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mardi 17 décembre 2024

Laboratoires d’influence : les think tanks sont-ils des lobbys comme les autres ?

 SOURCE: https://multinationales.org/fr/enquetes/think-tanks-laboratoires-d-influence/

Les think tanks sont devenus des acteurs majeurs du débat politique, mais leurs liens privilégiés avec le monde des affaires et l’absence d’une régulation adéquate contre les abus en font aussi des véhicules de lobbying particulièrement commodes. Nouveau rapport de l’Observatoire des multinationales.

Publié le 9 mai 2023

Notre rapport Think tanks : laboratoires d’influence montre que derrière l’apparence d’un « marché des idées » égalitaire et ouvert à tou·te·s, le monde des think tanks est profondément biaisé en faveur des acteurs disposant des moyens financiers les plus conséquents, à savoir les grandes entreprises. Cela vaut même pour des think tanks historiquement ancrés à gauche. Le rôle des thinks tanks s’est renforcé à mesure que les gouvernements réduisaient les crédits à la recherche publique et menaient des politiques de réduction du nombre des fonctionnaires, privant les administrations des compétences internes nécessaires pour mener leurs missions.

Les politiques de financement et de recrutement des think tanks et les liens privilégiés noués aussi bien avec les grands groupes qu’avec les responsables politiques en font des viviers de conflits d’intérêts. Les liens d’intérêts sont rarement explicités comme tels alors que les personnalités de think tanks sont cesse appelées à s’exprimer dans les médias ou dans des événements publics.

Pour les entreprises, les think tanks sont un outil de lobbying très spécifique qui permet d’influencer indirectement ou directement les décideurs principalement à travers le cadrage et le filtrage du débat public et médiatique : quels sujets seront débattus et feront la une des médias, sur quelles données on se basera, quelles questions seront posées, quelles options seront envisagées et lesquelles ne le seront pas... Cette influence est d’autant plus efficace qu’elle se cache derrière une apparence d’objectivité intellectuelle et de recherche de l’intérêt général.

Les think tanks, à travers les événements publics ou privés qu’ils organisent et directement à travers la composition de leurs organes de gouvernance, sont aussi des lieux d’entre-soi entre dirigeants publics et privés, ces derniers bénéficiant ainsi d’un accès privilégié aux décideurs·ses.

Pour toutes ces raisons, il semblerait normal que les think tanks soient soumis aux mêmes règles de transparence et de déontologie que la plupart des autres acteurs du lobbying et des structures d’expertise jouant un rôle dans les décisions publiques. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. La plupart des think tanks ne sont pas inscrits dans les registres de transparence du lobbying français et européens, et il n’y a pas d’obligations de transparence ni sur les liens financiers entre entreprises et think tanks, ni sur les liens d’intérêts des « expert·e·s » que ces derniers mobilisent.

La cerise sur le gâteau est qu’une grande partie du travail d’influence effectué par les think tanks est financé directement ou indirectement par le contribuable, à travers des subventions publiques ou à travers le crédit d’impôt mécénat qui permet aux entreprises de récupérer 60 % des dons qu’elles leur versent.

Avec l’aide des États-Unis, Israël exporte des instruments d’oppression à l’étranger et les teste contre les Palestiniens

 SOURCE: https://www.les-crises.fr/avec-l-aide-des-etats-unis-israel-exporte-des-instruments-d-oppression-a-l-etranger-et-les-teste-contre-les-palestiniens/


Entre 2018 et 2022, Israël s’est targué d’avoir le deuxième plus important budget militaire au monde par habitant, augmentant ses dépenses de 24 % en 2023. Le ministère de la Défense souligne que le secteur de la sécurité joue « un rôle monumental » dans l’économie, stimulant l’innovation industrielle et représentant environ 10 % des exportations nationales. Alors que Gaza brûle, les fabricants d’armes font état d’une « demande croissante » d’armes israéliennes « dans le monde entier ».

Source : Truthout, Ciudong Ng
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Un Palestinien dans une rue détruite par des bulldozers lors d’un raid israélien dans la ville de Jénine en Cisjordanie occupée, Palestine, le 1er septembre 2024. RONALDO SCHEMIDT / AFP via Getty Images

Alors qu’Israël renforce son blocus, les réserves médicales s’épuisent dans la bande de Gaza et les médecins sont confrontés à des patients souffrant de blessures inimaginables.

Le médecin orthopédiste Hani Bseso a opéré la jambe de sa nièce Ahed, après qu’un obus a traversé leur maison. Saignant abondamment, Ahed est restée dans un état d’hébétude atroce, tandis que ses proches la transportaient au rez-de-chaussée. Il était impossible de se rendre à l’hôpital. Bseso l’a donc amputée de la jambe sur la table de la cuisine où sa mère avait fait le pain le matin même.

Alors que le système de santé de Gaza implose, épidémies et famine se répandent comme une traînée de poudre. Après 25 ans, la polio y est revenue et les opérations israéliennes obligent les patients à évacuer l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, l’un des derniers établissements médicaux encore fonctionnel. Ailleurs, l’odeur des ordures non ramassées flotte dans l’air, et l’eau des égouts éventrés forme des mares qui reflètent la ligne d’horizon en train de se transformer en décombres. Cet été, des experts des Nations unies sont arrivés à la conclusion que la « campagne de famine intentionnelle et ciblée » menée par Israël était « une forme de violence génocidaire ». Seules les bombes et les balles pénètrent en abondance dans Gaza.

Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence. Entre 2018 et 2022, Israël s’est targué d’avoir le deuxième plus important budget militaire au monde par habitant, augmentant ses dépenses de 24 % en 2023. Le ministère de la défense souligne que le secteur de la sécurité joue « un rôle monumental » dans l’économie, stimulant l’innovation industrielle et représentant environ 10 % des exportations nationales. Alors que Gaza brûle, les fabricants d’armes font état d’une « demande croissante » d’armes israéliennes « dans le monde entier ».

Concernant la guerre, Israël a adopté un modèle de militarisme bien ancré. Au cours des 50 dernières années, les dirigeants israéliens ont exploité les territoires occupés et l’assistance technique des États-Unis pour construire un imposant complexe militaro-industriel. Les victimes palestiniennes comme Ahed font partie de ce vaste mécanisme, dans la mesure où Israël exporte les technologies violentes et l’expertise qu’il perfectionne à Gaza vers des pays du monde entier.

Exportation de l’occupation

Pendant la guerre froide, grâce à la coopération militaire et technique des États-Unis, Israël est devenu le plus grand exportateur d’armes par habitant. Aux prises avec leur dette extérieure, les dirigeants israéliens ont encouragé les ventes d’armes afin d’atténuer les déséquilibres budgétaires et financer le développement industriel. Le secteur de la défense est devenu le fondement de l’économie, et les territoires occupés ont servi de laboratoire d’expérimentation à des fins meurtrières. « Aujourd’hui, on peut dire qu’aucun pays au monde n’est aussi dépendant des ventes d’armes qu’Israël », concluait le politologue Bishara Bahbah en 1986.

Les dictateurs d’Amérique latine, notamment le général Augusto Pinochet, sont devenus des clients enthousiastes. Après la guerre d’octobre 1973, des entreprises israéliennes ont envoyé des publicités à sa junte, et l’ambassade chilienne à Tel Aviv a rédigé des rapports sur les performances de leurs armes. Selon ces officiers, Israël était un modèle, laissant entendre que le régime militaire garantissait des « conditions de tranquillité » en Palestine. Au final, les dirigeants israéliens ont aidé le général Pinochet à développer l’industrie aérospatiale chilienne, allant jusqu’à transférer la technologie nécessaire à la production de bombes à fragmentation.

De plus en plus, les responsables américains ont encouragé Israël à étouffer les mouvements de gauche en armant des régimes autoritaires alignés sur Washington. Face à la législation sur les droits humains, le président Jimmy Carter et ses successeurs ont esquivé les restrictions imposées au pouvoir national en confiant la répression aux dirigeants israéliens. « Israël est l’entrepreneur du sale boulot », a déclaré le général Mattityahu Peled. « Israël agit en tant que complice et bras armé des États-Unis. »

En Amérique centrale, cette réalité s’est révélée de manière brutale. Avant sa chute en juillet 1979, le président nicaraguayen Anastasio Somoza Debayle s’est appuyé sur les livraisons d’armes israéliennes pour réprimer une révolution populaire. « Les rues de Managua ressemblent à celles de Jérusalem, observe El País. Le matériel israélien est omniprésent. Les Nicaraguayens ont affirmé que les forces de Somoza étaient « génocidaires » parce qu’elles rasaient des villages, massacraient des familles entières et violaient les femmes devant leurs maris.

Leurs fusils d’assaut Galil, de fabrication israélienne, sont devenus des symboles d’oppression. Lors de la libération de Managua, les rebelles sandinistes ont confisqué les armes, avant de vider les munitions en longues salves – comme si le pays était purgé du passé à chaque rafale. Craignant la propagation de la révolution, la CIA a alors encouragé les dirigeants israéliens à armer ce qui restait du régime Somoza, tout en isolant le gouvernement progressiste sandiniste. Tout au long des années 1980, Israël est resté un acteur majeur dans la région, fournissant des armes aux Contras nicaraguayens et exacerbant une guerre civile qui a fait 30 000 morts.

Mais c’est au Guatemala que l’empreinte israélienne a été la plus forte, le général Efraín Ríos Montt affirmant que son coup d’État de 1982 avait réussi en partie « parce que beaucoup de nos soldats avaient été entraînés par des Israéliens ». Au cours de l’année suivante, Ríos Montt a intensifié une guerre génocidaire contre les communautés indigènes, laquelle a fait plus de 200 000 victimes. Les officiers se sont inspirés de la stratégie israélienne pour poursuivre la « palestinisation » des zones rurales. À Dos Erres, les forces guatémaltèques ont arrosé les villageois de balles tirées par des fusils Galil, avant de fendre le crâne des survivants à l’aide de masses.

Les journalistes Andrew et Leslie Cockburn ont relevé que les dirigeants israéliens exprimaient peu de réticences quant aux ventes d’armes. « Je me fiche de ce que les Gentils font avec les armes », leur a répondu le lieutenant-colonel Amatzia Shuali en se moquant d’eux. « L’essentiel, c’est que les entreprises israéliennes « en profitent. »

Quand on en est arrivé à la fin de la guerre froide, l’aide financière et militaire des États-Unis avait permis à Israël de développer une formidable industrie d’armement. Dans son étude de référence, Bahbah a souligné qu’à certains moments, 40 % de la main-d’œuvre industrielle du pays travaillait dans le secteur de la défense, et que les exportations d’armes constituaient une source majeure de devises étrangères. La production d’armes a accéléré la dérive militariste, transformant l’occupation de la Palestine en une entreprise économiquement viable et lucrative. En somme, les dirigeants israéliens ont financé l’agression contre les Palestiniens en spoliant d’autres gens en Amérique latine et ailleurs.

Le choix de la terreur

Avec l’implosion de l’Union soviétique, Israël a redéfini le discours dominant justifiant son occupation militaire. Pendant des décennies, les officiers israéliens avaient prétendu que les combattants palestiniens et leurs alliés socialistes – comme les Sandinistes – étaient des « terroristes » en quête de vengeance, faisant fi de leurs griefs politiques et de leurs idéaux. Or, les dirigeants sionistes affirment aujourd’hui que le « terrorisme » constitue la plus grande menace pour la paix mondiale, tout en détournant ce terme élastiquepour diaboliser l’ensemble de la résistance palestinienne. En 1988, des officiers israéliens ont distribué des matraques, ordonnant aux troupes de briser les os des manifestants, qualifiant les manifestations populaires de terrorisme. En l’espace de deux ans, l’organisation à but non lucratif Save the Children, dont le siège est à Londres, a calculé que plus de 23 600 enfants palestiniens avaient dû recevoir des soins médicaux pour avoir été tabassés. Près d’un tiers des victimes avaient 10 ans ou moins.

C’est à ce moment-là que Benjamin Netanyahou s’est imposé comme un pyromane conservateur et un expert autoproclamé de la terreur mondiale, tout en dirigeant le Likoud. Auparavant, il avait fondé l’Institut Jonathan pour convaincre les décideurs politiques occidentaux que le « terrorisme international » constituait une menace existentielle pour la démocratie moderne, tout en qualifiant la résistance palestinienne de diabolique, irrationnelle et antisémite. Son programme politique mettait à l’honneur l’expansion coloniale et la force brute.

En octobre 1995, Netanyahou a condamné le Premier ministre Yitzhak Rabin pour avoir négocié les accords d’Oslo, suscitant des protestations virulentes et apparaissant lors d’un rassemblement avec une effigie de Rabin en uniforme SS nazi. Un mois plus tard, un tireur d’extrême droite assassinait le premier ministre.

Après les attentats du 11 septembre, Netanyahou et d’autres dirigeants israéliens ont mis à profit leur expertise en matière de contre-insurrection pour renforcer les relations avec Washington et donner forme à la « guerre mondiale contre le terrorisme ». De manière tout à fait opportune, de nombreux partisans de l’invasion de l’Irak étaient des sionistes purs et durs. Le vice-président Dick Cheney a été membre du conseil d’administration de l’Institut juif américain pour la sécurité nationale, lequel encourage les ventes d’armes à Israël. Auparavant, Dick Perlel, conseiller à la défense, était le porte parole des fabricants d’armes israéliens, et Douglas Feith, sous-secrétaire à la défense pour la politique était un conseiller de Netanyahou. Le Jerusalem Post a souligné que Paul Wolfowitz, l’un des principaux architectes de la guerre, était un « fervent pro-israélien » et l’a proclamé « homme de l’année » quelques mois après l’invasion.

Les responsables israéliens espéraient que l’intervention américaine renverserait les régimes hostiles et anéantirait les rêves d’autonomie des Palestiniens. À la veille de l’invasion de l’Irak, le quotidien Haaretz annonçait : « Les dirigeants militaires et politiques israéliens aspirent à la guerre. » Netanyahou lui-même a publié « The Case for Toppling Saddam » dans le Wall Street Journal (Plaidoyer pour le renversement de Saddam), reprenant les fausses affirmations sur l’existence d’un arsenal nucléaire irakien.

Alors que la guerre contre le terrorisme prenait de l’ampleur, les officiers américains et israéliens ont partagé des tactiques de contre-insurrection, tout en se côtoyant dans le désert du Néguev. « Des délégations militaires américaines de haut rang sont venues […] pour apprendre de l’expérience israélienne en matière de chasse aux terroristes dans la bande de Gaza », rapportent des experts en matière de défense. L’aide étrangère et les besoins en matière de services de sécurité ont également favorisé une sorte de start up du colonialisme, les vétérans israéliens ont en effet créé des entreprises telles que NSO Group et Smart Shooter, qui développent les plus récents logiciels espions et systèmes de visée des armes à feu – profitant de l’occupation pour mettre au point de nouvelles technologies de contrôle social.

L’ambassade des États-Unis a discrètement reconnu que le fait que le pays soit sur un pied de guerre a favorisé sa croissance économique. « Les programmes en matière de formation militaire d’Israël témoignent parfaitement du niveau d’investissement du gouvernement » se félicite l’ambassadeur James Cunningham. Les élèves ingénieurs de l’armée israélienne ont mis au point de « meilleurs systèmes de guidage des missiles », des « drones » et autres innovations létales. « À l’issue de leur service militaire, explique-t-il, les diplômés ont été instantanément recrutés par des entreprises technologiques » telles qu’Elbit Systems et Gilat Satellite Networks.

Les responsables américains ont présenté Israël comme un paradis pour les start-up, tout en excluant les victimes palestiniennes de son économie militarisée. En 2007, les diplomates américains ont exclu les dirigeants du Hamas des pourparlers de paix d’Annapolis, bien qu’ils aient reconnu sa « victoire aux élections locales de Gaza ». Après avoir passé au crible les délégués palestiniens, la secrétaire d’État Condoleezza Rice leur a carrément dit d’oublier le nettoyage ethnique des Palestiniens (la « Nakba ») qui avait eu lieu lors de la création d’Israël en 1948. « Des choses désagréables arrivent tout le temps à des gens partout dans le monde, les a admonestés Mme Rice. Vous devez vous tourner vers l’avenir ».

Au final, la guerre contre le terrorisme a légitimé la flambée de l’aide militaire et de la coopération tout en offrant un cadre idéologique qui a discrédité la dissidence palestinienne dès le départ. Pour les décideurs politiques, le concept de « terrorisme » a permis une inversion des vérités gênantes : la résistance des faibles est devenue « violence irrationnelle » et les revendications coloniales « autodéfense ». Riche de l’aide étrangère, l’économie israélienne s’est militarisée plus encore. Le « processus de paix » est devenu un outil d’agression, les États-Unis servant d’« avocat d’Israël », selon un négociateur américain.

Expérimentation de l’Armageddon

Alors que les négociations s’enlisaient, les représentants des gouvernements et des entreprises continuaient de miser sur « les avantages comparés » d’une guerre sans fin. Prétextant les attaques à la roquette du Hamas, Israël a lancé l’opération « Plomb durci » en décembre 2008, décrivant la bande de Gaza comme un « nid de terroristes ». Cette dernière est devenue un véritable laboratoire en matière d’armement, où les quartiers ont été réduits en ruines et où des colonnes de fumée épaisses envahissaient l’horizon. Les forces d’invasion y ont présenté de nouveaux équipements tels que le char Merkava IV et le fusil d’assaut Tavor TAR-21, et auraient testé l’explosif à métal dense et inerte, une arme expérimentale mise au point par l’armée de l’air américaine.

« Des maisons, des écoles, des centres médicaux et des bâtiments de l’ONU – autant de structures destinées aux civils – ont été directement touchés par l’artillerie israélienne », a souligné Amnesty International. Les soldats ont utilisé des « munitions de précision » jusque dans des chambres d’enfants. Des éléments de preuve indiquent également qu’ils ont testé « un nouveau type de missile » contre des civils, tuant des élèves qui attendaient un bus scolaire et une famille entière dans sa maison. Ils ont même bombardé des bâtiments de l’ONU avec du phosphore blanc. Des experts en droits humains ont trouvé des obus fabriqués à Pine Bluff, dans l’Arkansas, encore fumants trois semaines après le cessez-le-feu.

Et pourtant, la politique américaine a continué de se rallier à celle d’Israël. Quelques jours après le début de l’offensive, le Pentagone a prévu d’envoyer aux forces israéliennes des explosifs à hauteur de 500 0000 kilos, dont des bombes au phosphore blanc.

L’opération « Plomb durci » a peaufiné un schéma historiquement classique, Gaza servant de banc d’essai pour les armes israéliennes et américaines, tandis que les responsables américains justifiaient les opérations en parlant de « terroristes » anonymes.

Mais bien souvent les incursions violentes d’Israël n’étaient pas provoquées. En mars 2018, les Palestiniens ont organisé la Grande Marche du retour, un mouvement pacifique réclamant des droits politiques et civils. Les officiers israéliens ont répondu par une pluie de gaz lacrymogènes et de balles – tuant 214 civils et blessant plus de 36 100 autres. Le chef d’état-major Gadi Eisenkot a admis avoir autorisé les « tirs à balles réelles », expliquant : « Les ordres sont d’utiliser une force maximale. »

Des professionnels de la santé ont affirmé que des soldats avaient testé sur des manifestants des « balles papillon », armes illégales, qui ont pulvérisé des organes et contraint les médecins à amputer des membres. Al Jazeera a également rapporté que les forces israéliennes « ont expérimenté des méthodes de contrôle des foules », en utilisant des drones pour asperger des gaz lacrymogènes et des nuages chimiques qui ont amené les manifestants à « se débattre violemment » sur le sol.

Plutôt que de geler l’aide, l’administration Trump a fêté l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem, alors qu’Israël massacrait 58 Palestiniens. Les applaudissements de satisfaction n’ont fait que renforcer le cycle de l’impunité et de la victimisation. L’année suivante, les forces israéliennes ont intentionnellement rasé le Syndicat général des Palestiniens handicapés, éliminant ainsi tout service de santé destiné aux personnes amputées.

Développer sa propre marque

À l’étranger, les offensives militaires sont restées des arguments de vente. Ironie du sort, les États arabes sont devenus les principaux clients. À la suite du printemps arabe, une relation symbiotique s’est instaurée : les États du Golfe ont importé des technologies de sécurité pour écraser la dissidence, et les entreprises israéliennes ont eu accès au plus grand marché d’exportation d’armes au monde. Verint Systems a expédié du matériel de surveillance à Bahreïn et le groupe NSO a vendu le logiciel espion Pegasus à l’Arabie saoudite, aidant ainsi les autorités à réprimer les militants des droits humains. En 2023, Elbit Systems a lancé des projets d’usines au Maroc, tandis que des drones israéliens sillonnaient le Sahara occidental et frappaient des civils sahraouis.

Le président Donald Trump a entériné ce changement en négociant les accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations entre Israël, le Bahreïn et les Émirats arabes unis en septembre 2020. En l’espace de deux ans, les États arabes ont absorbé près de 25 % des exportations militaires israéliennes.

L’Union européenne aussi a fait appel à l’expertise israélienne relative aux questions de violence, tout en important du matériel de sécurité pour réprimer l’immigration. Dès 2017, les institutions israéliennes recevaient chaque année 170 millions d’euros de fonds de recherche de l’UE. En 2021, Israël a rejoint l’initiative Horizon Europe, ce qui a poussé le ministre des affaires étrangères, Yair Lapid, à proclamer que son pays était « un acteur central du plus grand et plus important programme [de recherche et développement] au monde ». Horizon finance le développement de technologies de surveillance et de renseignement, de techniques d’interrogatoire et d’autres projets à caractère clairement militaire. Les entreprises de défense Thales, Safran et MBDA ont établi des accords de partenariat avec des sociétés israéliennes pour fabriquer des armes, en particulier des drones. Les experts militaires israéliens Yaakov Katz et Amir Bohbot soulignent : « La bande de Gaza est l’épicentre de la révolution israélienne en matière de drones. »

Fidèle à une tradition historique, Israël s’est assuré des clients en refusant de respecter les droits humains ou les embargos sur les armes. Katz et Bohbot estiment que « ne pas imposer de conditions aux ventes d’armes » est « un principe clé », qui permet à une entreprise de devenir « un acteur dominant sur les marchés ». Plus de dix ans après Plomb durci, Gaza est resté le théâtre dévasté d’un laboratoire en matière d’armement. L’occupation militaire israélienne n’a pas seulement été une catastrophe humaine, elle a aussi constitué un produit d’exportation national : une marque à promouvoir.

Cumul par extermination

Le conflit en lui-même était pourtant le reflet d’une contradiction irrémédiable : Les armes israéliennes promettaient une domination totale, mais rendaient la résistance inévitable. Dès 2018, l’ONU a averti que le siège imposé par Israël faisait de Gaza une zone « invivable ». L’ambassade des États-Unis a confié que les forces d’occupation empêchaient parfois même l’entrée de « jouets d’enfants et de « fournitures scolaires ». Pour mettre à mal le statu quo, des combattants palestiniens ont attaqué Israël en octobre dernier, franchissant des frontières ceinturées de murs anti-explosion et d’équipements de surveillance de pointe, capturant plus de 240 personnes et portant un coup dur à l’image d’invincibilité du pays.

Leur opération a déclenché une réaction violente, le Premier ministre Netanyahou exploitant alors la guerre pour faire étalage des prouesses technologiques de son pays. Quelques jours après le début des combats, un porte-parole militaire a annoncé les débuts au combat du mortier « Iron Sting », tandis que la presse locale enregistrait de « fortes hausses du cours des actions » des fabricants d’armes et vantait les mérites du nouveau char Barak qui « fait ses preuves à Gaza »

Les dirigeants israéliens affirment avant tout que leurs technologies de pointe en matière d’intelligence artificielle permettent d’effectuer des frappes précises et humainement adaptées. Mais en privé, les officiers de renseignement nient que les Forces de défense israéliennes (FDI) fassent preuve de retenue. « Au contraire, les FDI bombardaient sans hésitation les maisons des combattants », se souvient l’un d’entre eux. « Il est beaucoup plus facile de bombarder la maison d’une famille. » Un autre officier admet que « nous avons bombardé uniquement pour la ‘dissuasion’» – en abattant des gratte-ciel « juste pour détruire ».

Les enquêteurs de l’ONU en sont arrivés à la conclusion que les dirigeants israéliens ont cherché à « exterminer » les Palestiniens, « en rasant des blocs résidentiels et des quartiers entiers », tout en obligeant plus de 1,7 million de victimes à quitter leur foyer. Les autorités décrivent des soldats abattant des réfugiés arborant des drapeaux, « saccageant les maisons » et utilisant « la famine comme arme de guerre ».

Leur violence est délibérément gratuite : en juillet dernier, Israël a frappé quatre écoles en quatre jours, envoyant des réfugiés voltiger dans les airs au milieu d’un déluge d’éclats d’obus et de feu. Au milieu des bombardements incessants, Human Rights Watch a récemment publié une étude démontrant que les soldats israéliens torturent systématiquement les prisonniers palestiniens, présentant des preuves de brûlures de cigarettes et de briquets, des marques de coups violents, d’électrocutions et d’« abus sexuels » – y est même relaté le récit de membres de Tsahal utilisant un fusil M 16 pour violer un détenu.

Les auteurs soulignent qu’Israël prend pour cible le corps médical, aggravant ainsi l’effondrement du système de santé de Gaza. Walid Khalili, ambulancier, a informé les enquêteurs que ses ravisseurs avaient suspendu des Palestiniens par leurs menottes, les accrochant par dizaines au plafond comme des fruits sanguinolents. Un médecin de Tsahal fait remarquer que de telles pratiques entravent très fréquemment la circulation sanguine, obligeant ses collègues à amputer les membres des prisonniers.

En dépit de ces violations des droits humains, l’administration Biden a approuvé en août un programme de 18 milliards de dollars pour des avions de combat et les fabricants d’armes israéliens sont optimistes. « C’est l’heure de gloire de l’industrie de la défense », insiste Michal Mor, PDG de Smart Shooter.

Depuis des décennies, la spoliation des Palestiniens alimente un cycle d’accumulation, dans la mesure où Israël construit non seulement des colonies, mais aussi des armes dans les territoires occupés. En fin de compte, l’aide américaine a contribué à transformer le pays en une techno-dystopie qui exporte des instruments d’oppression à l’étranger, tout en les testant sur les réfugiés le long de ses frontières mouvantes. À un niveau très préoccupant, la guerre génocidaire en cours traduit cette logique impitoyable en même temps qu’impersonnelle : Israël et les États-Unis plongent les Palestiniens dans la faim et la désolation, entamant la phase suivante de la spirale de l’accumulation par l’extermination..

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Ciudong Ng est historien, il est spécialisé dans le militarisme américain.

Source : Truthout, Ciudong Ng, 01-09-2024
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La Passagère (Andrzej Munk, 1963)

 


The Sound Of Fury /Try And Get Me (Cy Endfield, 1950)

 Versión española


 

‘Israelism’: activismo contra el viejo y herido relato sionista

FUENTE: https://www.diario.red/articulo/cultura/israelism-activismo-viejo-herido-relato-sionista/20241115125903038586.html

Este documental, en el que destacan los testimonios de la activista Simone Zimmerman y del exsoldado Avner Gvaryahu Gvaryahu, es un contundente trabajo sobre la propaganda, los grupos de poder y el apartheid israelita

Israel es una potencia militar, pero también una potencia propagandística y es el perfecto ejemplo de la eficacia de la propaganda expandida en los medios de comunicación de medio mundo durante décadas. También a nuestro país, donde Israel cuenta con sus agentes económicos y mediáticos, llegó la propaganda, la leyenda de esa joven y aguerrida nación acosada por los terroristas. La épica del triunfo de la guerra de los Seis Días, conflicto entre Israel y una coalición árabe, mezclada con el holocausto, creó un relato perfecto.

Cuando uno acaba, tocado pero esperanzado, el visionado de este documental de Erin Axelman y Sam Eilertsen, concluye que ese relato de Israel está levantado sobre cuatro grandes pilares: el lavado de cerebro, el victimismo, los grupos de poder y la ocultación.
El lavado de cerebro se lleva a cabo, claro está, en colegios, universidades y medios de comunicación del propio Israel, pero también en los medios y en las universidades de los Estados Unidos, el gran aliado del gobierno criminal con sede en Jerusalén.

Gran ejemplo de este pilar es Jacqui Schulefand, coordinadora, en la universidad de Connecticut, de UCONN Hillel para la vida estudiantil judía. A esta educadora judía, furiosa nacionalista, se le corta la voz de la emoción al hablar de Israel y de los alumnos que se han alistado su ejército. Schulefand proclama convencida que “el judaísmo es Israel e Israel es el judaísmo”.

La visión de UCONN Hillel la resumen con estas palabras en su web: “Crear una comunidad que enriquezca las vidas de los estudiantes judíos para que se sientan inspirados a hacer compromisos duraderos con la vida judía, el tikún olam (reparar el mundo), el aprendizaje e Israel”. Los compromisos duraderos tienen que ver, claro, con propagar en los campus y sus relaciones sociales el relato israelita. La propia Schulefand lo reconoce abiertamente en el documental: “Necesitamos publicistas”. 

En Israelism el victimismo está representado por el abogado y activista Abraham Foxman, víctima del holocausto y director nacional de la Liga Antidifamación (ADL) de 1987 a 2015. Foxman, que logró cierta fama cuando arremetió contra Mel Gibson por considerar su película La pasión de Cristo antisemita, es uno de esos lobistas preocupados por la actual juventud, atenta, gracias a su móvil, a los horrores que se transmiten desde Gaza y que está empezando a cuestionar o atacar el relato israelita.

A pesar de la presión y de las irrebatibles informaciones, poco cabe esperar de la reacción y el futuro de la ADL. El sucesor de Foxman en la organización, Jonathan Greenblatt, exejecutivo de Silicon Valley y exfuncionario de la administración Obama dijo en un discurso, en 2022, que “el antisionismo es antisemitismo”. De primero de victimismo, vamos.

Mike Huckabee, a quien Trump ha elegido nada menos que como su embajador en Israel, ha llegado a decir que “no existe tal cosa como un palestino”

Fue precisamente Barack Obama el que dijo que “la relación de Estados Unidos con Israel es irrompible hoy, mañana y para siempre”. Haga lo que haga. Y aquí entra en escena el tercer pilar: los grupos de poder. Y uno de los más grandes es la Casa Blanca. Lo ha sido siempre y ahora de forma más corrompida y peligrosa para los palestinos. Solo hay que leer sobre ellos al exgobernador de Arkansas Mike Huckabee, a quien Donald Trump ha elegido nada menos que como su embajador en Israel. Huckabee ha llegado a decir, literalmente, que “no existe tal cosa como un palestino”.

En la propaganda y el relato israelita es fundamental borrar de la historia a los palestinos

Y, precisamente, negar la existencia de los palestinos es la clave del cuarto y último pilar: la ocultación. En la propaganda y el relato israelita es fundamental borrar de la historia a los palestinos, a los que han robado sus tierras, han torturado (Israelism nos da testimonios de ello) y asesinado y tratan como a subhumanos, seres inferiores. 

Pero a pesar de todo, y aunque los medios de comunicación de todo el mundo (y por supuesto los españoles) están normalizando un salvaje genocidio perpetrado día a día por Israel, existe gente increíble como Simone Zimmerman, activista judía, colaboradora de Bernie Sanders y cofundadora del grupo IfNotNow, una mujer valiente que creció con la consigna de que apoyar a Israel era fundamental para su identidad judía. Hasta que visitó los Territorios Palestinos Ocupados y comprobó en persona el sistema de apartheid bajo el que viven millones de personas, una flagrante opresión y negación de su libertad.

En Israelism, Zimmerman, que ha perdido trabajos, amigos y familia por su activismo, es una buena preceptora para que conozcamos la gran ficción israelita. Ella recuerda que en su educación nunca se le habló de los palestinos. Tampoco leyó jamás las palabras ocupación, colonias, apartheid o limpieza étnica. Sí le leyeron, en cambio, el cuento de que los israelitas llegaron a una tierra yerma y la convirtieron en un gran vergel, una fábula que caló en generaciones de judíos norteamericanos como ella durante décadas.

También la engañifa de que Israel estaba rodeado de terroristas cuando era todo lo contrario: fueron los israelitas los primeros terroristas y su terror se perpetuó con una primera Nakba (la destrucción de la sociedad y la patria palestina entre 1947 y 1948, con 750.000 personas expulsadas de su tierra) y una segunda el año pasado, con la evacuación forzada de más de un millón de palestinos hacia el sur de la Franja.     

Otro de los grandes enemigos del relato israelita es Avner Gvaryahu Gvaryahu, también protagonista de Israelism. De familia sionista, educado en una yeshivá (centro de estudios de la Torá y del Talmud) y voluntario con los Scouts israelíes, Gvaryahu se unió a las Fuerzas de Defensa de Israel. En ellas descubrió las barbaridades que cometen en tierras palestinas y fue testigo directo de brutales torturas. Tras su servicio militar, se unió a Breaking the Silence, organización de soldados veteranos que han servido en el ejército israelí desde el comienzo de la Segunda Intifada y exponen la realidad de los Territorios Ocupados y cuyo objetivo es poner fin a la ocupación. 

Todos esos jóvenes judíos norteamericanos están viviendo su Vietnam como sus padres o abuelos vivieron el suyo

Las imágenes de Israelism, enriquecidas por las experiencias de Zimmerman y Gvaryahu, ponen los pelos de punta: casas robadas y marcadas con la Estrella de David como cuando los nazis marcaban las casas judías con el mismo símbolo, niños forzados, colonos en pleno robo de casas, enormes barrios de colonos que se extienden como un tumor mortal… Pero cada vez hay más judíos norteamericanos a los que les han abierto los ojos. Y como se dice en Israelism, que se puede ver en Filmin, muchos de ellos “fueron a Israel y regresaron de Palestina”.

Todos esos jóvenes judíos norteamericanos (a los que el lobista Abraham Foxman llama “malcriados”) están viviendo su Vietnam como sus padres o abuelos vivieron el suyo.
Y se están organizando para denunciar el genocidio, como lo están haciendo jóvenes de todo el mundo. Y aunque el lavado de cerebro, el victimismo, las presiones de los grupos de poder y la ocultación van a continuar, son conscientes de que todo acto de protesta, todo escrito o imagen contra el genocidio son indispensables para acabar con el viejo y herido relato sionista. 

 

Allemagne – bouleversements dans Die Linke au congrès 2024 : une raison d’espérer ?

 SOURCE: https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/allemagne-bouleversements-dans-die-linke-au-congres-2024-une-raison-desperer/

Un an après les départs autour de Sahra Wagenknecht, il y a eu une nouvelle vague de départs au sein de Die LINKE (la gauche en allemand). Cette fois ci avec la grande différence que ce sont les éléments les plus réactionnaires et bellicistes qui quittent le parti à la suite de deux congrès importants. Après des années de défaites pour les éléments marxistes-léninistes de Die LINKE, il y a de nouveau de l´espoir.

Cet article peut sembler un peu long, mais c’est nécessaire pour connaître les raisons et contradictions qui mènent aux mouvements que l´on peut observer et pour réellement comprendre ce qui se passe. Vu que la situation de la gauche en Allemagne est complètement différente de la situation française, je vais d´abord devoir un peu parler d´histoire.

L´histoire du Parti Die Linke

Après la libération en mai 1945, le grand KPD (Kommunistische Partei Deutschlands) qui avait agi dans l´illégalité depuis 1933 s’est reconstitué partout en Allemagne. Comme conséquence des « douze ans de dictature fasciste et six ans de guerres d’´Hitler » le KPD et le SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands) fusionnèrent en 1946 dans la zone d´occupation soviétique pour que plus jamais la réaction n´arrive au pouvoir et pour construire le socialisme. Ce nouveau parti du nom de Sozialistische Einheitspartei Deutschlands (SED) ou « parti de l´unité socialiste d´Allemagne » devint la première force politique en RDA.

Le SPD des zones d´occupation de l´Ouest, corrompu et contrôlé par les impérialistes occidentaux, n’a pas pu faire cause commune avec le KPD qui fut même interdit en Allemagne de l’Ouest en 1956 par le grand démocrate Adenauer. 

https://www.die-linke.de/partei/parteidemokratie/zusammenschluesse/kommunistische-plattform/

Après la chute du mur de protection antifasciste de Berlin, le SED avait approximativement deux millions de membres (sur une population de seize millions) et devint le PDS (“Partei des Demokratischen Sozialismus”). Ce fut un changement drastique. La tête du Parti fut complètement remplacée. Les nouveaux dirigeants participèrent à l´hystérie générale contre la RDA. Des camarades méritants furent exclus parce qu´ils avaient eu des fonctions importantes en RDA et dans les organes qui avaient défendu la RDA avec dévouement (armée, gardes-frontières, sécurité d´État et personnes affiliées), sans parler des anciens dirigeants comme Erich Honecker ou Heinz Kessler, carrément abandonnés à la réaction. Mais pour un bon nombre de communistes convaincus, abandonner ce parti ne fut pas une option, même si les réformistes dominèrent le terrain. Très vite, la Kommunistische Plattform (KPF) ou « plateforme communiste » s´est formée, qui regroupe jusqu´à aujourd’hui´ceux qui veulent « préserver et développer la pensée marxiste au sein du parti », lutter contre l´anticommunisme, pour la paix et qui ne veulent pas laisser le parti aux vautours. Juste après sa création, la KPF avait 5000 membres et Sara Wagenknecht, alors très jeune et qui codirigeait cette plateforme, échangea d’ailleurs à l’époque avec Georges Gastaud qui co-animait alors en France le Comité Erich Honecker de Solidarité Internationaliste. 

En 2007, le PDS fusionna avec un parti ouest-allemand (le WASG, auquel appartenait Oskar Lafontaine, ex-dirigeant de la gauche du SPD) pour créer Die LINKE.

Dans Die LINKE il est autorisé de se regrouper pour constituer des courants.  Avec le temps, plusieurs courants reconnus par Die LINKE se sont formés au sein du parti, qui jouent un rôle important.

Le vote Die Linke en 2017

Die Linke et le DKP

Les communistes marxistes-léninistes d´Allemagne sont organisés majoritairement dans le DKP ou dans Die LINKE et sa plateforme communiste KPF. Le DKP (“Deutsche Kommunistische Partei”), qui est beaucoup plus petit que Die LINKE, s´est formé en Allemagne de l’Ouest après l’interdiction du KPD et a toujours été un parti marxiste-léniniste. La raison pour la division du mouvement communiste en SED-PDS (aujourd´hui Die LINKE) et le DKP est donc d´origine historique. Un parti vient de l´Est et l´autre de l’Ouest. Les membres du DKP ne veulent pas adhérer à Die LINKE, car le parti est dirigé en grande partie par des liquidateurs réformistes sans ligne de classe qui sympathisent avec l´axe UE-OTAN. De leur côté, les communistes de Die LINKE, ne veulent pas abandonner le parti car ce serait un immense cadeau pour les liquidateurs et le camp bourgeois en général.

Personnellement, je comprends bien les deux côtés. Il y a beaucoup de contacts chaleureux entre les deux partis. Les membres du KPF souhaitent le mieux pour le DKP et les membres du DKP souhaitent que Die LINKE devienne à nouveau un parti qui combat sans hésitation pour la paix et le socialisme. 

La différence principale est que les membres du DKP sont pessimistes et n´ont plus d´espoir dans Die LINKE et que les communistes dans Die LINKE voient que le combat n´est pas encore décidé et ont encore de l’espoir.

Les années 2021 à 2023

Fin 2021 : Klaus Lederer et ses amis (ceux qui viennent de quitter le parti), qui se regroupaient dans la « Progressive LINKE » (« gauche progressiste »), contrôlaient sans partage la Die LINKE de Berlin depuis des années. Après les élections de 2021 ils renouvelèrent la participation de Die LINKE au gouvernement du Land de Berlin. Lors des mêmes élections il y avait eu un référendum à Berlin sur l´expropriation des grands groupes immobiliers à Berlin approuvé par 59,1% des Berlinois qui voyaient leur existence en danger en raison d´une explosion des loyers.

Mais il était clair dès le début que le nouveau gouvernement allait ignorer ce référendum.

Déjà à l´époque, le gouvernement de Berlin menait des campagnes assimilant les critiques d´Israël à de l´antisémistisme. Défendre les colons de la théocratie fasciste tenait depuis toujours à cœur à la « progressive LINKE ». Il faut savoir, que les « progressive LINKE » appartiennent à une idéologie spéciale à l’Allemagne : les « Antideutsche » ou anti-Allemands. Cette idéologie est une forme spéciale du nationalisme bourgeois, une sorte de nationalisme allemand à l’envers. Comme le nationalisme bourgeois « ordinaire », elle dit que l´Allemagne est unique et différente des autres pays. Sauf que d´après cette idéologie, l’Allemagne serait le mal incarné. Elle part de l´idée que par essence, tous les Allemands sont un ramassis de nazis. Cette idéologie est à l´opposé de la vision matérialiste du monde et mystifie le peuple allemand qui porterait le nazisme dans son ADN. Pour contrer cela, le soutien à Israël devient comme une offrande pour purger l´Allemagne du mal. Tout ce qui n´est pas un soutien inconditionnel à Israël serait du nazisme. Sauf que derrière Israël il y a les USA. Donc en pratique, tout ce qui n´est pas un soutien inconditionnel à l´impérialisme US serait du nazisme. Une haine FANATIQUE de tout ce qui contrarie les ambitions des États-Unis : voici l´essence des « Antideutsche » et donc des « progressive LINKE » autour de Klaus Lederer. Cette idéologie est incorporée depuis longtemps dans le système politique et médiatique. Le soutien inconditionnel à Israël est reconnu comme « raison d´État » par la bourgeoisie allemande.

La « progressive LINKE » participa au gouvernement de Berlin sur une base anti-sociale et impérialiste.

Le congrès fédéral de Die LINKE 2022 fut un point bas pour le parti. Les va-t-en-guerre dominaient le discours et demandèrent des armes pour les nazis de Kiev. 

En octobre 2023 Sahra Wagenknecht et d´autres députés qui remettent en cause les livraisons d´armes quittèrent le parti. Les belliqueux croyaient avoir gagné définitivement. Sauf qu´il n´y avait pas le départ massif de ceux qui sont contre les livraisons d´armes qu´ils avaient espéré.

Ellen Brombacher – KPF Die Linke

Ellen Brombacher, figure connue de la KPF (Kommunistische Plattform) disait à peu près ceci lors d´une réunion publique cet octobre à Berlin : « Vous auriez dû voir le visage de Lederer quand il nous a vu après le départ de Wagenknecht. « Mais vous êtes encore là vous? », nous a-t-il demandé. » 

Beaucoup de membres de Die LINKE voulaient rester pour ne pas laisser le parti aux ennemis. Un bon nombre d´entre eux étaient membres depuis le temps de la RDA et le parti était depuis toujours une part importante de leurs vies. Ils ne voulaient également pas rejoindre le parti de Sahra Wagenknecht le BSW, parce qu´ils n´étaient pas d´accord avec elle sur d´autres points importants. Car Sahra Wagenknecht dit se réjouir de la réunification et du fait que la RDA n´existe plus. Elle a également des idées très libérales sur l´économie. Elle ne veut pas sortir de l´UE, croit en une « économie de marché sociale » et son modèle en matière de politique économique est Ludwig Erhard, ce qui est de la pure folie. Ludwig Erhard était un économiste qui commença sa carrière dans le IIIe Reich et devint ministre de l´économie de la RFA. Il accompagna le création d´une économie d´après-guerre sous tutelle des États-Unis et posa ainsi la base économique de l’asservissement de l´Allemagne par les grands monopoles (surtout américains) qui sont la véritable raison de la politique impérialiste allemande. 

Wagenknecht n’est également pas très claire sur la paix. Sa critique d´Israël est très réservée et elle a même dit qu´il faut faire de l´OTAN une « alliance défensive » au lieu de la liquider. En novembre 2024, le parti de Wagenknecht (BSW) en est déjà au point qu´ils ont annoncé vouloir constituer une coalition pour gouverner le Brandebourg avec le SPD. Dans un communiqué publié par les deux partis on peut lire ceci : « Nous sommes d’accord sur le fait que la capacité de défense de notre pays revêt une grande importance pour la paix et la sécurité et que la capacité de défense de la Bundeswehr doit être renforcée. C’est pourquoi nous soutenons la Bundeswehr et ses sites en Brandebourg. » Cela devrait être une déception pour les électeurs du BSW qui ont voté pour ce parti afin de ne pas voir l´OTAN s´implanter dans leur région.

Le congrès de Die LINKE fin octobre 2023 était différent de celui de 2022. L´ambiance vis-à-vis des livraisons d´armes à l´Ukraine avait changé. Presque plus personne se présentant pour un poste ou sur la liste des élections européennes n’osa se prononcer ouvertement pour des livraisons d´armes et ceux qui disaient y être favorables ne se faisaient pas élire (à l’exception des têtes de listes). Mais le très réactionnaire appareil du parti en place avait fait en sorte que les quatre premières places, à l’exception de la troisième position, soient réservées à des extrémistes pro-OTAN.

Dans ce but, ils avaient fait en sorte qu´il n´y ait aucune contre-candidature. Les délégués n´avaient même pas le droit de les questionner. La première place revint à l´ancien co-secrétaire du parti, un supporter du régime pronazi de Kiev. Les places deux et quatre n´étaient pas attribuées à des membres du parti qui ne disaient même pas vouloir le devenir. La deuxième place était attribuée à la fille d´un officier de la Bundeswehr qui vota entre autres pour des attaques directes contre le territoire russe au parlement européen. Seule la troisième personne de la liste était contre les livraisons d´armes.

Le congrès 2023 fut une mise en scène par les bureaucrates qui tiennent les ficelles et placent les membres devant des faits accomplis mais la position des délégués avait beaucoup changé.

Octobre 2024 : la base exige la paix, refuse des livraisons d’armes

En 2024 le refus vis-à-vis des livraisons d´armes devint de plus en plus important dans la population et dans le parti. 

Au congrès de Die LINKE Berlin du 11 octobre la paix dans le monde fut également discutée. Lederer et ses amis « Antideutsch » (“anti-allemands”) de la « progressive LINKE » étaient déterminés à défendre l´impérialisme américain sans compromis. Ils voulaient entre autres à tout prix accuser les manifestations pro-palestiniennes de soutenir un « antisémitisme éliminatoire ». Mais le congrès ne voulait pas de cet amendement. Enragés, Klaus Lederer (ancien maire adjoint de Berlin), Petra Pau (vice-présidente du Bundestag), une grande partie des députés du groupe parlementaire de Berlin et Elke Breitenbach (ancienne membre du gouvernement de Berlin) quittèrent la salle. Cette dernière, pourtant connue pour sa politesse, a tenu à faire un double doigt d’honneur à la salle avant de s´enfuir. 

Une semaine plus tard eut lieu le congrès fédéral de Die LINKE. Lors des élections pour le nouveau « Bundesvorstand » (une sorte de comité central), ceux qui avaient demandé ouvertement des livraisons d´armes les dernières années ne furent pas élus (à l’exception de Wulf Gallert). Mais pour l´élection de la double tête du parti, il n´y avait pas de contre-candidatures (comme un an auparavant lors de la liste pour les européennes). Par conséquent, les deux candidats instaurés par l’ancienne tête du parti ont été élus. Comme leurs prédécesseurs, il s’agit de gens qui mettent à peine en cause Israël et qui se montrent compréhensifs vis-à-vis de ceux qui demandent des armes pour les nazis en Ukraine. Des gens qui laissent les va-t-en-guerre salir l´image du parti tout en disant à ceux qui sont pour la paix de ne pas porter leurs revendications car il faut préserver l´unité du Parti. 

Du point de vue du personnel politique, l’Établissement a pu préserver les postes les plus importants tout en perdant de l´influence dans le Bundesvorstand (comité central).

Tout de même, on a pu voir que la paix avait gagné du terrain lors du débat autour du nouveau programme. La KPF (Kommunistische Plattform) avait déposé une motion qui parlait de l´histoire du conflit en Ukraine, visait à éliminer la haine antirusse et insistait sur le rôle historique du militarisme allemand. Bien évidemment, l’ancienne tête du parti posa un contre-amendement qui visait à éliminer tous les points importants de celui de la KPF. Le contre-amendement n´a pas été adopté avec 41% pour et 44% contre, ce qui fut une défaite pour l´ancienne tête du parti. Mais l´amendement de la KPF qui fut présenté dans sa version initiale n´a également pas été accepté (40% pour et 51% contre). Ces résultats sont tout de même un grand bond en avant par rapport aux dernières années et montre qu’une part de plus en plus importante des délégués ne suivent plus la tête du parti et veulent défendre une ligne de paix. D´autant plus qu’un autre amendement de la KPF a été repris, insistant sur la nécessité de ne pas laisser des missiles américains sur le sol allemand, de dissoudre l´OTAN et d´être « sans si ni mais contre toutes livraisons d´armes à l´Ukraine et à Israël ». Ces mots clairs n´auraient pas été possibles il y a encore deux ans. D´un côté les délégués votent des résolutions qui deviennent de plus en plus claires en ce qui concerne la paix, de l´autre ils votent toujours pour des personnes qui sont plus ou moins contre la paix. Lors d´une conférence publique, Ellen Brombacher de la KPF a dit ne pas avoir d’explication pour cette contradiction. Une raison importante devrait être que la plupart du temps, les dirigeants placent leurs candidats avec le soutien de tout l´appareil du parti et des médias bourgeois et qu´aucun « inconnu » n´ose présenter une contre-candidature.

Le 23 octobre, quelques jours après le congrès fédéral, Klaus Lederer, Elke Breitenbach et les mêmes parlementaires qui avaient quitté la salle lors du congrès de Die LINKE Berlin quelques jours auparavant quittèrent le parti. Ils donnèrent comme raison que le parti ne se distanciait plus assez de l’antisémitisme et le refus de solidarité avec l’Ukraine. Il ne s´agit pour l´instant que de figures politiques de Berlin. Les « progressive LINKE » d´autres régions du pays sont restés dans le parti. Mais cela reste tout de même très important pour Berlin, car ces mêmes gens avaient le contrôle du parti à Berlin il n’y a pas longtemps.

En réaction à cela, la nouvelle double tête (du parti au niveau fédéral) et d´autres éléments très réactionnaires ont demandé publiquement à ceux qui sont partis de revenir. En attendant, ces derniers ont déjà annoncé ne pas vouloir rendre leurs mandats de députés à Die LINKE alors qu´ils l´avaient demandé aux députés regroupés autour de Wagenknecht il y a un an à peine. 

L´avenir du parti reste difficile à prédire. Les liquidateurs ont toujours une emprise sur celui-ci, quoique moins ferme. Une grande partie du personnel embauché par le parti, qui a également beaucoup d´influence, est toujours en place et sera difficile à dégager dans tous les cas. Il reste à voir comment se développera le parti lors des prochains congrès et lors des élections anticipées qui s´annoncent au niveau fédéral, qui pourraient complètement faire couler le parti. S’il y a plus de départs de gens comme Lederer et compagnie, s’il y a des contre-candidats et si les membres commencent à voter pour des candidats en accord avec leurs idées politiques avant qu´il ne soit trop tard, cela pourrait sauver le parti. Si la tête du parti n´est pas remplacée et que les mêmes continuent à contrôler le parti et à le représenter à l’extérieur, il continuera de s’enfoncer dans le marécage de l’insignifiance politique.

Pour le moment, le camp de la paix semble avoir le vent en poupe, mais les larbins de l´UE-OTAN gardent les postes-clés.