Este vídeo está formado por los tres cortometrajes experimentales que componen el Tríptico Elemental de España, del cineasta José Val del Omar: "Acariño galaico" (también conocido como "De barro"), "Fuego en Castilla" y "Aguaespejo granadino".
José Val del Omar (Granada, 27 de octubre de 1904 - Madrid, 4 de agosto de 1982).
Val del Omar fue un «creyente del cinema» que formuló mediante
las siglas PLAT —que equivalen al concepto totalizador de
Picto–Lumínica–Audio–Táctil—. En 1928 anticipó ya varias de sus técnicas
más características, incluyendo el «desbordamiento apanorámico de la
imagen», la salida fuera de los límites de la pantalla, y el concepto de
«visión táctil». Dichas técnicas, y la del «sonido diafónico» y otras
exploraciones en el campo sonoro, fueron aplicadas en su Tríptico elemental de España,
que incluye: «Aguaespejo granadino» (1953-55), «Fuego en Castilla»
(1958-60) y «Acariño galaico» (1961/1981-82/1995), concluido
póstumamente. Sin embargo, su obra e investigaciones —sin fin,
como él solía cerrar sus películas— no empezaron a ser valoradas y en
cierto modo redescubiertas hasta poco antes de su muerte.
Jacqueline de Jong, Same Players Shoot Again, vu d’exposition Treize, décembre 2020
L’exposition de Jacqueline de Jong au Stedelijk à Amsterdam en 2019 avait beau être titrée « Pinball Wizard «,
on ne pouvait pas y jouer au flipper dans les salles du musée. Alors
qu’à Paris, jusqu’au 16 janvier, une plus petite exposition de
Jacqueline de Jong dans ce centre d’art
parisien (qui fut déprogrammée deux fois cette année pour cause de
confinement) vous offre la possibilité de jouer à ce que, dans mes
années de lycée pré-anglicisation, on nommait la babasse. D’une part,
c’est un jeu à la fois souple et brutal, érotique et violent, orgasmique
dit-elle (faire tilt …), et un jeu historiquement semi-clandestin, où
on joue contre l’appareil. Mais, et c’est aussi cet aspect là qui
intéresse Jacqueline de Jong, c’est un jeu topologique : mes vieux
souvenirs de maths se réveillent un peu, et je saisis bien l’intérêt que
les Situationnistes trouvaient à la topologie, qui préserve la
structure malgré les déformations et ne prend en compte que les limites
et non les formes. L’artiste, dans une petite vidéo de VPRO datant de sa
trentaine, cite le pénis comme objet topologique idéal, adoptant des
formes (et des rôles) différents selon les situations, avec un volume et
un aspect changeant. Dans The Situationist Times, la revue graphique, colorée, inventive, encyclopédique (tout le contraire du lugubre bulletin de l’IS)
que Jacqueline de Jong édita aprés son départ de l’IS, trois numéros
furent consacrés à des motifs topologiques, le noeud, le labyrinthe et
l’anneau; mais le numéro 7 prévu sur le flipper ne sortit jamais.
Jacqueline
de Jong, The pain is beautiful, série Chroniques d’Amsterdam, 1971,
peinture sur toile, celluloid, bois, charnières en métal
À part y jouer au flipper (un Gottlieb Jungle Queen de 1977), dans
une ambiance joyeuse, l’intérêt principal de cette exposition est
qu’elle reprend donc les documents, lettres, photographies et dessins
qui devaient composer ce numéro 7 sur les flippers. Le flipper est vu
comme un espace dans lequel la balle va dériver, une situation qu’elle
va transformer. C’est la découverte de cet ordinateur jouet, fonctionnant lui aussi avec des billes et des clapets, mais à des fins plus scientifiques, qui rappela à Jacqueline de Jong l’existence de cette documentation oubliée dans un cageot, qui fut d’abord montrée à Oslo en 2017 (puis à Malmö, Silkeborg, et au Stedelijk avant d’arriver à Paris). L’exposition montre aussi d’autres oeuvres de Jacqueline de Jong, sérigraphies Pinball Wizard (l’une au mur du fond sur la photo ci-dessus), tableaux, affiche de Mai 68, et ce tableau valise des Chroniques d’Amsterdam. Avec la revue sont présentées ici des vidéos d’entretiens (visibles ici) de Ellef Prestsaeter (auteur de ce livre de référence sur le sujet; introduction) avec l’artiste feuilletant et commentant les six numéros, sous l’égide du Scandinavian Institute for Computational Vandalism (lequel avait été fondé par Asger Jorn).
Jacqueline de Jong, Entretien avec Gallien Déjean, Aware / Manuella éditions, 2020
Vient de sortir un excellent livre d’entretien de Gallien Déjean avec Jacqueline de Jong (à l’occasion de son prix Aware;
128 pages, dont une quarantaine d’illustrations, 15€). Gallien Déjean,
qui est un des quatre commissaires de cette exposition, y interroge
longuement Jacqueline de Jong sur sa vie, qui fut assez mouvementée dès
son enfance et toujours plutôt bohème (la « baronne gitane « ),
avec une constante volonté d’autonomie et une créativité débordante. Il
l’a fait parler de son art, un peu de ses idées esthétiques (« Je
n’étais pas une grande philosophe quand je peignais », p. 58), et
beaucoup, et fort bien, de l’énergie de ses tableaux, du mouvement qui
les anime et de son inspiration. Le livre étant édité par Aware, il
tente aussi de la faire parler de son intérêt pour le féminisme, mais
sans grand succès : toujours aussi libre, celle que Restany qualifiait
de « la petite situ » (p.60), répond avec sa franchise habituelle : « À
l’époque, pas vraiment … Du point de vue artistique, j’avais tendance à
me méfier de la forme de narcissisme que pouvait induire le féminisme,
que je trouvais emmerdante » (p. 63), disant s’affirmer, lutter en tant
qu’artiste et non en tant que femme. Et (page 31), elle dément tout
« relent sexiste » chez Guy Debord. Livre donc très intéressant, mais
avec une petite bizarrerie : il comprend 145 notes de bas de pages,
certaines sont très utiles et instructives, mais quand on lit, par
exemple, une information aussi utile que « note 10 : Pierre Soulages (né
en 1919), peintre, graveur et sculpteur français » (ou idem pour
Dubuffet, César, Michaux, Ernst, etc.), on sourit.
Document des archives Sanguinetti (avec Guy Debord).
Gianfranco Sanguinetti fut un compagnon de Guy Debord et un des leaders des situationnistes en Italie. Essayiste, il publia sous le pseudonyme Censor un livre titré Véridique rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie
dans lequel, prétendant être un haut commis de la bourgeoisie
conservatrice cultivée, il prônait l’alliance entre le patronat et le
Parti Communiste, seul capable de mater les révoltes ouvrières. C’était
un pamphlet sous « faux drapeau », qui trompa tous les
commentateurs. Il est aussi connu pour avoir dévoilé l’implication des
services secrets italiens dans l’attentat de la Piazza Fontana en 1969 dans son texte Le Reichstagbrûle-t-il ?. Dans un autre registre, il a bien connu Miroslav Tichý et a écrit un des plus beaux textes sur lui, Miroslav Tichý, Les Formes du vrai(2011).
Ayant accumulé d’importantes archives sur ces différentes facettes de
sa vie et de ses engagements politiques (au-delà de l’Internationale
Situationniste dissoute en 1972), il les stockait dans sa cave à Prague,
ville où il vit depuis trente ans, et elles étaient inaccessibles aux
chercheurs historiens.
Document des archives Sanguinetti (avec Miroslav Tichý).
En 2013, la maison de vente aux enchères Christie’s vendit pour $650 000 ses archives à la Bibliothèque Beinecke de l’Université de Yale, laquelle avait déjà tenté vainement d’acheter les archives de Guy Debord à sa seconde épouse Alice Becker-Ho (mais la BnF organisa un dîner de donateurs à 10 000€ le couvert pour contribuer à lever la somme demandée par Alice Becker-Ho, et les archives Debord restèrent en France). Beinecke a acquis d’autres archives de situationnistes, dont celles de Jacqueline de Jong (ce qui permit l’édition de ce livre) et les met en libre accès gratuitement aux chercheurs. Un traducteur et éditeur américain de l’univers post-situationniste, Bill Brown, se sentant floué par cette vente, s’insurgea contre Sanguinetti dans une lettre insultante qu’il rendit publique sur Internet (j’avais moi aussi essuyé son agressivité quand il traduisit mon billet sur l’exposition Debord à la BnF).
Vue d’exposition, Lisbonne.
L’artiste du Malawi Samson Kambalu
(né en 1975), alors relativement inconnu, travaillait sur une thèse sur
William Blake à la bibliothèque Beinecke, fut conduit (ou incité) à
s’intéresser aux 62 boîtes des archives Sanguinetti
à Yale (sous le prétexte assez obscur de la psycho-géographie chez
Blake) et entreprit de photographier clandestinement environ 3000 de ces
documents, pendant quatre mois, en contradiction avec les règles de la bibliothèque. Ses motivations exprimées de manière assez confuse dans son discours
étaient de protester contre cette vente, de s’affirmer lui-même comme
situationniste (ou post-situationniste) et, dans une logique de
potlatch, de « rendre les archives à l’Italie », ce qu’il fit en les
exposant à la Biennale de Venise en 2015 dans un stand au titre de Sanguinetti Breakout Area
(les archives concernaient certes beaucoup l’Italie, mais l’avaient
quitté des décennies plus tôt quand Sanguinetti s’était installé à
Prague); il incitait les visiteurs à photographier les documents
présentés et à les partager en ligne. Outre l’ex-galerie
de Kambalu, cette exposition eut le soutien du British Council et de
la Ford Foundation, dont on ignorait jusque-là l’intérêt pour les
situationnistes. On notera au passage la similitude (sûrement
involontaire) de l’expression hyper-nationaliste « rendre à l’Italie »
avec celle de Vincenzo Peruggia, le voleur de la Joconde. On ne manquera
pas de se demander comment, alors que la quasi totalité de l’archive
est en français et en italien, Kambalu, ne parlant aucune de ces deux
langues, a pu faire sa recherche dans ces documents. On remarquera aussi
que l’entrée à la bibliothèque de Yale est gratuite (mais certes
réservée aux étudiants et chercheurs, comme dans toutes les
bibliothèques universitaires) alors que l’entrée à la Biennale de Venise
coûte, je crois, 25€ pour une seule entrée : le passage du monde de la
sélection sur la base des compétences scientifiques à celui de la
sélection par l’argent n’était pas exactement un « retour au domaine
public », au contraire. Et on notera enfin que Kambalu fut payé pour sa
participation à la Biennale, et que de plus il y avait mis en vente
trois exemplaires d’un gros « livre d’artiste », Theses, qui était une simple reproduction d’une partie des archives de Sanguinetti, au prix de 8.500 £ l’exemplaire.
Gianfranco Sanguinetti, Theses, livre compilé par Samson Kambalu à partir des archives et vendu £8500.
À la suite de cette exposition à Venise, Sanguinetti intenta un procès à la Biennale de Venise, qui demanda la mise en cause de Kambalu, et il perdit. La sentence
du juge vénitien Luca Boccuni en date du 7 novembre 2015 semble
davantage être une opinion esthético-morale plutôt qu’une décision
juridique; on peut y lire « l’oeuvre de Kambalu a mis en évidence la
contradiction entre la lutte théorisée contre la marchandisation de
l’œuvre de l’intellect de Sanguinetti et la mise en vente des œuvres de
la part de Sanguinetti » et « l’installation de Kambalu est dédiée à la
« fuite » de Sanguinetti de son idéal situationniste. »
Lettre de Bill Brown à l’exposition de Venise, partiellement occultée.
L’exposition Sanguinetti Breakout Area
qui consiste quasi exclusivement en photographies des documents des
archives que Kambalu tient dans sa main (ce qu’il définit comme son
« intervention artistique ») et d’un livre les regroupant, a ensuite été
montrée en divers lieux ; elle comprend aussi la lettre de Bill Brown,
sans l’autorisation de l’auteur, qui protesta, et à demi dissimulée (car, dit Kambalu, il craignait d’enfreindre le droit d’auteur de Bill Brown !). Ce fut, à 40 ans, le début de la reconnaissance par un certain monde de l’art contemporain de Kambalu en tant qu’artiste, alors qu’il avait peu exposé auparavant. A l’occasion d’une exposition à Ostende au Mu Zee, Kambalu tourna un film de fiction de plus de deux heures représentant un faux procès (ce dont beaucoup ne furent pas conscients, ce journaliste
trouvant même Kambalu « nerveux » dans l’attente du jugement) avec des
acteurs jouant le juge, son greffier, un expert en « situationnisme » et
les avocats, lequel reprend plus ou moins les thèmes du procès
vénitien, mais dans un style moins « stalinien » et plus légaliste. On
notera pour mémoire que tant l’ « expert », Sven Lütticken (dont, sauf erreur, le site personnel ne mentionne aucun texte
dont le titre comprendrait les mots Debord, société du spectacle ou
situationnistes ; en cherchant un peu, on trouve un article dans Grey Room ;
sans doute aurait-on pu trouver des « experts » plus experts …) que
Kambalu utilisent à profusion le mot « situationnisme », mot que les
situationnistes ont toujours récusé, refusant d’en faire une idéologie
en « isme ».
Samson Kambalu, projet pour la 4ème plinthe de Trafalgar Square, maquette dans l’exposition Culturgest.
Culturgest, à Lisbonne, consacre jusqu’au 6 février une exposition à Kambalu. Deux des salles sont allouées au Sanguinetti Breakout Area,
y compris ce film, les six autres salles montrent divers travaux de
l’artiste, des étoffes, des cartes postales, des petits films absurdes
(qu’il définit comme l’esthétiquenyau), et son projet pour la 4ème plinthe de Trafalgar Square (aux lauréats de qualité très inégale),
un homme noir qui refusa en 1914 d’ôter son chapeau devant des Blancs :
peu de choses à en dire. La légitimité fondatrice de Kambalu semble se
réduire à ce Sanguinetti Breakout Area, datant de 2015, le
reste n’ayant guère de densité. C’est l’occasion de rappeler, puisque
cette exposition est à Lisbonne, que, en portugais, situacionista
signifie « celui qui soutient la situation politique dominante », une
définition qui ne s’applique ni à Debord, ni à Sanguinetti, mais qui
pourrait bien convenir à Kambalu.
Capture d’écran du film.
Les arguments
juridiques présentés par Kambalu dans le film et dans ses écrits sont de
trois ordres. Premièrement, Sanguinetti ne serait pas l’auteur de
l’archive, puisqu’elle comprend des lettres signées par d’autres et des
documents dont il n’est pas l’auteur. Tant juridiquement que moralement,
cet argument est rapidement démonté, le créateur d’une archive étant
reconnu comme faisant œuvre d’auteur.
Capture d’écran du film.
Deuxièmement, les situationnistes étaient opposés à la notion même de droit d’auteur, de copyright et la revue Internationale Situationniste portait la mention « Tous les textes publiés dans I.S. peuvent
être librement reproduits, traduits ou adaptés, même sans indication
d’origine ». Cette position de principe des situationnistes est
présentée comme moralement en contradiction avec la volonté de
Sanguinetti de faire respecter ses droits, mais Il y avait dès le début
une ambiguïté évidente : l’anti-copyright avait une valeur purement
discrétionnaire et non juridique, ainsi que le montra l’action contre
l’éditeur italien De Donato,
qui avait publié une fausse traduction de Debord. De plus, il avait été
spécifié pour la revue et non pour les livres : aucun livre de Debord
ne porte cette mention. Et Debord fut publié d’abord par Champ Libre, puis, après l’assassinat de Lebovici,
par Gallimard, Arthème Fayard et Flammarion qui, tous, n’hésitaient pas
à faire respecter ses droits le cas échéant. Cette position de principe
concernant les articles de la revue Internationale Situationniste
(1958-1969) autorisait-elle Kambalu à reproduire ces documents en
licence ouverte ? Alors que le curieux jugement de Venise faisait grand
cas de cet argument, le faux juge d’Ostende dans le film ne le retient
pas : juridiquement, dit-il, Sanguinetti a le droit de changer et
d’avoir sur ce sujet une opinion différente en 2015 de celle de 1969.
Certains pourront sans doute critiquer moralement Sanguinetti sur ce
point, comme le fait Kambalu, et s’étonner qu’il ait porté plainte, mais
tant historiquement que juridiquement, cet argument ne tient pas.
Troisièmement, y
a-t-il eu intervention artistique de Kambalu du fait que ses doigts sont
visibles dans la plupart des photographies des documents ? Le juge du
film (là encore plus prudent que celui de Venise) a soigneusement évité
de définir si c’était là de l’art ou pas, considérant que ce ne pouvait
être là qu’une opinion subjective (et donc à chacun de nous de juger si
l’inclusion de deux doigts, qu’ils soient noirs ou blancs, dans une
photographie constitue un acte artistique). Mais il a considéré qu’il
s’agissait là d’une parodie, n’empêchant pas l’accès à l’original et
basée sur le détournement humoristique, et donc permise par la loi. Sur
ce motif il a débouté Sanguinetti (dont, en tout cas dans ce film,
l’avocate n’était pas de première qualité).
Document des archives Sanguinetti.
Au final, lequel est
le moins situationniste des deux ? Celui qui vend son archive et défend
son droit d’auteur, ou celui qui construit sa notoriété en s’appropriant
l’œuvre de l’autre sous prétexte de critique et de détournement ?
Documents des archives Sanguinetti.
Face aux incongruités
de cette histoire, il faut tenter de poser des questions plus larges :
vu l’incohérence de son discours, Kambalu a -t-il été instrumentalisé,
et par qui ? Fut-ce une opération qui le dépassait et dont il ne fut
qu’un simple outil, bien récompensé ? Y a-t-il un lien avec l’ouvrage de
Jean-Marie Apostolidès dénigrant Debord, Debord le Naufrageur, paru chez Flammarion la même année que la Biennale, et fort controversé (et basé lui aussi en bonne partie sur les archives Sanguinetti, lequel l’a dénoncé
comme une imposture) ? Toute cette affaire semble être une magnifique
illustration de la Société du Spectacle, qui reste un livre
incontournable pour comprendre notre monde.
Note déontologique : l’auteur a contribué un texte à l’exposition d’une partie des œuvres de Tichý de la collection Sanguinetti en 2017 à Marseille.
Dans un esprit kambalusituationniste, les photographies provenant
du site de Kambalu ne sont pas créditées et vous êtes encouragés à les
reproduire et les diffuser.