikov a commencé son travail scientifique avec une idée simple : chaque type de société devrait avoir une conception unique des villes. Par exemple, les sociétés féodales ont tendance à construire leurs cités autour de forteresses et à les disposer de manière circulaire, tandis que les sociétés capitalistes tendent à disposer les rues de manière rectangulaire.

Domaine public   

Kroutikov a donc fait valoir que la nouvelle société communiste méritait d'avoir son propre arrangement urbain. Dans sa thèse, il a proposé sa vision d’une ville volante destinée à devenir la norme dans l'URSS du futur. Son travail a fait grand bruit à l'époque.

L'architecte proposait de déserter la Terre, en ne laissant à la surface que des usines et autres installations de production, et de reloger définitivement les humains dans des villes communautaires flottant dans les airs: au sol, un centre de production avec des usines, et au sommet, des immeubles résidentiels de grande hauteur. Kroutikov a développé plusieurs variantes. Dans l’une d’entre elles, huit immeubles résidentiels étaient reliés par un anneau inférieur, dans lequel se trouvaient des espaces publics. Une autre était un bâtiment cylindrique avec des logements de type hôtelier et une cage d’ascenseur au centre.

L'image ci-dessous montre la vision générale que Gueorgui Kroutikov avait de la ville nouvelle. Les tours habitables sont disposées en cercle sur une plateforme en forme d'anneau où, selon le plan de l'architecte, se trouveraient les locaux et installations techniques.

 

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

 

L'architecte a suggéré d'utiliser de petites cabines volantes autosuffisantes – quelque peu similaires aux véhicules volants présentés dans le blockbuster Oblivion (2013) d'Universal Pictures – pour transporter les humains de la surface de la Terre à la ville volante et inversement.

Contrairement au film populaire, cependant, les cabines volantes de Kroutikov ont été conçues pour être également utilisées comme des logements à court terme, une partie autonome de plus grands bâtiments stationnaires.

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

Les cabines avaient une forme aérodynamique. Il était prévu qu'elles soient remplies de meubles modulables qui changeraient en fonction des circonstances et des besoins du pilote. Les cabines seraient également capables de s'amarrer à l'habitation principale, selon le plan de Kroutikov.

Outre l'architecture, il était fasciné par les zeppelins. Il pensait que, dans un avenir proche, les scientifiques allaient découvrir ou inventer de nouvelles formes d'énergie, faisant de sa cité volante une réalité. Il s’inspirait, entre autres, des idées de Constantin Tsiolkovski, le fondateur de la cosmonautique, et correspondait avec lui. Kroutikov pensait que ses immeubles pourraient flotter au-dessus du sol grâce à l’énergie atomique, et que les capsules individuelles seraient chargées à partir d’elles. En outre, ces dernières devaient être contrôlées par le champ magnétique – un simple geste de la main suffirait.

Par conséquent, Kroutikov pensait que la mise en œuvre de son plan futuriste était une question de futur proche.

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

Les partisans de son projet le considéraient comme une étape importante de l'avant-garde architecturale. Au contraire, ses opposants le critiquaient comme étant excessivement fantastique et irréaliste.

Malgré les critiques, Kroutikov a défendu avec succès son travail devant un panel d'académiciens et a reçu un diplôme professionnel. Il a construit sa future carrière dans l'architecture, bien que ses nouveaux projets aient été plus réalistes que sa ville volante. Par exemple, Kroutikov a conçu des bâtiments administratifs et résidentiels à Moscou.

S. Khan-Magomedov/Éditions de la fondation «Avant-garde russe», 2008

L'architecte et visionnaire est décédé en mars 1958. 

 




dimanche 15 décembre 2024

Nécrologie de Jacques Polieri (16 décembre 2012)


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Jacques Poliéri est décédé brusquement le 16 décembre dernier à l’âge de 83 ans, d’une rupture d’anévrisme. Venu de Toulouse à Paris en 1947, il a débuté au théâtre comme   comédien dans La Colline de vie, pièce de Max Zweig, dans des décors de  Walter Spitzer au Théâtre Edouard VII, puis il a beaucoup joué, notamment en 1950 dans Le Gardien du tombeau de Franz Kafka, mise en scène de Jean-Marie Serreau, au Poche Montparnasse ou dans La Grande et la Petite Manœuvre d'Arthur Adamov, mise en scène de Roger Blin au Théâtre des Noctambules, dans une scénographie de Jacques Noël. En 1949, il met en scène La Cantate pour trois voix de Paul Claudel au Centre culturel de Royaumont, puis en 1953, au Théâtre de la Huchette, sept petits sketches de Ionesco dans des décors de Georges Annenkov (1889-1974). Jean Tardieu sera son auteur de prédilection avec trois spectacles qui font découvrir cet auteur, Poliéri créant La sonate et les trois messieurs, La Politesse inutile, Qui est là ?, La Serrure, Le Guichet et la Société Apollon (1955), Une voix sans personne, pièce sans acteurs qui provoquera un scandale dans la presse, présentée avec Hiver ou Les temps du verbe (1956), L'ABC de notre vie, Rythme à trois temps et la reprise de La sonate et les trois messieurs (1959).

Cette volonté farouche de s’inscrire dans l’avant-garde l’amène à fonder en 1956 avec Le Corbusier le premier festival de l’avant-garde à la Cité radieuse de Marseille, dont la deuxième édition se tient l’année suivante à Rezé près de Nantes dans une autre Cité radieuse et la troisième édition se déroule à Paris en 1960. Adepte de la convergence des arts, il s’est depuis toujours intéressé à la peinture abstraite, et à l’abstraction en général. Il était proche de Jean-Michel Atlan (1913-1960) peintre de l’art informel, abstraction lyrique française, qui réalisa en 1959 trois séries de neuf pastels pour un texte de Poliéri, ensemble qui sera publié en 2008 aux Editions Hazan sous le titre Topologies, titre évocateur d’une des thématiques actives chez ces deux artistes autodidactes, épris de signes, d’espaces et de lieux, mais aussi de rites et de légendes. Poliéri publiera en 1996 avec Camille et Denise Atlan chez Gallimard le catalogue complet de l’œuvre d’Atlan.

Pour la réalisation en 1959 d’Un coup de dés jamais n'abolira le hasard poème polyphonique de Mallarmé, il dispose les acteurs et les éclairages sur la scène et dans la salle afin de traduire la mise en page et la typographie du poème, avec l’idée de créer une action stéréophonique et polyvisuelle. Les images projetées ou les films, les diffusions sonores reprennent en contrepoint certaines parties du texte, l'action occupant les points diagonaux du théâtre (salle et scène à la fois, reliées entre elles par des rapports imprévus et des interactions). Il monte Le Livre de Mallarmé en 1967. Il systématisera auparavant cette recherche dans Gamme de 7 en 1964 (création) et 1967 (reprise), expérimentant une scénographie et une sémiographie, élémentaire et complexe, conçues comme une « orchestration spatiale ». L'action se déroule simultanément sur plusieurs types de scènes : une scène frontale, une triple scène circulaire, plusieurs petites scènes secondaires et une scène occupant l'ensemble des trois dimensions de la salle, immergeant le spectateur dans la représentation. A ces huit scènes physiques s’adjoint une neuvième, virtuelle, qui est une image géante avec l’utilisation de caméras électroniques couleurs et, pour la projection, d’un eidophore, ancêtre du vidéoprojecteur. Il  entend décomposer et combiner à l’infini les modes d’expression humaine : voix parlée, voix chantée, geste dansé, geste mimé en associant acteur, chanteur, danseur, mime.

Parallèlement à cette activité artistique, il mène une recherche documentaire et théorique, qui le conduit à de nombreuses publications et participations à des colloques. Il entend incarner une « scénographie moderne », dans la filiation de l’avant-garde du début du siècle, une scénographie généralisée. A cet égard, la publication en novembre 1963 de Scénographie nouvelle, aux éditions Architecture d'aujourd'hui est une initiative qui fait date dans l’émergence de ce terme. Cet ouvrage sera  réédité en 1990 (éditions Jean Michel Place) sous le titre Scénographie : Théâtre Cinéma Télévision. La publication en 1971 de Sémiographie-scénographie cristallise sa trajectoire tant artistique que théorique depuis 1950 : la scénographie devient sa propre fin, contenu et contenant indissolublement liés.

Naturellement, ses conceptions l’ont amené à s’intéresser à l’architecture théâtrale et à la remise en question du lieu scénique, autour du concept de théâtre du mouvement total, plaçant les spectateurs au cœur de la sphère, dont les premières esquisses datent de 1957, formalisées avec l’architecte italien Enzo Venturelli en 1958 et avec les frères Vago en 1962, dont il proposera une version à Osaka en 1970 lors de l’Exposition universelle. Cette formalisation architecturale interagit avec ses mises en scène dans des dispositifs simultanéistes. Dans cette dynamique, il pourra avec André Wogenscky en 1968 construire un théâtre mobile à scène annulaire pour la Maison de la Culture de Grenoble, dont il avait proposé un prototype à la porte de Versailles pour le 3ème Festival de l’Avant-garde, mettant en scène dans cet espace Rythmes et Images du critique d’art Pierre Volboudt. Malheureusement cette salle a été détruite lors de la rénovation de la Maison de la Culture en  2004.

Son attrait pour les jeux de combinaison, son goût à la fois pour la règle et l’aléatoire, l’amènent à publier en 1981 Jeu(x) de communication aux éditions Denoël, à Paris, grammaire spatio-temporelle formelle qui reflète son évolution vers le monde de la communication, via la vidéotransmission. Le développement d’internet donnera un nouvel élan à la sphère imaginaire de Poliéri et à son idée d’une scénographie virtuelle électronique dont il a entrevu la possibilité dès l’apparition de la télévision : « Des actions se déroulant à de très grandes distances les unes des autres pourront également être envisagées grâce aux télé-techniques » (Scénographie de l'image électronique, 1963).

Michel Corvin lui a consacré un ouvrage complet en 1998,  Poliéri, une passion visionnaire. Une exposition en 2002, Polieri, Créateur d'une scénographie moderne, suivie d’un colloque (Autour de Jacques Polieri, Scénographie et technologie, Edition Bibliothèque Nationale de France, actes publiés en 2004) à la Bibliothèque nationale de France à qui il a fait don de ses oeuvres, a su donner à ce défricheur la place qui est la sienne. Venu du théâtre, il l’a quitté ; proche de peintres, il s’est identifié à leur quête vers l’abstraction ; avide de découvertes technologiques, il s’est épris de la liberté que semblait apporter le monde numérique, finissant sa vie à imaginer des jeux planétaires ; il a étendu le sens du mot scénographie en en faisant une écriture de l’espace dématérialisé et délocalisé, ouverte à une sémiographie universelle, dont il a cherché sans cesse la clé et le sens, fondant à travers sa figure enjouée et énigmatique sa propre légende.

lundi 9 décembre 2024

Sayat Nova : La Couleur de la grenade (Pardjanov, 1969)


 Sayat-Nova / Tsvet granata (Саят-Нова / Цвет граната)

Sergueï Paradjanov
URSS (Arménie) / 1969 / 79 min / DCP / VOSTF / Version restaurée

Avec Sofiko Tchiaoureli, Melkop Alekian, Vilen Galstian, Georgi Gegeckori.

Fruit d'une recherche formelle qui tient autant du rêve que du fantasme contre l'ordre établi, Sayat Nova revisite l'histoire du poète du même nom, troubadour du XVIIIe siècle, connu pour avoir écrit en arménien, géorgien et azéri. Une diversité culturelle que Paradjanov transpose dans une série de tableaux vivants, soigneusement composés, où chaque couleur, texture et geste deviennent les fils multiples d'une tapisserie aussi harmonieuse qu'énigmatique. Une célébration de l'identité transcaucasienne qui vaut au cinéaste censure et emprisonnement, et dont l'esthétique visuelle unique inspirera nombre d'artistes, de Godard à Lady Gaga.

« Aimable public, ne va pas chercher dans ce film la vie de Sayat-Nova, grand poète arménien du XVIIIe siècle. Nous n'avons que tenté de rendre par les moyens du cinéma l'univers imagé de cette poésie dont le chantre russe Valéri Brioussov disait : "La poésie arménienne du Moyen-Âge est une des éclatantes victoires de l'esprit humain inscrites dans les annales de notre monde." » (Sergueï Paradjanov)

Arabesque sur le thème de Pirosmani (Paradjanov, 1985)


 Arabeski na temou Pirosmani (Арабески на тему Пиросмани)

Sergueï Paradjanov
URSS (Arménie) / 1986 / 20 min / DCP / VOSTF / Version restaurée

Hommage à l'artiste le plus populaire de Géorgie, une recomposition ciné-poétique de l'œuvre du peintre primitif Pirosmani, comme un voyage dans l'histoire et la culture du peuple géorgien.

Andriech (Paradjanov, 1954)

 

 

Андриеш

Sergueï Paradjanov, Yakiv Bazelyan
URSS (Ukraine) / 1954 / 73 min / DCP / VOSTF

Avec Kostya Russu, Nodar Šašik-ogly, Ljudmila Sokolova.

Un jeune pâtre se voit offrir par Voinovan, patron des bergers, une flûte enchantée qui procure de la joie à tous ceux qui l'écoutent, mais dont la mélodie éveille la colère d'un sorcier malfaisant. Version longue du film de fin d'études de Paradjanov, Andriech dévoile son goût pour la magie et le surréalisme folklorique.

Les Fresques de Kiev (Serguei Parajanov, 1966)


 

Kievskie freski (Kyïvs’ki fresky / Київські фрески)
Sergueï Paradjanov
URSS (Ukraine) / 1966 / 13 min / DCP / VOSTF / Version restaurée

Avec Tengiz Archvadze, Viia Artmane.

À partir des vestiges d'un film censuré par les autorités qui demandent sa destruction, Paradjanov réalise une mosaïque d'images sur le destin d'une famille disloquée par la guerre, et amorce le tournant esthétique pleinement révélé dans Sayat Nova.

dimanche 1 décembre 2024

Villes d'Olga Rozanova (1914)

                                                                       City on fire


                                                                            The City

 

mardi 19 novembre 2024

Cours d'introduction à l'art espagnol sous le franquisme, par Paula Barreiro López (ENS, 2017)

SOURCE: https://savoirs.ens.fr/recherche.php?rechercheTerme=Paula+Barreiro-Lopez

Paula Barreiro Lopez, professeure au Département d’Histoire de l’Art à l'Université de Barcelone (Espagne), invitée par le labex TransferS et Béatrice Joyeux-Prunel (IHMC), à l'ENS, des mois d'avril à juin 2017. 

 Ce cours étudiera les rapports, négociations et « collisions » entre les mouvements d´avant-garde et le système dictatorial espagnol (dirigé par le général Francisco Franco entre 1939 et 1975) entre les années 1950 et la fin de la dictature. Plusieurs artistes et groupes d’artistes (Pablo Picasso, Joan Miró, Antonio Saura, Antoni Tapies, Equipo 57, Equipo Crónica, Juan Genovés, Grup de Treball, etc.), ainsi que les mouvements artistiques de l’époque seront abordés de cette perspective, de l´art informel, l´abstraction géométrique et des diverses variétés de réalisme de l’époque, à la figuration narrative, l´art cinétique et l´art conceptuel. On analysera également le rôle des échanges internationaux dans la création, le développement et l’activation idéologique de ces tendances. Paris, Zurich, Rome, Venise, São Paulo ont été des villes très importantes pour la construction identitaire de l´avant-garde en Espagne, via des échanges directs avec des créateurs et des critiques de ces métropoles - comme Max Bill, Gilles Aillaud, Michel Tapié, Giulio Carlo Argan, Pierre Restany, etc. Le cours permettra d´expliquer les mouvements artistiques développés en Espagne, mais aussi de problématiser le concept même d´avant-garde et son rapport avec la politique et l´idéologie des années 1950 aux années 1970.

4 mai 2017

Biennales et politiques artistiques sous le franquisme
À partir des années 1950, la dictature franquiste trouve dans les arts un outil de politique extérieure fort utile, et pendant près de vingt ans, elle tente de contrôler l’avant-garde afin de l’utiliser dans son entreprise de réhabilitation de l’Espagne à l’international. Ainsi en Espagne l’art informel est interprété comme un produit national. Malgré ses liens directs avec le mouvement international de l’abstraction lyrique, l’art informe est alors perçu en Espagne comme une mouvance moderne qui se réapproprierait l’héritage de la tradition picturale espagnole du XVIIe siècle, à travers des valeurs et des icônes considérées comme représentatives de l’identité culturelle du pays (la spiritualité, la solennité, le réalisme et l’expressionnisme des maîtres de la peinture espagnole comme Velázquez, Zurbarán et Goya). Cette conception avait des connotations autarciques claires, car elle réinterprétait principalement les tendances modernes à l’aune du contexte espagnol. Cette auto-référence renforçait « l’hispanicité » de l’avant-garde informelle nouvellement créée et présentée à l’international, la positionnant davantage comme un produit national que comme une lingua franca partagée avec d’autres régions du monde.
La consolidation de cette interprétation fut particulièrement importante entre 1957 et 1962, au moment de la première internationalisation de l’Art informel. Très conscients du potentiel de l’avant-garde pour les efforts diplomatiques du régime, les acteurs officiels (Gonzales Robles par exemple, commissaire de la participation espagnole aux Biennales de Venise et de São Paulo de 1957 à 1975) essayent alors de codifier et de consolider cette interprétation sur la scène internationale avec des expositions, des catalogues et des livres. En se promenant dans les ateliers d’artistes afin de constituer une sélection pour le(s) pavillon(s) espagnol(s), Robles choisit des participants qui pouvaient correspondre à la fois aux critères internationaux et au discours nationaliste établi depuis la fin de la Guerre civile. Dans un entretien, l’artiste Antonio Saura se souvint que le curateur lui avait demandé « des peintures très grandes, très dramatiques, très abstraites et très espagnoles. » Essentiellement en raison de la politique culturelle développée par son puissant curateur officiel, ce récit traditionaliste et autoréférentiel devint un outil théorique de légitimation du régime, point fort dans ses échanges diplomatiques et dans les présentations espagnoles des Biennales, à un moment délicat dans son processus de reconnaissance internationale.

30 mai 2017

Vidéo de la conférence:
Art, culture et idéologie sous le franquisme. Compagnons de lutte contre la dictature: critique d'art et avant-garde.

 1er Juin 2017

En 1976, presque un an après la mort du dictateur Francisco Franco (le 20 novembre 1975), eut lieu la première évaluation générale de la période artistique des années franquistes avec l’exposition rétrospective España : Vanguardia artística y realidad social : 1936–1976 (Espagne : Avant-garde artistique et réalité sociale : 1936-1976), qui se tint à la Biennale de Venise. La 37e Biennale avait non seulement restructuré ses activités, afin d’y inclure le cinéma, l’architecture et d’autres formes d’art dans son programme ; elle s’était aussi mise à suivre une voie nouvelle, par rapport à son organisation pré-1968, avec des expositions thématiques aux positionnements politiques et idéologiques [1]. La contribution espagnole fut organisée sans la participation des autorités franquistes, afin de montrer l’avant-garde espagnole sans l’intervention du régime. La mise en place d’une participation espagnole indépendante avait déjà commencé en 1974 lorsque Franco était encore vivito y coleando [2] (bien vivant). Cette année-là, les organisateurs avaient dédié la 36e Biennale à la contestation du putsch militaire de Pinochet au Chili. Ainsi España : Vanguardia artística y realidad social : 1936–1976, deux ans plus tard, était clairement une prolongation des visées de la biennale, transformant l’exposition en évènement anti-fasciste [3]. Cette séance vise à analyser avec détail cette exposition dans le cadre générale de la nouvelle Biennale, en montrant le rôle de l’exposition pour la création d’un discours contra-hégémonique au modèle esthétique soutenu par le régime. Ainsi, elle abordera les échanges entre la dissidence et la dictature dans le conflit autour de la définition du sens de l’art moderne. Mon but est de révéler les processus continuels de négociation que provoqua l’État dictatorial, ainsi que les luttes médiatisantes, conceptuelles et politiques autour de l’interprétation de l’art moderne qui se poursuivirent jusqu’après la mort du dictateur.
[1] Voir Vittoria Martini, « The evolution of an exhibition model. Venice Biennale as an entity in time », Federica Martini et Vittoria Martini, Just Another Exhibition : Histories and Politics of Biennials, Milan, Postmediabooks, 2011, pp. 119–38
[2] « Vivito y coleando » ; Eduardo Arroyo, Sardinas en aceite, Madrid, Mondadori, 1989 p. 128
[3] Rosalía Torrent, España en la Bienal de Venecia, Castellón, Diputación de Castellón, 1997, p. 79
 
Vidéo de la conférence: 
 
DERNIER LIVRE:
Cover Image: REVOLVER EL TIEMPO

jeudi 24 octobre 2024

"Théorie de l'avant-garde" de Peter Burger (résumé)


Théorie de l'avant-garde de Peter Bürger 
 
Parue en 1974 en Allemagne, la Théorie de l'avant-garde de Peter Bürger a suscité d'importants débats. Elle n'avait pourtant pas été traduite en France jusqu'à présent. Sa publication donne l'occasion d'interroger l'héritage des avant-gardes dites "historiques" (surréalisme, dada, constructivisme russe) dans le contexte de l'art contemporain et, plus largement, de la culture de masse postmoderne, mais aussi de rendre compte de leurs échecs, de leurs "futurs passés" comme de leur réactivation problématique.

Peter Bürger construit un concept d'avant-garde caractérisé par une remise en cause durable de l'idéologie de l'autonomie esthétique et par une attaque massive contre l'institution art en tant que domaine social détaché de la pratique de la vie. Loin de composer un simple récit à propos des mouvements d'avant-garde dans leur diversité, Bürger tente de cerner les conditions de possibilité historique de leur apparition et l'unité sous-jacente de leurs démarches.

S'appuyant sur l'esthétique d'Adorno et, plus largement, sur la théorie de l'école de Francfort, son livre s'inscrit dans une herméneutique critique de la culture, qui prend la mesure des bouleversements introduits par les avant-gardes, tant dans la déconstruction de la "totalité organique" des oeuvres d'art (par le montage, le collage ou le rôle dévolu au hasard) que dans la redéfinition de leur rôle politique - réconcilier utopiquement technique et esthétique, art et praxis.

Les analyses que consacre Peter Bürger au concept d'oeuvre d'art, la distance qu'il prend à l'égard des thèses de Habermas ou de Benjamin, les éclairages historiques qu'il mobilise, comme son souci de distinguer l'autonomie artistique, du point de vue de son histoire et de son ancrage institutionnel, du contenu des oeuvres, font de ce livre un élément majeur pour toute approche des avant-gardes. Son examen de la situation créée par le projet inabouti des avant-gardes, sa description de ce qu'on désigne par "art contemporain" contribuent de façon décisive à la réflexion sur les pratiques artistiques d'aujourd'hui, leur rapport à l'institution art, à la culture et au marché.

À propos de l'auteur

Peter Bürger a enseigné la philosophie et la théorie de la littérature générale et comparée à l'université de Brême. Il est l'auteur de livres traduits dans plusieurs langues, parmi lesquels : Der französische Surrealismus (1971), Zur Kritik der idealistischen Astherik (1983) et La Prose de la modernité (1988), traduit chez Klincksieck en 1995, le seul accessible au lecteur français jusqu'à présent.