Vous étiez les seuls Français à fréquenter cette rue et ces bistrots ? Les seuls. Il y avait celle-là et la rue Galande, qui était moins complètement arabe, un petit peu mélangée, mais avec deux ou trois bistrots strictement arabes. Nous, on était l’exception. De participer à la vie des Maghrébins c’était une façon très claire de prendre parti contre la bourgeoisie, contre les cons, contre les Français. Maintenant c’est peut-être difficile de ressentir la question coloniale comme on la ressentait à l’époque, c’était politique et en même temps viscéral… et puis il y avait quand même la tradition surréaliste, le grand discours contre le colonialisme… C’était un truc élémentaire et tout le monde était dans cette attitude-là, même les gars qui n’avaient jamais fait de politique.
Título: Furia libertaria – Mitin CNT San Sebastian de los Reyes. Marzo de 1977
Duración: 18 minutos
Dirección: Antonio Artero
Dirección de montaje y posproducción: Pablo Nacarino
Diseño postproducción: Roberto Butragueño
◾Montaje: Natalia Castellanos
Mezclas de sonido: Roberto Fernández
Música: Juan Manuel Artero
Operador de cámara, plaza vacía: Daniel Sosa
Créditos y corte de negativo: Manuel Primoi
Hinchado a 35 mm: Juan Mariné y Concha Figueras
◾Texto introductorio: Manuel Revuelta
◾También han colaborado: Familia Artero, Ismael González, KINOVA, Filmoteca Nacional, Filmoteca de Extremadura, ELAMEDIA S.L. y numerosos compañeros de la Confederación Nacional del Trabajo (CNT).
◾Diseño Crátula: Javier Cortés
Este documental supone la recuperación de las imágenes del histórico mitin de la CNT en San Sebastián de los Reyes, primer mitin multitudinario1 de un sindicato tras la muerte del dictador y cuando todavía no estaban legalizadas las organizaciones sindicales. Juan Gómez Casas, Secretario General en esa época, explica que … a las 12 de la mañana ruedo y graderío ya estaban abarrotados, ofreciendo un espectáculo impresionante que los documentos fotográficos han legado a la posteridad. Se congregaron unas 30.000 personas para oir la voz de la CNT. El espectáculo era indescriptible: cientos de banderas, los himnos de la Organización, un gran clamor, los primeros gritos que luego ya oiríamos en millones de reuniones y manifestaciones.
El periódico La Vanguardia de ese mismo día (29 de marzo de 1977), que publica la noticia del multitudinario acontecimiento, informa del “primer mitin tras cuarenta años” y que más de 20.000 personas. Como anécdota describe el ambiente reinante incluso en el exterior de la plaza de toros, donde se “habían colocado numerosos tenderetes en los que se vendía prensa, libros, posters y emblemas. Uno de ellos, «El tiro al líder» despertó la curiosidad de todos: por quince pesetas cualquiera podía tirar una pelotita a la cabeza de unos muñecos que representaban a Santiago Carrillo, Fraga y Federica Montseny.”
Para la realización del documental, los compañeros y compañeras del Taller de Imagen y Contrainformación de CNT trabajaron con el material rodado en su día por el equipo del director Antonio Artero, que no pudo terminar esta película. Con la dirección de montaje de Pablo Nacarino y apoyado por Juan Mariné (que grabó el entierro de Durruti y continúa con el mismo entusiasmo a sus noventa y tantos años) ha construido con las imágenes de Artero y el sonido de los intervinientes esta obra que muestra la fuerza con la que renace la CNT en la segunda mitad de los años 70, elaborando así un documento de relevancia histórica no sólo para la militancia confederal sino también para el conjunto del movimiento obrero.
Article mis en ligne le 24 décembre 2018 par
Freddy Gomez
■ Roger Langlais (1941-2018), solitaire et fraternel, était
de cette sorte d’homme qu’on pourrait qualifier de généreux discret. Si
discret qu’on ignore encore des pans entiers de son œuvre, picturale
notamment. Si discret que chacune de ses manifestations de présence
venait à l’improviste, à la dérobade, subrepticement. Il fut un abonné
attentif d’À contretemps qui nous fit parfois savoir que sa
lecture lui réservait quelques plaisirs. C’était assez pour nous, car
nous savions l’homme doté d’une érudition aussi fine que discrète et, de
ce fait même, capable d’apprécier à sa juste valeur la perspective
critique dans laquelle nous prétendions nous situer. Il arriva même
qu’il nous prodiguât des conseils, qu’il nous servît de passeur, qu’il
nous offrît des illustrations. Sur le seuil, toujours à sa manière, il
était des nôtres, de notre famille d’ombres.
Nous fûmes quelques-uns, le 14 septembre dernier, à nous retrouver au
Cimetière parisien de Saint-Ouen pour un dernier salut à Roger. La
cérémonie fut discrète, aussi discrète qu’il l’eût souhaité, pourfendeur
du « culte de la charogne ». Il faut avoir, pour les amis disparus, le
sens de l’hommage. Les deux témoignages qui suivent y prétendent. Notre
amitié à Fatia, sa compagne, et à Florian, son fils.– À contretemps.
Hommage à l’en-dehors
Quand un ami disparaît, à la peine s’ajoutent souvent les regrets de
n’avoir pas su ou pu réaliser, par trop d’affairement sans doute, par
négligence un peu, des projets que le temps aura irrémédiablement
engloutis dans le puits sans fond des illusions perdues. Concernant
Roger Langlais, mon plus grand regret sera de ne pas avoir donné suite à
un entretien pour lequel Monica Gruszka et moi-même l’avions sollicité
en 2001 et auquel il semblait disposé à se prêter. Au point de nous
adresser, dans le prolongement de cette rencontre, quelques pièces
d’archives et des repères chronologiques devant, écrivait-il, « “nous“
servir peut-être ». Ils ne servirent pas, mais ils font trace, ici même,
dans cette évocation de « Rojelio », comme il signait les lettres qu’il
m’adressait.
Roger fut depuis ses origines, un fidèle et attentif abonné d’À contretemps
en version papier. Malgré nos sollicitations, il n’y écrivit pas, mais
il lui arriva, parfois, de s’improviser conseiller « littéraire », de
nous ouvrir des pistes, de nous offrir des illustrations et même de nous
mettre en relation avec de précieux collaborateurs, comme Alain Segura,
qui devint un ami. Lorsque, en 2014, décision fut prise de renoncer à
la version papier d’À contretemps, trop absorbante pour nos
faibles forces, pour consacrer nos efforts, dès l’année suivante – dans
une perspective renouvelée et moins strictement bibliographique,
pourrait-on dire –, au site du même nom, Roger continua de nous suivre,
en nous prodiguant ça et là approbations ou critiques, selon ses humeurs
et convictions.
J’ai connu Roger au mitan des années 1980. Il exerçait alors la fonction
de correcteur. Un peu en franc-tireur. Adhérent du syndicat, il se
situait dans cette mouvance anarchiste nettement anti-syndicaliste, mais
qui voyait au moins un avantage au fait d’appartenir à cette
fraternelle confrérie disposant du contrôle de l’embauche en presse
parisienne : une manière de vivre, à bon tarif et sans aliéner trop de
son temps à la tâche salariée. Après avoir exercé ses talents au Matin de Paris, il se retrouva à L’Humanité,
ce qui, convenons-en, dut avoir quelque chose de jouissif pour cet
iconoclaste qui, quelques années plus tôt, avait concocté, pour le
premier numéro de L’Assommoir [1],
dont il était directeur de publication, un fort dossier sur « La France
stalinienne », orné en couverture d’un portrait choc du « petit père
des peuples » à moustache tricolore.
Sans tonitruance – plutôt le contraire, on lui aurait donné quitus de sa
réserve –, Roger était fait du bois qui étaye la passion du négatif.
Cultivé jusqu’à l’invraisemblable, cet ancien bouquiniste accordait
patience à ses intuitions et conscience à ses refus. Il avait plusieurs
cordes à son arc, qu’il savait tendre à l’extrême pour décocher ses
flèches. On l’aurait dit sorti d’un brûlot de l’anarchie « fin de
siècle » passé des mains des surréalistes à celles des situationnistes.
C’est ainsi que Roger, passionné de Libertad et ami d’Ivan Chtcheglov,
fut aussi l’inspirateur de la superbe « une » du Monde libertaire
de novembre 1966 – n° 126 – où un faire-part annonçait : « André Breton
est mort. Aragon est vivant… C’est un double malheur pour la pensée
honnête. »
En amont, il avait été membre du groupe Spartacus [2],
où il fit, en principe, ses premières armes polémiques. De 1961 à 1963,
sous la houlette de G. Munis et animé dans un premier temps par Louis
Janover et Bernard Pécheur, le groupe, en solo ou en coproduction,
s’illustra en effet dans la rédaction de tracts au ton généralement
incendiaire [3].
De courte durée, l’expérience se prolongea, après autodissolution de
Spartacus en mai 1963, par l’édition de deux tracts, réalisés par les
seuls Roger Langlais et Bernard Pécheur : « Refus d’obéir » (14 juillet
1963) et « Un cadavre ne fait pas le printemps » (juillet 1964).
Quatre ans plus tard, au début de 1968, il récidiva, avec Guy Bodson et
Bernard Pécheur, en créant le groupe « Pour une critique
révolutionnaire » dont la production fut vaste, cinq années durant, en
brochures, textes, correspondances, tracts, affiches sérigraphiées [4]
et typographiques, fac-similés, papillons, journaux sérigraphiés,
détournements de journaux (bulletin de la Compagnie internationale pour
l’informatique [CII], Rouge, Vive la révolution) et de comics. En 1971, le groupe comptait une vingtaine de membres à Paris, dans les Hauts-de-Seine et dans le Val-de-Marne.
En 1976, il choisit et présenta, pour les Éditions Galilée, des écrits d’Albert Libertad, édités sous le titre Le Culte de la charogne et autres textes [5] et, selon le même principe, d’Émile Pouget, réunis sous celui du Père Peinard. En 1977, ce fut chez Plasma – collection « Table rase » – qu’il édita, sous le titre Coup pour coup, des textes d’Émile Henry et réédita, dans la même collection, Hurrah !!! ou la Révolution par les Cosaques
d’Ernest Cœurderoy. Dirigé par le regretté Pierre Drachline, qui fut
son ami, Plasma lui offrit, de surcroît, la possibilité de travailler,
avec Marcel Mariën, en 1978, à une édition, en fac-similé, des douze
numéros de la revue surréaliste belge Les Lèvres nues (1954-1958) et de réaliser, avec son complice Bernard Pécheur, les deux premiers numéros de l’époustouflante revue L’Assommoir, déjà évoquée.
On pourrait s’en tenir là… Après tout, c’est déjà bien pour une vie
d’en-dehors entêté à fuir la lumière. Dans son cas, pourtant, il ne
saurait être dit qu’il ne restera du temps traversé que les traces,
tangibles, qu’il y aura laissées. Ce serait manquer au principe
d’affinité. Il y avait, chez cet anarchiste radicalement existentiel,
une double disposition – qui est rare – pour l’excès et pour la retenue.
C’est ainsi, du moins, que j’ai perçu Roger, et c’est pourquoi j’aimais
à le fréquenter. On gagne toujours à côtoyer des êtres qui s’apprécient
jusque dans leurs différences, toujours affirmées. Pour le moins une
pleine estime réciproque, qui fait une base sûre pour l’amitié. Dans ce
monde étrange qui se détruit sans cesse, il s’agit de se reconnaître
encore comme éléments connivents.
Freddy GOMEZ
Un opposant à presque tout
Il est bien difficile d’évoquer un ami qui vient de disparaître,
sans doute parce qu’un peu de soi-même s’emporte avec lui. Je revois
Roger, l’ami Roger Langlais, assis sur le muret à côté de ses boîtes de
bouquiniste, son mégot de Gitane maïs coincé aux lèvres, les jambes
croisées, les pieds ballants, et cet air mi-amusé, mi-méfiant à me
considérer. Amusé, parce que ma visite dominicale était plus que
prévisible, méfiant parce que l’actualité fournissait toujours une
occasion d’échanger nos points de vue, parfois divergents. Je revois son
œil en alerte, son profil légèrement tendu. C’était il y a des années,
mais ces années n’ont pas la valeur que le temps leur accorde. Roger
avait acquis à ce poste une présence intemporelle.
Puis-je dire que je l’ai connu ? Je suis convaincu du contraire. Roger
ne se livrait pas. Il pouvait dérouler une analyse et l’explorer dans
tous ses recoins, sans y mêler des observations personnelles, encore
moins intimes. Il savait exposer une forme précise d’objectivité, qui
exprimait ce qu’il pensait, à laquelle il n’y avait rien à ajouter, et
parfois aussi rien à redire.
Des années avant Mai 68, il avait chevauché le monde de l’art et de la
poésie. Ses connaissances étaient exceptionnelles dans des genres
littéraires considérés comme mineurs. Mais il faut poser mieux son
personnage. Roger était le Parisien que le Moyen Âge a suscité dans les
universités de la Montagne-Sainte-Geneviève. Il était aussi le « petit
romantique » des années 1830, mais indifférent à toute forme de
reconnaissance dont il n’aurait pas su ni voulu s’accommoder.
Le sens du négatif à l’œuvre dans la société le travaillait, il était un
opposant à presque tout, calmement mais résolument, avec cet air
d’indifférence que les anarchistes affichent en tirant sur leur pipe.
Anarchiste, Roger l’était noblement, c’est-à-dire avec hauteur et
dégagement. Aucun propos militant n’est jamais sorti de sa bouche.
C’est son rapport aux livres et à l’écriture qui m’avait lié à lui.
Mais sa palette d’expression était vaste. Graveur, peintre, dessinateur,
il abritait tous les talents qu’un inspiré réunit en sa demeure.
Sa silhouette, pour moi, est à jamais inscrite sur un fond de ciel de Paris.
Marianne
Nikolic est née à Budapest le 10 juillet 1919. Un
document officiel retrouvé permet de retracer ses
origines familiales. Budapest est alors une ville très
cosmopolite. Son père est un diplomate, le nom de
jeune fille de son épouse est allemand. De sa mère,
qui disparut très vite, elle avait conservé l’image
d’une femme vive, aimant les toilettes, au tempérament
fougueux que Marianne attribuait à des origines
tziganes. Elle aimait s’en réclamer et dire qu’elle
lui ressemblait.
Pendant
ses jeunes années elle voyagea seule avec son père.
Elle gardait de ce temps-là un souvenir radieux, sans
doute enjolivé par la nostalgie. Quand elle eut seize
ans, une nouvelle épouse apparut et bientôt un autre
enfant. C’en était fini de la vie à deux, des voyages
en train et des grands hôtels. Marianne songea dès
lors à quitter le foyer, ce qu’elle fit sans se
retourner, les poches vides.
Elle
fit des études de piano et vécut à Belgrade avec un
ami musicien qu’elle suivit à Rome en 1941. L’Italie
fasciste et l’Allemagne nazie avaient envahi les
Balkans. De retour à Belgrade, vers la fin de l’année
1943, Marianne s’empressa de rejoindre le combat des
Partisans.
Après
la guerre, elle intègre une troupe de théâtre de
marionnettes où elle fait la connaissance d’un poète
qui allait devenir son mari, Radovan Ivsic. Parmi de
nombreux travaux littéraires, ils traduisent Les Confessions
de Jean-Jacques Rousseau. Ils viendront ensemble à
Paris au début des années 50. Des contacts noués
depuis la Yougoslavie avec les avant-gardes
artistiques, les conduisent à partager les activités
du groupe surréaliste qu’ils fréquenteront, en ce qui
concerne Marianne, jusqu’à la mort d’André Breton.
Je
connus Marianne à l’automne 67 grâce à des amis
anarchistes. Elle vivait séparée de Radovan depuis
plusieurs mois. Elle habitait désormais seule leur
appartement de la rue Galande.
J’étais
alors très jeune et je me tenais prudemment à l’écart.
Drapée dans un long ciré noir, ses phrases avaient le
tranchant d’un rasoir. Il n’était pas bon non plus
d’affronter son regard. Ces mêmes amis anarchistes,
proches des situationnistes, la présentèrent à Guy
Debord. Guy, à l’époque, était souvent entouré de
courtisans. Rien de tel avec Marianne qui posait des
questions dérangeantes : « Qu’est-ce que
c’est ce groupe où il n’y a pas de
femmes ? » Elle frappait avec force jusque
dans les retranchements où s’abritait la bonne
conscience révolutionnaire, trop souvent ouvriériste.
« Nous n’avons jamais subi pareille
critique », s’étonna Guy qui lui trouva aussitôt
un surnom : La dernière
surréaliste.
C’est
à l’automne 68 que je commençai à me rendre rue
Galande. Nous étions quelques amis à partager avec
elle de longues séances de lecture, souvent
quotidiennes, le soir, jusqu’à l’heure du dernier
métro.
Marianne
faisait de temps à autre des voyages en Yougoslavie
pour le compte d’une société d’import-export
spécialisée dans la mode.
Elle
commença à peindre, quand elle emménagea rue Charlot,
pour justifier le statut d’artiste qu’elle avait
déclaré à la propriétaire d’un modeste atelier, en
bien piètre état, mais sur lequel elle avait jeté son
dévolu.
Elle
fut aussi dactylo, en arrivant à Paris, dans un bureau
des Champs-Élysées où elle tapait d’un seul doigt,
sous l’œil amusé mais bienveillant des secrétaires. Au
début des années 70, elle trouva un emploi de
correctrice d’édition à mi-temps, même si pour venir à
bout d’un travail qu’elle effectuait scrupuleusement
chez elle, il lui fallait le poursuivre une bonne
partie de la nuit.
Elle
s’éteignit à l’hôpital Saint-Antoine, le 14 août 1995.
Depuis
je me revois souvent reprendre en pensée le chemin
étoilé qui conduisait à son atelier.