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mardi 17 décembre 2024
Le Congo-Zaïre ou le martyre infligé par le capitalisme
SOURCE: https://joseseseko.overblog.com/2019/12/le-congo-zaire-ou-le-martyre-inflige-par-le-capitalisme.html
Publié par JoSeseSeko sur 18 Décembre 2019, 10:39am
Catégories : #Économie, #Politique, #Afrique, #Congo-Zaïre, #Capitalisme, #Libéralisme, #Industrie, #Minerais
La saisie de la justice états-unienne pour condamner cinq firmes high tech de blessures et d'exploitation d'enfants dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo est une occasion pour rappeler au monde occidental capitaliste qu'il jouit de biens à travers un impérialisme génocidaire dont il s'en indiffère jusqu'à ce que ça lui revienne dans la gueule.
C'est une nouvelle qui ne comptera guère dans les esprits en France, mais elle mérite qu'on s'y attarde. L'organisation non gouvernementale (ONG) International Right Advocate a porté plainte, au nom de 14 parents et enfants de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), contre Apple, Google, Microsoft, Dell ou encore Tesla, auprès de la justice fédérale états-unienne pour travail forcé d'enfants dans les mines de cobalt avec fort risque de blessure ou de décès. Un procès qui promet d'être historique en raison des noms des firmes accusées (cf liens n°1, n°2, n°3).
Matières premières maudites!
Mais qu'est-ce que le cobalt? C'est un matériau fort utilisé dans les industries de pointe que sont l'informatique, la téléphonie mobile, mais aussi l'automobile car il sert de composant à la fabrication de batteries au lithium. Et avec la montée de la demande en smartphones et surtout en voitures électriques dans le monde - d'où le fait que Tesla soit dans le box des accusés -, les fournisseurs se doivent d'accentuer la production et donc de dégrader les conditions d'exploitation. Or, pas moins de 60% des réserves mondiales de cobalt se trouvent dans la seule RDC. N'oublions pas un autre matériau fort précieux pour la haute technologie qu'est le coltan, dont 60 à 80% des réserves mondiales se trouvent également dans l'ex-Zaïre, attirant ainsi les convoitises des pays occidentaux ou de la Chine.
Vu leur utilité, la RDC devrait pouvoir afficher un niveau de développement faramineux. Que nenni! Ces ressources minières, et d'autres matières premières (cuivre, diamant, or, zinc, étain, pétrole, uranium, fer, manganèse, etc.) happées, voire pillées, seules les firmes multinationales en voient la couleur, tant elles dominent les structures économiques et sociales. Le Congo-Zaïre illustre à la fois l'impérialisme mené envers lui, comme envers plusieurs autres pays africains d'ailleurs, mais également ce que les économistes appellent le syndrome hollandais. C'est-à-dire un pays disposant d'une grande quantité de ressources naturelles mais demeurant incapable de pouvoir se développer car condamné à être un fournisseur en matières premières et non à mettre en place une industrie locale puissante, excepté peut-être l'industrie minière comme "vache à lait" pour un pouvoir local corrompu et au service d'autres continents. Reste à savoir si la réforme du code minier en RDC, votée en 2018 sous la fin de la présidence de Joseph Kabila et les ambitions de Félix Tshisekedi en matière de politique industrielle seraient en mesure de changer la donne. Ce dont on peut, hélas, en douter.
Mais surtout, ce qui est frappant, en tant que personne d'origine congo-zaïroise, c'est l'indifférence qui s'observe au niveau médiatique ou politique sur le pays le plus peuplé de la francophonie, qui souffre de martyre depuis le milieu des années 1990. Et malgré les efforts du docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, pour exposer la situation, avec des estimations allant de 6 à 12 millions de morts, notamment dans l'Est du pays, concentrant l'essentiel des mines de coltan plus d'autres matériaux, le viol des femmes comme arme de guerre, etc. un silence coupable dure. Pourquoi? Ce serait exposer la culpabilité du Rwanda voisin, dont le génocide des tutsis en 1994 a déstabilisé l'Afrique des Grands Lacs et que Paul Kagame, protégé par plusieurs pays occidentaux, a profité de la fuite de génocidaires hutus dans l'Est du Congo-Zaïre pour intervenir dans ce pays, en espérant y mettre un pantin au pouvoir à Kinshasa. Ce qu'il pensait faire avec Laurent-Désiré Kabila, chassant Joseph-Désiré Mobutu en 1997, mais Kabila père ne voulut pas jouer ce rôle, provoquant ainsi une guerre de 1998 à 2003, puis plusieurs rébellions dans les années qui suivirent, avec son allié Yoweri Museveni, président de l'Ouganda, prétextant également la présence de rebelles comme les Forces démocratiques alliées sévissant autour de la ville de Béni, au Nord-Kivu (cf lien n°4).
Que ce soit des groupes rebelles étrangers ou des rebelles locaux appuyés par des pays voisins, ou même l'armée congolaise, ainsi que la police, le racket est leur règle d'or pour pouvoir s'enrichir et continuer à foutre le bordel dans l'Est du Congo-Zaïre. C'est ce que rappelle une étude de l'ONG IPIS en 2017, où près d'un millier de barrages routiers existent dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, générant plusieurs millions de dollars de revenus.
En tout cas, face à cette indifférence sanglante - "l'indifférence, c'est la haine doublée du mensonge" -, certains artistes d'origine congo-zaïroise tels Kalash Criminel, Naza ou Gradur ont lancé des messages sur les réseaux sociaux pour alerter sur ce sujet (cf lien n°5). Certains esprits chagrins diront que c'est délivré par des smartphones ou ordinateurs contenant probablement du matériau congolais et du sang de mineurs congolais exploités et que c'est par conséquent contradictoire. Cependant, ces artistes-là sont, je pense, conscients de cela. Je n'échappe pas non plus à cette contradiction. Mais je veux en tirer une réflexion pour améliorer leur condition. Ce qui peut amener à se poser la question du dépassement du capitalisme par exemple.
Laboratoires d’influence : les think tanks sont-ils des lobbys comme les autres ?
SOURCE: https://multinationales.org/fr/enquetes/think-tanks-laboratoires-d-influence/
Les think tanks sont devenus des acteurs majeurs du débat politique, mais leurs liens privilégiés avec le monde des affaires et l’absence d’une régulation adéquate contre les abus en font aussi des véhicules de lobbying particulièrement commodes. Nouveau rapport de l’Observatoire des multinationales.
Publié le 9 mai 2023

Notre rapport Think tanks : laboratoires d’influence montre que derrière l’apparence d’un « marché des idées » égalitaire et ouvert à tou·te·s, le monde des think tanks est profondément biaisé en faveur des acteurs disposant des moyens financiers les plus conséquents, à savoir les grandes entreprises. Cela vaut même pour des think tanks historiquement ancrés à gauche. Le rôle des thinks tanks s’est renforcé à mesure que les gouvernements réduisaient les crédits à la recherche publique et menaient des politiques de réduction du nombre des fonctionnaires, privant les administrations des compétences internes nécessaires pour mener leurs missions.
Les politiques de financement et de recrutement des think tanks et les liens privilégiés noués aussi bien avec les grands groupes qu’avec les responsables politiques en font des viviers de conflits d’intérêts. Les liens d’intérêts sont rarement explicités comme tels alors que les personnalités de think tanks sont cesse appelées à s’exprimer dans les médias ou dans des événements publics.
Pour les entreprises, les think tanks sont un outil de lobbying très spécifique qui permet d’influencer indirectement ou directement les décideurs principalement à travers le cadrage et le filtrage du débat public et médiatique : quels sujets seront débattus et feront la une des médias, sur quelles données on se basera, quelles questions seront posées, quelles options seront envisagées et lesquelles ne le seront pas... Cette influence est d’autant plus efficace qu’elle se cache derrière une apparence d’objectivité intellectuelle et de recherche de l’intérêt général.
Les think tanks, à travers les événements publics ou privés qu’ils organisent et directement à travers la composition de leurs organes de gouvernance, sont aussi des lieux d’entre-soi entre dirigeants publics et privés, ces derniers bénéficiant ainsi d’un accès privilégié aux décideurs·ses.
Pour toutes ces raisons, il semblerait normal que les think tanks soient soumis aux mêmes règles de transparence et de déontologie que la plupart des autres acteurs du lobbying et des structures d’expertise jouant un rôle dans les décisions publiques. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. La plupart des think tanks ne sont pas inscrits dans les registres de transparence du lobbying français et européens, et il n’y a pas d’obligations de transparence ni sur les liens financiers entre entreprises et think tanks, ni sur les liens d’intérêts des « expert·e·s » que ces derniers mobilisent.
La cerise sur le gâteau est qu’une grande partie du travail d’influence effectué par les think tanks est financé directement ou indirectement par le contribuable, à travers des subventions publiques ou à travers le crédit d’impôt mécénat qui permet aux entreprises de récupérer 60 % des dons qu’elles leur versent.