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samedi 21 juin 2025

Au « sommet des libertés », le rassemblement des droites libertariennes et réactionnaires

 

Le sommet co-organisé le 24 juin par Pierre-Édouard Stérin via le projet Périclès et Vincent Bolloré via JD News réunit beaucoup d’habitués des grands raouts de l’union des droites. S’y ajoutent quelques nouveaux venus qui en profitent pour faire leur « coming out » en faveur de l’extrême droite. Derrière la défense des « libertés », il s’agit surtout d’attaquer le service public, l’impôt et l’écologie. Les think tanks et instituts partenaires du réseau Atlas sont présents en masse.

Publié le 20 juin 2025 , par Anne-Sophie Simpere

Sponsorisé par le fonds Périclès de Pierre-Édouard Stérin et JDNews de Vincent Bolloré, le Sommet des libertés qui aura lieu le 24 juin au Casino de Paris se présente comme un « éveil libéral ». L’événement annonce des élus de droite et de gauche, mais on y trouve presque uniquement des personnalités d’extrême droite (Marion Maréchal, Sarah Knafo pour Reconquête, Jordan Bardella pour le RN) et de la droite de la droite (Éric Ciotti et quelques LR), à l’exception de Charles de Courson (groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Ainsi que des intervenants des médias de la Bollosphère (CNews, Europe1) et d’autres qui se déclarent plus effrayés par la gauche que l’extrême droite [1].

Alors quand, dans les éléments de langage fournis aux influenceurs, il est affirmé que « ce n’est pas un événement partisan », mais « un espace de convergence », on peut se dire qu’on a affaire à un énième raout pour tenter d’unir les droites les plus radicales – le grand rêve d’Alexandre Pesey, directeur fondateur de l’Institut de formation politique (IFP). À l’image de la Convention de la droite organisée par Marion Maréchal et Éric Zemmour, en 2019, où on retrouvait déjà l’IFP et Contribuables associés (de nouveau co-organisateurs avec le JDD et Périclès de ce Sommet des libertés), ou encore Olivier Babeau de l’institut Sapiens (le quatrième co-organisateur, dont nous avions notamment parlé dans notre enquête sur le lobbying contre la Convention citoyenne climat).

« Libertés », mais pour qui ?

En 2019, la soirée avait surtout fait parler d’elle en raison des discours identitaires et haineux tenus par plusieurs intervenants, dont Éric Zemmour lui-même, qui s’était vu condamné pour ses propos. Est-ce pour cette raison que l’événement de 2025 semble moins mettre en avant les enjeux « civilisationnels » ? Le mot d’ordre est, sur le principe, bien plus acceptable, puisqu’il s’agit de défendre les libertés. Qui serait contre ?

Bien sûr, vu les profils des intervenants, il ne s’agira pas de protéger la liberté de franchir des frontières, celle de faire grève ou encore de choisir ou non d’avoir des enfants (Aziliz le Corre, pasionaria de la natalité qui sera l’une des intervenantes du 24 juin, n’est pas fan des « childfree »). Le slogan du sommet semble être « trop d’État tue les libertés ». Sous prétexte de libertés, il s’agit surtout de couper dans les régulations et dans les dépenses publiques, à la manière du DOGE du milliardaire Elon Musk aux États-Unis, ou de la tronçonneuse du président Javier Milei, soutenu par les partenaires du réseau Atlas en Argentine.

Sans aucune surprise, donc, on retrouvera dans le sommet parisien l’investisseur immobilier Romain Dominati, soutien de ce même Javier Milei, ainsi qu’une bonne partie des partenaires ou anciens partenaires du réseau Atlas en France : Contribuables associés, l’Iref, l’IFP, l’institut Coppet… Ou encore le Cercle Droit et Libertés, fondé par des conservateurs qui sont allés chercher l’inspiration dans les cercles de l’ultradroite américaine. Le programme du Sommet des libertés permet également de confirmer que le secteur des cryptomonnaies va se ranger derrières les libertariens et les droites radicales : Plan B network et How to bitcoin soutiennent l’événement. Un rapprochement qui, là encore, fait écho à la façon dont l’univers des bitcoins s’est rangé derrière Donald Trump aux États-Unis pour échapper aux régulations financières.

Des organisations s’opposant aux politiques environnementales (en particulier le développement des énergies renouvelables) et la député LR Anne-Laure Blin, qui s’est faite épingler pour des propos climato-sceptiques, sont elles aussi de la partie. En résumé, toutes les chances que les libertés défendues par les intervenants soient celles de spéculer et de polluer.

Quand les défenseurs autoproclamés des « gueux » se réunissent au Fouquet’s

Pour faire passer un tel agenda, rien de tel que les méthodes du réseau Atlas. Notamment l’« astroturfing », qui consiste à faire passer une campagne d’influence pour un mouvement populaire spontané. Un peu comme quand Contribuables associés, à l’image d’autres taxpayers associations créées partout dans le monde, se fait passer pour un mouvement de terrain de petits contribuables apolitiques, alors qu’il a été fondé de riches chefs d’entreprises et dirigé par des élus politiques (de droite, bien sûr).

Mais la médaille de l’astroturfing revient probablement à Alexandre jardin, autre intervenant annoncé du Sommet des libertés. L’écrivain né à Neuilly sur Seine, issu de la haute bourgeoisie et passé par la très élitiste Ecole alsacienne, qui fut successivement sarkozyste (2007), macroniste (2016), puis candidat malheureux à l’élection de 2017, s’est trouvé une nouvelle passion avec la lutte contre les normes environnementales, en particulier les Zones à faibles émissions (ZFE). Il s’est ainsi auto-érigé en défenseur de ceux qu’il appelle « les gueux , qui seraient privés du droit de circuler. Sans forcément avoir en tête que les segments les plus pauvres de la population ne possèdent pas de voiture et sont les premiers affectés par leurs émissions polluantes. Pas à une contradiction près, l’écrivain a succès a même écrit un livre « Les gueux », qu’il a présenté au Fouquet’s, lors d’une soirée à 150 euros l’entrée organisée par Aurhéa, « cercle privé d’élite » réunissant dirigeants, cadres dirigeants, professions libérales, entrepreneurs, banquiers d’affaires, avocats ou encore experts indépendants.

Il semble que peu de « gueux » soient dupes : la dernière pétition sur le site d’Alexandre Jardin dépasse péniblement les 2000 signatures. L’écrivain est pourtant invité à donner son avis sur les politiques énergétiques de la France dans de nombreux médias, du Parisien à RMC en passant par Le Figaro. Et bien sûr dans les médias du groupe Bolloré Cnews, Europe 1 et le JDD, dont les journalistes stars comme Christine Kelly, Louis De Raguenel ou Charlotte d’Ornellas seront également de la partie le 24 juin.

C’est bien l’alliance entre les organisations inspirée de la droite états-unienne, l’argent du fond Périclès de Pierre-Édouard Stérin et les plateformes médiatiques offertes par Vincent Bolloré qui peut faire craindre que ces mouvements réactionnaires, aussi faibles soient-ils en terme de fonds et d’assise populaire réelle, fassent chambre d’écho. Dans les pays qui semblent les inspirer – l’Argentine de Milei, les États-Unis de Trump, l’Italie de Meloni –, le droit de manifester et la liberté de la presse ont très rapidement été attaqués : la défense de ces « libertés »-là n’aura pas fait long feu.

Notes

[1Voir par exemple Jean-Philippe Feldman, qui préfère RN au NFP.