En un lugar de la Mancha,
de cuyo nombre no quiero acordarme, no hace mucho tiempo que vivía un
hidalgo de los de lanza en astillero, adarga antigua, rocín flaco y
galgo corredor. Una olla de algo más vaca que carnero, salpicón las más
noches, duelos y quebrantos los sábados, lentejas los viernes, algún
palomino de añadidura los domingos, consumían las tres partes de su
hacienda. El resto della concluían sayo de velarte, calzas de velludo
para las fiestas, con sus pantuflos de lo mesmo, y los días de
entresemana se honraba con su vellón de los más fino. Tenía en su casa
un ama que pasaba de los cuarenta y una sobrina que no llegaba a los
veinte, y un mozo de campo y plaza, que así ensillaba al rocín como
tomaba a la posadera. Frisaba la edad de nuestro hidalgo con los
cincuenta años. Era de complexión recia, seco de carnes, enjuto de
rostro, gran madrugador y amigo de la caza. Quieren decir que tenía el
sobrenombre de «Quijada» o «Quesada»,que en este caso hay alguna
diferencia en los autores que deste caso escriben, aunque por conjeturas
verosímiles se deja entender que se llamaba «Quijana». Pero esto
importa poco a nuestro cuento: basta que en la narración dél no se salga
un punto de la verdad.
Si bien resulta un poco original iniciar un
relato con estas líneas, advierto que no hay que fijarse demasiado en
las palabras, sino en la voz que las pronuncia: esa voz pastora y
adhesiva, enérgica como un vino añejo, categórica y rotunda; esa voz que
recuerda a un niño envejecido o a un viejo inmaduro; esa voz honda e
insolente, delicada con los matices y los medios tonos, implacable con
la sintaxis, vibrante como un órgano o una coral de Bach; esa voz
antigua, eterna, prehistórica. Esa voz, en fin, que no tropieza ni
recuerda de memoria, que no balbucea ni se diluye, que pronuncia cada
letra y cada sílaba como si la inventase.
Outre des chefs d’œuvre comme Citizen Kane, Le Procès, La Soif du mal ou La Dame de Shanghai, Orson Welles a laissé au monde quantité de films inachevés dont It’s All True (1942), Le Marchand de Venise (1969) ou The Other Side of the Wind (1972) qui sortira en novembre de cette année. Diverses raisons expliquent cela : financières, pratiques ou personnelles. It’s All True et The Other Side of the Wind ne furent pas achevés pour des raisons financières, tandis que The Deep
(1967-1970) ne le fut pas car Orson Welles n’est jamais parvenu à
convaincre Jeanne Moreau de doubler ses dialogues. Bon nombre d’autres
films sont également restés inachevés en raison du perfectionnisme de
leur créateur qui ne pouvait pas se décider à en arrêter le processus
créatif.
Don Quichotte est quant à lui
virtuellement achevé. Plus encore, Welles a tourné tant de séquences que
certains prétendent que trois films pourraient être réalisés sur base
du matériel existant. Le principal problème concernant certains films
inachevés du célèbre réalisateur est qu’ils ont bien souvent été tournés
à plusieurs endroits, entre l’Europe et les États-Unis, et que réunir
tous les segments filmés est une gageure. Mais surtout, Welles
nourrissait une passion pour le montage et la postsynchronisation,
travaillant souvent lui-même à la post-production de ses films. Ce
faisant, il s’assurait un contrôle optimal sur ses réalisations, ne
partageant que peu d’informations concernant son processus créatif.
Le Film Museum de Munich, qui rassemble
les archives des quinze dernières années de la vie d’Orson Welles,
possède l’intégralité des scènes de Don Quichotte mais le
réalisateur, ayant horreur des nombres, ne numérotait jamais rien. Au
lieu de cela, il avait établi un système de référencement connu de lui
seul et consistant à donner des noms aux choses, comme « Mouton »,
« Télévision », « Rêveurs », « Faux », … ce qui rend quasiment
impossible l’assemblage des séquences par une tierce personne. Sur le
clap également, Welles inscrivait par exemple « Q1 » au lieu du nom de
la prise qui allait être réalisée. Par exemple, une prise mettant en
scène Sancho Panza était susceptible de se voir nommée « Sancho-1 »,
mais si une seconde prise devait être réalisée et qu’un mur devait
apparaître dans celle-ci, elle aurait toutes les chances d’être nommée
« Mur-1 » et non « Sancho-2 ».
À cela s’ajoute le fait qu’aucun des
collaborateurs d’Orson Welles n’aura travaillé sur le film du début
jusqu’à la fin. Soit ceux-ci abandonnaient après quelque temps, soit le
réalisateur les laissait derrière lui lorsqu’il allait tourner dans un
autre pays. Et peu d’entre eux étaient autorisés à en savoir plus que le
minimum indispensable pour faire leur travail. Ce phénomène n’est
cependant pas propre à Don Quichotte, donner trop
d’informations allait à l’encontre des principes d’Orson Welles : sa
secrétaire durant les années 1958-59 explique qu’il lui a un jour
demandé d’arrêter d’expliquer à un chauffeur de taxi où ils devaient se
rendre…
Plus encore, comme le disait Stefan
Droessler, directeur des archives du Film Museum de Munich : « Welles
travaillait sur plusieurs projets en même temps et il est difficile de
savoir dans quel film devait s’insérer telle scène ou tel plan. Vérités et Mensonges, par exemple, contient des plans tournés pour son émission de télévision The Magic Show ainsi que pour le court-métrage Vienna et on y trouve également une référence au film inachevé The Deep. C’est la raison pour laquelle personne ne peut établir une liste exhaustive de tous ses projets ».
Don Quichotte : « Rêver un impossible rêve »
Don Quichotte se distingue des
autres films inachevés de Welles dans la mesure où le projet est resté
actif dans la vie du cinéaste jusqu’à son décès en 1985, passant d’un
stade à l’autre et allant même parfois jusqu’à être quasiment achevé
avant que le réalisateur ne se décide à y apporter des modifications.
Conscient de l’ironie de la situation, Orson Welles déclara lui-même en
1981 au critique Jonathan Rosenbaum que lorsqu’il se déciderait à sortir
Don Quichotte, il l’appellerait When Will You Finish Don Quichotte ? :
« Don Quichotte était un exercice privé, et il sera terminé comme un
auteur le finirait : lorsque je le déciderais, lorsque je sentirais que
le moment est venu. Il n’est pas inachevé pour des raisons financières.
Et lorsqu’il sortira, son titre sera : « Quand finirez-vous Don
Quichotte ? »
Orson Welles et Akim Tamiroff (Sancho) sur le tournage de Don Quichotte
Rosenbaum affirme ainsi que, contrairement aux autres œuvres inachevées d’Orson Welles, Don Quichotte
l’est resté par choix. Mais nous pourrions apporter une nuance à cette
notion : il semble que c’est en dépit de lui-même que le réalisateur a
fait ce choix, prisonnier de son propre perfectionnisme et de sa volonté
de donner naissance à un objet parfait qui tiendrait lieu de chef
d’œuvre. Dans une lettre à l’attention d’Akim Tamiroff – l’interprète de
Sancho Panza – Welles déclara : « Tu dois comprendre que Don Quichotte
est pour moi de la plus haute importance. Je dois impérativement le
terminer, à n’importe quel prix et avec le plus grand soin. Sans quoi,
tu dois comprendre que je cesserai définitivement de réaliser des
films ». OU PEUT-ETRE LE CONTRAIRE!!!!