Le
personnage de Donald Trump est internationalement connu de tous pour
figurer autant parmi les objets couverts d’opprobre par la presse que
parmi les fédérateurs de toutes les extrêmes droites et bourgeoisies
ultra-réactionnaires.
Ainsi,
afin de révéler qui est réellement le nouveau président des États-Unis,
au-delà de son bronzage artificiel, nous pensons que l’occasion se
prête à discuter du film biographique de l’irano-danois Ali Abbasi, The Apprentice
(2024), sorti à la veille des élections présidentielles étasuniennes,
décrivant l’ascension de Trump et la construction de son personnage dans
les années 1970-1980.
Origines romanesques
Il convient, dans un premier temps, d’éclaircir la zone d’ombre qui
pèse sur l’origine du film biographique saturant les écrans
contemporains.
Le genre cinématographique du film biographique puise son origine
dans un genre particulier de roman, majeur au XVIII-XIXème siècle : le bildungsroman,
en allemand, qui se traduit par roman d’apprentissage ou roman de
formation, en français. L’œuvre de Goethe a grandement contribué à la
définition du genre, notamment grâce à son roman-fleuve Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister,
écrit en 1795-1796. Il narre l’histoire d’un jeune homme qui, au fil de
ses aventures, en apprend plus sur lui-même et sur le monde, mettant en
jeu, ainsi que Bakhtine, le critique soviétique, le remarque dans son
ouvrage portant sur le sujet (Esthétique et théorie du roman), la
dialectique du subjectif et de l’objectif sur le long terme de
l’existence humaine individuelle : « [dans le roman de formation,]
l’homme se forme en même temps que le monde, il reflète en lui-même la
formation historique du monde. [...] L’image de l’homme en devenir perd
son caractère privé (jusqu’à un certain point, bien entendu) et débouche
sur une sphère toute différente, sur la sphère spacieuse de l’existence
historique” (Moretti, 2019). L’essor de ce genre littéraire coïncide
avec la Révolution française et les idéaux des Lumières, qui ébauchent
l’espoir de l’individu émancipé, en dialogue avec la société, mais
également à distance avec elle, d’où l’influence certaine d’un
romantisme relatif. Ce qui ressort de ce genre, c’est sa volonté à la
fois subjective et objective d’inculquer au lecteur une façon de vivre,
d’appréhender le monde, de parvenir en quelque sorte à une espèce
d’euthymie, dans la découverte, comme dirait Lukacs, de la “claire
connaissance de soi” (Montandon, 2019). Et ce n’est pas prendre ses
désirs pour réalité que d’imaginer pouvoir influencer durablement et
fortement le lecteur via une œuvre littéraire – Goethe en sait lui-même
quelque chose. À titre d’exemple, prenons son premier roman, Les Souffrances du Jeune Werther,
paru en 1774, qui met en scène le personnage principal s’ôtant la vie.
Résultat : il a été scientifiquement prouvé que le taux de suicide,
suite à la parution du livre, a explosé en Europe (Manina Mestas, 2024 ;
Jack, 2014).
Pour les lecteurs étrangers à la littérature allemande, notez qu’Emile, ou de l’éducation de Rousseau, L’Éducation sentimentale de Flaubert, ou encore Le Père Goriot de Balzac, sont tous trois des bildungsroman (Fabienne Payoute,
2020). Le cinéma, apparu à la fin du XIXème siècle, ne pouvait donc
l’ignorer, s’essayant ainsi dès ses débuts au film biographique en
français.
L’inversion dialectique du bildungsfilm
Les films biographiques ont toujours existé, mais deux âges d’or
historiques les ont placés au premier plan. Il y a celui des années
1930, qui, pour le chercheur Rémi Fontanel, “a mis en place un système
où la précision documentaire joue un rôle prépondérant. La ligne
éditoriale est engagée, humaniste et éducative : on raconte les vies de
Pasteur, Zola, Juarez. On véhicule des valeurs pour revitaliser le moral
d’une nation. On s’adresse à des citoyens. Après-guerre, on s’adressa à
des consommateurs en privilégiant l’entertainment”, et celui que l’on
connaît aujourd’hui, ayant débuté dans les années 1980-1990. Fontanel
précise que deux types de films biographiques restent prépondérants :
ceux sur les entrepreneurs, et ceux sur les groupes musicaux, défendant
la méritocratie et le développement individualiste. En effet, bon nombre
de films biographiques racontent la vie d’une vedette ayant réussi à
tout rafler grâce à son génie et à sa volonté surhumaine (The Social Network, Le Loup de Wall Street).
Le but est toujours de valoriser le sujet du film, de faire en sorte
que sa vie nous paraisse enviable. Même si des films comme Le Loup de Wall Street ou Scarface
se finissent mal, et que certains “critiques” de cinéma toisent leurs
admirateurs en prétendant qu’ils n’y ont rien compris, il en ressort que
tout de même, la vie des personnages de ces films est cool,
qu’en dépit de leur courte hubris, elle fut intense, si intense qu’elle
est désirable. C’est ce que le public moyen retient, en témoigne le
nombre de références dans la pop-culture de ces films. En fait, c’est
comme si je vous faisais l’éloge pendant 2 heures d’une idéologie, et
qu’à la fin de notre conversation, je finissais par ajouter de la
contradiction, comme s’il fallait le faire parce qu’il fallait le faire.
Encore une fois, ce qui compte dans l’analyse d’un film, c’est sa
réception historiquement déterminée, en l’occurrence dans un monde gagné
par le néo-libéralisme, car c’est principalement à cela qu’il est
destiné. Effectivement, il se trouve que, depuis les années 1980-1990,
l’idéologie néo-libérale du self-made-man trône, et que les films
biographiques suivent en général bêtement son enseignement.
C’est en cela que The Apprentice réalise un tour de force : il
inverse dialectiquement cette mécanique perverse qui régnait
jusqu’alors en maître dans les films biographiques grand public.
Une lecture de classe ?
Avant d’entamer cette partie, je renvoie le lecteur à mon article sur
l’investiture de Trump, disponible sur le site de la JRCF (“Trump à la Maison-Blanche”, 20/01/2025).
Le film s’ouvre sur la rencontre de Trump avec l’avocat Roy Cohn, son
futur mentor. Celui-ci est d’emblée présenté comme un mafieux
(éclairage en douche, gros balourds qui rient grassement autour d’une
partie de cartes, volutes de fumées de cigares) se présentant à Trump
dans un cynisme des plus assumés – qui fait penser à la doctrine d’Ayn
Rand -, égoïste, individualiste, néo-libérale, somme toute, fasciste.
Roy Cohn, c’est lui qui a envoyé les époux Rosenberg à la potence. Il
hait les communistes et les homosexuels (bien qu’il en soit un). Plus
qu’un mafieux, Cohn est le mal incarné, il est, dans le film, le diable
qui ronge les États-Unis.
Mais c’est surtout un homme qui copine avec les grands, les bourgeois qui cherchent à maximiser leur profit par tous les moyens.
Cette rencontre tombe donc à pic pour Trump, qui voit l’entreprise
familiale au bord de la faillite. Ses allées et venues dans les
résidences Trump, visant à extorquer le moindre centime aux prolétaires
qui y résident, la caractérisent comme vacillante en même temps qu’elles
instaurent une distance entre lui et ces derniers. À table, son père
raciste se plaint du frère de Trump, la “honte de la famille” en cela
même qu’il est un pilote d’avion et non un entrepreneur comme son père
l’aurait voulu. S’il en avait été autrement, peut-être qu’ils n’en
seraient pas là. Mais Trump le rassure. Il lui fait signe que lui, il
comprend, et qu’il a trouvé quelqu’un qui pourrait les aider.
Les premières manœuvres en justice de Roy Cohn démontrent les
principes fondamentaux du trumpisme, que Trump ne lâchera jamais par la
suite. Première règle : “Attaquer, attaquer, attaquer”. Deuxième règle :
“Ne jamais admettre. Tout nier.” Troisième règle, “la plus importante
de toutes” : “Peu importe à quel point tu es battu, tu déclares victoire
et ne reconnais jamais la défaite”. Grâce aux pratiques illégales de
Roy Cohn, le procès déterminant l’avenir de l’entreprise Trump se solde à
la fois sur une victoire, mais aussi sur un apprentissage déterminant
pour Donald.
Beaucoup parlent de pacte faustien pour décrire la relation entre
Trump et Cohn, achevant de rappeler la prégnance de l’utilisation de la
religion pour justifier la politique étasunienne. En effet, peu à peu,
Trump perd son humanité en progressant dans le cynisme de son maître.
Dans la deuxième moitié du film, l’élève finit classiquement par
dépasser le maître, à ceci près qu’il le dévore ici tout cru. Le grain
de l’image s’accentue, et le bal des masques de la télévision
superficielle commence enfin. Trump, qui n’était resté qu’un personnage
pour le moins passif, prend désormais l’initiative et s’affirme en
véritable ordure, enchaînant les coups d’éclat.
En ce qui me concerne, le film m’a paru un bon film. Le montage
frénétique, la bande-son ultra-présente et le jeu des acteurs
surinvestis donnent à certains une impression de superficialité trop
gênante pour comprendre la personnalité de Trump ; or, à mon avis,
c’était la meilleure manière de se moquer d’un homme qui n’en a que
faire de toute forme de critique construite ou rationnelle. C’est
s’immiscer partiellement, dialectiquement, dans le bling-bling pour
l’exploser de l’intérieur. Partiellement, dis-je, car contrairement au
Loup de Wall Street, Trump n’est pas, me semble-t-il, valorisé comme
l’est Jordan Belfort qui finit toujours par triompher en fanfare. Et
pour cause : le sentiment global des spectateurs de The Apprentice
se recoupe sous la détestation totale de Trump, présenté comme un
suppôt de Satan (Roy Cohn) et du Grand Satan (le capitalisme étasunien).
Mais le film divise sur ce point-là, j’en veux pour preuve les
arguments plutôt convaincants du critique de cinéma Pierre Murat : “Je
ne vois pas où est la satire. Trump devient une sorte de grand Américain
qui réussit des trucs. C’est tout ce que Hollywood a fait depuis des
années et des années. Il montre l’évolution d’un capitaliste qui
réussit. Quand on prétend démolir Trump et Roy Cohn et qu’on les exalte,
surtout Roy Cohn, au point d’en faire un héros shakespearien, ou bien,
c’est ça qu’il voulait, ou bien, il a totalement loupé son coup. » Murat
assimile ainsi le personnage de Trump dans The Apprentice aux personnages de Tony Montana dans Scarface et de Jordan Belfort dans Le Loup de Wall Street.
Quoi qu’il en soit, il existe des sites internets dont l’accès est
relativement facile et qui permettent de vous faire votre propre avis
sur le film. Mais il faut savoir une chose : un film produit dans un
pays capitaliste est destiné à être vendu à ses habitants, et là, même
avec un Roy Cohn de gauche sous le bras, on n’arriverait pas à faire des
miracles.
Aujourd'hui, on sait que les Américains ont eux-mêmes fabriqué les
moudjahidin (combattants pour la foi, opposés aux forces
gouvernementales afghanes) et qu'ils ont cyniquement décidé de les
utiliser pour affaiblir l'Union soviétique et "infliger aux Soviets leur
propre Vietnam"
Le
président américain Carter a signé dès juillet 1979 une directive sur
l'aide aux ennemis du régime soviétique, manœuvre qui visait à piéger
l'URSS en Afghanistan. Officiellement, l'aide de la CIA aux moudjahidin a
commencé en 1980.
Le
gouvernement soviétique répugnait à envoyer l'armée en Afghanistan,
mais en 1979, il n'a pas eu le choix - suite aux supplications du
gouvernement afghan lui-même. Un djihad – guerre sainte – a été décrété
par les moudjahidin contre l'Union soviétique avec l'argent de
l'Occident. Leur but était simple : repousser "l’ennemi-occupant" (comme
ils le prétendaient).
En
réalité, l'Union soviétique a été froidement instrumentalisée : le
gouvernement afghan réglait ses problèmes sur le dos de l'URSS. Après le
retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan, l'opposition téléguidée
par l'Occident s'est désintégrée en une myriade de groupes terroristes,
qui sont devenus les infâmes Talibans, Al-Qaïda et Daech.
El
presupuesto destinado al rearme debe servir, tanto a reponer los
arsenales vaciados por la guerra de Ucrania como para pagar las deudas
de la guerra a EEUU. Huelga decir que, sin industria, rearmarse y
empobrecerse son sinónimos. El objetivo último: volver a transformar a Europa en un ariete contra Rusia, esta vez del tamaño de un continente. Ante la incapacidad manifiesta para tal propósito, podemos asegurar que esta maniobra es otra distracción mediática que lo único que oculta es la manipulación especulativa más grande vista desde la Pandemia de 2020 entorno a la industria militar y una nueva guerra delegada contra Rusia.
Como Euroejército,
OTAN, EuroOTAN o Europa Plus, Europa seguirá siendo dependiente de EEUU
y amenaza con sustituir a Ucrania en la confrontación con Rusia.
Hechos
Unamos puntos, los titulares representativos de 3 días nos bastan. Observad las secuencias, porque todo está guionizado:
Europa se vuelve a preparar para la guerra rearmándose:
Para que un Ejército Europeo fuera posible, todos los ejércitos nacionales deberían:
-Estratégicamente - adoptar y producir un modelo de armamento uniforme; no solo estandarizado, como el sistema OTAN.
-Logísticamente
- producir armamento a escala mundial. Con líneas de suministro
confiables. Lo cuál en la práctica implica recursos propios.
-Estructuralmente - resolver un gran problema: la concentración de capacidades militares. Si las tendencias civilizadoras,
la robotización y producción industrial a escala planetaria, se
mantuviesen, haría que, a la postre, un solo país albergarse toda la
producción armamentística. Este país sería el nuevo amo.
1 Impedimento Estratégico
Un ejército Europeo no sería real si no se uniformiza. Si Europa quiere uniformidad, esta será la aportada por los equipos estadounidenses.
La función estratégica de la OTAN para EEUU es de Mando y Control sobre Europa. La OTAN impide la uniformidad, impone un estándar adaptado
a las necesidades del ejército. Es decir, a las del ejército de EEUU.
Como se ha visto en la guerra de Ucrania, esta estandarización es
totalmente inadecuado para su uso real, la guerra colonial y el saqueo a
escala mundial. Solo sirve para lo que sirve, mantener a los aliados
divididos e incapaces de unirse como una sola entidad. No controlados,
sino sometidos.
2 Impedimento Logístico
Europa
carece de recursos para abastecer a la maquinaria bélica, como se ha
visto en la misma guerra. Y, si los tuviese, le saldría tan caros que la
producción sería inasumible. Europa siempre fue a la zaga en la
carrera, ya que la fragmentación industrial-militar impedía tanto
la competencia como la cooperación real. Pero seguía en la Carrera
Armamentística Mundial ocupando cuotas de mercado. Carrera que
Definitivamente perdió el día 27 de febrero de 2022, día de la voladura del Nordstream2.
Hagámos números: Si Rusia produce 4 veces más armamento que el Occidente Colectivo (M. Rutte 2025),
y más de la mitad del armamento era producido por EEUU, significa que
la la estructura que soporte al euroejeército, se llame como se llame,
debe producir al menos 8 veces más armamento, y de mejor calidad, que el actual. Simplemente imposible.
3 Impedimento Estructural
La concentración de la producción bélica
ya ha producido Amos, y evitado que estos se instalasen en Europa. La
producción militar mundial ya está irrevocablemente concentrada en tres
países: Rusia, China y EEUU.
En Europa
occidental manda EEUU. Para seguir mandando debe evitar que ningún país
Europeo logre un grado de desarrollo industrial que le permita el
ascenso a la Escala mundial. Por eso EEUU ha decretado la
desindustrialización, no solo de Alemania,
sino de Europa. Tanto como la de Japón, y en breves Corea del Sur. Si
quieren luchar las guerras estadounidenses, tendrán que hacerlo con
armas estadounidenses.
Discusión
No
entendemos muy bien la lógica estadounidense de desmontar una región
totalmente cooptada y entregada al imperialismo anglosajón. Tampoco el
porqué se le da la libertad de organizar un ejército propio, cuando
realmente no lo puede ser. Veamos:
¿Por qué EEUU podría presentar al nuevo Ejército Europeo como Independiente?
La
única explicación es el no ser responsable de las consecuencias de sus
actos. Y el ejemplo lo tenemos tanto en Ucrania como en Israel.
1- Ambigüedad estratégica:
Mantener una distancia entre el actor y el controlador permite a este
la acción sin sufrir las consecuencias. Por ejemplo, si se le ordenase a
la EuroOTAN atacar de nuevo a Rusia, EEUU no estaría en la obligación
de defender ningún territorio, como si lo estaría con la OTAN. Lo mismo
sucede si Israel ataca a Irán, o en caso de confrontación entre Taiwán y
China.
2- Casus Belli/Black Hat contra Europa:
El controlador puede dar una orden al actor mientras se opone
públicamente a la misma. Si la Europa política dispusiese de ejército
propio, EEUU podría oponerse a sus acciones hostiles contra Rusia, a
pesar de ordenarlas. Podría generar tal casus belli que permitiese a
EEUU intervenir militarmente en suelo Europeo, emulando el Día-D de 1944. Esto mismo sucede ya en Ucrania, cuando EEUU la acusa de tráfico de armas y malversación, retirando su ayuda militar; cuando realmente todo ha sido un esquema del pentágono para pertrechar a Israel y Hamás.
¿Por qué EEUU considera a Europa un Rival, y no aliada? Ideología
Si
EEUU considerase a UE como un aliado hubiese creado estructuras
comunes, conjuntas. Podía haber completado la absorción de los mismos
como verdaderos estados, que se hubiesen unido federalmente. Este era el
deseo de algunas élites en Canadá, Reino Unido o Irlanda
principalmente. Incluso podía haber utilizado a la ONU para impulsar
una unión aún más amplia y sólida entorno suyo. Posibilidades había
múltiples. Entonces, ¿Por qué no lo hizo? ¿Por qué prefirió la vía de la
confrontación y la rivalidad? Vasallaje.
Con
otra ideología, puede, pero bajo la ideología estadounidense, la alianza
no es conceptualmente posible. Porque EEUU proviene de una tradición colonial y excepcionalista mesiánica de Pueblo Elegido.
EEUU se creía excepcional, y desplegó una política internacional basada
en las Reglas. Esta concepción jerárquica y supremacista, supone el
privilegio sobre el derecho internacional y justifica que una nación
subyugue a otra, esto es, total impunidad para explotarla. Por lo
tanto, no aliándose evita la extensión de su propia ley a terceros
países, y excluye la igualdad entre naciones y pueblos. Repele, la
unión. Excepcionalismo es explotación. Europa, como tantos territorios, se mantuvo como una competidora, controlada pero independiente. Subyugada.
EEUU
consideraba a Europa como un competidor, eso es claro. Un competidor al
que pertrechó durante la 1º Guerra Mundial contra Rusia, quedando
destruida. Proveyó el appasement alemán de los años 1920, lo cual llevaría a la 2ºGM; quedando destruida de nuevo. Volvió a reconstruirla durante el Plan Marshal conforme a 3 procesos bien conocidos: OTAN, unión neoliberal y cooptación de élites, el Occidente Político. Proyecto que comienza a desmontar en 2014 a favor del Intermare/3SI, con el fin de frenar la unión euroasiática promovida por el proyecto BRI 2013 chino. Después de la voladura del Nordstream2, Europa ha vuelto a ser destruida, ahora a cámara lenta.
En Europa, el país más beneficiado por la organización de un ejército pseudoeuropeo sería el Reino Unido. Debido a su debilidad estructural e imposibilidad material para si quiera defenderse con Rusia, ya propuso la creación de la OTAN en su momento. Apoyará cualquier proyecto
que signifique vender armas, enfrentarse a Rusia, y mantenerla alejada
de sus costas por medio de un conflicto que a demás la debilite.
¿Por qué permitir a Europa tener un ejército propio?
Eso no pasará. Esa ilusión forma parte de la ambigüedad estratégica estadounidense, como hemos mencionado.
Empobrecer
a Europa y forzarla a comprar material bélico es parte de la misma
estrategia. Es generar la posibilidad de usar a Europa de nuevo contra
Rusia sin verse envuelta. Una Ucrania 2.0,
donde Europa haría el papel de Ucrania. Así, las armas serían
totalmente uniformes, lo que aumenta el rendimiento. Y solo americanas,
lo que aseguraría su control, no serían usadas en contra de EEUU, y
otorgaría a Washington todos los beneficios económicos e industriales.
Finalmente,
si el impulso ruso fuera demasiado potente y arrasase Europa,
encontraría una tierra descapitalizada y tercermundista, que es el
estado en que se encontrará ahora Ucrania. Europa Tierra quemada. Así
piensan.
Lo que más nos tiene que preocupar es si esta casta de genozidas europeos logra unificar un ejército europeo (no estandarizar).
- El ejército dependiente de EEUU sin tropas de EEUU es la realidad de hoy día y del futuro.
-
El Ejército Europeo independiente no es posible ni en corto ni medio
plazo, improbable en el largo plazo. De uno u otro modo, el
Euroejército, Europa Plus o la Euro-OTAN, serán dependientes de EEUU, China o Rusia.
¿Qué probabilidades hay de que Europa como continente se enfrente a Rusia?
En igualdad de condiciones, Remotas. Dudamos de hecho el que pueda continuar con sus prácticas colonialistas.
1 El volumen requerido de armamento es totalmente insuficiente.
EEUU se ajusta a una producción para el mantenimiento de stocks y
fronteras, pero se aleja de la producción de armamento para conflictos
de alta intensidad y extensivos. No da de si.
2 La reposición de arsenales para un proyecto de tal calado llevaría, a ritmo actual, décadas;
que es el tiempo que se requeriría para ajustar la producción.
Recordando que la producción europea ha sido desmantelada y fragmentada,
por lo que EEUU ya no puede contar con ella.
3 La calidad del armamento es totalmente subestandar e inadecuado para las nuevas condiciones bélicas.
4 La variedad del equipamiento europeo lo descarta
para el pertrechamiento de una guerra a gran escala. Estos impedimentos
multiplicarían el tiempo de desarrollo de un ejército de agresión
viable.
5 El precio del armamento también es prohibitivo. El armamento es un artículo de especulación que a penas sirve como herramienta bélica real: F-35, Patriot, Himars, JDAM, Abrams, portaviones..., ya no sirven.
Por todo ello, creemos que esmás probable la generación de un conflicto proxi, al estilo Ucrania, en cualquier frontera rusa, que a una escalada continental de Europa contra Rusia hasta que se subsanen estos problemas.
Conclusiones
Europa ha sido desarmada tras
la guerra de Ucrania y desindustrializada tras la voladura del
Norstream2, apartada de la escala productiva mundial, y por tanto de la
carrera mundial por la hegemonía. Lo que oculta el aparente rearme europeo es la mayor acción especulativa desde la Pandemia.
La viabilidad de la OTAN es irrelevante en estos momentos, su inoperancia se demostró durante la guerra de Ucrania. Solo sirve para contener a Europa.
La conformación de un ejército propio supondría, o bien una estructura
militar sin la participación de EEUU, alternativa a la OTAN, una
EuroOTAN, como apuntaba Macron con la "Europa Plus".
La independencia militar europea le permitiría combatir a Rusia sin afectar a EEUU, como ya sucedió en la 2ªGM.
El escenario más posible es la intención de organizar otra guerra delegada contra Rusia. Ya no hay necesidad de destruir militarmente a Europa, porque está desmontada.
Solo un viraje radical de las dinámicas entre potencias podría generar la independencia militar de Europa. Ej. el deterioro de EEUU es evidente, y su repliegue a su Fortress America
posible. En tal caso, Rusia podría impulsar el Balance Estratégico por
medio de garantías de seguridad. Aun así, se encontraría con el problema
estructural del nazismo y colonialismo de las élites europeas.
Para Rusia, reconstruir el Eje Moscú-Berlín es una necesidad estratégica. Eurasia es su jugada en el Gran Juego. Para ello aún debe superar otros escollo, los países del 3SI, altamente nazificados, aunque igualmente desarmados. Es ahí donde se rifa la siguiente guerra europea.
Europa será conquistada, porque está siendo vendida al mejor postor por la Europa Política,
como cualquier país del tercer mundo. China ya avanza económicamente
sobre el continente. Rusia avanza militarmente y promete un marco de
seguridad común. EEUU promete botines de guerra y colonialismo sin fin;
Irak, Libia, Siria, Palestina...
La pregunta crucial es, viendo lo que ha hecho con sus ejércitos, ¿Para qué necesita la Europa Política
un Ejército? ¿Para continuar con sus ínfulas imperialistas? ¿Para
arrasar con sus prácticas colonialistas como hace ahora EEUU? ¿Para
continuar la matanza? ¿Para empobrecer a sus pueblos? No, para crear otra burbuja especulativa que les permita mantener el control sobre el continente.
Ni
si quiera el forzar a Europa a respetar el derecho internacional pondrá
fin a los desmanes del occidente colectivo. Estos solo acabarán cuando los pueblos se liberen de sus yugos y las élites corporativas pierdan todas sus posesiones.
Estamos contemplando los coletazos del viejo mundo. Manotazos de ahogado.
Dans Revolutionary Warfare, How the Algerian War Made Modern Counterinsurgency,
Terrence Peterson livre une foule de détails puisés dans les archives
militaires de la guerre d’indépendance à l’appui de son récit des
stratégies mises en œuvre, sans succès, par l’armée française pour
tenter de rallier la population algérienne. Il analyse également
l’étonnante postérité de la doctrine militaire française de
contre-insurrection élaborée à cette époque, qui a été ressuscitée en
2007 par le général américain David Petraeus en Irak.
Victoria Brittain : Quelle a été l’étincelle à l’origine de
vos travaux sur cette guerre coloniale française et sur le concept de
pacification à travers le remodelage de la société civile ?
Terrence Peterson : La personne qui a éveillé mon intérêt pour la guerre d’Algérie est Frantz Fanon.
J’ai commencé mes études supérieures avec la France de Vichy et la
complexité des lois antijuives appliquées en Afrique du Nord. Et j’ai
fini par lire L’An V de la révolution algérienne (1959), dans lequel Fanon raconte comment les femmes algériennes du Front de libération nationale (FLN)
choisissaient de porter le voile ou non à différents moments, pour
détourner les soupçons et déjouer les mesures de sécurité françaises.
J’ai été séduit.
J’ai fait des recherches exploratoires dans les archives et découvert
que l’armée française avait lancé toutes sortes de programmes sociaux
destinés aux femmes algériennes pendant les huit années de guerre. J’ai
aussi découvert d’autres programmes destinés aux jeunes, aux ruraux, aux
anciens combattants, etc. Cela m’a conduit à me poser ces questions :
comment ces programmes s’articulaient-ils entre eux ? Quelle était leur finalité ?
Comment concilier le travail social armé, se présentant comme
humanitaire, avec les violences notoires qui ont été la réponse
militaire au mouvement de libération nationale algérien ?
Je l’ai rapidement constaté, les officiers français eux-mêmes n’étaient
pas tout à fait sûrs. Ils expérimentaient toutes sortes d’idées sur le
terrain. Ce livre est né de mes efforts pour comprendre ce qu’était le
concept de « pacification »,
comment il était né puis avait évolué au cours de la guerre. Quand on
évoque la guerre d’Algérie, on pense d’abord aux formes de violence les
plus criantes, comme la torture. Mais les archives révèlent que la
réponse française au mouvement de libération de l’Algérie a été beaucoup
plus large.
Victoria Brittain : Dans l’énorme quantité d’archives des
gouvernements français et algérien que vous mentionnez, y a-t-il des
filons particulièrement riches qui vous ont permis de pénétrer au plus
profond de la mentalité coloniale française ? Vous êtes-vous particulièrement intéressé à certains personnages ?
Terence Peterson : Le sens de l’historicité qu’ont
ressenti les fonctionnaires et officiers coloniaux français est
particulièrement frappant dans les archives : ils semblaient comprendre
que le FLN et la spirale de la guerre de
libération nationale qu’il avait initiée constituaient un phénomène sans
précédent, bien avant que l’indépendance de l’Algérie ne devienne une
évidence. Leur réaction a été d’essayer de comprendre ce qui était si
nouveau, afin de pouvoir maîtriser les forces du changement. Le
gouvernement colonial et l’armée française ont tous deux lancé toutes
sortes de nouvelles institutions expérimentales pour s’attaquer à la « question algérienne » – c’est-à-dire la raison pour laquelle le FLN
réussissait aussi bien à emporter l’adhésion en Algérie et à
l’étranger –, et les archives témoignent de beaucoup de débats
perspicaces, de réflexions, d’échecs et de projets ratés qui nous aident
à comprendre l’état d’esprit colonial et son évolution au fur et à
mesure que la décolonisation progressait.
Ces institutions regorgeaient également de personnages étranges et
hauts en couleur, en particulier au sein du bureau d’action
psychologique de l’armée, qui devint l’épicentre de cet effort au milieu
de la guerre. L’un d’entre eux, Jean Servier, était un ethnographe mais
aussi un simple escroc qui espérait tirer parti de sa connaissance de
l’Algérie rurale pour se faire une place dans les cercles politiques. Il
y avait aussi le colonel Michel Goussault, un anticommuniste ardent qui
avait mené des opérations de propagande lors de l’invasion de Suez par
la France en 1956 et qui est ensuite devenu le chef du bureau d’action
psychologique à Alger. Ces personnages m’ont vraiment intrigué, non
seulement parce que leurs ambitions ont laissé des traces écrites très
riches dans les archives, mais aussi parce que leur tempérament les ont
conduits à s’opposer fortement, ce qui me permettait de confronter leurs
écrits de façon très productive.
« Les défaites ont discrédité la doctrine française »
Victoria Brittain : Vous décrivez des divisions profondes au
sein de l’armée et l’impact persistant de la défaite française de Diên
Biên Phu... De quoi s’agit-il ?
Terrence Peterson : Les récits populaires sur la
guerre d’Algérie parlent souvent de l’armée française en termes
monolithiques mais, en fait, lorsque le FLN a
lancé sa lutte de libération nationale, en 1954, l’establishment
militaire français était déjà en crise. Les défaites subies sur le sol
français en 1940, puis à Diên Biên Phu en 1954, avaient discrédité les
doctrines militaires françaises dominantes. Les officiers en milieu de
carrière, comme les capitaines et les colonels, étaient convaincus que
leurs chefs militaires étaient voués à mener des guerres dépassées. Ce
sentiment de crise a finalement contribué aux coups d’État militaires de
1958 et 1961, mais, tout au long de la guerre, il a également conduit à
la recherche de nouvelles techniques et de nouveaux cadres
stratégiques.
Souvent, les officiers à l’avant-garde de cet effort pour élaborer de
nouvelles doctrines militaires étaient précisément ces officiers de
niveau intermédiaire : des soldats de carrière qui avaient combattu
pendant la Seconde Guerre mondiale, puis lors de l’insurrection malgache
en 1947, en Indochine ou dans d’autres zones de guerres coloniales
après 1945, avant d’arriver en Algérie.
En pleine guerre d’Algérie, ce débat a éclaté pendant les premières
années du conflit, alors que l’armée française peinait à progresser face
au FLN. À cela se sont ajoutés d’autres chocs
culturels entre les officiers indigènes ou des affaires algériennes,
qui incarnaient les traditions et la culture de l’Armée d’Afrique, et
les forces de frappe composées en grande partie de vétérans de
l’Indochine. Autant dire que l’ambiance au sein de l’armée était
tumultueuse et souvent conflictuelle.
Victoria Brittain : Chez les militaires, l’idée que le
communisme mondial était l’étincelle qui allumait le nationalisme
anticolonial en Afrique, comme cela avait été le cas, pensaient-ils, en
Indochine, était répandue. Pourquoi ?
Terrence Peterson : En 1956, un fort consensus
émerge de tous ces débats sur la doctrine et la stratégie. Les partisans
de ce courant de pensée, souvent appelé « doctrine de la guerre révolutionnaire »,
soutenaient que les guerres de décolonisation en Indochine et en
Algérie n’étaient pas seulement semblables en apparence, mais qu’elles
étaient littéralement liées, comme deux fronts d’un vaste assaut mondial
contre l’Occident mené par des communistes qui maîtrisaient les
techniques de la guerre idéologique et psychologique.
L’idée qu’une conspiration communiste puisse se cacher derrière tous
les soulèvements anticoloniaux n’était pas nouvelle : elle plongeait ses
racines dans les années 1920. Mais elle a redoublé de puissance au
milieu des années 1950, car les stratèges français voyaient bien que la
position hégémonique de la France était mise à mal par le bloc
sino-soviétique d’une part, et par le nouveau statut de superpuissance
mondiale de l’Amérique d’autre part. Des théoriciens de la guerre
révolutionnaire, comme le colonel Charles Lacheroy et le capitaine
Jacques Hogard, ont interprété les mouvements de libération
anticoloniaux comme une émanation de cet ordre géopolitique en mutation
rapide, plutôt que de considérer la volonté des peuples colonisés
eux-mêmes.
Ils voyaient comme apocalyptique la possibilité de l’effondrement de l’empire français :
cela signifiait non seulement la fin de la puissance mondiale de la
France, mais peut-être même la fin de la France, qui risquait d’être
engloutie par l’une des superpuissances montantes. Leur diagnostic était
erroné à bien des égards, mais il était important, parce qu’il faisait
de l’Algérie un problème existentiel : la France devait soit forger un
nouvel ordre capable de résister aux pressions d’un ordre mondial en
mutation, soit disparaître.
« Le FLN a flairé l’affaire presque immédiatement »
Victoria Brittain : Comment expliquer l’influence exercée sur l’armée par Jean Servier, jeune ethnographe quasi inconnu ? Son ambitieux article sur la fondation d’« un État colonial revigoré » grâce à de « nouvelles élites politiques » aurait pu facilement passer inaperçu...
Terrence Peterson : Jean Servier est un personnage
étrange, surtout parce qu’il n’est pas particulièrement créatif ou
talentueux et qu’il a pourtant exercé une forte influence sur la
stratégie française. Au premier jour de la guerre, le 1er novembre 1954,
il a brièvement attiré l’attention des médias en venant au secours de
civils, dans la ville d’Arris, contre les attaques du FLN.
Ethnographe de formation, il était spécialiste des langues berbères.
Mais son implication auprès du commandement militaire français est
obscure. Il a fait toutes sortes de petits boulots pour l’administration
coloniale et il est même apparu dans le cadre d’une calamiteuse
opération d’armement d’un contre-maquis pro-français en Kabylie en 1956.
L’historien Neil MacMaster a démontré de manière assez convaincante sa
collusion avec le colonel Goussault (le chef de la guerre psychologique)
dans la conception du plan de l’opération Pilote1 et dans son déploiement en dépit d’administrateurs coloniaux réticents.
Tout cela est probablement vrai. Mais je pense aussi que Servier
n’était qu’un bon arnaqueur : il a rencontré Goussault à Paris lors
d’une session de formation sur la guerre révolutionnaire et il a joué
divers rôles dans l’administration. En d’autres termes, il se déplaçait
beaucoup et savait ce que voulaient les commandants militaires et les
fonctionnaires coloniaux. Et ce qu’ils voulaient, début 1957, c’était un
moyen de mobiliser les Algériens eux-mêmes dans un effort de
reconstruction de l’ordre colonial. Il ne s’agissait pas nécessairement
d’une alternative à la violence mais d’un complément. Je pense que
Servier a joué un rôle aussi important parce que ses propositions
étaient parfaitement adaptées aux besoins des administrateurs coloniaux
et des commandants militaires. Et, bien sûr, dès qu’il n’a plus été
indispensable, ils l’ont exclu.
Victoria Brittain : Pouvez-vous expliquer le déroulement des opérations Pilote et Orléansville, leur planification et leur échec ?
Terrence Peterson : L’opération Pilote, opération test lancée au début de l’année 1957, s’inspire largement des actions du FLN.
L’idée de base était que l’armée française pouvait créer une
organisation politique clandestine, populaire et pro-française, en
cooptant les djemâa, les assemblées coutumières qui régissaient la vie
rurale algérienne. Il s’agissait de reconstruire l’État colonial à
partir de la base. Les principaux agents de cette action telle que
Servier et les chefs militaires français l’envisageaient devaient être
des agents secrets recrutés localement, formés par le bureau d’action
psychologique, puis réintégrés clandestinement dans les campagnes.
L’armée a cherché à étendre cette action en ciblant les femmes avec des
équipes de protection sociale itinérantes et en recrutant des hommes
dans les milices locales d’autodéfense.
Cela ressemblait un peu à la manière dont le FLN et même le Viêt Minh avaient cherché à créer des « contre-États »
révolutionnaires en face de l’ordre colonial, et Servier et ses
homologues militaires étaient convaincus que ce système leur permettrait
de prendre le contrôle de la société rurale algérienne.
Mais l’opération se heurte d’emblée aux réalités de la société
rurale, que ni Servier ni les officiers du bureau d’action psychologique
ne comprennent vraiment. Ils ont du mal à recruter des agents ;
les hommes qu’ils recrutent n’ont pas les compétences nécessaires pour
mener à bien leur mission et ils restent, à juste titre, assez méfiants
sur les intentions de l’armée. Les djemâas s’appuyaient sur la recherche
du consensus et sur des relations inter-familiales anciennes, de sorte
que la cooptation envisagée par les officiers n’a jamais été possible.
Et, bien sûr, le FLN a flairé l’affaire
presque immédiatement et a commencé à assassiner ou à kidnapper les
agents infiltrés. En fin de compte, ce projet de création d’une
infrastructure politique à la base ne s’est jamais concrétisé.
« Leurs hypothèses étaient fausses »
Victoria Brittain : Alors pourquoi, en 1957, les généraux
Raoul Salan et Jacques Allard ont-ils décidé la poursuite du programme
Pilote ? Croyaient-ils que l’échec n’était dû qu’à une mauvaise organisation et que l’Algérie nouvelle était le seul avenir possible ?
Pensez-vous que les chefs de l’armée étaient si éloignés des réalités
algériennes sur le terrain qu’ils ne comprenaient ni la société, ni le FLN, ni les colons français ?
Terrence Peterson : Je pense qu’il s’agit de tout
cela. La conception de l’opération Pilote a démontré à quel point les
chefs militaires comprenaient mal la société algérienne, ce qu’on a vu
aussi à travers d’autres opérations, comme la maladroite campagne de
propagande visant à encourager les pieds-noirs à « se faire un ami musulman »,
qui n’a suscité que des courriers haineux. Le haut commandement – les
généraux Salan et Allard – se trouvait à Alger, loin du terrain, et ne
pouvait pas constater l’échec de ses propres yeux. Le ton des rapports
avait tendance à devenir plus optimiste au fur et à mesure qu’ils
remontaient la chaîne de commandement, et je pense que les chefs
militaires avaient un orgueil démesuré, persuadés que leurs méthodes
allaient forcément fonctionner avec le temps, précisément parce qu’ils
avaient une vision superficielle de la société algérienne et des griefs à
l’origine du soutien au FLN.
Pendant des années, l’armée s’est efforcée d’élaborer une doctrine opérationnelle en réponse au FLN,
et Salan tenait enfin quelque chose qui correspondait à ses préférences
idéologiques. Je pense que l’autre facteur puissant qui a conduit Salan
et les autres à ne pas voir les échecs de Pilote, ce sont les querelles
intestines. Les officiers de l’armée française se sont montrés tout
aussi réticents que les Algériens à adopter les tactiques et les
techniques du bureau d’action psychologique, et il était plus facile
pour Salan et le reste du haut commandement de les blâmer que d’admettre
que leurs hypothèses de base sur la société rurale algérienne étaient
fausses.
Victoria Brittain : L’initiative « Engagement »2 auprès des femmes et des jeunes a-t-elle eu plus de succès ?
Terrence Peterson : Si les efforts visant à prendre
secrètement le contrôle des assemblées coutumières ont échoué, Pilote et
les opérations ultérieures ont semblé prospérer davantage dans leurs
tentatives d’implication des femmes et des jeunes. Les fonctionnaires
coloniaux français voyaient dans ces deux groupes des leviers potentiels
pour transformer la société algérienne selon les principes français, et
ils ont donc créé une série de programmes, par exemple des équipes
itinérantes de médecins et de travailleurs sociaux ciblant les femmes
rurales ou des clubs sportifs pour les enfants et les jeunes adultes.
Leur objectif était à peu près le même que celui du réseau d’agents
politiques imaginé dans le cadre de l’opération Pilote : collecter du
renseignement, diffuser de la propagande et cultiver une élite locale
pro-française. La principale différence était que les Algériens
interagissaient réellement avec ces programmes et l’armée en a donc fait
le cœur de sa stratégie de pacification.
En même temps, il faut être très critique sur l’interprétation de
cette apparente adhésion. Pour les officiers français, cette
participation était un indicateur de succès. Mais les Algériens, eux,
s’engageaient sur une base profondément stratégique et subversive.
L’offre de soins médicaux, par exemple, était rare et les femmes
semblaient heureuses de se rendre avec leurs enfants auprès des médecins
itinérants, sans tenir compte de la propagande qui accompagnait ces
visites. Elles renvoyaient aussi à leurs stéréotypes le personnel
militaire, prétendant ne rien savoir des mouvements ou de la présence du
FLN lorsqu’on les interrogeait, sous prétexte
qu’elles étaient des femmes opprimées et cloîtrées (ce qui était
rarement le cas). La guerre a été la source de profondes difficultés
pour les Algériens : pas seulement les pénuries alimentaires ou
l’effondrement des économies locales, mais aussi, pour de très
nombreuses communautés rurales, le déplacement forcé dans des camps.
Dans cette situation, les Algériens n’avaient pas d’autre option que
l’armée pour accéder à de maigres services vitaux.
Sans surprise, les archives rapportent un point de vue presque
entièrement français sur la guerre, mais malgré cela, on y décèle une
hostilité croissante des Algériens engagés dans ces programmes. Et
lorsqu’une vague de protestation populaire a déferlé sur les villes
algériennes en décembre 1960, les commandants militaires français ont
été choqués de constater que les manifestants étaient issus des groupes
démographiques et des communautés qu’ils avaient ciblés pour ces
programmes.
« Être harki était un moyen d’accéder à un salaire »
Victoria Brittain : Quelle a été la contribution des 56 000 harkis recrutés et l’impact sur leur société ?
Terrence Peterson : C’est une grande question, et
des historiens comme François-Xavier Hautreux lui ont rendu justice bien
mieux que moi. Pour répondre rapidement, je dirais que les Algériens
ont rejoint les harkis et d’autres groupes d’autodéfense pour toutes
sortes de raisons compliquées, la loyauté idéologique envers l’État
colonial n’ayant vraisemblablement motivé qu’une petite minorité d’entre
eux.
La guerre a provoqué une misère et un chômage massifs, et
l’enrôlement comme harki était souvent un moyen d’accéder à un salaire
ou à des allocations familiales. Parfois, cela s’inscrivait dans des
rivalités intercommunautaires ou la volonté de défendre sa communauté
contre des intrusions extérieures. De nombreux commandants de l’Armée de
libération nationale (ALN) ont raconté
comment l’enrôlement de leurs forces dans une harka, ou groupe
d’autodéfense, leur permettait d’obtenir du gouvernement français les
laissez-passer dont ils avaient besoin pour se déplacer librement.
Pendant la plus grande partie de la guerre, les communautés des
campagnes algériennes étaient tiraillées non seulement entre l’armée
française et le FLN mais aussi, souvent, entre
des hommes forts courtisés localement par les deux camps. Pour les
Algériens des campagnes, les choix étaient difficiles.
L’armée française s’est également efforcée de mobiliser le plus grand
nombre possible d’Algériens armés et civils dans la lutte contre le FLN.
Cela est devenu un pilier central de la stratégie française vers le
milieu de la guerre conduisant à l’engagement de nombreux Algériens sous
le drapeau français, soit dans des rôles de défense locale, soit dans
des opérations offensives de combat, comme ce fut le cas pour de
nombreux harkis. Inévitablement, cela a nourri le ressentiment et la
suspicion au sein de la société algérienne et contribué aux violentes
représailles et purges de la fin de la guerre. Les chiffres définitifs
sont difficiles à établir, mais il est clair que des milliers
d’Algériens, y compris des harkis perçus comme trop proches de l’État
colonial, ont perdu la vie, et que des dizaines de milliers d’autres ont
fui vers la France.
Victoria Brittain : À partir de l’automne 1961, alors que le
processus de pacification était bien engagé, jusqu’à son abandon en
janvier 1962, des décisions contradictoires sont prises par les
commandants locaux de l’armée. Pourquoi ?
Terrence Peterson : En avril 1961, les généraux
Raoul Salan et Maurice Challe et un groupe d’autres conspirateurs
tentent de faire un putsch à partir d’Alger pour empêcher le président
Charles de Gaulle de négocier l’indépendance de l’Algérie. Le coup
d’État échoue et, soudain, la pacification passe de mode : après tout,
Salan et Challe sont deux des plus éminents partisans de cette
stratégie. L’armée se repositionne autour de l’annonce d’un projet « humanitaire »
destiné à préparer l’Algérie à l’indépendance mais, faute de cadre
opérationnel alternatif à la pacification, beaucoup de commandants
locaux continuent la même politique, jusqu’à ce que l’armée démobilise
le personnel qui dirigeait les programmes de pacification sur le
terrain.
Comme je l’affirme, il s’agit d’une partie importante de l’histoire.
D’une part, cela a permis à l’armée française de blanchir sa campagne en
Algérie en la présentant comme un projet de modernisation, de
démocratisation et d’édification de la nation. D’autre part, avec le
putsch et ses conséquences, les officiers ont pu prétendre que la
pacification avait fonctionné jusqu’à ce que l’intrusion de la politique
la fasse avorter. Ces deux mythes ont contribué à occulter la violence
et les échecs de la pacification et permis à ces pratiques de perdurer
après la guerre. L’une des toutes dernières choses que l’armée a faites
en janvier 1962 a été l’organisation d’une ultime tournée de propagande
de huit jours à l’intention des attachés militaires de vingt-trois pays
amis, pour leur montrer les prétendues réalisations de l’armée en
Algérie.
« L’armée française a formé des officiers portugais, espagnols... »
David Galula, auteur de Contre-Insurrection. Théorie et pratique (1939).
Victoria Brittain : Le plus étonnant, c’est que cette
expérience militaire française a connu une grande postérité dans les
programmes de pacification ultérieurs : ceux des militaires espagnols et
portugais en Afrique contre les mouvements d’indépendance, des
États-Uniens au Vietnam, du général états-unien David Petraeus en Irak
et même dans les mésaventures postcoloniales de la France en Afrique de
l’Ouest. Comment Paul Aussaresses, Roger Trinquier et David Galula ont réussi ce tour de force ? Ont-ils séduit les institutions militaires et universitaires américaines par leur charisme ? Ou faut-il y voir une volonté française de réécrire ce que beaucoup voyaient déjà comme un désastre national ?
Terrence Peterson : Je pense que la pérennité de la
doctrine française de contre-insurrection est le fruit d’une campagne
organisée de l’armée française pour cultiver son influence. Aujourd’hui
encore, on parle de Galula et (dans une moindre mesure) de Trinquier
comme de penseurs novateurs et transformateurs et, à bien des égards,
cela revient à adhérer aux mythes qu’ils ont forgés. En réalité, l’armée
française a déployé de très grands efforts pour cultiver des affinités
et de l’influence auprès d’armées amies. À partir des années 1920, elle a
formé à l’École de guerre à Paris de nombreux officiers étrangers de
haut rang pour susciter une adhésion à la pensée stratégique française.
Pendant toute la guerre d’Algérie, elle s’est associée à des armées
étrangères pour former des officiers à l’école militaire d’Arzew, près
d’Oran. En 1957, et surtout en 1959, l’armée française a formé en
Algérie des dizaines d’officiers portugais, espagnols, états-uniens,
argentins et autres, dans le but de les rallier à la cause française.
Ces efforts ont porté leurs fruits car ils ont été déployés au moment où la « pacification »
semblait le mieux réussir, ce qui a permis aux Français, bien que la
guerre se soit achevée par un désastre, de revendiquer une place dans le
champ émergent de la contre-insurrection de la guerre froide. Ils n’ont
rien proposé de radicalement nouveau ou créatif par rapport à d’autres
pays, comme la Grande-Bretagne, qui mettait au point des approches
similaires à la même époque. Mais les officiers français ont su capter
l’esprit du temps dans leur doctrine et s’en servir pour vendre avec
succès leur méthode à l’étranger. En fait, ils ont créé un public, ce
qui a facilité la tâche d’anciens militaires entreprenants, comme Galula
et Trinquier, qui ont commercialisé leur propre version de ces idées
quelques années plus tard.
Ce qu’il faut surtout retenir à la lecture de David Galula, c’est
qu’il ne fait que proposer une version réchauffée d’une doctrine qui a
échoué, revisitée pour séduire les sensibilités états-uniennes. Avec
Galula, comme avec la pacification en général, il faut rester
extrêmement critique par rapport aux récits des officiers français sur
ce qu’ils faisaient et la manière dont les Algériens y réagissaient.