https://thecharnelhouse.org/2014/05/29/aleksandr-rodchenko-lenin-workers-club-in-paris-1925/
Article épinglé

mardi 24 décembre 2024
samedi 21 décembre 2024
La marotte de l'urbanisme révolutionnaire dans le sillage prosituationniste de 68, avec Virilio et Krivine
Une marotte pour la petite bourgeoisie intellectuelle, qui certes lui rapportait un peu, à l'université notamment, mais surtout l'a enfermé dans une impasse "romantique" et éloigné de toute velléité sur la Production: une belle opération de contre-insurrection pour l'Otan culturelle jouant sur la vanité verbeuse du milieu parisien.
Ça pouvait même donner un disque, pour bien commencer à tourner en rond.
Disque vinyle LP 33 tours 30cm,
Paris, Editions Claude Givaudan 1968. Alain Krivine : Comités d’action
lycéens, Rédaction de « Rouge », Option libertaire. Paul Virilio parle
du Mouvement Anomiste en relation avec l’urbanisme contemporain :
l’apparition de nouvelles formes de déplacements dans la ville, vient
remettre en question la mise en scène et l’aménagement des espaces
publics urbains. En effet, cette nouvelle pratique qui consiste à tracer
son chemin en étant capable de dépasser certains obstacles, met en
scène la liberté de mouvement dans des espaces contraignants.
mercredi 18 décembre 2024
Le libéralisme, le national-socialisme et le managérialisme
🔸Depuis
que Hannah Arendt a inventé et popularisé le terme de totalitarisme
dans les années 1950, le cliché suivant s'est imposé dans les manuels
d'histoire de l'Europe occidentale.
🔸Trois systèmes totalitaires ont vu le jour après le siècle de la Première Guerre mondiale :
- Le socialisme soviétique ;
- Le fascisme italien ;
- Le national-socialisme allemand.
🔸La
démocratie libérale occidentale s'oppose à ces trois systèmes
totalitaires. Le fascisme et le nazisme ont été vaincus pendant la
Seconde Guerre mondiale et, après la chute du mur de Berlin en 1989, les
démocraties libérales occidentales ont finalement vaincu le
totalitarisme. Les auteurs libéraux de tendance hégélienne, comme
Francis Fukuyama, parlent même de la fin de l'histoire.
🔸Il y a un "petit" mais important écueil dans cet exposé facile à comprendre : le modèle économique de ces trois régimes.
L'étude
des fondements économiques du fascisme, du nazisme et du socialisme par
l'école dite révisionniste américaine et d'éminents auteurs français
comme Annie Lacroix-Riz, Christian Ingrao, Johan Chapoutot conduit à la conclusion que le terme de totalitarisme
est excellent d'un point de vue idéologique (notamment dans la lutte
contre le socialisme dans la seconde moitié du XXe siècle), mais qu'il
est totalement inopérant d'un point de vue purement historique.
🔸Dans son livre Le choix de la défaite, l'historienne française Anne Lacroix Riz démontre
de manière convaincante, en s'appuyant sur des archives d'un volume et
d'un contenu impressionnants, les liens étroits entre les capitaux
français et allemands avant et pendant la Première Guerre mondiale.
Cette collaboration fructueuse s'est poursuivie pendant la Seconde
Guerre mondiale.
🔸La Banque de France
a soutenu économiquement le mouvement fasciste en Italie avec un
objectif strictement défini : le remboursement des dettes des
industriels et aristocrates italiens. Le mouvement fasciste promet la
destruction des syndicats italiens, l'imposition par la force de bas
salaires et d'une "haute productivité" comme programme économique pour le remboursement des dettes.
🔸Les "réparations de Versailles" sont l'une des explications les plus courantes de l'émergence du national-socialisme en Allemagne.
On
parle rarement du fait que les principaux bailleurs de fonds qui ont
financé la France et l'Angleterre pendant la Première Guerre mondiale -
les banques américaines Morgan, National City Bank.
🔸First
National Bank, Rothschild Bank, n'ont pas permis de rembourser plus de
15% des réparations imposées à l'Allemagne, car en plus de financer une
partie de l'effort de guerre allemand, les banques en question ont
financé l'industrialisation d'après-guerre qui a couvert les nouveaux
armements de la République de Weimar.
🔸Depuis
le mardi noir du 29 octobre 1929 à Wall Street, l'un des problèmes des
banques mentionnées est le remboursement des emprunts dits "allemands".
🔸La politique "réussie"
menée par B. Mussolini qui, s'appuyant sur une idéologie de nature
nationaliste, a réussi à détruire les syndicats ouvriers, à réduire les
salaires de 50 % dans l'intérêt du capital transnational et, en ce sens,
à mener une défense efficace contre le "péril rouge" qui est édifiante.
🔸Sans
le soutien financier crucial d'un capital intrinsèquement
transnational, le parti national-socialiste d'Hitler aurait eu des
chances similaires à celles de Mussolini en 1922 sans le soutien du
capital français.
🔸Une
autre chose dont on parle peu est le fait que les dettes aux banques
américaines pendant la Seconde Guerre mondiale ont été payées "religieusement"
grâce aux réserves d'or des pays conquis par le Troisième Reich (par
exemple, en 1939, la Belgique a placé ses réserves d'or en "lieu sûr" auprès de la Banque de France,
qui n'a pas hésité, quelques mois avant l'offensive allemande, à
remettre ces fonds à Hitler, qui en a profité pour continuer à payer ses "dettes américaines").
Le plus intéressant est que le dernier paiement qui clôturait les
dettes susmentionnées auprès des banques américaines a été transféré par
la Reichsbank en avril 1945 !
🔸Après
ce tableau général, il convient de s'attarder sur certains détails de
la politique et de la pratique économique du Troisième Reich qui
semblent curieusement "modernes".
🔸La République de Weimar a créé l'un des systèmes éducatifs les plus brillants d'Europe et du monde. Il "produit"
un grand nombre de super-diplômés pour lesquels il n'y a tout
simplement pas d'emplois décents, que ce soit dans les universités ou
dans les entreprises privées.
🔸L'un des rares débouchés possibles pour leur développement "professionnel" était de faire partie de l'élite du mouvement SS national-socialiste allemand.
🔸Dans son livre "Croire et détruire. Les intellectuels dans la machine de guerre SS", Christian Ingrao se
penche sur la biographie de 40 docteurs en sciences qui sont devenus
l'élite de la SS et se sont même élevés au rang de généraux SS.
🔸À
partir de ses recherches approfondies, je voudrais me concentrer sur
quelques faits : ces intellectuels (docteurs en droit, en histoire, en
géographie, en économie, en philosophie) ne sont pas seulement devenus
des idéologues intellectuels et des architectes de la structure
économique et politique du Troisième Reich.
🔸Nombre
d'entre eux ont participé directement aux commandos Einsatzgruppen dont
la tâche directe était l'extermination physique des Juifs et des
Slaves. Comment des pelotons de paisibles « hamburgers » ont-ils pu se
transformer en tueurs en série, tuant chacun entre 100 à 3 000 personnes
par jour ? Comment peut-on être convaincu qu'il faut tuer des femmes et
des enfants sans défense ? Au nom de quoi ?
🔸Une telle transformation nécessite une motivation intellectuelle, idéologique et "scientifique" sérieuse, qui ne peut être fournie que par des intellectuels qui semblent "toucher à la réalisation"
d'une utopie. Ils se sentent les acteurs directs de la construction de
l'histoire et parviennent à convaincre massivement le reste de la
société, usant pour ce faire d’un fanatisme hurlant, qu'ils ont eux
aussi un rôle décisif et tangible à jouer dans la création du Reich de
mille ans.
🔸Que
valent les morts de quelques milliers, de quelques millions de femmes
et d'enfants par rapport à la possibilité "concrète" de réaliser une
utopie ?
🔸Ces
intellectuels allemands, comme le national-socialisme lui-même, ne sont
pas la création des Indiens Nambiquara ou des Zoulous. Ils font partie
de la culture européenne. Ils y sont profondément enracinés et en sont
même l'un des fruits les plus visibles.
🔸Il
n'est donc pas étonnant que l'on puisse facilement reconnaître dans
leurs paroles le colonialisme, le racisme et le darwinisme social
inhérents à leurs idéologies néolibérales contemporaines.
🔸La
seule différence est que les Espagnols, les Belges, les Néerlandais,
les Français et les Anglais les ont appliquées en Amérique du Sud, en
Afrique, en Inde et en Asie du Sud, alors que l'impulsion coloniale
allemande a eu pour cadre l'Europe de l'Est et en particulier les
territoires de la Pologne, de l'Ukraine, de la Biélorussie et de la
Russie.
Partie 1. Partie 2. Partie 3. Partie 4👇
🔸Depuis
le XIIe siècle, la mission sacrée de l'Ordre Teutonique n'est plus tant
la défense de Jérusalem que la conversion des barbares d'Europe de
l'Est au catholicisme.
🔸Quoi de plus normal que le Troisième Reich cherche "légitimement" son espace vital ("Lebensraum") à l'Est ?
Les
nouveaux docteurs en sciences sociales sont ceux qui non seulement
développeront ce rêve sur le plan idéologique, historique et économique,
mais participeront concrètement à sa réalisation.
🔸Il
est peu connu que lorsque l'armée d'Hitler, forte de cinq millions
d'hommes, a attaqué l'URSS en 1941, pas un seul pfennig n'a été prévu
pour sa subsistance - elle devait non seulement subvenir à ses besoins,
mais aussi envoyer de la nourriture en Allemagne pour éviter que la
population du Reich ne connaisse la famine pendant la guerre.
🔸Dans
les calculs et les plans de guerre, il est admis comme un prix tout à
fait raisonnable que cela entraînera la mort par famine de plus de 30
millions de Slaves, qui sont considérés plus ou moins comme des
sous-hommes (Untermensch) par rapport aux "maîtres allemands" (Herrenmensch).
🔸Herbert Backe,
secrétaire du ministère de l'agriculture puis ministre (à partir de
1942) dans le cadre du plan quadriennal qu'il a élaboré pour le
développement des terres d'Europe de l'Est, appelé "Plan Faim", a accepté ce fait assez froidement.
🔸Dans ce plan, on peut lire : "L'important est d'agir", de "prendre des décisions rapidement sans scrupule bureaucratique (keine Aktenwirtschaft). "Les dirigeants fixent un objectif (Endzeil)
que les exécutants doivent atteindre sans perdre de temps, sans exiger
de ressources supplémentaires... Ce qui importe, c'est que la mission
soit accomplie, sans se soucier de la façon dont elle est accomplie.
Becke recommande " la plus grande élasticité possible dans les méthodes
utilisées ".
🔸Le choix de ces "méthodes est laissé à l’appréciation de chaque individu". ... Backe se considère comme un "homme performаnt" (Leistungsmensch) et regrette que son prédécesseur Darré ait été trop mou, c'est-à-dire un "loser" (Versager), terme que l'on pourrait facilement traduire par "perdant". "p.14-15 - "Libres d'obéir" J. Chapoutot.
🔸Faut-il
s'étonner de la présence d'une terminologie néolibérale bien connue
comme les oppositions : gagnant - perdant ; initiative - inertie ;
flexibilité - rigidité, adaptation - bureaucratie ?
🔸Si
nous continuons à lire les écrits d'éminents intellectuels allemands
devenus cadres dans les SS et SD, nous trouverons une utilisation
extensive de termes qui nous sont familiers dans le management
néolibéral moderne, tels que "efficacité", "prise de responsabilité", "délégation de responsabilité", "joie dans le travail", "objectifs" et "missions".
Dans le "travail" de ces intellectuels nazis, nous trouverons leur intérêt particulier pour "l'organisation du travail" (Menshenfürung), que nous pourrions facilement traduire par "gestion".
🔸L'accent est mis sur la capacité à assurer une direction et une gestion efficaces - Fürung
- ainsi que sur la délégation des responsabilités afin d'accomplir les
missions aussi rapidement et efficacement que possible grâce à la
gestion des "ressources humaines" et du "matériel humain". Dans un régime de guerre totale où il y a de moins en moins de personnel qualifié disponible et où il faut faire plus avec "moins", le problème très concret qui se pose est le suivant : "comment administrer un Reich en expansion constante avec de moins en moins de ressources et de personnel" ?
🔸Werner Best (l'un des chefs de la SS, conseiller juridique de la Gestapo) déclare: "Il faut administrer un peu, à bon prix, et dans l'intérêt du peuple", en d'autres termes: "Administrer à bon prix signifie administrer au coût le plus bas possible"
Mais comment cela se traduit-il dans la pratique ?
🔸Reinhard Höln
(1904-2000), l'un des juristes et théoriciens juridiques les plus
éminents du Troisième Reich, nous donne des réponses intéressantes et
étrangement actuelles: en réduisant la charge de l'administration de
l’État; en confiant ces missions à des "agences privées" qui entrent en
concurrence les unes avec les autres afin d'être en mesure d'accomplir
les missions assignées de la manière la plus efficace et au coût le plus
bas possible.
🔸En d'autres termes, le Troisième Reich soutient intrinsèquement le "darwinisme social", qui est censé minimiser le "fardeau" de l'appareil d'État.
🔸D'autre
part, le parti national-socialiste soutient le développement des
entreprises privées et de l'industrie allemande, en créant les
conditions optimales pour leur développement, en apportant une solution
radicale à l'une des questions les plus délicates pour les entreprises,
celle de la main-d'œuvre.
🔸Le
paiement des salaires et de la sécurité sociale est l'une des
principales dépenses de toute grande entreprise. Dans le Troisième
Reich, le problème des mouvements syndicaux et des demandes
d'amélioration sociale a été résolu encore plus rapidement et plus
efficacement qu'en Italie.
🔸Mais
cela ne semble pas suffire : il reste le problème des salaires, qui
doivent toujours être payés pour éviter que les travailleurs ne meurent
de faim.
🔸Ce "problème"
trouve également sa solution dans l'utilisation d'une main-d'œuvre
esclave provenant de toute l'Europe et en particulier de Pologne,
d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie. Les travailleurs peuvent mourir
de faim et d'épuisement simplement parce qu'on leur trouve un remplaçant
rapide dans les camps de travail et de concentration.
🔸D'autre part, les travailleurs allemands qualifiés doivent être motivés et efficaces pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
🔸L'organisation
DAF qui a remplacé les syndicats allemands a pour mission d'optimiser
le lieu de travail. Sa section loisirs, le KdF, "vise à rendre le lieu
de travail beau et heureux et à permettre ainsi aux travailleurs de
retrouver leur force productive". Le Kdf - a initié des activités telles
que des excursions organisées, des compétitions sportives dans la
nature, des croisières maritimes et fluviales, des vacances dans des
stations de montagne et des stations balnéaires.
🔸Ainsi,
les vacances ne sont pas seulement destinées à permettre au travailleur
qualifié de se reposer, de revenir avec joie et force sur son lieu de
travail, mais aussi de se sentir partie prenante du collectif, de
s'engager dans le processus de travail, de faire preuve d'initiative. En
d'autres termes, d'être LIBRE D’OBEIR.
🔸Le
Troisième Reich est devenu un laboratoire fructueux pour les
expériences néolibérales. Dans les années 1930 et 1940, les actions des
entreprises allemandes constituaient l'investissement le plus rentable
pour le capital "démocratique".
🔸Faut-il se demander pourquoi des entreprises comme Rhein Metal, Porsche, Zeiss, Bayern, malgré leur collaboration évidente avec le Troisième Reich et l'utilisation de "main-d'œuvre esclave",
n'ont pas disparu après la Seconde Guerre mondiale, mais se sont
contentées de verser à leurs actionnaires des compensations limitées,
sans commune mesure avec les milliards de bénéfices qu'ils ont engrangés
au cours des douze années de national-socialisme ?
🔸Les relations entre les cadres de la SS et les entreprises allemandes se sont poursuivies après 1945.
Pour contrer la menace soviétique, qui de mieux que les anciens cadres de la SS et du SD?
🔸Le
modèle économique allemand et les pratiques économiques néolibérales du
national-socialisme se sont développées, et trouvent leur continuité en
devenant l'ordo-libéralisme.
🔸Il
peut être intéressant de retracer le destin du professeur de droit
constitutionnel et économique à l'université de Berlin, général dans la
SS, Reinhard Höln.
🔸Après 1945, il s'est vu retirer son doctorat, ce qui l'a amené à en rédiger un nouveau.
Dans la mesure où il n'a pas participé directement à des meurtres de masse, il n'a pas été condamné.
🔸Grâce à l'aide d'Ernst Ashenbah, qui s'occupe de la réhabilitation et de l'aménagement du travail des anciens cadres SS et SD, Reinhard Höln,
deviendra en 1953 directeur de la Société allemande de politique
économique (Deutche Volkswirstschaftliche Gesellshaft, DVG), dont
l'objectif est de "développer et enseigner des stratégies de gestion des ressources humaines adaptées à notre époque" - en d'autres termes, des managers sur le modèle américain. Le modèle, c'est la Harvard Business School, l'INSEAD en France.
🔸Campus de la DVG à Bad Harzburg. Sous la direction charismatique de Reinhard Höln,
une école a été créée, par laquelle plus de 500 000 employés allemands
d'Audi, Aldi, Bayern, Porche, etc... sont passés de 1953 à 1980 (date à
laquelle un scandale a éclaté concernant son passé de général SS). En
outre, un contrat-cadre a été signé pour rationaliser l'administration
allemande.
🔸Le professeur Höln a publié plus de 40 livres qui sont devenus des best-sellers tels que : "Le pain quotidien du management", "La secrétaire et son patron", "Un guide de la société anonyme",
dont la pierre angulaire est le concept de "management par délégation
de responsabilités", qui est devenu la carte de visite de la méthode
dite de Bad Harzburg.
🔸Ne
nous méprenons pas : nous ne voulons en aucun cas dire qu'il existe un
lien de cause à effet entre la gestion néolibérale et ses stratégies, et
le national-socialisme.
🔸Tout
ce que nous essayons de faire, c'est de dissiper le nuage rose qui fait
du néolibéralisme un combattant de la liberté et des droits de l'homme
s'opposant au totalitarisme.
🔸Nous
avons essayé de montrer que ces pratiques économiques peuvent
parfaitement exister et se développer dans le cadre d'un régime
autoritaire de Führung (direction), qui peut facilement conduire à la "nécessité" d'un Führer.
🔸Un
regard attentif et idéologiquement impartial sur le passé devrait nous
donner les moyens d'une autodéfense intellectuelle face aux mécanismes
et pratiques économiques néolibérales qui conduisent à la transformation
des citoyens en un troupeau de travailleurs dociles et complaisants.
🔸Loin
d'être une garantie de démocratie et de liberté, le libéralisme peut
parfaitement exister au sein d'un régime autoritaire qui, grâce à une
habile propagande, nous permet de baigner dans une illusion de liberté. LIBERTÉ D'OBÉIR.
2015, la stratégie yankee contre l'Europe libre et propère
George Friedman, fondateur et PDG de Stratfor:
. Friedman "..c’est cynique, amoral, mais ça marche ». Stratfor: comment Washington peut conserver sa domination sur la planète. Extraits du discours de George Friedman, directeur de la société de renseignement et d’analyse Stratfor, dite la « CIA de l'ombre », au Council on Foreign Relations de Chicago. Dans son discours au Council il explique comment Washington peut conserver sa domination sur la planète. Il identifie également les ennemis potentiels des USA. Friedman voudrait que le monde actuel soit exclusivement sous le contrôle direct ou indirect des USA Le président de Stratfor déclare que les USA n'ont pas de relations avec l'Europe. « Nous avons des relations avec la Roumanie, la France et ainsi de suite. Il n'y a pas d'Europe avec laquelle les USA ont des relations quelconques". Cela rappelle forcément la conversation de la sous-secrétaire d'Etat Victoria Nuland avec l'ambassadeur des USA à Kiev en 2014. Nuland avait alors expliqué à son interlocuteur en des termes très crus ce qu'elle pensait de l'Europe unie et de ses dirigeants: https://www.youtube.com/watch?v=2-kbw... 33] Plus tard, elle a présenté ses excuses pour la forme de ses propos, mais pas sur le fond. Il faut savoir que Mme Nuland est une lectrice des notes analytiques de Stratfor. « Les USA contrôlent tous les océans de la terre. Personne n'avait encore réussi à le faire. Par conséquent, nous pouvons nous ingérer partout sur la planète, mais personne ne peut nous attaquer. Le contrôle des océans et de l'espace est la base de notre pouvoir", a déclaré Friedman à Chicago, Selon lui, "la priorité des USA est d'empêcher que le capital allemand et les technologies allemandes s'unissent avec les ressources naturelles et la main d'œuvre russes pour former une combinaison invincible".Créer un "cordon sanitaire" autour de la Russie permettra à terme aux USA de tenir en laisse l'Allemagne et toute l'Union européenne.
Briser l'Eurasie "dans l'oeuf"
SOURCE: https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/de-la-victoire-americaine-en-252557
Si on pose la question "qui a gagné la Seconde Guerre mondiale ?", il y a deux façons de répondre. On peut dire que c'est l'URSS, dans la mesure où c'est effectivement l'Armée rouge qui a vaincu la Wehrmacht, c'est le front de l'Est qui a absorbé l'immense majorité des ressources de l'Allemagne. Cependant, l'autre manière de répondre, certes plus cynique, mais bien plus pertinente, est de constater que ce sont les Etats-Unis qui sont les seuls vrais gagnants de la guerre. En 1945, toute la partie occidentale de l'URSS est un champ de ruines. Les Soviétiques déplorent 27 millions de morts. Les Etats-Unis en revanche n'ont connu aucune destruction sur leur territoire, ils n'ont perdu qu'un nombre très faible de soldats, ils ont évincés le Royaume-Unis de sa place de première puissance mondiale, ils disposent d'une gigantesque flotte qui contrôle l'Atlantique et le Pacifique, leur industrie est sans équivalent dans le monde, ils sont les seuls détenteurs de la bombe atomique, ils ont raflé la plus grosse partie des scientifiques allemands, ils occupent l'Europe occidentale et le Japon. Ils sont passés en 4 ans de puissance secondaire, isolationniste, sans armée ou presque, au statut de première puissance mondiale, qui a duré jusqu'à il y a peu. Si "moralement", c'est l'URSS qui devrait être désignée vainqueur, concrètement, c'est bien les E-U qui sont les bénéficiaires exclusifs du conflit, qu'ils ont d'ailleurs largement contribué à déclencher.
Mais plus mal interprétée encore est la guerre froide qui commence dès avant la fin du conflit mondial. Ce "conflit" est une pure fabrication des E-U. L'idée que Staline aurait menacé l'Europe occidentale en 1945 est totalement absurde. Le monde a été partagé à Yalta. Non seulement les Soviétiques ont eu leur part du gâteau, mais la tâche la plus urgente pour eux est la reconstruction. D'autre part, et c'est fondamental, comme je l'écrivais plus haut, les E-U sont les seuls possesseurs de la bombe atomique jusqu'en 1949, et même d'ailleurs les seuls possesseurs de son vecteur. Il faut aussi noter le grand déséquilibre stratégique entre URSS et E-U. Dès 1945 et jusque dans les années 1960, hormis l'Alaska, le territoire américain reste hors de portée des vecteurs soviétiques, tandis que tous les points de l'URSS sont à portée des bombardiers américains, depuis leurs bases en Alaska, en Europe (y compris l'Islande), en Asie Centrale et en Extrême-Orient. Les E-U ont objectivement une politique de provocation et de confrontation. Ils refusent l'unification de la Corée qui avait pourtant proposé un gouvernement d'unité nationale, dans lequel les communistes n'avaient pas de rôle prédominant. Ils insisteront pour maintenir la division du pays, soutiendront un régime extrêmement brutal, qui ne deviendra démocratique qu'a la fin des années 1980. Idem au Vietnam, tandis que Roosevelt avait multiplié les déclarations anti-coloniales et qu'en échange de la lutte contre les Japonais, Ho Chi Minh s'était fait promettre l'indépendance du pays, l'administration Truman change de politique et soutient la France qui cherche à reprendre le contrôle de sa colonie.
Pourquoi les E-U cherchent-ils à envenimer la situation mondiale ? La réponse est très simple. Ce n'est pas l'URSS qui est la cible de cette politique, elle n'en est que l'instrument. Le véritable objectif de la guerre froide est le maintien sous tutelle des pays d'Europe occidentale et du Japon, et la continuation du déploiement international de la force militaire américaine. C'est un élément fondamental pour comprendre l'Histoire contemporaine, et c'est aussi ce constat qui est l'essence de la politique gaullienne. Ceci a donc mécaniquement été l'objet principal de la propagande des E-U, qui a fabriqué la fantomatique menace soviétique avec tous les moyens dont ils disposaient, depuis le lavage de cerveaux des militaires de l'OTAN, occupés à disserter sur la manière de repousser une très improbable attaque massive sur l'Allemagne de l'Ouest, jusqu'au lavage de cerveau des enfants via les bandes dessinées et les dessins animés.
"Rassurez-vous madame, c'est pour votre sécurité".
L'autre constat historique flagrant, c'est que bien que le prétexte
de la "menace communiste" ait disparu avec l'URSS en 1991, la politique
de fabrication artificielle de la tension s'est poursuivie depuis les
années 2000. Entre l'abrogation du traité ABM, l'installation de
missiles en Pologne etc, les provocations des E-U n'ont pas cessé avec
la conversion de la Russie à la Vraie Foi Capitaliste.
D'où la conclusion fracassante qui va plonger certains lecteurs dans le
déni et la dissonance cognitive. Lorsqu'on vous dit, "la Russie a gagné
en Ukraine", c'est de la propagande américaine. Les seuls qui ont gagné
quelque chose avec le conflit en Ukraine, c'est les E-U.
Comprenez que les Américains n'en ont strictement RIEN A FOUTRE des
Russes, ce ne sont pas des concurrents économiques, les exportations
russes sont essentiellement des matières premières, qui sont nécessaires
à l'ensemble de l'économie mondiale et dont il est hors de question de
se passer. D'où le fait que l'économie russe n'a pas été ébranlée, et
que personne sain d'esprit n'a jamais pu envisager la chose. Prenons le
pétrole, plus grosse exportation russe, l'offre et la demande mondiale
sont équilibrées. Si vous décidez de ne pas acheter de pétrole russe, il
faudra l'acheter ailleurs, mais le volume de l'offre et de la demande
ne sera pas modifié, vous ne pourrez simplement qu'échanger vos
fournisseurs avec un autre pays qui prendra le pétrole russe, ou passer
par un intermédiaire qui donnera l'illusion que votre pétrole n'est plus
russe, comme ça se produit avec l'Inde.
Telle n'est pas la situation avec l'Europe qui est un concurrent
économique direct des E-U, pensez à Airbus contre Boeing, à la défunte
industrie nucléaire française, à sa technologie d'extraction et de
raffinage de pétrole, la plus avancée au monde, à ses sous-marins, à ses
turbines à vapeur qui avaient les meilleurs rendements au monde, mais
également à la machine outil et aux voitures allemandes, leur matériel
électrique de pointe, etc, etc. Et contrairement au lavage de cerveau
"décliniste" qui a été imposé en Europe, l'avenir est considéré radieux
dans de nombreuses zones de la planète, où l'on attend un boum
économique majeur. L’Indonésie par exemple, 4e population mondiale, et
plus généralement la zone Pacifique, qui, c'est dit depuis plus de 15
ans, va être le nouveau centre de gravité du monde, après des siècles de
domination atlantique. Les Américains ont parfaitement conscience que
leur hégémonie ne peut pas durer éternellement sous la forme qu'elle
avait auparavant. Ils savent très bien compter et prolonger une courbe
pour faire des prospectives. Par contre, ils savent qu'ils peuvent se
maintenir dans le peloton de tête, grâce aux formidables perspectives de
développement asiatiques et dans une certaine mesure africaines. A une
condition, éliminer la concurrence européenne. Et le moyen le plus
simple, entre autres, c'est de faire exploser les coûts de l'énergie,
garantie que les produits européens ne seront jamais compétitifs. Et
accessoirement, saboter les contrats, détruire les filières
technologiques etc, etc. "Mission accomplished", il est inutile de
réécrire ici le martyrologe de l'industrie française.
Revenons à l'Ukraine. Cette guerre est totalement absurde, hors des
intérêts américains. Le simple fait qu'elle ait lieu est déjà une
victoire américaine. Ce sont eux qui ont tout fait pour la déclencher,
j'ai déjà cité dans un article précédent des universitaires américains
qui ont, de manière parfaitement claire et non-ambiguë, validé ce
point. La question est de savoir pourquoi. Comme je l'ai déjà écrit, les
Américains ne sont absolument pas dérangés par les Russes, ou disons,
très marginalement. Aucun individu sain d'esprit ne peut imaginer qu'ils
ont envisagé une seule seconde une victoire de l'Ukraine sur la
Russie. Il y a d'ailleurs des signes qui ne trompent pas. On voit ici
l’imbécillité profonde d'un certain nombre d'idiots utiles de la
propagande US. Vous vous souvenez de la contre-offensive ukrainienne qui
allait "libérer" la Crimée ? Elle a échoué me direz-vous,
certes. Quelle surprise ! Vous n'avez rien constaté de "bizarre" dans la
presse occidentale ? Ils en étaient tous à discuter de comment
rebaptiser les rues de Sébastopol après la victoire. Personne n'a évoqué
la possibilité que l'offensive, d'ailleurs privée de tout effet de
surprise, puisse ne pas être victorieuse.
Une petite digression anecdotique pour illustrer une leçon de
propagande. Lorsque les Français cherchent à mettre au point la bombe
atomique, ils sont confronté à un problème. Le plutonium, qui est un
matériau très curieux, à un coefficient de dilation énorme, ce qui le
rend très difficile à incorporer dans le dispositif mécanique d'une
bombe. Ils comprennent qu'il faut en faire un alliage pour le stabiliser
dans une certaine phase cristalline. Ils décident d'analyser toutes les
publications scientifiques américaines pour trouver des indices. Et ils
vont effectivement trouver la réponse dans ces publications, tandis que
le matériau en question est certainement le secret le mieux gardé du
monde. Comment trouvent-ils la réponse ? C'est tout simple, le gallium,
qui permet de faire l'alliage, est le seul élément du tableau de
Mendeleïev qui n'était jamais cité dans les publications américaines. On
peut souvent détecter quelque chose par sa présence, mais aussi parfois
par son absence.
Et ceci marche aussi pour la propagande. Le fait que personne n'a évoqué
un possible échec de la contre-offensive ukrainienne était le signe
très clair que les commanditaires de cette propagande savaient
pertinemment qu'elle n'avait aucune chance, et qu'ils envoyaient les
troufions ukrainiens -qui n'ont rien demandé à personne- vers une mort
certaine.
Je passe sur les aspects techniques du conflit, disons simplement
qu'on n'a rien appris de fondamentalement nouveau. Certains font des
titres tonitruants sur la défaite des matériels occidentaux, c'est du
réchauffé de réchauffé. À titre d'exemple, les chars Léopard 2 de
l'armée turque ont, dès les années 2015, montré qu'ils n'étaient pas
plus invincibles que n'importe quel matériel, durant leurs opérations en
Syrie. Un point par contre qui n'à ma connaissance jamais été relevé,
c'est que l'intégralité des munitions occidentales guidées par GPS sont
techniquement obsolètes depuis 2015, d'où la grande générosité
manifestée par leurs détenteurs à l'égard de l'Ukraine. En effet, une
série d'incidents ont montré que les Russes possèdent des matériels de
guerre électroniques capables non seulement de brouiller, mais bien
pire, de "spoofer" les signaux de positionnement GPS, c'est-à-dire de
les truquer sans que le récepteur ne s'en rende compte. L'industrie
occidentale a mis assez longtemps à développer des systèmes immunisés
contre ces matériels [voir au mot-clef "M-code" si l'histoire vous
intéresse], et d'autant plus longtemps que la majorité des satellites
GPS doivent être remplacés pour utiliser ce nouveau protocole. La guerre
en Ukraine a été l'occasion de se débarrasser des stocks de munitions
obsolètes, qui malgré tout, et surtout du fait de la difficulté d'emploi
des systèmes de guerre électronique, ont gardé une certaine efficacité.
Même hors obsolescence technologique, la plupart des matériels de guerre
ont des dates de péremption. Au début du conflit, il a été notoire que
les missiles anti-chars fournis par les Américains étaient périmés. Là
encore, même stratégie, la guerre en Ukraine est un moyen de renouveler
les stocks, pour la plus grande joie du complexe militaro-industriel. Et
jusqu'à présent, ce sont ces stocks d'armes obsolètes ou en passe de
l'être qui ont été généreusement vendues à l'Ukraine.
Tout ça pour dire, tout s'est passé comme prévu, et comme dans tout
régime totalitaire qui se respecte, les propagandistes prétendus
pro-Russes servent la soupe à leurs seigneurs et maîtres américains,
sans même en avoir conscience. Les E-U veulent vous entendre dire qu'ils
sont battus en Ukraine, que l'OTAN a subit une défaite. Je l'ai déjà
largement commenté dans un article -que je devrais réécrire-, qui montre
malgré tout assez clairement que DAECH est une créature américaine. Un
des éléments clef de leur stratégie de propagande, ils n'ont aucun
problème à se faire passer pour des cons, surtout aux yeux des
abrutis. Ils en use même abondamment, et ça marche très bien surtout
auprès des Français, dont l'arrogance est proverbiale.
Dans la mesure où l'on se fait totalement dépouiller, pigeonner,
arnaquer par les E-U, ça ne leur coûte pas cher de déclarer qu'ils sont
humiliés, battus à plate couture par les russes en Ukraine, tandis
qu'ils se sont débarrassé de leur principal concurrent économique,
l'Europe, et ont renouvelé la légitimité de leur présence militaire
massive sous prétexte de menace russe.
Devinez aux dépens de qui le dollar s'est maintenu comme monnaie
internationale ? Du rouble ? Certainement pas, ça n'a jamais été son
ambition d'ailleurs. Voyez les graphiques suivant, et comprenez
l'ampleur du désastre, et surtout qui sont les dindons de la farce.
Il y a bien eu une augmentation des transactions en devises autres que le dollar, mais le dollar s'est maintenu aux dépens... De l'Euro.
Parler de victoire russe dans un conflit qui n'aurait jamais du
exister est tout autant délirant. Le plus gros problème de la Russie,
c'est sa démographie. Ne serait-ce qu'un seul mort dans une classe d'âge
jeune est une tragédie pour le pays. On ne connaît pas le nombre de
victimes directes du conflit, les crétins qui viennent avec leurs
chiffres les sortent d'un chapeau et nous ordonnent d'y croire. Ils
s'ajoutent à ceux qui ont fui la conscription, certainement pas aussi
nombreux que ce que la presse occidentale raconte, mais nombreux tout de
même. Je suis convaincu que les Russes n'avaient pas d'autres choix que
de déclencher le conflit, ils ont été poussé à la guerre aussi grâce à
la complicité de dirigeants européens traîtres. Le conflit a traîné en
longueur, au-delà des espérances américaines, je pense.
Comprenez-le, les Etats-Unis adorent les Jacques Baud, les Xavier
Moreau, etc. Le dernier est clairement un idiot utile, pour l'autre,
j'ai un doute, je penche plutôt pour le traître au service des E-U. Quoi
qu'il en soit, ayez l'humilité de comprendre que nous sommes, en
France, réduit à l'état de colonie, et que c'est bien parce que nous
subissons l'influence d'une puissance supérieure. Et que l'hégémonie
consiste à contrôler ses partisans et ses opposants. C'est ce qu'on
appelle l'opposition contrôlée.
En conclusion, nos chers alliés américains ont condamné l'Europe au
marasme économique en nous privant d'énergie et de
matières premières bon marché, en nous séparant des Russes à long terme,
en détruisant notre diplomatie, en montrant aux yeux du monde entier
que nous n'avons plus aucune souverainteté. Ils ont liquidé leurs stocks
de matériel obsolètes et rempli leurs carnets de commandes pour du
matériel neuf. Ils ont marginalement affaibli la Russie en ponctionnant
un peu de sa population jeune. Le dollar se maintien sur le dos de
l'Euro. Et vous trouvez encore des crétins pour parler de défaite
américaine.
La fin de la Syrie
SOURCE: https://www.vududroit.com/2024/12/la-fin-de-la-syrie/

Alastair Crooke est un ancien diplomate britannique installé à Beyrouth. Il sait de quoi il parle. Il a fait le boulot concernant la disparition de la Syrie.
Merci à lui.
Régis de Castelnau

La Syrie est entrée dans l’abîme : les démons d’Al-Qaïda, de l’EI et des éléments les plus intransigeants des Frères musulmans rôdent dans le ciel. Le chaos règne, les pillages, la peur et une terrible soif de vengeance fait bouillir le sang. Les exécutions de rue sont monnaie courante.
Peut-être que Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et son chef, Al-Joulani, (suivant les instructions turques), pensaient contrôler les choses. Mais HTS est un groupe-cadre comme Al-Qaida, ISIS et An-Nusra, et ses factions ont déjà sombré dans des combats entre factions. « L’État » syrien s’est dissous au milieu de la nuit ; la police et l’armée sont rentrées chez elles, laissant les dépôts d’armes ouverts aux shebabs pour qu’ils les pillent. Les portes des prisons ont été ouvertes (ou forcées). Certains, sans aucun doute, étaient des prisonniers politiques ; mais beaucoup ne l’étaient pas. Certains des détenus les plus vicieux errent désormais dans les rues.
En quelques jours, les Israéliens ont totalement éviscéré l’infrastructure de défense de l’État dans plus de 450 frappes aériennes : défense antimissile, hélicoptères et avions de l’armée de l’air syrienne, marine et armureries – tous détruits dans la « plus grande opération aérienne de l’histoire d’Israël ».
La Syrie n’existe plus en tant qu’entité géopolitique. A l’est, les forces kurdes (avec le soutien militaire des Etats-Unis) s’emparent des ressources pétrolières et agricoles de l’ancien Etat. Les forces d’Erdogan et ses mandataires tentent d’écraser complètement l’enclave kurde (bien que les Etats-Unis aient désormais négocié une sorte de cessez-le-feu). Et au sud-ouest, les chars israéliens se sont emparés du Golan et de terres au-delà, jusqu’à 20 km de Damas. En 2015, le magazine The Economist écrivait : « De l’or noir sous le Golan : les géologues israéliens pensent avoir trouvé du pétrole – dans un territoire très délicat ». Les pétroliers israéliens et américains pensent avoir découvert une mine d’or dans ce site des plus inconfortables.
Et un obstacle majeur aux ambitions énergétiques de l’Occident – la Syrie – vient de disparaître.
Le contrepoids stratégique et politique que constituait la Syrie depuis 1948 pour Israël a disparu. Et l’apaisement des tensions entre la sphère sunnite et l’Iran a été perturbé par l’intervention brutale des renoms de l’EI et par le revanchisme ottoman en collaboration avec Israël, via des intermédiaires américains (et britanniques). Les Turcs ne se sont jamais vraiment réconciliés avec le traité de 1923 qui a mis fin à la Première Guerre mondiale, par lequel ils ont cédé ce qui est aujourd’hui le nord de la Syrie au nouvel État syrien.
En quelques jours, la Syrie a été démembrée, divisée et balkanisée. Alors pourquoi Israël et la Turquie continuent-ils à bombarder ? Les bombardements ont commencé au moment du départ de Bachar el-Assad, car la Turquie et Israël craignent que les conquérants d’aujourd’hui ne soient éphémères et ne soient bientôt eux-mêmes déplacés. Il n’est pas nécessaire de posséder une chose pour la contrôler. En tant qu’États puissants de la région, Israël et la Turquie souhaiteront exercer un contrôle non seulement sur les ressources, mais aussi sur le carrefour et le passage régional vital qu’est la Syrie.
Il est cependant inévitable que le « Grand Israël » se heurte un jour ou l’autre au revanchisme ottomaniste d’Erdogan. De même, le front saoudo-égypto-émirati n’accueillera pas favorablement la résurgence des refontes de l’EI, ni celle des Frères musulmans, inspirés par la Turquie et ottomanisés. Ces derniers représentent une menace immédiate pour la Jordanie, désormais limitrophe de la nouvelle entité révolutionnaire.
Ces inquiétudes pourraient pousser ces États du Golfe à se rapprocher de l’Iran. Le Qatar, fournisseur d’armes et de financements au cartel HTS, pourrait à nouveau être ostracisé par les autres dirigeants du Golfe.
La nouvelle carte géopolitique pose de nombreuses questions directes sur l’Iran, la Russie, la Chine et les BRICS. La Russie a joué un rôle complexe au Moyen-Orient : d’un côté, elle mène une guerre défensive contre les puissances de l’OTAN et gère ses intérêts énergétiques clés ; de l’autre, elle tente de modérer les opérations de la Résistance contre Israël afin d’empêcher que ses relations avec les États-Unis ne se détériorent complètement. Moscou espère – sans grande conviction – qu’un dialogue avec le nouveau président américain pourrait émerger, à un moment ou à un autre.
Moscou en conclura probablement que les accords de cessez-le-feu tels que l’accord d’Astana sur le confinement des djihadistes dans les frontières de la zone autonome d’Idlib en Syrie ne valent pas le papier sur lequel ils ont été rédigés. La Turquie, garante d’Astana, a poignardé Moscou dans le dos. Il est probable que cela rendra les dirigeants russes plus intransigeants à l’égard de l’Ukraine et de toute discussion occidentale sur un cessez-le-feu.
Le guide suprême iranien a déclaré le 11 décembre : « Il ne fait aucun doute que ce qui s’est passé en Syrie a été planifié dans les salles de commandement des États-Unis et d’Israël. Nous en avons la preuve. L’un des pays voisins de la Syrie a également joué un rôle, mais les principaux planificateurs sont les États-Unis et le régime sioniste ». Dans ce contexte, l’ayatollah Khamenei a mis un terme aux spéculations sur un éventuel affaiblissement de la volonté de résistance.
La victoire par procuration de la Turquie en Syrie pourrait néanmoins se révéler pyrrhique. Le ministre des Affaires étrangères d’Erdogan, Hakan Fidan, a menti à la Russie, aux États du Golfe et à l’Iran sur la nature de ce qui se tramait en Syrie. Mais le bazar est désormais aux mains d’Erdogan. Ceux qu’il a trahis devront à un moment ou à un autre se venger.
L’Iran va vraisemblablement revenir à sa position antérieure, qui consiste à rassembler les différents éléments de la résistance régionale pour combattre la réincarnation d’Al-Qaïda. Il ne tournera pas le dos à la Chine, ni au projet BRICS. L’Irak – rappelant les atrocités commises par l’EI lors de sa guerre civile – se joindra à l’Iran, tout comme le Yémen. L’Iran sera conscient que les éléments restants de l’ancienne armée syrienne pourraient bien, à un moment donné, entrer dans la lutte contre le cartel HTS. Maher Al-Assad a emmené toute sa division blindée avec lui en exil en Irak la nuit du départ de Bachar Al-Assad.
La Chine ne sera pas ravie des événements en Syrie. Les Ouïghours ont joué un rôle important dans le soulèvement syrien (on estime qu’il y avait 30 000 Ouïghours à Idlib, formés par la Turquie (qui considère les Ouïghours comme la composante originelle de la nation turque). La Chine aussi verra probablement le renversement de la Syrie comme une mise en évidence des menaces occidentales qui pèsent sur ses propres lignes de sécurité énergétique qui passent par l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Irak).
Enfin, les intérêts occidentaux se disputent depuis des siècles les ressources du Moyen-Orient – et c’est précisément ce qui se cache derrière la guerre d’aujourd’hui.
Est-il ou n’est-il pas favorable à la guerre ? C’est ce que les gens demandent à propos de Trump, puisqu’il a déjà indiqué que la domination énergétique serait une stratégie clé de son administration.
Les pays occidentaux sont lourdement endettés, leur marge de manœuvre budgétaire se réduit rapidement et les détenteurs d’obligations commencent à se mutiner. On assiste à une course pour trouver de nouvelles garanties pour les monnaies fiduciaires. C’était autrefois l’or ; depuis les années 1970, c’est le pétrole, mais le pétrodollar a vacillé. Les Anglo-Américains aimeraient bien récupérer le pétrole iranien – comme ils l’ont fait jusqu’aux années 1970 – pour le garantir et construire un nouveau système monétaire lié à la valeur réelle inhérente aux matières premières.
Mais Trump affirme vouloir « mettre fin aux guerres » et non les déclencher. Le remaniement de la carte géopolitique rend-il plus ou moins probable une entente mondiale entre l’Est et l’Ouest ?
Malgré tous les débats autour d’éventuels « accords » de Trump avec l’Iran et la Russie, il est probablement trop tôt pour dire s’ils se concrétiseront – ou pourront se concrétiser.
Apparemment, Trump doit d’abord conclure un « accord » intérieur avant de savoir s’il dispose des moyens nécessaires pour conclure des accords de politique étrangère.
Il semble que les structures dirigeantes (notamment l’élément « Never-Trump » au Sénat) accorderont à Trump une latitude considérable sur les nominations clés des départements et agences nationaux qui gèrent les affaires politiques et économiques américaines (ce qui est la principale préoccupation de Trump) – et permettront également une certaine discrétion sur, disons, les départements de « guerre » qui ont ciblé Trump au cours des dernières années, comme le FBI et le ministère de la Justice.
Le prétendu « accord » semble être que ses nominations devront encore être confirmées par le Sénat et devront globalement être « en phase » avec la politique étrangère inter-agences (notamment sur Israël).
Les hauts dignitaires de l’Inter-Agency auraient cependant insisté sur leur droit de veto sur les nominations touchant aux structures les plus profondes de la politique étrangère. Et c’est là que réside le nœud du problème.
Les Israéliens célèbrent généralement leurs « victoires ». Cette euphorie aura-t-elle un écho auprès des élites du monde des affaires américain ? Le Hezbollah est contenu, la Syrie est démilitarisée et l’Iran n’est pas à la frontière d’Israël. La menace qui pèse aujourd’hui sur Israël est d’un ordre qualitatif inférieur. Cela suffit-il en soi à apaiser les tensions ou à faire émerger des accords plus larges ? Beaucoup dépendra de la situation politique de Netanyahou. Si le Premier ministre sort relativement indemne de son procès pénal, devra-t-il prendre le grand « pari » d’une action militaire contre l’Iran, alors que la carte géopolitique s’est soudainement transformée ?